B.O.I. N° 37 du 23 février 1993
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
10 D-2-93
N° 37 du 23 février 1993
10 P.F./3 (D 4)
Instruction du 10 février 1993
Le droit de la publicité foncière. Les privilèges et les hypothèques
Les inscriptions. Règles spécifiques aux hypothèques judiciaires conservatoires. Loi n° 91-650
du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution. Décret d'application
n° 92-755 du 31 juillet 1992
[D.G.I. - Bureau IIIA2]
La loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 (J.O. du 14 juillet 1991, p. 9228) portant réforme des procédures civiles d'exécution a eu notamment pour effet de modifier les règles applicables aux mesures conservatoires et, plus particulièrement, celles qui gouvernent les sûretés judiciaires. Corrélativement, elle abroge les articles 48 à 57 du code de procédure civile (ancien) (cf. annexe I).
Le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 (J.O. du 5 août 1992, p. 10530) fixe les conditions d'application de la loi. Il précise à cet effet les conditions de validité et les modalités de publicité provisoire ou définitive de l'hypothèque judiciaire (cf. annexe II).
La présente instruction, dont les orientations ont recueilli l'approbation de la Chancellerie, a pour objet de présenter, d'une part les caractéristiques générales du nouveau régime de l'hypothèque judiciaire conservatoire et, d'autre part, de préciser ses incidences pratiques au regard de la publicité foncière.
I - ECONOMIE GENERALE DES NOUVELLES DISPOSITIONS
Il est rappelé que, sous le régime antérieur, l'inscription d'une hypothèque conservatoire était subordonnée dans tous les cas à une autorisation judiciaire [art. 54 du Code de procédure civile (ancien)].
L'une des modifications apportées par l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991 et le décret d'application de cette dernière consiste dans la possibilité offerte à tout créancier, muni de l'un des titres exécutoires prévus à l'article 3 de la loi, d'assurer la sauvegarde de ses droits, en constituant une hypothèque à titre conservatoire sur les immeubles de son débiteur sans autorisation préalable du juge.
L'autorisation du juge n'est pas davantage nécessaire lorsque le créancier se prévaut, en application de l'article 68 précité :
- d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire ;
- ou encore, en cas de défaut de paiement, d'une lettre de change acceptée, d'un billet à ordre, d'un chèque ou d'un loyer resté impayé dès lors qu'il résulte d'un contrat écrit de louage d'immeubles.
Dans les autres cas où la créance paraît fondée en son principe et si le créancier justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, l'autorisation du juge demeure nécessaire (art. 67 de la loi).
Remarque : Dans le cadre de la nouvelle législation, la publicité des sûretés judiciaires peut donc être opérée sur présentation d'un titre autre qu'un acte authentique. Dès lors, ces dispositions introduisent une dérogation à la règle de l'authenticité qui prévalait sous le régime antérieur.
II - L'HYPOTHEQUE JUDICIAIRE CONSERVATOIRE AU REGARD DE LA PUBLICITE FONCIERE
Sur présentation de l'autorisation du juge ou de l'un des titres énumérés à l'article 68 de la loi, le créancier peut prendre une sûreté judiciaire provisoire opposable aux tiers du jour de l'accomplissement des formalités de publicité. Cette publicité conserve la sûreté pendant trois ans à condition d'être confirmée par une publicité définitive dans les délais prévus par l'article 263 du décret.
1 - MODALITES DE L'INSCRIPTION
A - L'inscription provisoire
a - Délais d'inscription
Aucun délai n'est prévu lorsque l'hypothèque résulte d'un des titres énumérés à l'article 68 de la loi.
Dans les autres cas, aux termes de l'article 214 du décret d'application (cf. annexe II), le créancier dispose d'un délai de trois mois à compter de l'ordonnance du juge de l'exécution ou du Président du tribunal de commerce pour inscrire provisoirement l'hypothèque conservatoire. A défaut, l'autorisation est caduque.
Il est précisé qu'il appartient au conservateur des hypothèques de vérifier le respect du délai de trois mois. Il peut ainsi refuser d'inscrire l'hypothèque lorsque l'ordonnance d'autorisation est devenue caduque par suite de l'expiration du délai, l'inscription devant être alors considérée comme étant requise sans titre.
b - Titre et contenu des bordereaux (art. 250 et 251 du décret (cf. annexe II)
Pour effectuer l'inscription provisoire, aux termes de la nouvelle législation, le créancier doit représenter au conservateur des hypothèques :
- soit l'ordonnance du juge. Le juge compétent pour autoriser cette mesure est le juge de l'exécution. Toutefois, si la mesure tend à la conservation d'une créance commerciale elle peut être autorisée par le Président du tribunal de commerce (art. 211 du décret) ;
- soit le titre en vertu duquel la loi permet qu'une mesure conservatoire soit prise. Il s'agit des titres énumérés au articles 3 et 68 de la loi. A cet égard, lorsque le créancier se prévaut du défaut de paiement d'une lettre de change acceptée, d'un billet à ordre, d'un chèque ou d'un loyer resté impayé pour opérer l'inscription provisoire, il doit présenter au conservateur des hypothèques le titre délivré par l'huissier de justice constatant le non paiement. Dans le cas où la créance est représentée par des loyers restés impayés, l'acte d'huissier doit être accompagné d'une copie du contrat de louage d'immeubles.
Quant au titre constitué par un acte notarié d'affectation hypothécaire revêtu de la formule exécutoire, il est précisé qu'il n'y a pas lieu d'opposer un refus même si les immeubles désignés dans ce titre sont différents de ceux mentionnés dans le bordereau d'inscription provisoire.
A l'appui du titre, le créancier dépose deux bordereaux dont le contenu est fixé par l'article 251 du décret. Ce contenu est identique à celui prévu dans l'article 54 du code de procédure civile abrogé, à l'exception des énonciations relatives au titre qui désormais se traduisent par « L'indication de l'autorisation ou du titre en vertu duquel l'inscription est requise ».
Lorsque l'hypothèque est inscrite en vertu d'un titre visé au 6° de l'article 3 de la loi, le bordereau doit contenir, sous peine de rejet, les références du texte qualifiant ce titre d'exécutoire.
c - Effets de l'inscription provisoire
Comme sous le régime antérieur, l'inscription provisoire est valable trois ans. Elle peut être renouvelée dans la même forme et pour la même durée (art. 257 du décret).
L'inscription provisoire n'entraîne pas l'indisponibilité de l'immeuble grevé (art. 79 de la loi et 258 du décret).
Remarques : Après avoir requis l'inscription provisoire de l'hypothèque judiciaire conservatoire, le créancier doit sous peine de caducité de la sûreté :
- informer le débiteur par acte d'huissier de justice de l'exécution de la mesure conservatoire dans les huit jours qui suivent le dépôt des bordereaux au bureau des hypothèques (art. 255 du décret) ;
- introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire dans le mois qui suit l'inscription provisoire, lorsque cette dernière a été opérée sans titre exécutoire (art. 215 du décret).
En outre, en application de l'article 216, lorsque la mesure a été pratiquée entre les mains d'un tiers, le créancier doit signifier à ce dernier la copie des actes attestant les diligences requises par l'article 215 précité. A cet égard, il y a lieu de considérer que le conservateur des hypothèques ne peut être qualifié de tiers au sens de l'article 216.
B - L'inscription définitive
Comme sous le régime antérieur, la publicité provisoire valable trois ans doit être confirmée par une publicité définitive. A défaut de confirmation, la publicité provisoire est caduque et sa radiation peut être demandée au juge compétent conformément aux dispositions de l'article 265 du décret 1 .
a - Délais d'inscription
Pour effectuer l'inscription définitive, le créancier dispose d'un délai de deux mois qui court selon l'article 263 du décret :
« 1° Du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée ;
2° Si la procédure a été mise en oeuvre avec un titre exécutoire, du jour de l'expiration du délai d'un mois visé à l'article 256 2 ou, si une demande de mainlevée a été formée, du jour de la décision rejetant cette contestation ; toutefois, si le titre n'était exécutoire qu'à titre provisoire, le délai court comme il est dit au 1° ;
3° Si le caractère exécutoire du titre est subordonné à une procédure d'exéquatur, du jour où la décision qui l'accorde est passée en force de chose jugée.
Le créancier présente tout document attestant que ces conditions prévues ci-dessus sont remplies ».
b - Titre et contenu des bordereaux
Les formalités relatives à l'inscription définitive sont fixées par l'article 261 du décret.
L'inscription définitive est opérée conformément aux dispositions de l'article 2148 du code civil :
- sur présentation par le créancier du titre exécutoire qui constate ses droits ou d'une décision judiciaire passée en force de chose jugée. Doivent être également présentés les documents visés au dernier alinéa de l'article 263 du décret. Le défaut de production des pièces précitées est sanctionné par le refus de dépôt.
L'attention du service est appelée sur le fait qu'un créancier, déjà titulaire au moment de l'inscription provisoire d'un des titres exécutoires prévus à l'artile 3 de la loi, peut présenter ce même titre pour effectuer l'inscription définitive lorsque le débiteur n'a pas constesté le bien fondé de l'inscription provisoire dans le cadre de la signification visée au renvoi 2 supra.
- sur le dépôt de deux bordereaux d'inscription dont le contenu est conforme aux prescriptions de l'article 2148 du code civil.
c - Effet de l'inscription définitive
L'inscription définitive opérée dans les délais rétroagit à la date de la formalité de l'inscription initiale (art. 260 du décret).
2 - RADIATION DE L'INSCRIPTION PROVISOIRE
En application des dispositions de l'article 72 de la loi et des articles 217, 256, 259 et 265 du décret, le juge peut être amené à donner mainlevée de la publicité initiale (art. 260 du décret).
Il convient de distinguer deux cas :
a) Lorsque la contestation du débiteur porte sur les conditions de validité de la mesure conservatoire prévues par les articles 210 à 216 du décret, le juge compétent pour donner mainlevée est celui qui a autorisé la mesure : le juge de l'exécution ou le Président du tribunal de commerce (art. 218 du décret).
Lorsque l'hypothèque conservatoire a été constituée sans autorisation préalable du juge, la mainlevée peut être ordonnée soit par le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur, soit lorsque la mesure est fondée sur une créance commerciale et, avant tout procès, par le Président du tribunal de commerce de ce même lieu (art. 218 du décret).
b) Les autres contestations, notamment celles relatives à l'exécution de la mesure conservatoire (art. 256, 259 et 265 du décret) sont portées devant le juge de l'exécution du lieu où sont situés les biens grevés de l'hypothèque (art. 219 du décret).
Néanmoins, l'article 265 du décret apporte une précision : en cas d'extinction de l'instance introduite par le créancier ou si la demande est rejetée, le juge saisi au fond est compétent pour ordonner la radiation. A défaut, elle est ordonnée par le juge de l'exécution.
En dehors du cas prévu par l'article 265 du décret, la radiation de l'inscription provisoire est opérée sur présentation de la décision judiciaire sans qu'il soit besoin que celle-ci soit passée en force de chose jugée.
Les frais sont supportés par le créancier (art. 265 du décret).
3 - PERCEPTIONS
Aucune modification n'est apportée dans ce domaine par la nouvelle législation.
Ainsi, même dans le cas où l'hypothèque « provisoire » est opérée sans autorisation du juge, il y a lieu de la qualifier de « judiciaire » au sens de la loi. En conséquence, son inscription donne lieu à la perception de la taxe de publicité foncière au taux de 0,6 % sur la somme ou valeur énoncée au bordereau.
Quant à la perception des salaires, l'article 261 du décret rappelle le principe antérieur selon lequel il n'est dû qu'un seul salaire pour les deux inscriptions.
4 - ENTREE EN VIGUEUR
Les nouvelles dispositions sont applicables à compter du 1 er janvier 1993 (art. 97 de la loi du 9 juillet 1991 modifié par l'article 3 de la loi n° 92-644 du 13 juillet 1992, cf. annexe I).
Aux termes de l'article 97 précité, elles ne sont pas applicables « aux mesures conservatoires engagées » avant l'entrée en vigueur de la loi.
Dès lors et sous réserve de l'appréciation souveraine des juridictions, restent soumises aux dispositions du Code de procédure civile (ancien) et notamment à l'article 54 et suivants :
- les sûretés judiciaires conservatoires inscrites antérieurement au 1 er janvier 1993 ;
- les sûretés judiciaires conservatoires, non encore inscrites au 1 er janvier 1993, qui résultent soit d'une autorisation judiciaire préalable intervenue avant cette date, soit d'une autorisation judiciaire préalable intervenue après cette date mais qui se réfère aux dispositions du régime antérieur notamment aux articles 48 à 57 du Code de procédure civile (ancien).
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Les difficultés éventuelles rencontrées dans l'application des nouvelles dispositions seront portées à la connaissance de la Direction générale (Service des Opérations fiscales et foncières, Bureau III A 2).
Le Chef de Service,
J.L. ROBERT
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ANNEXE I
LOI n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution (J.O. du 14 juillet 1991, p. 9228) (Extrait)
L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Art. 1 er . - Tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard.
Tout créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits.
L'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution.
Art. 2. - Le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution. Art. 3.- Seuls constituent des titres exécutoires :
1° Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire ;
2° Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d'un recours suspensif d'exécution ;
3° Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
4° Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
5° Le titre délivré par l'huissier de justice en cas de non-paiement d'un chèque ;
6° Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement.
Art. 4.- La créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation.
CHAPITRE 1 er