B.O.I. N° 124 du 20 JUILLET 2005
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
13 L-3-05
N° 124 du 20 JUILLET 2005
CONTROLE ET RECTIFICATIONS
POSSIBILITE POUR LES CONTRIBUABLES DE DEMANDER UNE PRISE DE POSITION FORMELLE
A L'ISSUE D'UNE VERIFICATION DE COMPTABILITE
(LPF articles L. 80 A et L. 80 B)
NOR : BUD L 05 00142 J
Bureau CF 1
PRESENTATION
Afin de renforcer la sécurité juridique des entreprises, la mise en oeuvre de la garantie du contribuable contre les changements de doctrine de l'administration prévue par les articles L. 80 A et L. 80 B du LPF a été étendue, sous certaines conditions, aux points examinés en cours de vérification de comptabilité et qui n'ont pas donné lieu à rectification. Après un bref rappel des principes régissant cette garantie, la présente instruction présente les modalités d'application du nouveau dispositif et sa portée. • |
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INTRODUCTION
1.Les articles L. 80 A, 1 er alinéa et L. 80 B du LPF disposent que l'administration ne peut procéder à des rectifications d'impositions antérieures lorsqu'il est établi que le contribuable s'est fondé sur une interprétation d'un texte fiscal formellement admise par l'administration ou lorsque celle-ci a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal.
CHAPITRE 1 :
L'APPLICATION DES DISPOSITIONS DES ARTICLES L. 80 A et L. 80 B DU LPF EN CONTROLE FISCAL
Les principes régissant les modalités d'application de la garantie contre les changements de doctrine de l'administration sont exposés dans la documentation administrative de base 13 L 1323 n os 6 et suivants.
En matière de contrôle, la prise de position était de fait limitée aux cas de rehaussements notifiés. Le nouveau dispositif élargit cette possibilité de prise de position formelle, sous certaines conditions, aux situations de droit ou de fait n'aboutissant pas à un rehaussement dans le cadre d'une vérification de comptabilité.
1. L'application actuelle de ces principes : prise de position en cas de rehaussement
2.L'article L. 80 A autorise le contribuable à se prévaloir d'une interprétation d'un texte fiscal donnée par l'administration. La prise de position invoquée doit être formalisée soit sur un support à caractère général, comme une instruction ou la documentation administrative de base, soit individuel, comme une réponse particulière.
3.L'article L. 80 B-1° étend cette garantie aux différends sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, lorsqu'il est démontré que l'appréciation faite par le contribuable de bonne foi a été antérieurement admise formellement par l'administration et que cette position concernait le contribuable lui-même.
4.Lors d'un contrôle fiscal, les propositions de rectification et les réponses aux observations des contribuables constituent des supports de prise de position, en vertu de l'une ou/et de l'autre de ces deux dispositions. Ainsi, les rehaussements proposés par le vérificateur, ceux qu'il maintient et ceux qu'il abandonne suite à l'acceptation expresse des arguments du contribuable, formalisent des prises de position qui engagent l'administration et qui continuent de l'engager tant qu'elles ne sont pas rapportées (dans les conditions exposées dans la documentation précitée).
5.L'obligation de formaliser la prise de position a pour conséquence de limiter la portée du principe. Ainsi, ne constituent pas une prise de position, ni l'absence de rectification à la suite d'une vérification, ni le silence gardé par l'administration sur les observations du contribuable.
Jurisprudence : l'absence de rectification suite à contrôle, l'abandon d'une rectification en l'absence de motivation expresse, ne constituent ni une interprétation formelle d'un texte fiscal, ni une prise de position formelle sur une situation de fait (CE 28 mai 2003, n° 237967, 8 e et 3 e s-s, SNC Celdran, RJF 03/05, n° 955, CE 24 février 1988, n° 65430, 7 e et 8 e s-s RJF 4/88, n° 389, CE 29 juin 1981 n° 14979, 8 e et 9 e s-s RJF 10/81 n° 891, CE 30 janvier 1974 n° 79712 et 79713, 7è et 8è s-s Dupont 1974, p. 160 ).
Ces principes juridiques conservent toute leur valeur et continuent de produire les mêmes effets.
2. Le nouveau dispositif : prise de position en l'absence de rehaussement
6.Afin de sécuriser juridiquement les entreprises et de les conforter dans leurs décisions de gestion, le nouveau dispositif leur offre la possibilité de solliciter une prise de position, sous certaines conditions, sur des sujets pour lesquels aucun rehaussement n'est proposé.
Les conditions dans lesquelles cette prise de position intervient sont similaires à celles applicables en cas de rehaussement. Ainsi :
- la prise de position sans rehaussement est formalisée par un agent qualifié pour engager l'administration ;
- elle ne peut intervenir qu'à la condition que le vérificateur ait examiné de manière suffisamment approfondie les éléments nécessaires à une appréciation complète et correcte de la situation ;
- elle engage l'administration à l'égard de l'entreprise qui l'a sollicitée, tant qu'elle n'est pas rapportée.
CHAPITRE 2 :
MODALITES D'APPLICATION
7.La mise en place de ce nouveau dispositif est sans incidence sur le déroulement du contrôle. Le vérificateur conduit les opérations dans les conditions habituelles et procède aux investigations qu'il estime nécessaires et utiles. Il apprécie seul les points à examiner dans la comptabilité.
Ainsi, le dispositif ne doit pas conduire le contribuable à demander en cours de contrôle au vérificateur d'expertiser un sujet dont il n'aurait pas prévu l'examen, afin de prendre position sur celui-ci.
1. La prise de position peut être sollicitée, en principe, sur les points examinés par le vérificateur
• Les impôts concernés
8.La prise de position peut concerner tous les impôts examinés au cours de la vérification de comptabilité.
• Les situations visées
9.Sont concernés les sujets qui font l'objet d'examen en cours de vérification et qui ne donnent pas lieu finalement à rectification. C'est au vérificateur qu'il appartient d'apprécier les points sur lesquels il peut prendre position.
• Cas particulier
10.D'une manière générale, tous les sujets susceptibles de faire l'objet d'une rectification par le vérificateur peuvent faire l'objet d'une prise de position en cas d'absence de rectifications.
Cependant, en raison de la spécificité des problématiques liées aux prix de transfert, les demandes portant sur ce sujet dont l'examen relève de la procédure d'accord préalable visée par le 7° de l'article L. 80 B du LPF, sont exclues du champ du dispositif.
En effet, cette procédure obéit à des règles particulières tenant à la compétence du service instructeur (bureau CF 3) et aux relations avec des autorités étrangères, incompatibles avec la prise de position formelle en cours de contrôle.
Si une demande de cette nature était néanmoins déposée, le contribuable serait invité à formuler sa demande dans le cadre et dans les conditions de la procédure de rescrit prévue par la loi.
2. La prise de position doit faire l'objet d'une demande écrite
• Le moment de la demande
11.La demande peut être formulée au cours de la vérification et en tout état de cause, avant l'envoi de la proposition de rectification.
Dans la pratique, la demande devrait être formulée au plus tard lors de la réunion de synthèse.
• La forme de la demande
12.La demande est formulée par écrit. Elle est en principe remise directement au vérificateur en cours de contrôle. Le vérificateur en accuse réception par la mention manuscrite " reçu en main propre le (date) " sur l'original du contribuable.
Elle peut être adressée par voie postale.
• Le contenu de la demande
13.Le champ de la demande doit être limité à un point ou, à titre exceptionnel, à quelques points précisément examinés par le vérificateur.
La demande doit être précise et ne laisser aucun doute quant au(x) point(s) sur le(s)quel(s) une prise de position formelle de l'administration est sollicitée. Elle doit clairement présenter la règle de droit appliquée, les éléments de fait ayant conduit l'entreprise à retenir la solution pour laquelle une confirmation est demandée et éventuellement les modalités de calcul appliquées.
Le cas échéant, l'entreprise sera invitée par courrier à compléter sa demande dans un délai de 30 jours.
3. La prise de position est formalisée
14.• La décision de prendre position
Le vérificateur apprécie le ou les points sur lesquels il peut engager l'administration, compte tenu des investigations effectuées.
A titre d'exemples, le vérificateur peut refuser de prendre position quand :
- il n'a pas examiné le sujet sur lequel porte la demande ou il ne l'a pas fait de manière suffisamment approfondie pour pouvoir prendre position formellement ;
- la question du contribuable est trop vague et celui-ci ne l'a pas complétée, malgré la demande qui lui a été faite ;
- la demande est détournée de son objet et ne traduit pas une réelle recherche de sécurité juridique : demandes systématiques sur tous les points vérifiés, demandes présentant des faits erronés ou tronqués...
La décision de refus est formalisée par écrit.
15.• La forme
La prise de position est notifiée par écrit sur une annexe jointe à la proposition de rectification (ou à l'avis d'absence de rectification), ou le cas échéant, par un courrier distinct.
16.• Le contenu
Afin de sécuriser le dispositif tant pour le contribuable que pour l'administration, la prise de position doit être :
- précise : le sujet traité doit être clairement identifié et décrit, et la période indiquée ;
- ciblée : à l'intérieur d'un thème donné, la prise de position doit être circonscrite au périmètre des constatations effectuées ;
- explicite : la prise de position doit être exprimée en termes clairs. Aucune ambiguïté ne doit subsister sur l'étendue de la prise de position.
CHAPITRE 3 :
PORTEE D'UNE POSITION PRISE EN COURS DE VERIFICATION
17.Aux termes des articles L. 80 A et L. 80 B du LPF, il ne sera procédé à aucun rehaussement fondé sur une interprétation différente de celle formalisée par la prise de position sur le point de droit ou de fait, aussi longtemps que la situation, les textes ou la doctrine administrative publiée n'ont subi de modification.
Un tel rehaussement pourrait toutefois être effectué à l'occasion de l'examen ultérieur du dossier, par exemple dans le cadre d'un contrôle sur pièces ou d'une nouvelle vérification, si le service constate que la position prise antérieurement n'est plus valide sur la nouvelle période examinée ou vérifiée.
18.La documentation de base 13 L 1323 précitée précise les conditions d'extinction de la garantie, s'agissant des décisions individuelles :
• La garantie prend fin dès la modification de la législation et/ou de la réglementation, ou de la doctrine sur laquelle était fondée la prise de position, sans qu'il soit nécessaire que cette modification soit signifiée individuellement et préalablement au contribuable. La nouvelle doctrine doit bien sûr, avoir fait l'objet de publication.
• La garantie cesse automatiquement dès que la situation de fait n'est plus identique à celle ayant fait l'objet de la prise de position.
Les raisons pour lesquelles les modifications constatées conduisent à rapporter la position ancienne et le cas échéant, à rectifier la situation à compter de la date du changement, doivent être explicitées dans la proposition de rectification.
• La garantie prend fin lorsque l'administration entend modifier l'appréciation antérieurement portée sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal, alors que ni la situation ni le texte n'ont été modifiés. Dans ce cas, l'appréciation antérieure est caduque à partir de la signification au contribuable que cette appréciation est rapportée.
La nouvelle position est signifiée et motivée par écrit (dans une proposition de rectification ou, le cas échéant, dans un courrier adressé en recommandé avec AR). A compter de la réception de ce courrier, la position prise antérieurement est rapportée. Aucune imposition supplémentaire concernant les déclarations souscrites antérieurement à la notification de la nouvelle position ne peut être mise en recouvrement.
CHAPITRE 4 :
ENTREE EN VIGUEUR
19.Les dispositions de la présente instruction sont applicables aux demandes présentées par les contribuables dès la parution de la présente instruction, y compris pour les contrôles en cours pour lesquels la dernière intervention n'a pas eu lieu.
Le Sous-directeur,
Jean-Louis GAUTIER