B.O.I. N° 36 du 1er AVRIL 2009
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
13 K-4-09
N° 36 du 1er AVRIL 2009
PROCEDURE DE VISITE ET DE SAISIE
VOIES DE RECOURS
(LPF, ARTICLE L. 16 B)
NOR : BUD L 09 00028 J
Bureau CF 1
PRESENTATION
Dans une récente décision (CEDH 21 février 2008, 3è section, Req. 18497/03, X... et a c/France), la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) a reconnu la non-conformité du droit de visite et de saisie prévu à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales (LPF) au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. L'article 164 de la loi de modernisation de l'économie (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 publiée au journal officiel du 5 août 2008, page 12471) modifie en conséquence l'article L. 16 B du LPF de façon à renforcer les droits de la défense du contribuable et à assurer la conformité de ce dispositif, indispensable à la lutte contre la fraude, à la convention européenne. Ces dispositions ont adapté les voies de recours applicables à la procédure de visite et de saisie prévue à l'article L. 16 B du LPF tant en matière de contentieux de l'autorisation que sur le contentieux de l'exécution de cette procédure. Ces différents recours sont régis par les règles de la procédure civile de droit commun. Ainsi, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel territorialement compétente, dans un délai, non suspensif, de 15 jours. Le premier président de la cour d'appel connaît également des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Ce recours doit être formé dans un délai, non suspensif, de 15 jours. Des dispositions transitoires sont applicables aux procédures de visite et de saisie réalisées avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008. La présente instruction commente ces dispositions ainsi que leur dispositif d'application. Elle ne concerne pas les dispositions des articles L. 38 du LPF et 64 du code des douanes qui feront l'objet d'un commentaire par la direction générale des douanes et droits indirects. De la même façon, les modifications apportées à l'article L. 16 B du LPF apportées par l'article 54 de la loi de finances rectificative pour 2008 (loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008) feront l'objet d'une prochaine instruction.
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INTRODUCTION
1.L'article L 16 B du livre des procédures fiscales (LPF) prévoit que « lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. »
2.Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation est fondée. Le juge motive sa décision par les éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée.
3.En application du II de l'article L. 16 B du LPF dans sa version antérieure ici commentée, l'ordonnance du JLD n'était susceptible que d'un pourvoi en cassation , non suspensif.
4.Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées doit être dressé sur-le-champ par les agents de la DGFiP habilités. Ce document, et le cas échéant l'inventaire des pièces et documents saisis, sont signés par les agents des impôts, l'officier de police judiciaire (OPJ) et l'occupant des lieux (ou son représentant ou les deux témoins). Si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés.
5.Pour les contestations relatives au déroulement du droit de visite et de saisie , la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. com. 30/11/1999, « Bec Frères » rendu en matière de procédure économique, étendu à la procédure fiscale régie par l'article L. 16 B du LPF par l'arrêt Cass. com. du 18 avril 2000, « Asquini ») avait jugé que le juge ayant autorisé la visite pouvait connaître des éventuelles irrégularités entachant les opérations tant que ces dernières n'étaient pas achevées. Par la suite, le juge de l'impôt, soit le juge administratif compétent pour le contentieux relatif au redressement fiscal (engagé sur le fondement des documents saisis), était seul compétent pour se prononcer sur la régularité des opérations.
6.La Cour européenne des Droits de l'Homme a condamné les dispositions applicables à l'article L. 16 B du LPF sur le motif de sa contrariété avec l'article 6 § 1 de la Convention protégeant le droit à un procès équitable. En matière de visite domiciliaire, l'article 6 § 1 implique que les personnes concernées puissent obtenir un contrôle juridictionnel effectif – en fait comme en droit – de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement.
7.Ainsi, en ce qui concerne le contentieux de l'autorisation, le pourvoi en cassation contre l'ordonnance du JLD autorisant la visite, était une voie de recours insuffisante dès lors que la Cour de cassation, juge du droit, n'examine pas les éléments de fait fondant les ordonnances litigieuses qui ne peuvent donc être contestées au fond.
8.Par ailleurs, en ce qui concerne le contentieux de l'exécution, la CEDH a estimé que, lors de la visite elle-même, l'accès au juge était plus théorique qu'effectif. Elle a en outre relevé qu'en l'absence de redressement, les contribuables ayant fait l'objet d'une visite domiciliaire se trouvaient dans l'impossibilité de saisir le juge de l'impôt et étaient donc privés de voie de recours.
9.Le I de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 a adapté les voies de recours en matière de procédures de visite et de saisie afin de tenir compte des critiques de la CEDH et modifie en conséquence l'article L. 16 B du LPF.
CHAPITRE 1 :
LES NOUVELLES VOIES DE RECOURS
Section 1 :
Le recours contre l'ordonnance d'autorisation de la procédure de visite et de saisie
1. L'ordonnance du juge des libertés et de la détention
10.Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du JLD du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter.
11.L'ordonnance doit comporter l'adresse des lieux à visiter, et le nom et la qualité du fonctionnaire habilité à procéder aux opérations de visite comme de l'OPJ chargé d'assister aux opérations, ainsi que le délai et les voies de recours contre l'ordonnance. Le I de l'article 164 de la loi de modernisation de l'économie a en outre prévu que l'ordonnance devait comporter la mention de la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix.
12.La nouvelle rédaction de l'article L. 16 B du LPF dispose que l'exercice de cette faculté par le contribuable n'entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie.
13.Ainsi, si le contribuable n'arrive pas à joindre son conseil, cela n'entraîne aucune conséquence sur le déroulement et sur la validité de la procédure de visite et de saisie.
14.Il en va de même dans le cas où le conseil ne peut se rendre sur les lieux avant la fin de la visite.
15.S'agissant du rôle du conseil dans la conduite de la procédure de visite, à l'exception des cas où le contribuable désigne son conseil comme son représentant, celui-ci n'est pas l'interlocuteur de l'administration. Il ne peut que conseiller son client sans pouvoir intervenir dans la procédure puisqu'il n'est pas partie à l'affaire.
16.L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est exécutoire au seul vu de la minute, c'est-à-dire de la présentation de l'original de l'ordonnance du juge.
17.Elle est notifiée verbalement sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal relatant les modalités et le déroulement des opérations.
18.En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, elle est notifiée après la visite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis. A défaut de réception, il est procédé à la signification de l'ordonnance par acte d'huissier de justice.
2. Le recours contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention
19.L'ordonnance du JLD peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel territorialement compétente. Cet appel n'est pas suspensif.
• Les titulaires du droit de recours :
20.Les titulaires à titre principal du recours contre l'ordonnance du JLD (les appelants) sont exclusivement l'occupant des locaux visités (domicile ou le local professionnel du contribuable concerné ou tout autre lieu où les pièces et documents sont susceptibles d'êtres détenus) et l'auteur présumé des agissements dont la preuve est recherchée par la mise en œuvre de la procédure de visite et de saisie.
21.En effet, cet appel contre l'ordonnance du JLD institué par la loi du 4 août 2008 ne vise qu'à contrôler la légitimité de « l'atteinte au domicile » subie par les personnes visitées.
22.En sa qualité d'intimé, l'administration fiscale peut former un appel incident (article 548 du code de procédure civile(CPC)).
• La forme du recours :
23.Le contribuable fait appel de l'ordonnance du JLD par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour d'appel territorialement compétente (article 932 du CPC).
24.La déclaration d'appel ne peut se faire par télécopie.
25.Le greffier avise immédiatement la partie adverse de l'appel (article 936 du CPC). Il convoque les parties à l'audience prévue pour les débats, dès sa fixation et quinze jours au moins à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et leur adresse copie de cette convocation par lettre simple (article 937 du CPC).
• Le délai du recours :
26.La déclaration au greffe doit être formée dans le délai, non suspensif, de 15 jours, qui court à compter de la remise, de la réception ou de la signification de l'ordonnance du JLD.
27.Le délai de 15 jours n'est pas un délai franc, c'est-à-dire que si le point de départ n'est pas compté, en revanche, le jour de l'expiration est compris dans le délai.
28. Exemple : si l'ordonnance du JLD est remise (ou reçue ou signifiée, selon les cas) le 5 mai, le délai expire le 20 mai, le jour de la décision qui fait courir le délai ne comptant pas.
29.Si le dernier jour est un samedi, dimanche ou jour férié, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
30.Ainsi, dans l'exemple ci-avant, si le 20 est un samedi, le pourvoi peut être formé jusqu'au lundi 22 mai.
• Les modalités du recours :
31.En application de la nouvelle rédaction du L. 16 B du LPF, l'appel contre l'ordonnance du JLD ne nécessite pas le recours à un avoué de la part des parties.
32.Afin de garantir les droits de la défense et d'information du contribuable, le greffe du TGI doit transmettre sans délai le dossier de l'affaire au greffe de la cour d'appel où les parties peuvent le consulter.
• Le déroulement de l'audience
33.Le recours contre l'ordonnance du JLD est de la compétence du premier président de la cour d'appel. Ce dernier fixe la date d'audience.
34.Le magistrat chargé d'instruire l'affaire peut entendre les parties (article 940 du CPC).Il peut les inviter à fournir les explications qu'il estime nécessaires à la solution du litige, et les mettre en demeure de produire dans un délai qu'il détermine tous documents ou justifications propres à éclairer la Cour faute de quoi il peut passer outre et renvoyer l'affaire devant la chambre qui tirera toute conséquence de l'abstention de la partie ou de son refus.
35.La procédure est orale.
• L'ordonnance du premier président de la cour d'appel
36.Le premier président de la cour d'appel se trouve investi de plein droit de la connaissance du litige. Il statue de nouveau en fait et en droit (article 561 du CPC).
37.Il peut soit déclarer l'appel irrecevable comme irrégulier ou tardif, soit confirmer l'ordonnance du JLD attaquée, si l'appel n'est pas fondé, soit la réformer (modifier la décision du JLD, tout en retenant la même solution, changer la motivation ou rectifier les erreurs matérielles affectant l'ordonnance) ou l'annuler, en tout ou partie, dans la mesure où l'appel lui paraît fondé (article 542 du CPC).
3. Le pourvoi en cassation contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel
38.Le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité de la décision qu'il attaque à la règle de droit (article 604 du CPC).
39.Le pourvoi en cassation à l'encontre de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel, recours par voie extraordinaire, n'est pas suspensif (article 579 du CPC).
• Personnes pouvant former un pourvoi :
40.Il s'agit de toute partie qui y a intérêt (article 609 du CPC). Ainsi, les parties à l'instance figurant dans la décision attaquée peuvent se pourvoir en cassation contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel, à savoir l'occupant des locaux visités ou l'auteur présumé des agissements dont la preuve est recherchée par la mise en œuvre de la procédure de visite et de saisie, dès lors qu'ils ont fait appel de l'ordonnance du JLD et l'administration.