Date de début de publication du BOI : 09/10/1992
Identifiant juridique : 13A-2-92
Références du document :  13A-2-92

B.O.I. N° 194 du 9 octobre 1992


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

13 A-2-92

N° 194 du 9 octobre 1992

13 R.C./51

Instruction du 28 septembre 1992

Réglementations communes. Relations entre l'Administration et les usagers
Décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983

NOR BUD L 92 00 179 J

[D.G.I. - Bureaux IV B 4, C F 1, III B 3, III C 3, IVA 1, IV A 2, IV B 2, IV B 3 et IV C]

Le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 (J.O. du 3 décembre 1983, p. 3492) relatif à l'amélioration des relations entre l'Administration et les usagers, a été commenté par une instruction du 4 juin 1984 (B.O.D.G.I. 13-A-1-84).

Il apparaît aujourd'hui nécessaire d'actualiser ces commentaires pour tenir compte des modifications législatives et réglementaires postérieures et des apports de la jurisprudence.

Tel est l'objet de la présente instruction qui se substitue à celle du 4 juin 1984.


  A - ECONOMIE GENERALE DU DECRET DU 28 NOVEMBRE 1983


Le décret du 28 novembre 1983 vise à accorder des garanties aux administrés, à assurer plus de transparence et d'ouverture aux services administratifs. Il s'inscrit dans le cadre de la recherche de l'amélioration des relations avec le public dont les modalités doivent être recherchées même en l'absence d'obligations légales ou règlementaires.

Cependant, ce décret ne se substitue pas aux normes supérieures ou spécifiques en vigueur dans chaque matière, et, en particulier, ne déroge pas aux dispositions législatives du Livre des Procédures Fiscales.

Aussi, lorsque le législateur avait expressément prévu des règles propres aux procédures fiscales, en écartant notamment certains principes contenus dans le décret, ce dernier ne saurait déroger aux textes spéciaux ni modifier leur champ d'application.

De même, lorsqu'une disposition législative est venue préciser une procédure fiscale après l'entrée en vigueur du décret, cette norme supérieure s'applique dès sa publication et rend caduque la procédure prévue par le décret du 28 novembre 1983 qui n'avait vocation à s'appliquer que dans l'attente d'une législation spécifique.

Le décret comprend trois séries de dispositions :

1°- la première concerne les principes d'égalité devant la loi et de légalité (B) ;

2°- la seconde est relative à la procédure administrative non contentieuse (C) ;

3°- la troisième concerne le fonctionnement des organismes consultatifs placés auprès des autorités de l'Etat et de ses établissements publics administratifs (D).


  B - APPLICATION DES PRINCIPES D'EGALITE DEVANT LA LOI ET DE LEGALITE



  I. Faculté de se prévaloir des instructions administratives


L'article 1 er du décret dispose que tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues à l'article 9 de la loi du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements.

Au regard des règles applicables en matière fiscale, l'article 1 er du décret peut donc faire double emploi avec l'article L. 80 A du L.P.F. (2e alinéa) qui autorise déjà les contribuables à se prévaloir de l'interprétation d'un texte fiscal que l'Administration a fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées.

Toutefois le champ d'application du décret est à la fois plus large puisqu'il vise les procédures administratives et plus étroit puisque l'administré ne peut pas se prévaloir d'une interprétation contraire aux lois et règlements.

  1. L'instruction, directive ou circulaire doit avoir été publiée au « Bulletin Officiel des Impôts ».

L'article 1 er vise les instructions, directives ou circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 c'est-à-dire, comportant une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives et émanant de la Direction Générale des Impôts ou du Service de la Législation Fiscale et portant la dénomination « Bulletin officiel des Impôts » (article 1 er du décret n° 79-834 du 22 septembre 1979 et arrêté du 16 octobre 1980, cf. B.O.D.G.I. 13-1-1-81).

Les circulaires ou instructions émanant d'autres administrations, qui comportent des commentaires de la législation fiscale, ne sont donc pas visées par le décret.

De même, sont notamment exclues du champ d'application du décret :

- les notes et réponses ministérielles, lorsqu'elles ne sont pas publiées au « Bulletin Officiel des Impôts » (CAA PARIS 21 novembre 1991, n° 2836) 1  ;

- la documentation de base laquelle ne correspond pas à la définition d'un « Bulletin Officiel » 2 .

La circulaire ou l'instruction qui peut être invoquée est celle qui est en vigueur :

- à la date du fait générateur juridique de l'imposition lorsqu'elle contient une interprétation d'un texte fiscal (C.E. 18 mars 1988, n° 73 693. Plénière) ;

- à la date de la notification de la décision ou de l'acte auquel elle s'applique lorsqu'elle contient une description d'une procédure administrative.

Il est rappelé à cet égard que la doctrine administrative ne peut être invoquée pour une période antérieure à son entrée en vigueur et que la précision de son application aux litiges en cours constitue une recommandation (C.E. 27 mai 1987, n° 60 053).

  2. L'instruction ou la circulaire doit avoir fait l'objet d'une diffusion destinée aux contribuables.

Par un arrêt de Section rendu en cassation le 5 juillet 1991 (req. n° 107 258, B.O.I. 13-L-7-91), le Conseil d'Etat a jugé que les documents internes à l'Administration qui n'ont pas fait l'objet d'une diffusion destinée aux contribuables, ne peuvent être regardés comme comportant une interprétation formelle d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du L.P.F.

Cette décision est fondée sur l'idée que seuls les documents que l'Administration a eu l'intention de porter à la connaissance des contribuables peuvent être invoqués par ceux-ci.

Ce principe exclut donc du champ d'application de l'article 1 er du décret du 28 novembre 1983 les publications destinées aux seuls agents du service, notamment les notes de diffusion administrative et celles commentant l'organisation ou la conduite et l'orientation pratique de l'action administrative.

  3. L'instruction ou la circulaire, ne doit pas être « contraire aux lois et règlements ».

Aux termes mêmes du décret, la possibilité d'invoquer des instructions, directives et circulaires est limitée à celles qui « ne sont pas contraires aux lois et règlements ».

Cette formule englobe les principes généraux du droit ou ayant valeur constitutionnelle ainsi que les normes supérieures internationales résultant notamment du droit communutaire.

Selon la jurisprudence, sont « contraires à la loi », non seulement les instructions qui auraient pour effet de restreindre le champ d'application d'une disposition législative ou règlementaire, mais également celles qui, à titre d'interprétation d'une disposition ou par mesure de bienveillance, modifieraient ou étendraient le champ d'application strict de la norme législative ou réglementaire ou encore, feraient obstacle à l'application de cette norme.

La notion d'instruction « contraire à la loi » est donc plus large et ne se confond pas avec l'illégalité.

Il a ainsi été jugé qu'étaient « contraires à la loi » :

- une instruction qui préconise de ne pas rejeter comme irrecevable une réclamation non signée et qui ferait ainsi obstacle à l'irrecevabilité prévue par la loi (irrecevabilité prévue par l'article R* 197-3 du L.P.F. dans sa rédaction antérieure au décret n° 85-1049 du 26 septembre 1985) [CE. 16 juin 1986, n° 49 301 et C.E. 27 juillet 1988, n° 67 1681 ;

- une instruction par laquelle l'Administration invite ses agents à limiter leur droit de compensation devant les juges et qui serait, en conséquence, contraire à l'article 1955 du C.G.I. (actuellement art. L. 203 du L.P.F.) [C.E. 4 novembre 1988, n° 61 185] ;

- une instruction qui admet qu'une demande de rattachement d'un enfant majeur puisse être faite après expiration du délai de déclaration, cette faculté étant contraire à l'article 6-2 bis 2° du C.G.I. [CE. 18 novembre 1988. n° 74 383 et C.A.A. LYON 28 novembre 1990, n° 857].

- une instruction qui préconise la motivation de l'intérêt de retard, alors que celui-ci ne constitue pas une sanction [cf. B.O.I. 13-L-5-91 et arrêts C.A.A. PARIS 31 janvier 1991, n° 2 797, 19 février 1991, n° 2 537 et 18 juillet 1991, n° 2 247] ;

- une instruction qui recommande d'adresser une mise en demeure avant taxation d'office en matière de T.V.A. (C.A.A. BORDEAUX, 13 juin 1991, n° 364) ;

- la note n° 442 du 23 mars 1928 et l'instruction 13-L-12-75 du 3 novembre 1975 qui sont illégales dans la mesure où elles ont pour objet d'interdire des redressements en matière de T.V.A. à l'encontre des contribuables qui entrent dans les cas de figure qu'elles décrivent (C.A.A. PARIS, 24 décembre 1991, n° 342) ;

- l'instruction du 18 juin 1976 [B.O.D.G.I. 13-L-9-76] concernant l'interlocuteur départemental dès lors qu'elle institue une procédure non prévue par le Livre des Procédures Fiscales et qu'en outre, son auteur n'avait pas compétence pour l'instituer [C.A.A. PARIS, 9 avril 1992, n° 480 et CAA PARIS, 16 juin 1992, n° 963].

- l'instruction du 4 mai 1987 [B.O.I. 13-L-2-87] en ce qu'elle fixe l'entrée en vigueur du nouveau délai de reprise institué par la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 non pas, comme le prévoit la loi, en fonction de la date d'envoi ou de remise de l'avis de vérification mais en fonction de la date de la première intervention [C.A.A. BORDEAUX, 15 février 1991, n° 1 464].

- l'instruction du 4 juin 1984 commentant le décret du 28 novembre 1983, dans la mesure où elle fait entrer dans le champ d'application de l'article 8 du décret, les notifications d'imposition d'office, alors que les articles L. 76 et L. 76 A du Livre des Procédures Fiscales écartent expressément le droit de présenter des observations avant l'engagement de la procédure contentieuse [C.A.A. Nantes 15 novembre 1989, n° 002 et C.E. C.A.P.C. 3 29 juin 1990, n° 112 907 ; C.A.A. PARIS 28 mars 1991, n° 2 414 et C.A.A. NANTES, 22 janvier 1992, n° 636].

Il y a donc lieu de considérer comme contraires à la loi et donc exclues du champ d'application de l'article 1 er du décret du 28 novembre 1983 :

- les instructions, directives ou circulaires qui édicteraient des dispositions restreignant le champ d'application d'une disposition législative ou réglementaire. Selon une jurisprudence constante, de telles instructions ont d'ailleurs un caractère réglementaire et sont illégales ;

- les instructions, directives ou circulaires qui édictent des mesures de bienveillance ou de tempérament ;

- les instructions, directives ou circulaires qui organisent ou commentent des procédures administratives qui ne trouvent leur origine dans aucun texte législatif ou règlementaire.

- les recommandations de l'Administration ;

- les directives d'ordre interne et les mesures d'exécution du service qui n'ont pas pour objet de régler les rapports entre l'Administration et les contribuables.

Ces instructions, directives ou circulaires ne peuvent être invoquées sur le fondement de l'article 1 er du décret du 28 novembre 1983.

En revanche, lorsqu'elles peuvent être considérées comme contenant une interprétation formelle d'un texte fiscal, même contraire à la loi, ces instructions peuvent être invoquées sur le fondement de l'article L. 80 A du L.P.F.

Il est rappelé que cet article ne permet pas d'invoquer les instructions commentant ou interprétant les règles de procédure ou la doctrine administrative elle-même (C.E. 24 juin 1987, n° 48 158, Plénière). Il ne concerne pas, non plus, les documents internes à l'Administration qui n'ont pas fait l'objet d'une diffusion destinée aux contribuables [C.E. 5 juillet 1991, n° 107 258, Section].

Par ailleurs, une instruction contraire à la loi ne peut donner une base légale à l'impôt, même si dans certains cas, les contribuables peuvent l'invoquer sur le fondement de l'article L. 80 A du L.P.F. (C.E. 12 juin 1987, n° 41 369 ; C.E. 7 octobre 1987, n° 66 210 ; C.E. 30 novembre 1988, n° 54 327).

  4. L'instruction ou la circulaire ne peut être invoquée que par un contribuable « intéressé ».

Le contribuable doit être intéressé c'est-à-dire être directement concerné par les dispositions de l'instruction dont il se prévaut.

Ainsi, un contribuable n'est pas recevable à invoquer une instruction qui prévoit que la réponse à une demande de justifications effectuée sur le fondement de l'article L. 16 du L.P.F. qui contient des éléments chiffrés vérifiables ne peut être assimilée à un défaut de réponse (BODGI 13-L-4-75), lorsque, pour sa part, il n'a fourni aucun élément chiffré vérifiable [C.A.A. PARIS 29 janvier 1991, n° 464].

Il ne peut non plus invoquer une instruction relative à la procédure contradictoire lorsqu'il se trouve en situation de taxation d'office [C.A.A. PARIS, 20 avril 1991, n° 1 869] 4 .

Remarque importante

Lorsqu'une recommandation sur un texte fiscal ou une règle de procédure est prévue par l'Administration, celle-ci vise à améliorer l'application des textes et les relations avec les contribuables. Elle doit donc être respectée par les agents chargés d'appliquer ces dispositions.

Mais en aucun cas, cette mesure, et c'est le sens de la jurisprudence citée ci-dessus, ne peut être invoquée sur le fondement du décret du 28 novembre 1983, pour faire échec au bon déroulement des procédures de contrôle telles qu'elles sont définies par le législateur ou pour obtenir, au contentieux, le dégrèvement d'impositions légalement établies.


  II. Conséquences de l'illégalité d'une disposition réglementaire


L'article 2 du décret du 28 novembre 1983 prévoit que, lorsqu'une décision juridictionnelle devenue définitive émanant des tribunaux administratifs ou du Conseil d'Etat a prononcé l'annulation d'un acte non

réglementaire par un motif tiré de l'illégalité du règlement dont cet acte fait application, l'autorité compétente est tenue, nonobstant l'expiration des délais de recours, de faire droit à toute demande ayant un objet identique et fondée sur le même motif lorsque l'acte concerné n'a pas créé de droits au profit des tiers.

Cette disposition ne trouve plus à s'appliquer en matière fiscale depuis l'entrée en vigueur de l'article 36 de la loi n° 89-936 du 29 décembre 1989, codifié aux 2e et 3e alinéas de l'article L. 190 du L.P.F. (B.O.I. 13-0-2-90).

Il résulte en effet de cet article, que les actions tendant à la réduction ou à la décharge d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, relèvent des règles propres du contentieux fiscal même lorsqu'elles sont fondées sur la non-conformité ou l'illégalité d'une règle de droit par rapport à une règle de droit supérieure.

Désormais, lorsque l'illégalité d'une règle de droit est révélée par une décision juridictionnelle, le délai de recours dont disposent les contribuables pour présenter leur réclamation est décompté à partir de l'événement motivant la demande (la décision de justice révélant l'illégalité). Il expire dans les conditions fixées par l'article R* 196-1-c du L.P.F.

La demande ne peut porter que sur la période postérieure au 1 er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant l'illégalité est intervenue.