B.O.I. N° 53 DU 10 JUIN 2011
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
13 L-5-11
N° 53 DU 10 JUIN 2011
INSTRUCTION DU 30 MAI 2011
REGIME DE L'ARTICLE 155 A DU CGI - SOMMES PERCUES PAR UNE PERSONNE DOMICILIEE OU ETABLIE HORS DE FRANCE EN REMUNERATION DE SERVICES RENDUS PAR UNE PERSONNE DOMICILIEE OU ETABLIE EN FRANCE OU HORS DE FRANCE - DROIT COMMUNAUTAIRE - COMPATIBILITE DE L'ARTICLE 155 A DU CGI AVEC LES LIBERTES PROTEGEES PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE - ARRET DE LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE DOUAI
DU 14 DECEMBRE 2010, N° 08 DA 01103 - ... .
NOR : BCR Z 11 00030 J
Bureau JF-1A
PRESENTATION
Par un arrêt du 14 décembre 2010, n° 08 DA 01103, la Cour administrative d'appel de Douai a considéré que les dispositions de l'article 155 A du CGI étaient incompatibles avec les dispositions des articles du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services, dans le champ d'application desquelles entrent les requérants. La présente instruction a pour objet de préciser la portée de cet arrêt. • |
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A - DONNEES FACTUELLES
M. et Mme Jean-Claude ... , domiciliés en France, jusqu'au 30 avril 2003 et, depuis cette date, en Belgique, ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leurs déclarations de revenus sur les années 2002 et 2003.
A la suite de ce contrôle et d'une demande d'assistance administrative effectuée auprès des autorités belges, l'administration a constaté que M. ... , président du conseil d'administration de la société française Edisac, exploitant un réseau de magasins d'articles de maroquinerie dans le nord de la France et détenteur avec son épouse de la quasi-totalité des titres de la société anonyme de droit belge SADIM NV, avait apporté à cette dernière, le 26 novembre 2001, l'ensemble des titres qu'il détenait au sein de la société Edisac.
Par ailleurs, il a été constaté que ces deux sociétés, dirigées par M. ... , agissant en qualité de président du conseil d'administration de la société française Edisac et d'administrateur délégué de la SA SADIM NV, avaient conclu un contrat de collaboration le 31 mars 2002, conférant à l'intéressé une fonction de consultant au profit de la société française.
Aux termes de ce contrat, les fonctions de consultant de M. ... ont été rémunérées par la société française Edisac, directement au profit de la société de droit belge.
En application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, il a été considéré que les sommes versées par la société Edisac à la société SADIM NV constituaient des honoraires imposables en France entre les mains de M. ... à l'impôt sur le revenu au titre des années 2002 et 2003, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
M. et Mme ... ayant vainement contesté devant le directeur puis devant le tribunal administratif de Lille les impositions supplémentaires correspondantes, ont interjeté appel de ce jugement devant la Cour administrative d'appel de Douai, en invoquant l'incompatibilité des dispositions critiquées de l'article 155 A du CGI avec les dispositions du Traité sur l'Union européenne garantissant d'une part, le principe de liberté d'établissement (article 49 du Traité reprenant les stipulations de l'article 43 CE), d'autre part, le principe de libres prestations de services (article 56 du Traité reprenant les stipulations de l'article 49 CE).
Par un arrêt du 14 décembre 2010, n° 08 DA 01103, la Cour administrative d'appel de Douai, a déchargé les impositions en litige pour les motifs suivants.
B - ARRET DE LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE DOUAI
« […] Considérant que, par l'effet des dispositions rappelées ci-dessus du I de l'article 155 A du CGI, un prestataire de services domicilié ou établi en France, et se faisant rémunérer par l'intermédiaire d'une société qu'il contrôle, ne peut décider d'établir ou de transférer ladite société hors de France sans s'exposer à subir l'imposition entre ses mains, en France, des sommes versées à cette entité en contrepartie des services rendus dans ce pays, laquelle imposition s'ajoute à celle qui s'applique aux bénéfices de la société dans le pays d'établissement ; que le même prestataire, ayant établi la société qu'il contrôle hors de France, s'expose également au traitement fiscal décrit ci-dessus, s'il accomplit ses prestations sur le territoire français ; qu'ainsi, par la charge fiscale qu'elles menacent de faire peser sur eux, les dispositions précitées de l'article 155 A du CGI, dont c'est d'ailleurs l'objet, ont pour effet tant de dissuader les prestataires de services domiciliés en France d'établir ou de transférer hors de France le siège de la société qu'ils contrôlent, et par l'intermédiaire de laquelle ils se font rémunérer, que de rendre l'exercice de leurs activités sur le territoire français moins attrayant pour eux, lorsqu'ils se font rémunérer par l'intermédiaire d'une société qu'ils contrôlent, établie hors de France ; que les dispositions litigieuses, qui ne comportent aucune réserve quant aux opérations relevant du champ d'application du droit communautaire, sont ainsi de nature à entraver l'exercice tant de la liberté d'établissement que de la libre prestation de services au sein de l'Union européenne ;
Considérant, qu'à titre de justification de ces restrictions, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat se borne, dans le cadre de la présente instance, à évoquer l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale ; que cet objectif, qui, au sein de l'objectif plus vaste de préservation d'une répartition équilibrée du pouvoir d'imposition entre les Etats membres, vise spécifiquement les montages purement artificiels n'ayant d'autre objet que de contourner l'application de la loi fiscale nationale, figure au nombre des raisons impérieuses d'intérêt général qui sont, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, de nature à justifier une mesure nationale restreignant la liberté d'établissement ou la libre prestation de services, à condition toutefois que son application soit propre à garantir la réalisation de l'objectif ainsi poursuivi et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre ;
Considérant, à cet égard, que les dispositions précitées de l'article 155 A du CGI sont de nature, par leur effet dissuasif et par les mécanismes d'imposition qu'elles prévoient, à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi ; qu'elles s'appliquent, toutefois, de manière générale à tout contribuable domicilié ou établi en France et se faisant rémunérer par l'intermédiaire d'une société qu'il contrôle, établie hors de France, sans distinguer les hypothèses où cette situation correspondrait à un montage purement artificiel de celles où l'implantation hors de France de ladite société serait justifiée par des motifs légitimes, et sans permettre au contribuable de faire valoir de tels motifs pour échapper à l'imposition encourue ; qu'elles instaurent ainsi une présomption irréfragable d'évasion fiscale à l'encontre de l'ensemble des contribuables entrant dans les prévisions de la première hypothèse visée au I de l'article concerné ; que ceux-ci sont, en outre, imposés sur la totalité des sommes versées à la société qu'ils contrôlent, sans que l'administration n'ait à rapporter la preuve de l'appréhension desdites sommes et sans qu'ils puissent échapper à l'impôt en démontrant l'absence d'une telle appréhension ; que, dans ces conditions, les dispositions critiquées de l'article 155 A du CGI vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale qu'elles poursuivent ; que, dès lors, elles sont incompatibles avec les dispositions précitées du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services, dans le champ d'application desquelles entrent M. et M me X... ; qu'elles ne pouvaient ainsi fonder, légalement, les impositions mises à la charge des intéressés ; que, par suite, sans qu'il besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle concernant la compatibilité de l'article 155 A du CGI avec les dispositions des articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, M. et M me Y... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions qu'ils contestent ;…. »
C - PORTEE DE L'ARRET
L'administration ne s'est pas pourvue en cassation contre l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai du 14 décembre 2010, n° 08 DA 01103 - ... - pour des raisons tenant aux circonstances particulières de l'espèce.
Le Chef de Service
Jean-Pierre LIEB