Date de début de publication du BOI : 23/02/2006
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 34 du 23 FÉVRIER 2006

  5. Suspension du cours du délai d'établissement des impositions

95.La demande d'ouverture d'une procédure amiable aux fins d'éliminer une double imposition, sur le fondement d'une convention fiscale bilatérale ou sur celui de la convention européenne d'arbitrage du 23 juillet 1990, demeure sans influence sur le déroulement de la procédure de contrôle qui se poursuit conformément aux règles de droit commun.

96.Lorsque la procédure amiable est ouverte au stade de la notification d'une proposition de rectification, les services diffèrent, en principe, la mise en recouvrement des impositions litigieuses jusqu'au terme de leur délai de prescription.

97.Lorsque la procédure amiable est ouverte après cette mise en recouvrement, le contribuable pouvait contester l'imposition, par voie contentieuse, afin de pouvoir bénéficier d'un sursis de paiement dans les conditions prévues par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.

98.Mais le comptable public était en droit de subordonner un tel sursis à la constitution de garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor.

99.Afin que le contribuable n'ait plus à supporter les conséquences d'une mise en recouvrement avant la fin de la procédure amiable, l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 2004 a inséré dans le livre des procédures fiscales un article L. 189 A ainsi rédigé : « Lorsqu'à la suite d'une proposition de rectification, une procédure amiable en vue d'éliminer la double imposition est ouverte sur le fondement d'une convention fiscale bilatérale ou de la Convention européenne 90/436/CEE relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées du 23 juillet 1990, le cours du délai d'établissement de l'imposition correspondante est suspendu de la date d'ouverture de la procédure amiable au terme du troisième mois qui suit la date de la notification au contribuable de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes. » Ce dispositif qui est applicable aux procédures amiables ouvertes à compter du 1 er janvier 2005 appelle les précisions suivantes.

a) Champ d'application de la mesure

100.La mesure de suspension prévue par l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales s'applique aux contribuables (personnes physiques, sociétés et établissements stables) et aux impositions concernées par une procédure amiable mise en oeuvre sur le fondement d'une convention fiscale bilatérale ou sur celui de la convention européenne du 23 juillet 1990 relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées.

101.Seules les rectifications conduisant à une double imposition et faisant l'objet d'une demande d'ouverture de procédure amiable sont concernées par la suspension du cours du délai d'établissement de l'imposition correspondante.

102.Par suite, le cours de ce délai n'est pas suspendu à l'égard des autres rehaussements mentionnés dans la même proposition de rectification.

b) Modalités d'application

103.La demande d'ouverture d'une procédure amiable peut être formulée par le contribuable dès réception d'une proposition de rectification. A la date de réception de la proposition de rectification, la prescription du droit de reprise de l'administration est interrompue à hauteur des rectifications en base proposées (LPF, art. L. 189).

104.L'interruption de la prescription a pour conséquence de faire courir, à compter de l'acte interruptif, un nouveau délai de même nature et de même durée que celui qui a été interrompu.

105.L'imposition supplémentaire consécutive aux rectifications proposées doit donc, en principe, être mise en recouvrement avant l'expiration de ce nouveau délai.

106.Cela étant, en cas d'ouverture d'une procédure amiable (cf. infra notion d'ouverture, point n°115), les dispositions de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales prévoient que le cours du délai d'établissement de l'imposition est suspendu jusqu'à l'expiration du délai de trois mois suivant la clôture de la procédure amiable (sur cette notion cf. infra point n°118).

107.Toutefois, la mise en recouvrement peut intervenir si la procédure amiable est clôturée au sens du point n° 118 de la présente instruction moins de trois mois avant l'expiration du délai de droit commun de prescription résultant des articles L. 169 et L. 189 déjà cités (voir exemple 1 ci-après).

108.Aucune suspension de la mise en recouvrement n'a lieu si l'autorité compétente saisie rejette la demande d'ouverture de la procédure amiable.

109.Enfin, il ne sera pas fait application de la mesure de suspension du cours du délai d'établissement de l'imposition où il sera mis fin à cette mesure dans tous les cas où les impositions concernées encourent un risque de non-recouvrement, du fait notamment d'un comportement frauduleux ou d'une liquidation judiciaire du contribuable, ainsi que dans l'hypothèse où une procédure amiable extrêmement longue conduirait à atteindre la fin du délai maximal de reprise prévu par l'article L186 du livre des procédures fiscales.

110.Bien entendu, la suspension prévue par l'article L. 189 A du livre précité ne saurait permettre à l'administration d'exercer son droit de reprise au-delà de ce délai.

111.Sous réserve des précisions des paragraphes 107 et 109, en cas de constitution d'une commission consultative dans le cadre de la convention européenne d'arbitrage du 23 juillet 1990, le bénéfice de la mesure de suspension du cours du délai d'établissement de l'imposition sera conservé jusqu'au terme du troisième mois qui suit la date de notification au contribuable de l'accord intervenu. Dans ce cas, cette date correspondra à la date de notification au contribuable de la décision issue de l'avis de la commission consultative ou de toute autre décision prise entre autorités compétentes et assurant une élimination de la double imposition.

c) Computation du délai de suspension

Point de départ de la suspension

112.Le cours du délai d'établissement de l'imposition est suspendu à compter de la date d'ouverture de la procédure amiable.

113.En France, l'autorité compétente pour ouvrir une telle procédure est le ministre délégué au budget ou son représentant autorisé.

114.Cette autorité, saisie, adressera au contribuable, dans le délai d'un mois, une lettre accusant réception de sa demande et l'informant de l'ouverture de la procédure amiable. Elle invitera le service à suspendre la mise en recouvrement de l'imposition en cause.

115.Lorsque la demande est présentée auprès de l'autorité compétente française, il y a lieu de considérer que la procédure amiable est ouverte à la date à laquelle cette autorité adresse au contribuable la lettre accusant réception de sa demande, mentionnée au point 114. Si postérieurement à cette date et pour toute raison, la procédure amiable n'est finalement pas ouverte avec l'autorité compétente étrangère, l'autorité compétente française en informera le contribuable en lui indiquant qu'il est mis fin à la mesure de suspension du recouvrement.

116.Lorsque la demande est présentée auprès de l'autorité compétente étrangère, il y a lieu de considérer que la procédure amiable est ouverte lorsque l'autorité compétente française a reçu la demande de l'autorité compétente étrangère et a accepté de donner suite à cette demande.

L'autorité compétente française informera l'autorité compétente étrangère et le contribuable de l'ouverture de la procédure amiable.

Terme de la suspension

117.A l'issue de la phase de discussion et de concertation dans le cadre de la procédure amiable, l'autorité compétente saisie notifie au contribuable la solution proposée d'un commun accord par les administrations fiscales des deux Etats et permettant une élimination de la double imposition ou, le cas échéant, le constat de désaccord marquant l'échec de la procédure amiable (cf. toutefois sur ce point le paragraphe 111 supra).

118.Au terme du troisième mois qui suit la date de réception de cette notification par le contribuable, le délai de mise en recouvrement recommence à courir pendant la durée qui subsistait au moment de sa suspension.

119.Il en résulte que dès la notification de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes, le service devra poursuivre jusqu'à son terme la procédure de rectification afférente au redressement visé par la procédure amiable.

Exemple 1

Une proposition de rectification, notifiée au contribuable le 1 er novembre 2004, n'entraîne que des rehaussements ayant déjà donné lieu à imposition dans un autre Etat. Celle-ci a pour effet d'interrompre la prescription, dans la limite du montant des rectifications en base proposées, à l'égard de l'impôt sur le revenu du contribuable de l'année 2001. Elle ouvre un nouveau délai de prescription jusqu'au 31 décembre 2007.

L'imposition supplémentaire établie à raison de ces rectifications devra donc, en principe, faire l'objet d'un rôle mis en recouvrement au plus tard le 31 décembre 2007, c'est à dire dans un délai de 3 ans et deux mois (LPF, art. L. 169).

Le contribuable sollicite auprès de l'autorité compétente française le 25 janvier 2005 l'ouverture de la procédure amiable avec l'autre Etat. Sa demande comporte toutes les pièces nécessaires à sa prise en compte. L'autorité compétente française adresse au contribuable une lettre accusant réception de sa demande et l'informant de l'ouverture de la procédure amiable le 1 er février 2005. Elle avise également à cette même date l'autorité compétente de l'autre Etat de la demande d'ouverture.

La lettre adressée au contribuable accusant réception de sa demande et l'informant de l'ouverture de la procédure amiable a pour effet de suspendre le cours du délai d'établissement de l'imposition à compter du 1 er février 2005, alors que ce délai a déjà couru du 1 er novembre 2004 au 31 janvier 2005, c'est-à-dire sur 3 mois.

Le 15 mars 2006, la Direction de la législation fiscale notifie au contribuable l'accord intervenu entre les autorités compétentes.

Le cours du délai d'établissement de l'imposition recommence donc à courir le 1 er juillet 2006 pendant la durée qui subsistait au moment de sa suspension, soit 2 ans et 11 mois.

En conséquence, l'imposition supplémentaire établie à raison de la proposition de rectification en cause devra faire l'objet d'un rôle mis en recouvrement au plus tard le 31 mai 2009.

Bien entendu, en pratique cette imposition pourra être mise en recouvrement dans le délai de prescription initial résultant des articles L 169 et L 189 du livre des procédures fiscales, soit, en l'occurrence, avant le 1 er janvier 2008.

Exemple 2

Mêmes hypothèses que dans l'exemple 1, mais cette fois-ci, la Direction de la législation fiscale notifie au contribuable l'accord intervenu entre les autorités compétentes, le 15 mars 2008.

Le cours du délai d'établissement de l'imposition recommence donc à courir le 1 er juillet 2008 pendant la durée qui subsistait au moment de sa suspension, soit 2 ans et 11 mois.

En conséquence, l'imposition supplémentaire établie à raison de la proposition de rectification en cause devra faire l'objet d'un rôle mis en recouvrement au plus tard le 31 mai 2011.

Exemple 3

Mêmes hypothèses que dans l'exemple 1, mais cette fois-ci, le 15 septembre 2010, la procédure amiable n'est toujours pas clôturée. Il appartient alors au service de poursuivre jusqu'à son terme la procédure de rectification afférente au redressement visé par la procédure amiable et de procéder à la mise en recouvrement de l'imposition avant l'expiration du délai de reprise prévu par l'article L. 186 du LPF.

Ce délai de dix ans étant déterminé de quantième à quantième, en comptant le jour de son terme mais non le jour du fait générateur, le service devra, à titre de règle pratique, lorsque les rehaussements portent sur des opérations réalisées à des dates différentes, mettre en recouvrement l'imposition supplémentaire correspondante le 31 décembre de la neuvième année à partir du jour du fait générateur de l'impôt, soit, en l'occurrence, le 31 décembre 2010.

d) Intérêts de retard et pénalités d'assiette

120.Le montant des intérêts de retard et des pénalités d'assiette figurant dans la proposition de rectification, leur calcul est indépendant de la suspension du cours du délai d'établissement de l'imposition. La période comprise entre la proposition de rectification et la mise en recouvrement des impositions correspondantes n'a donc aucune incidence sur leur décompte, quelle que soit la nature de l'impôt concerné.