B.O.I. N° 68 du 8 AVRIL 1998
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
7 G-6-98
N° 68 du 8 AVRIL 1998
7 E / 20 - G 2312
COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE. ARRÊT DU 17 OCTOBRE 1995 (BULL. IV, N° 240, p. 222).
MUTATIONS À TITRE GRATUIT - SUCCESSIONS - ASSIETTE
ÉVALUATION DES MEUBLES - MEUBLES MEUBLANTS -
OBJETS D'ART ET DE COLLECTION - TABLEAUX
(C.G.I. , art. 764)
[D.G.I. Bureau IVA 2 - S.L.F. Bureau B 2]
ANALYSE DE L'ARRET (texte reproduit en annexe) :
Fait une exacte application de la loi le jugement qui applique, pour qualifier un tableau de maître de meuble meublant, l'article 534 du Code civil auquel l'article 764-I-3° du C.G.I. renvoie en citant cette catégorie de biens sans en donner une définition spéciale.
OBSERVATIONS :
1.En l'espèce, la question à trancher par la Cour de cassation était de savoir si un tableau de maître devait être rangé dans la catégorie des meubles meublants visée au § 1-3° de l'article 764 du C.G.I., écartée en l'occurrence par le service (remise en cause du forfait de 5 %), ou bien dans celle des objets d'art ou de collection visée au § II du même article.
Pour qualifier le bien incriminé, la Haute Juridiction, sans prendre en considération la notoriété de l'auteur du tableau, s'est exclusivement référée à l'article 534 du Code civil, aux termes duquel :
« Les mots de meubles meublants ne comprennent que les meubles destinés à l'usage et à l'ornement des appartements ...
Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d'un appartement y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries et pièces particulières ... ».
Constatant qu'il n'était pas prétendu par le service que le de cujus ait possédé une collection de tableaux ou que le tableau litigieux n'ait pas orné son appartement, la Cour Suprême a entériné, en application du critère de destination du bien retenu par l'article 534 précité, la qualification de meuble meublant
2.A la lumière de cette jurisprudence, il apparaît que, pour la détermination du régime d'évaluation des tableaux, deux catégories doivent être distinguées :
a) les tableaux ayant le caractère de meubles meublants :
Définis par l'article 534 du Code civil (D.B. 7 G 2312, n° 13 ) comme étant destinés à l'ornement d'un appartement 1 , ces tableaux relèvent des règles prévues par l'article 764-I du C.G.I. ;
b) les tableaux ayant le caractère d'objets d'art ou de collection :
Il s'agit des tableaux :
- faisant partie d'une collection du de cujus et exposés dans une galerie ou une pièce particulière d'un appartement ;
- ou encore dont la nature correspond à la rubrique 97-01 du tarif extérieur commun utilisé pour l'assiette de la taxe forfaitaire sur les objets et métaux précieux (cf D.B. 13 K 327, n° 7 et 7 S 3431, n° 2 et 4 . « tableaux... faits entièrement à la main, c'est-à-dire des productions d'artistes peintres qu'elles soient anciennes ou modernes ») et qui, non visés par l'article 534 du Code civil, ne sont destinés ni à orner un appartement (meubles meublants) ni à être exposés (tableaux de collection) Entrent par exemple dans cette catégorie les tableaux conservés dans un coffre , ou simplement entreposés dans un appartement ou tout autre local.
Ces tableaux sont soumis aux dispositions de l'article 764-II du C.G.I.
3.Cela étant, il est rappelé que chacune des bases légales d'évaluation de l'article 764 du C.G.I., et plus spécialement le forfait de 5 % prévu au § 1-3°, est susceptible de céder devant la preuve contraire , celle-ci pouvant être fournie, soit par le redevable, soit par l'administration, dans les formes compatibles avec la procédure écrite.
En particulier, le fait que les tableaux de maître constituent des meubles meublants ne signifie pas pour autant qu'ils sont nécessairement inclus dans le forfait de 5 %. Si l'administration apporte la preuve que la valeur des meubles meublants, y compris les tableaux, dépasse le chiffre du forfait de 5 %, elle pourra écarter ce dernier (Com. 3 mai 1995, n° 815 D)
Pour apporter la preuve contraire prévue à l'article 764, peuvent notamment être utilisés à titre de présomptions :
- les énonciations de polices d'assurances ;
- les estimations contenues dans un inventaire, même s'il est irrégulier au regard des prescriptions de forme de l'article 943 du Code de procédure civile ;
- le prix d'acquisition à une date rapprochée de celle du décès (v. cependant, pour les ventes amiables : D.B. 7 G 2312, n° 20 , al. 1) ;
- la cote des oeuvres les plus connues telle qu'elle ressort d'ouvrages ou de revues spécialisées (Gazette de l'Hôtel Drouot, etc ...).
Annoter : 7 G 2312 , n° S 13, 20 et 21.
Le Chef de Service,
Bruno PARENT
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ANNEXE
Com. 17 octobre 1995, Bull. IV, n° 240, p. 222
« Attendu selon le jugement attaqué (Tribunal de grande instance de Paris, 4 novembre 1993), que le Directeur départemental des services fiscaux de Paris-Nord a notifié à M Perry X... un redressement des droits sur la succession de son père pour tenir compte d'une donation indirecte, par remise de dette, ainsi que de la valeur d'un tableau qu'il estimait devoir être comptée en dehors du forfait d'évaluation des meubles meublants ; que sa réclamation ayant été rejetée M X... l'a assigné en annulation de l'avis de mise en recouvrement et en décharge des droits réclamés.
. . . . . . . . .
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que le Directeur général des impôts reproche au jugement d'avoir déclaré fondée la réclamation de M. X... , en tenant le tableau de Poliakoff comme un meuble meublant, alors, selon le pourvoi, que le tableau litigieux, susceptible, selon l'article 534 du Code civil, d'être exposé dans des galeries ou dans des pièces particulières, ne constituait pas un meuble meublant ; qu'en outre, ce tableau correspondait à la définition donnée à l'article 71 A de l'annexe III du Code général des impôts, selon lequel les oeuvres d'art originales comprennent en premier lieu « les tableaux, peintures . entièrement exécutés de id main de l'artiste » ; que le tableau en cause relevait donc des dispositions de l'article 764-II du Code général des impôts, applicables aux oeuvres d'art ou de collection ; qu'ainsi le Tribunal a violé les textes précités ;
Mais attendu qu'ayant rappelé qu'aux termes de l'article 534 du Code civil, les meubles meublants sont ceux destinés à l'usage et à l'ornement des appartements, et comprennent les tableaux qui « font partie du meuble » d'un appartement, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans des galeries ou dans des pièces particulières, le jugement constate qu'il n'est pas prétendu que M. X... ait possédé une collection de tableaux ou que le tableau litigieux n'ait pas orné son appartement et retient que le tableau litigieux est un meuble meublant ; I qu'en appliquant ainsi, pour qualifier un « meuble meublant », le droit commun, auquel l'article 764-I-3° du Code général des impôts renvoie en citant cette catégorie de biens sans en donner une définition spéciale, le Tribunal a fait une exacte application de la loi ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen du pourvoi incident à laquelle le Directeur général des impôts a déclaré renoncer :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ».
1 Il faut, bien entendu, entendre par là l'ensemble des immeubles servant à l'habitation, y compris les maisons individuelles.