B.O.I. N° 96 DU 12 NOVEMBRE 2010
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
13 L-12-10
N° 96 DU 12 NOVEMBRE 2010
INSTRUCTION DU 3 NOVEMBRE 2010
AVIS RENDUS PAR LE COMITE DE L'ABUS DE DROIT FISCALSEANCE
N
0
2 DE L'ANNEE 2010
(LPF art. L. 64)
NOR : BCR Z 10 00079 J
Bureau JF-2B
PRESENTATION
Dans le cadre de la procédure de l'abus de droit fiscal prévue à l'article L. 64 du LPF, le litige peut être soumis, à la demande du contribuable ou de l'administration, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. Les avis rendus par le comité de l'abus de droit fiscal font l'objet d'un rapport annuel adressé au Ministre par le Président du comité et qui est reproduit sous la forme d'un BOI. Afin d'assurer une information plus complète et plus rapide, les avis rendus par ce comité sont également publiés. La position qu'entend adopter l'administration sur chacun des dossiers soumis à l'avis du comité est indiquée à titre informatif. Il est rappelé que lorsque l'administration ne se conforme pas à l'avis du comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. Le présent BOI porte sur les avis rendus au cours de la deuxième séance de l'année 2010. |
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Le Chef du Service juridique de la fiscalité
Jean-Pierre LIEB
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Séance n° 2 du 10 juin 2010
1. Affaire n° 2010-01 concernant M. et Mme Z .
« M. et Mme Z. détenaient en 2006 la totalité des parts de la société civile immobilière (SCI) C créée en 1967. Cette société, dont M. X... Z. était le gérant, a retiré en 2006, année d'imposition en litige, des revenus tirés de la location de deux immeubles à usage de bureaux et d'un immeuble à usage commercial donnés en location à des tiers. La société a également perçu des revenus à raison de la location, d'une part, à ses associés par un bail conclu le 13 août 2005 d'une propriété sise à Ra qu'elle a acquise le 1 er juillet 2005 et, d'autre part, à M. Z. par bail conclu le 31 août 2006 d'un appartement situé à A. La SCI C a entrepris dans ces deux derniers immeubles des travaux de rénovation et de remise en état pour des montants respectifs de 468 450 € et 46 886 €. Ces dépenses ont concouru à la formation d'un déficit foncier pour la société qui a été imputé sur les autres revenus fonciers réalisés par M. et Mme Z..
L'administration a remis en cause l'imputation du déficit déclaré par la SCI C dans le cadre de la procédure de l'abus de droit fiscal. Elle a estimé que les baux signés les 13 août 2005 et 31 août 2006 n'avaient eu d'autre but que de faire échec aux dispositions du II de l'article 15 du code général des impôts et de constituer un déficit susceptible de compenser totalement les bénéfices réalisés par les autres SCI dans lesquelles M. et Mme Z. détiennent des parts.
Après avoir entendu ensemble le représentant des contribuables ainsi que de l'administration fiscale, le Comité relève :
- qu'ainsi que l'administration l'a indiqué au cours de la séance sans être contredite, les seuls frais annuels de gestion et d'administration de ces deux immeubles sont de l'ordre de 32 000 € alors que les montants des loyers ont été fixés respectivement à 18 000 € et 3 600 € par an ;
- que la SCI ne pouvait ignorer le montant et l'importance des travaux devant être réalisés ;
- que, compte tenu de la disproportion manifeste entre le montant des charges et celui des recettes escomptées, l'opération à laquelle la société s'est livrée est structurellement déficitaire et ne trouve sa justification que par l'intérêt fiscal pour ses associés de pouvoir imputer le déficit foncier sur les revenus fonciers qu'ils réalisaient par ailleurs ;
- que la situation familiale invoquée par les époux Z., tirée du risque d'éviction de Mme Z. de sa résidence principale en cas de décès de son époux, ne pouvait justifier la conclusion du bail pour la propriété sise à Ra, dans la mesure où Mme Z. détenait 82 % des parts de cette SCI en nue propriété, l'usufruit étant détenu par son époux.
Par suite, le Comité déduit de l'ensemble de ces éléments que les baux conclus entre la SCI C et ses associés ont eu pour seul objectif de faire échec aux dispositions du II de l'article 15 du code général des impôts en permettant l'imputation et le report de déficits fonciers sur les autres revenus des époux Z. relevant de la catégorie des revenus fonciers.
En conséquence, le Comité émet l'avis que l'administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de l'abus de droit fiscal prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.
Enfin, le Comité estime que les époux Z. doivent être regardés comme ayant eu l'initiative principale des actes constitutifs de l'abus de droit et, en outre, ont été les principaux bénéficiaires au sens du b) de l'article 1729 du code général des impôts. Il émet donc l'avis que l'administration est fondée à appliquer la majoration de 80 % prévue par ces dispositions. »
Nota : l'administration a pris note de l'avis favorable du Comité .
2. Affaire n° 2010-02 concernant M. et Mme M .
« Au cours du second semestre 1999, la société SAS V, dont M. M. était actionnaire à hauteur de 30 % du capital, a acquis 22,06 % du capital de la société D, pour une valeur unitaire des titres de 15,24 €. Le reste du capital de cette société a été acquis au même moment par des investisseurs financiers, pour le même prix unitaire.
Ce rachat s'inscrivait dans le cadre d'une opération de « leverage buy out » (LBO), dans laquelle étaient associés d'une part, les trois détenteurs du capital de la société V, ainsi que les investisseurs financiers ayant acquis 77,94 % du capital de la société D, réparti en 132 362 titres.
Ces mêmes investisseurs ont, de plus, financé l'opération en souscrivant des obligations convertibles en actions auprès de la société D, pour un montant de 10 564 779 €, représentant 404 084 obligations convertibles, dans des conditions prévues par un pacte d'actionnaires unissant les trois associés de la société V, dont M. M., et ces investisseurs.
Le 24 février 2003, la société V a cédé les titres qu'elle détenait dans la société D à ses associés. M. M. a, ainsi, acquis 6 569 titres, au prix unitaire de 16 €.
M. M. a inscrit 5 260 de ces titres sur le plan d'épargne en actions (PEA) dont il était titulaire et qui avait été ouvert le 2 février 1999.
Le 13 juillet 2004, l'ensemble des titres de la société D a été acquis par la société SA FD. Le prix de cession unitaire des titres vendus par M. M. a été fixé à 311,61 €, alors que le prix obtenu par les investisseurs financiers était de 271,41 €.
Au titre des années 2003 et 2004, M. M. exerçait les fonctions de directeur du développement dans la société V et de président de la société D.
En application des dispositions du 5 bis de l'article 157 du code général des impôts (CGI), le contribuable n'a pas pris en compte, pour la détermination du revenu net global de son foyer fiscal, la plus-value résultant de la cession des 5 260 titres de la société D qui avaient été inscrits sur son PEA.
L'administration a considéré que le prix d'acquisition des titres de la société D par M. M. était minoré et que ces titres avaient été acquis pour une valeur de convenance, qui avait été fixée dans le seul but de lui permettre d'apporter ces titres sur son PEA pour un montant de 84 160 €, en respectant ainsi formellement le plafond maximal de versement fixé, en 2004, à 132 000 €.
L'administration a estimé que le prix normal d'acquisition de ces titres s'élevait à une valeur unitaire de 70 €. Elle a donc remis en cause, en appliquant au redressement la procédure de l'abus de droit fiscal, l'exonération de la plus-value réalisée en 2004 à raison de la vente des 5 260 titres de la société D au motif que le contribuable avait contourné abusivement les conditions de fonctionnement du PEA et notamment la règle de plafonnement des versements.
Après avoir entendu ensemble le contribuable et son conseil ainsi que les représentants de l'administration, le Comité constate que la valeur de cession de 16 € à laquelle M. M. avait acquis les actions de la société D en février 2003 était conforme à une expertise réalisée en janvier 2003 pour la société V par un cabinet d'expertise comptable, dont les résultats ont été corroborés par une seconde expertise, réalisée en janvier 2007 par un autre cabinet comptable. Il relève que cette valeur était identique à la valeur des titres cédés par la société V à des tiers, en octobre et décembre 2002.
Le Comité relève en outre que si l'administration soutient qu'il est incohérent que la valeur du titre de la société D n'ait augmenté que de 5% entre octobre 1999 et février 2003, alors que ces titres ont été revendus en juillet 2004 pour une valeur vingt fois supérieure à la valeur d'acquisition, M. M. justifie de cette augmentation par le fait que la société D avait éliminé, au moment de la revente des titres, un foyer de pertes en cédant une société acquise en 2000 et qui était en grande difficulté économique, par la très forte augmentation du résultat d'exploitation de la société D précédant la cession ainsi que par l'augmentation sensible de la valeur des multiplicateurs utilisés pour la valorisation des sociétés non cotées entre 2003 et 2004 et, enfin, par la décote importante pratiquée lors de la valorisation du titre en 2003 et qui n'avait plus lieu de s'appliquer lors de la sortie de l'opération de LBO.
Le Comité constate aussi que, selon l'administration, les estimations proposées par le contribuable sont inexactes dans la mesure où seule l'hypothèse d'un capital constitué par les 132 362 titres existant à la date du 24 février 2003 pouvait être valablement retenue, et non celle d'un capital constitué de 536 446 titres, dès lors que la conversion des obligations en actions, totale ou partielle, bien qu'intéressante économiquement, était devenue juridiquement impossible à la date de la cession par application des accords contractuels limitant le droit à conversion des investisseurs dès que le taux de rendement interne dépassait 15 %. Mais le Comité relève, d'une part, que le raisonnement de l'administration se fonde sur l'exactitude sur la base d'un capital non dilué de sa propre évaluation de la valeur unitaire du titre de la société D et qui, selon ses écritures mêmes, est justifiée par le faible niveau de risque de conversion des obligations à la date de la cession, et, d'autre part, que, compte tenu également des explications développées en séance par M. M., les investisseurs financiers pouvaient, potentiellement, convertir leurs obligations en actions de la société D, de sorte que cette circonstance relative à la portée du risque de dilution du capital de la société D doit être prise en compte dans le calcul de la valeur du titre.
Il résulte de tout ce qui précède que l'existence alléguée d'une minoration de prix et, donc, celle d'un prix de convenance dont l'objet aurait été de permettre au contribuable de contourner les règles de plafonnement des versements autorisés sur un PEA, ne peut être regardée comme établie.
Par suite, le Comité émet l'avis que l'administration n'était pas fondée à mettre en œuvre la procédure de l'abus de droit fiscal prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. »
Nota : l'administration s'est rangée à l'avis émis par le Comité .
3. Affaire n° 2010-03 concernant M. et Mme G .
« Au cours du second semestre 1999, la société SAS V, dont Mme G. était actionnaire à hauteur de 40 % du capital, a acquis 22,06 % du capital de la société D, pour une valeur unitaire des titres de 15,24 €. Le reste du capital de cette société a été acquis au même moment par des investisseurs financiers, pour le même prix unitaire.
Ce rachat s'inscrivait dans le cadre d'une opération de « leverage buy out » (LBO), dans laquelle étaient associés d'une part, les trois détenteurs du capital de la société V, ainsi que les investisseurs financiers ayant acquis 77,94 % du capital de la société D, réparti en 132 362 titres.
Ces mêmes investisseurs ont, de plus, financé l'opération en souscrivant des obligations convertibles en actions auprès de la société D, pour un montant de 10 564 779 €, représentant 404 084 obligations convertibles, dans des conditions prévues par un pacte d'actionnaires unissant les trois associés de la société V, dont Mme G., et ces investisseurs.
Le 24 février 2003, la société V a cédé les titres qu'elle détenait dans la société D à ses associés. Mme G. a, ainsi, acquis 8 759 titres, au prix unitaire de 16 €.
Mme G. a inscrit 8 650 de ces titres sur le plan d'épargne en actions (PEA) dont elle était titulaire et qui avait été ouvert en 1996.
Le 13 juillet 2004, l'ensemble des titres de la société D a été acquis par la société SA FD. Le prix de cession unitaire des titres vendus par Mme G. a été fixé à 311,61 €, alors que le prix obtenu par les investisseurs financiers était de 271,41 €.
Au titre des années 2003 et 2004, le mari de Mme G. exerçait les fonctions de gérant de la SAS V et de directeur général de la société D.
En application des dispositions du 5 bis de l'article 157 du code général des impôts (CGI), le contribuable n'a pas pris en compte, pour la détermination du revenu net global de son foyer fiscal, la plus-value résultant de la cession des 8 650 titres de la société D qui avaient été inscrits sur son PEA.
L'administration a considéré que le prix d'acquisition des titres de la société D par Mme G. était minoré et que ces titres avaient été acquis pour une valeur de convenance, qui avait été fixée dans le seul but de lui permettre d'apporter ces titres sur son PEA pour un montant de 131 999,41 €, en respectant ainsi formellement le plafond maximal de versement fixé, en 2004, à 132 000 €.
L'administration a estimé que le prix normal d'acquisition de ces titres s'élevait à une valeur unitaire de 70 €. Elle a donc remis en cause, en appliquant au redressement la procédure de l'abus de droit fiscal, l'exonération de la plus-value réalisée en 2004 à raison de la vente des 8 650 titres de la société D, au motif que la contribuable avait contourné abusivement les conditions de fonctionnement du PEA et notamment la règle de plafonnement des versements.
Après avoir entendu ensemble M. G. et son conseil ainsi que les représentants de l'administration, le Comité constate que la valeur de cession de 16 € à laquelle Mme G. avait acquis les actions de la société D en février 2003 était conforme à une expertise réalisée en janvier 2003 pour la société V par un cabinet d'expertise comptable, dont les résultats ont été corroborés par une seconde expertise, réalisée en janvier 2007 par un autre cabinet comptable. Il relève que cette valeur était identique à la valeur des titres cédés par la société V à des tiers, en octobre et décembre 2002.
Le Comité relève en outre que si l'administration soutient qu'il est incohérent que la valeur du titre de la société D n'ait augmenté que de 5% entre octobre 1999 et février 2003, alors que ces titres ont été revendus en juillet 2004 pour une valeur vingt fois supérieure à la valeur d'acquisition, Mme G. justifie de cette augmentation par le fait que la société D avait éliminé, au moment de la revente des titres, un foyer de pertes en cédant une société acquise en 2000 et qui était en grande difficulté économique, par la très forte augmentation du résultat d'exploitation de la société D précédant la cession ainsi que par l'augmentation sensible de la valeur des multiplicateurs utilisés pour la valorisation des sociétés non cotées entre 2003 et 2004 et, enfin, par la décote importante pratiquée lors de la valorisation du titre en 2003 et qui n'avait plus lieu de s'appliquer lors de la sortie de l'opération de LBO.
Le Comité constate aussi que, selon l'administration, les estimations proposées par la contribuable sont inexactes dans la mesure où seule l'hypothèse d'un capital constitué par les 132 362 titres existant à la date du 24 février 2003 pouvait être valablement retenue, et non celle d'un capital constitué de 536 446 titres, dès lors que la conversion des obligations en actions, totale ou partielle, bien qu'intéressante économiquement, était devenue juridiquement impossible à la date de la cession par application des accords contractuels limitant le droit à conversion des investisseurs dès que le taux de rendement interne dépassait 15 %. Mais le Comité relève, d'une part, que le raisonnement de l'administration se fonde sur l'exactitude sur la base d'un capital non dilué de sa propre évaluation de la valeur unitaire du titre de la société D et qui, selon ses écritures mêmes, est justifiée par le faible niveau de risque de conversion des obligations à la date de la cession, et, d'autre part, que, compte tenu également des explications développées en séance par M. G., les investisseurs financiers pouvaient, potentiellement, convertir leurs obligations en actions de la société D, de sorte que cette circonstance relative à la portée du risque de dilution du capital de la société D doit être prise en compte dans le calcul de la valeur du titre.
Il résulte de ce qui précède que l'existence alléguée d'une minoration de prix et, donc, celle d'un prix de convenance dont l'objet aurait été de permettre au contribuable de contourner les règles de plafonnement des versements autorisés sur un PEA, ne peut être regardée comme établie.
Par suite, le Comité émet l'avis que l'administration n'était pas fondée à mettre en œuvre la procédure de l'abus de droit fiscal prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. »
Nota : l'administration s'est rangée à l'avis émis par le Comité .