Date de début de publication du BOI : 23/08/1999
Identifiant juridique : 12C-3-99 
Références du document :  12C-3-99 
Annotations :  Lié au Rescrit N°2006/29

B.O.I. N° 156 du 23 AOÛT 1999


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

12 C-3-99  

N° 156 du 23 AOÛT 1999

12 R/9

INSTRUCTION DU 10 AOÛT 1999

SOLIDARITE DU DONNEUR D'ORDRE POUR LE PAIEMENT DE LA TVA. COMMENTAIRE DE L'ARTICLE 83 DE LA LOI
DE FINANCES POUR 1998 (n° 97-1269 DU 30 DECEMBRE 1997 - JO DU 31 DECEMBRE 1997 p. 19261).

NOR : ECO L 99 00154 J

[Bureaux R 2 CF 1 et J 1]



PRESENTATION GENERALE


L'article 83 de la loi de finances pour 1998 a complété l'article 283 du Code général des impôts relatif aux redevables de la taxe sur la valeur ajoutée en instituant, dans le cadre d'opérations de façon et sous certaines conditions, une solidarité au paiement de la taxe pour les donneurs d'ordre.

Cette instruction a pour objet de commenter les modalités de mise en oeuvre de cette disposition.


SOMMAIRE

  I. Champ d'application
 
3 à 5
    1. L'activité de travail à façon
 
3 et 4
    2. Portée de la mesure
 
5
  II. Conditions d'application
 
6 à 19
    1. Dépendance économique directe ou indirecte du façonnier
 
6 à 9
      a. Principe
 
6 à 8
      b. Conséquences pratiques
 
9
    2. Connaissance par le donneur d'ordre du non-respect des obligations fiscales du façonnier
 
10 à 19
  III. Mise en oeuvre de la solidarité financière
 
20 à 35
    1. Mise en cause du donneur d'ordre
 
23 à 27
    2. Action en recouvrement
 
28 à 30
    3. Contentieux
 
31 à 35

1.L'article 283 du CGI est complété par un alinéa 5 ainsi rédigé

« Pour les opérations de façon, lorsque le façonnier réalise directement ou indirectement plus de 50 % de son chiffre d'affaires avec un même donneur d'ordre, ce dernier est solidairement tenu au paiement de la taxe à raison des opérations qu'ils ont réalisées ensemble. Le pourcentage de 50 % s'apprécie pour chaque déclaration mensuelle ou trimestrielle.

Toutefois ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le donneur d'ordre établit qu'il n'a pas eu connaissance du non-respect par le façonnier de ses obligations fiscales ».

2.Cette mesure, qui s'inscrit dans le cadre du plan de lutte contre la fraude fiscale dans les domaines d'activités du travail à façon (notamment secteurs du textile, du bâtiment, de la production alimentaire ou travaux d'étude) a pour objectif de mettre en cause la responsabilité solidaire des donneurs d'ordre dans le recouvrement des créances du Trésor public, en raison du lien de dépendance économique existant entre le façonnier et le donneur d'ordre.

Elle complète, sous un angle différent, le dispositif existant relatif à la lutte contre le travail dissimulé institué par l'article 1724 quater du CGI.


  I. Champ d'application


  1. L'activité de travail à façon

3.La délivrance d'un travail à façon est définie comme « la remise à son client par l'entrepreneur de l'ouvrage d'un bien meuble qu'il a fabriqué ou assemblé au moyen de matières ou d'objets que le client lui a confiés à cette fin, que l'entrepreneur ait fourni ou non une partie des matériaux utilisés ».

4.Il n'y a de travail à façon que lorsque les conditions suivantes sont réunies :

- le façonnier ne doit pas devenir propriétaire des produits qui lui sont confiés ;

- la valeur des marchandises complémentaires qu'il apporte doit être inférieure à celles des matières confiées par le donneur d'ordre augmentée du coût de l'intervention ;

- il doit y avoir restitution à l'identique des matières fournies par le donneur d'ordre ou sous certaines conditions et entre assujettis seulement, restitution à l'équivalent ;

- à partir des matériaux mis en oeuvre, un produit nouveau est réalisé.

  2. Portée de la mesure

5.La solidarité prévue par le texte ne concerne que la TVA exigible au titre des opérations réalisées par le façonnier avec le donneur d'ordre solidaire.

Elle ne s'étend pas à l'ensemble des dettes fiscales du façonnier ni à la TVA impayée antérieurement aux opérations en cause.


  II. Conditions d'application


  1. Dépendance économique directe ou indirecte du façonnier

a. Principe

6.La solidarité prévue par le texte vise les cas où le façonnier réalise directement ou indirectement, au titre d'une période considérée, au moins 50 % de son chiffre d'affaires avec le même donneur d'ordre.

7.Ce principe a pour objet d'appréhender les situations dans lesquelles le donneur d'ordre contrôle l'activité du façonnier par l'influence économique qu'il exerce sur ce dernier. Il justifie la mesure instituant une solidarité au paiement entre deux acteurs économiques fortement dépendants.

La notion de réalisation indirecte du chiffre d'affaires conceme les cas dans lesquels le façonnier sous-traite la réalisation de tout ou partie du marché passé avec le donneur d'ordre.

8.Le pourcentage de 50 % de chiffre d'affaires réalisé avec le même donneur d'ordre s'apprécie pour chaque déclaration mensuelle ou trimestrielle, ce qui signifie qu'il doit être déterminé à partir des factures encaissées au titre de chaque période considérée (ou des factures établies en cas d'option pour le paiement d'après les débits). Il ne peut donc être établi à partir de simples devis ou bons de commande.

A titre de règle pratique, en cas de régime simplifié d'imposition entraînant le dépôt d'une déclaration annuelle, le pourcentage de 50% sera apprécié au vu de cette déclaration.

b. Conséquences pratiques

9.L'appréciation du pourcentage devra être établie lors du contrôle fiscal externe de l'activité du façonnier.

Le service vérificateur déterminera ainsi, par déclaration, le caractère majoritaire des travaux à façon réalisés pour un même donneur d'ordre.

  2. Connaissance par le donneur d'ordre du non-respect des obligations fiscales du façonnier

10.Par obligations fiscales, il faut entendre les obligations déclaratives en matière de TVA et le paiement de la taxe correspondante (art. 287 et 1692 du CGI).

11.Le texte précise que la solidarité n'est pas applicable si le donneur d'ordre établit qu'il n'a pas eu connaissance du non-respect par le façonnier de ses obligations fiscales.

La charge de la preuve incombe donc en principe au donneur d'ordre.

12.Ce dispositif a notamment pour but d'amener le client donneur d'ordre à faire preuve d'une extrême vigilance dans le choix du professionnel à qui il confie la réalisation du travail à façon, et à ne contracter qu'avec des personnes respectant leurs obligations fiscales, afin de ne pas avoir à supporter la charge de la solidarité financière.

13.La défaillance doit concerner les obligations fiscales afférentes à la période au titre de laquelle le donneur d'ordre et le façonnier ont réalisé des opérations ensemble.

Le donneur d'ordre pourra cependant s'exonérer de la solidarité dans les conditions suivantes :

14.Lors de la conclusion du contrat puis à chaque échéance annuelle lorsque la durée de celui-ci est supérieure à un an, il devra exiger du façonnier une attestation délivrée par la recette des impôts dont il dépend.

Ce document, qui sera établi à la demande du façonnier lui-même, attestera du respect de ses obligations déclaratives et du paiement de la TVA due au Trésor.

15.Un double de l'attestation sera transmis par le receveur au centre des impôts et conservé dans le dossier professionnel du façonnier.

Une copie de cette attestation devra être fournie par le donneur d'ordre en cas de demande du service, notamment dans le cadre d'un contrôle fiscal.

16.Si, à l'occasion du contrôle fiscal portant sur l'activité du façonnier les opérations de vérification aboutissent à des rappels d'imposition en matière de TVA, l'agent vérificateur est tenu d'informer parallèlement le donneur d'ordre avec lequel le façonnier réalise plus de 50 % du chiffre d'affaires au titre de la période considérée que sa solidarité financière est susceptible d'être mise en oeuvre.

17.Cette information s'effectue par lettre recommandée avec accusé de réception.

18.Dans les trente jours de la réception, le donneur d'ordre doit foumir l'attestation qui lui a été délivrée par le façonnier (cf. ci-dessus).

A défaut, le donneur d'ordre peut être tenu au paiement solidaire prévu par le texte.

19.La défaillance du donneur d'ordre pourra être constatée soit à l'occasion d'un contrôle fiscal soit dans le cadre de l'exercice du droit de communication. Elle donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal par l'agent des impôts habilité à engager ces procédures.


  III. Mise en oeuvre de la solidarité financière


20.La solidarité du donneur d'ordre ne peut être mise en oeuvre par les comptables chargés du recouvrement qu'à partir des éléments constatés par les services de contrôle.

21.A cet effet, ces derniers adressent aux comptables, lors de la transmission des documents de prise en charge de la créance contre le façonnier, toutes les informations utiles sur l'identité de la personne solidaire et sur les montants concernés par la solidarité, ainsi que la référence au texte légal en vertu duquel la solidarité peut être mise en oeuvre.

22.Ils transmettent également la copie des pièces de la procédure qu'ils ont suivie à l'encontre du donneur d'ordre et établissant l'absence de présentation par ce dernier de l'attestation qui l'aurait exonéré de sa solidarité financière.

  1. Mise en cause du donneur d'ordre

23.Les modalités de mise en oeuvre de la solidarité du donneur d'ordre pour le paiement de la TVA s'effectuent selon les principes généraux de mise en cause des redevables solidaires.

24.Dès lors qu'il est tenu à la même dette, il n'est pas nécessaire de renouveler auprès du donneur d'ordre la notification des actes de la procédure de redressement et de l'avis de mise en recouvrement adressés au redevable légal, c'est-à-dire au façonnier.

25.A la suite de l'authentification de la dette fiscale du façonnier au moyen d'un avis de mise en recouvrement, le donneur d'ordre peut être mis en cause par voie de mise en demeure, procédant de l'AMR adressé au redevable principal.

26.Cette mise en demeure fera en outre mention du fondement légal de la solidarité (art. 283-5 du CGI) et précisera le montant des impositions au titre desquelles la solidarité est mise en oeuvre.

27.Le texte n'ayant institué aucun principe de subsidiarité, la créance fiscale peut être réclamée en paiement auprès de l'un ou l'autre des débiteurs, redevable principal ou solidaire.

  2. Action en recouvrement

28.Une mise en demeure dûment motivée faisant référence à l'avis de mise en recouvrement notifié au façonnier devra être adressée au donneur d'ordre préalablement à l'engagement des poursuites exercées à son encontre.

29.En l'absence de novation, la créance mise à la charge du redevable solidaire conserve sa nature fiscale.

Les comptables disposent donc à l'encontre du donneur d'ordre solidaire de tous les moyens d'action et toutes les garanties attachés au recouvrement des créances fiscales.

30.Les voies d'exécution forcée doivent être engagées après l'expiration d'un délai de vingt jours à compter de la mise en demeure.

  3. Contentieux

31.Il résulte de la jurisprudence que le débiteur solidaire de l'impôt bénéficie des mêmes droits que le débiteur principal.

32.Il a donc notamment la possibilité de contester la régularité ou le bien-fondé de la procédure d'imposition suivie contre le redevable principal.

A cette fin, il peut se faire délivrer une copie de l'avis de mise en recouvrement authentifiant la créance fiscale.

33.La contestation relève du contentieux de l'assiette ou du contentieux du recouvrement selon la nature des motifs invoqués par l'intéressé.

34.Il y a lieu de considérer que, lorsque la contestation porte sur le bien-fondé ou l'existence de la créance initiale, la détermination du pourcentage qui fonde le lien de dépendance entre façonnier et donneur d'ordre, les éléments établissant la connaissance par le donneur d'ordre du non-respect des obligations fiscales du façonnier, le litige relève des règles, délais et voies de recours du contentieux de l'assiette, soumis à l'appréciation du juge de l'impôt.

35.En revanche, si la contestation vise la régularité des poursuites ou de la mise en demeure initiale, le litige relève des principes applicables au contentieux du recouvrement.

L'Administrateur Civil Chargé de la Sous-Direction

Gérard BOURIANE