SOUS-SECTION 2 LA PHASE ADMINISTRATIVE DE L'OPPOSITION À POURSUITES
SOUS-SECTION 2
La phase administrative de l'opposition à poursuites
20L'article L 281 du Livre des procédures fiscales institue une procédure comprenant deux phases successives, l'une administrative, l'autre juridictionnelle, dont le déroulement est visé aux articles R* 281-1 à R* 281-5.
21Les dispositions de ces articles sont d'ordre public (Cass. civ. 9 janvier 1957, Bull. civ. III n° 17 p. 13 ; CE 3 mars 1959, Lebon p. 958). Elles sont applicables à la lettre comme tous les textes fiscaux clairs et précis et ne souffrent aucune interprétation (rappr. Cass. civ. 7 octobre 1963, Bull. civ. III n° 392 p. 332) et l'administration elle-même n'est pas en droit d'y renoncer (CE 28 février 1968, Mémorial des percepteurs 1968 p. 55).
A. NECESSITE ET FORME DU MEMOIRE PREALABLE
I. La phase administrative obligatoire
22La saisine de l'administration s'effectue au moyen d'un mémoire amiable qui constitue une formalité substantielle dont l'omission est sanctionnée par une fin de non-recevoir irréparable (Cass. civ. 15 juin 1973, Bull. civ. II n° 197 p. 156 ; Cass. com. 8 décembre 1975, ibid. IV n° 294 p. 243 ; Com. 30 juin 1981, ibid. IV n° 301 p. 238 ; C.E. 28 février 1983, req. n° 25800, D.F. 1983 c. 1528).
II. Forme et contenu du mémoire
23Cette demande doit être présentée sous la forme d'un mémoire écrit.
L'opposition formée directement devant le tribunal, après une simple entrevue avec le service local chargé du recouvrement est irrecevable (C.A.A. LYON 24 mars 1992, R.J.F. 1992 p. 545).
Elle procède nécessairement de l'acte de poursuite et doit contenir toutes les justifications utiles à l'examen (art. R* 281-1, 2ème alinéa).
Qu'en application de ces principes, la Cour de cassation comme le Conseil d'Etat ont jugé de façon constante qu'une réclamation, ou tout autre mode de contestation de la dette, préalable à l'acte de poursuite attaqué, ne pouvait en aucun cas être assimilée au mémoire requis par l'article R* 281-1 (Cass. com. 24 mai 1976, Bull. civ. IV n° 177 p. 150 ; CE 17 mars 1982, R.J.F. 1982 p. 265).
B. DELAI DE PRODUCTION DU MEMOIRE
24Le mémoire doit être produit entre les mains du directeur dans les deux mois de la notification de l'acte motivant l'opposition.
I. Point de départ du délai
1. Notification de l'acte par voie d'huissier
25En matière d'actes de poursuite diligentés par ministère d'huissier, la date est celle du jour de la signification à personne, à domicile, à résidence ou à parquet, ou, si la personne n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, celle de l'établissement du procès-verbal prévu à l'article 659 du nouveau code de procédure civile (art. 653 du nouveau code de procédure civile).
2. Notification de l'acte par voie postale
26 - Règles générales
Le délai court à compter de la date de la réception de l'acte.
Dans le cas où le pli n'a pas été retiré, parce que le redevable n'a pas pris les dispositions pour faire suivre son courrier ou parce qu'il a délibérément refusé de recevoir son courrier, la date à retenir est, comme en matière d'assiette, celle de la présentation au domicile du contribuable absent (C.A.A. 21 avril 1992, D.F. 1993 c. 1109).
27 - Précisions concernant les avis à tiers détenteur
Pour le redevable, l'acte motivant l'opposition est la lettre de dénonciation de l'avis à tiers détenteur (CE 29 octobre 1984, req. n° 41986, D.F. 1985 c. 636 et 637).
Dans l'hypothèse où l'avis à tiers détenteur n'a pas fait l'objet d'une notification au redevable, il a été jugé que le délai de réclamation de l'intéressé commence à courir à compter de la date à laquelle il est établi que ce dernier a eu connaissance de l'avis (CE 25 novembre 1987, req. n° 48179, D.F. 1988, c. 1560) ou à celle d'un acte de l'administration établissant que celle-ci a reçu la réclamation (CE 3 décembre 1986, req. n° 50058, R.J.F. 1987 p. 144 - en l'espèce, la réclamation a été considérée comme ayant été reçue à la date à laquelle le comptable l'avait expressément rejetée).
Pour le tiers détenteur qui entend contester son obligation au paiement, notamment sa dette envers le redevable, l'opposition peut être formée dans les deux mois de la notification de l'avis à tiers détenteur ou de chacun des actes qui en procèdent (commandement de payer, procès-verbal de saisie etc.).
Le Conseil d'Etat a admis que le tiers détenteur pouvait contester l'avis sans attendre la délivrance d'un commandement de payer (CE 29 juillet 1983, req. n° 34981, D.F. 1984 c. 905).
II. Computation du délai
28Le délai de deux mois imparti au redevable pour présenter son mémoire est décompté conformément aux règles fixées par les articles 641 alinéa 2 et 642 du nouveau code de procédure civile (Cass. com. 10 mars 1976, Bull. civ. IV n° 94 p. 79). Le délai expire donc le jour portant le même quantième du deuxième mois suivant la notification de l'acte de poursuite au redevable. A défaut de quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.
Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.
Par exemple, si la notification de l'acte a été reçue par le redevable le 27 juin, le délai de deux mois expire le 27 août à vingt-quatre heure.
De même, si la notification a lieu le 30 décembre, ou le 31 décembre, ou enfin le 31 juillet, le délai expirera dans les deux premiers cas le 28 février (ou le 29 février s'il s'agit d'une année bissextile) et dans le dernier cas le 30 septembre.
Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Ainsi, dans le premier exemple ci-dessus, si le 27 août est un samedi, le dernier jour utile pour la production du mémoire est le lundi 29 août.
III. Caractère du délai de deux mois
29 Il s'agit d'un délai préfix qui doit être impérativement respecté à peine de forclusion, peu important les raisons éventuellement invoquées par l'opposant pour justifier de son retard (CE 21 février 1966, X... 1966 p. 166), aucun événement n'étant susceptible de le rouvrir (CE 4 février 1972, Lebon p. 110).
30Par ailleurs, la contestation doit être reçue par l'administration à l'intérieur du délai de deux mois (C.A.A. LYON 27 janvier 1994, Mémorial des percepteurs 1994 p. 94). Le cachet à date du service peut servir de justification de la date de réception de la correspondance (même arrêt).
Ainsi, une réclamation adressée par la poste le dernier jour du délai, reçue ce délai expiré, sera irrecevable comme tardive (rapp. CE 21 novembre 1973, req. n° 87 674, D.F. 1974 c. 922).
En revanche, la réclamation reçue après l'expiration du délai sera recevable dans le cas où s'est produit un retard anormal dans l'acheminement de la correspondance par le service postal et à la condition qu'elle ait été postée en temps utile pour parvenir dans le délai légal (rappr. CE 21 novembre 1973 précité).
31Lorsque la contestation a été introduite auprès d'un service incompétent, la date de la réclamation reste celle de sa réception par le service primitivement saisi (CE 2 février 1987, req. n° 58023, R.J.F. 1987 p. 202).
C. AUTORITE COMPETENTE POUR RECEVOIR LE MEMOIRE
I. Compétence d'attribution
32Aux termes de l'article R* 281-1 du Livre des procédures fiscales, le directeur des services fiscaux est l'autorité compétente pour recevoir le mémoire amiable et statuer sur son bien-fondé.
33 Toutefois, la décision peut être prise par le receveur divisionnaire titulaire d'une délégation de signature.
34Une demande adressée à une autorité incompétente pour procéder à son examen doit être transmise, dans les meilleurs délais, au véritable destinataire (C.E. 29 novembre 1991, req. n° 68591, Mémorial des percepteurs 1992 p. 87). Il est recommandé d'avertir le redevable de cette transmission.
II. Compétence territoriale
35L'article R* 281-1 du Livre des procédures fiscales prévoit que les contestations relatives au recouvrement doivent être adressées au chef de service du département dans lequel est effectuée la poursuite.
Cette disposition, interprétée strictement, a pour conséquence que les oppositions réalisées à la suite d'actes de poursuite effectués par un receveur en dehors de sa direction doivent donner lieu à une décision prise par un directeur dont ne relève pas le comptable poursuivant et qui ne dispose pas des éléments nécessaires à l'instruction du dossier.
Cette attribution de compétence comporte plus d'inconvénients encore en matière d'avis à tiers détenteur lorsque plusieurs oppositions - cas fréquent - sont notifiées à des adresses relevant de différentes directions (autant d'oppositions que de directeurs compétents et, par la suite, plusieurs tribunaux saisis d'un même litige).
Aussi, pour des raisons d'ordre pratique, quand l'opposition sera effectuée auprès du directeur dont relève le receveur poursuivant, même si les poursuites ont été exercées dans d'autres directions, elle sera instruite par ce directeur, qui prendra la décision.
Il n'y aura donc pas lieu de transmettre.
Cela étant, si, appliquant strictement la lettre du texte, le redevable poursuivi effectuait l'opposition auprès du directeur du département dans lequel est réalisée la poursuite, celui-ci devra prendre la décision conformément à l'article R* 281-1.
Mais dans cette situation, il appartiendra au service dont dépend le comptable poursuivant d'assurer l'instruction de la demande et de transmettre l'ensemble des pièces.
En tout état de cause, si la contestation est adressée à un service radicalement incompétent, il convient d'appliquer les règles définies ci-dessus (n° 34 ).
D. ACCUSE DE RECEPTION ET EXAMEN DU MEMOIRE
36L'article R* 281-4 du L.P.F. prévoit que le chef de service accuse réception de la demande, l'accusé de réception postal n'étant pas suffisant.
A défaut, le délai de deux mois donné au chef de service pour se prononcer (article R* 281-4 alinéa 1) ne court pas (C.A.A. PARIS 2 février 1993, D.F. 1994 c. 112 - cf. infra n° 40 ).
37Le service compétent doit accuser réception d'une demande adressée initialement à un service incompétent, dans les mêmes conditions que s'il l'avait reçue directement. Il doit, au surplus, dans cette situation, mentionner cette transmission.
38L'accusé de réception doit indiquer le délai à l'expiration duquel, à défaut d'une décision expresse, la demande sera réputée rejetée ainsi que les délais de saisine de la juridiction appelée éventuellement à connaître de cette décision implicite.
A cet égard, la transcription des articles L 281 , L 199 et R* 281-4 du Livre des procédures fiscales constitue valablement cette information.
En outre, le cas échéant, les pièces annexées au mémoire seront énumérées, afin de prévenir toute contestation ultérieure.
Dans la mesure où l'omission de certaines d'entre elles résulterait d'une négligence évidente de l'opposant, l'accusé de réception comprendra la liste des pièces manquantes pour l'instruction de l'affaire et un délai sera fixé pour leur production.
Ces accusés de réception devront être expédiés par pli recommandé.
Cela étant, l'administration n'est pas tenue d'accuser réception des demandes répétitives ou manifestement abusives par leur nombre ou leur caractère systématique.
Un modèle d'accusé de réception est joint en annexe I.
39Le service procède ensuite à l'examen de l'opposition et vérifie si celle-ci a été formée dans le délai de deux mois prescrit à l'article R* 281-3 du Livre des procédures fiscales.
E. DECISION DU DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX
I. Délai imparti au directeur pour statuer
40La décision du directeur doit intervenir dans un délai de deux mois de la demande (art. R* 281-4 du L.P.F.).
Ce délai commence à courir à compter de la date mentionnée sur l'accusé de réception adressé par l'administration.
A défaut, le délai ne court pas (cf. supra n° 36 ).
En cas de décision implicite de rejet, le délai de recours du redevable (cf. infra n°s 43 et s.) dépend de l'écoulement ou non du délai imparti au directeur pour se prononcer. Il est donc particulièrement important que le service accuse réception dans les formes prévues aux n°s 37 à 39 .
Lorsque le redevable a adressé sa demande à un service incompétent, le délai court également de l'envoi de l'accusé de réception par le service compétent, celui-ci devant en effet accuser réception à l'auteur de la demande dans les mêmes conditions que s'il l'avait reçue directement.
II. Notification de la décision
41La décision est notifiée à l'opposant ou à son mandataire, par lettre recommandée avec accusé de réception, les pièces justificatives, dont le service aura conservé la photocopie, accompagnant cette décision (cf. modèle de décision de rejet partiel ou total joint en annexe II).
En cas d'admission partielle ou de rejet de la demande, la juridiction compétente devant laquelle pourra être exercé le recours et le délai de sa saisine seront à nouveau précisés.
L'opposition ayant fait l'objet d'une instruction complète, il y aura lieu de désigner expressément la juridiction qui devra être saisie - juge ou tribunal de l'ordre judiciaire, tribunal administratif - et, lorsque deux juridictions seront compétentes, de préciser les chefs de contestation qui devront être soumis à chacun des juges.
L'expiration des délais de recours ne peut être opposée qu'à la condition qu'ils aient été mentionnés dans la décision de rejet (art. R 104 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et, en matière judiciaire, à rapp. Cass. com. 8 mars 1994, Bull. civ. IV n° 104 p. 80).
F. EFFETS DE L'OPPOSITION A POURSUITES
42 L'opposition à poursuites n'a pas de caractère suspensif, tant à l'égard du redevable que du comptable et ne peut, à elle seule, paralyser l'exécution d'un titre.
Dès lors, la prescription de l'action en recouvrement continue à courir.
Toutefois, l'administration recommande de ne pas poursuivre l'action en recouvrement, à moins d'urgence constituée par le risque de prescription de la créance, lorsqu'une opposition est formée par un redevable et qu'elle porte sur l'existence de l'obligation de payer ou sur l'exigibilité de la créance.
Il va de soi que le recouvrement forcé des créances autres que celles visées dans l'opposition peut être poursuivi dans les conditions habituelles