Date de début de publication du BOI : 19/02/1998
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 34 du 19 FEVRIER 1998

statuant sur les questions à elle soumises par l'Østre Landsret, par ordonnance du 8 mars 1994, dit pour droit :

1) L'article 95 du Traité CEE s'oppose à l'imposition par un État membre d'un supplément à l'importation de 40 % dont est majorée, en cas d'importation de marchandises par bateau en provenance d'un autre État membre, la taxe générale sur les marchandises perçue sur les marchandises chargées, déchargées, ou mises en mer ou à terre d'une autre manière dans les ports du premier État membre ou dans le chenal aménagé pour l'accès à ces ports.

2) Le droit communautaire ne s'oppose pas à l'application, à une demande de remboursement fondée sur la violation de l'article 95 du traité, d'une règle nationale, en vertu de laquelle l'action judiciaire tendant à la restitution de taxes indûment payées est prescrite après l'écoulement d'un délai de cinq ans, même si cette règle a ainsi pour effet d'empêcher, en totalité ou en partie, le remboursement desdites taxes.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 juillet 1997.

CJCE, 17 juillet 1997 (sixième chambre)

Affaires jointes C-114/95 et C-115/95, TEXACO A/S

Recueil des arrêts, p. 1-4267

LA COUR

[...] rend le présent arrêt,

1.Par deux ordonnances du 24 mars 1995, parvenues à la Cour le 3 avril suivant, l'Østre Landsret a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 9 à 13, 18 à 29, 84, 86, 90 et 95 du traité CEE, du règlement (CEE) n° 4055/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et pays tiers (JO L 378, p.1), du règlement (CEE) n° 4056/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (JO L 378, p. 4), et des articles 6 et 18 de l'accord entre la Communauté économique européenne et le royaume de Suède, signé à Bruxelles le 22 juillet 1972, conclu et approuvé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 2838/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (JO L 300, p. 96, ci-après l'« accord CEE/Suéde »).

 . . . . . . . . . 

18.C'est dans ces conditions que l'Østre Landsret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

Dans l'affaire C-114/95 :

 . . . . . . . . . 

Dans l'affaire C-115/95 :

 . . . . . . . . . 

6) Eu égard au fait qu'il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que le remboursement de taxes perçues en violation du droit communautaire doit être effectué dans le cadre des conditions, de fond et de forme, fixées par les législations nationales et qu'il a été constaté, au point 12 de l'affaire 199/82, San Giorgio, que le droit d'obtenir le remboursement de taxes perçues par un État membre en violation des règles du droit communautaire est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions communautaires interdisant les taxes d'effet équivalent aux droits de douane ou, selon le cas, l'application discriminatoire de taxes intérieures, il est demandé s'il y a lieu d'interpréter la jurisprudence de la Cour en ce sens que le droit communautaire comporte une obligation inconditionnelle au remboursement des taxes éventuellement contraires au droit communautaire, selon la réponse aux questions 1 à 4, étant donné toutefois que les conditions dans lesquelles le remboursement peut être poursuivi dépendent de la législation nationale applicable, dans les limites fixées dans la jurisprudence de la Cour ?

7) S'il était constaté que le supplément de 40 % à la taxe générale sur les marchandises est contraire au droit communautaire et en particulier aux accords conclus (accords de libre-échange), serait-il compatible avec le droit communautaire qu'un délai de forclusion fixé en droit national pour les demandes de remboursement coure à compter d'une date antérieure à celle de l'abrogation par l'État membre en question de la taxe contraire au droit communautaire ?

 . . . . . . . . . 

Sur les sixième et septième questions dans l'affaire C-115/95

44.Par les sixième et septième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction nationale demande, en substance, si le droit communautaire comporte une obligation inconditionnelle de rembourser des taxes perçues en violation de l'article 95 du traité ou d'une disposition analogue à l'article 18 de l'accord CEE/Suède et, notamment, s'il s'oppose à ce que le délai de prescription national applicable à une demande de remboursement de telles taxes commence à courir à une date antérieure à celle à laquelle ces taxes ont été supprimées.

45.A cet égard, il y a d'abord lieu de relever qu'il résulte notamment de l'arrêt du 9 novembre 1983, San Giorgio (199/82, Rec. p. 3595, point 12), rappelé par la juridiction nationale, que, si le droit d'obtenir le remboursement de taxes perçues par un État membre en violation des règles du droit communautaire est la conséquence et le complément du droit conféré aux justiciables par les dispositions communautaires interdisant de telles taxes, leur remboursement ne peut être poursuivi, en l'état actuel du droit communautaire, que dans le cadre des conditions, de fond et de forme, fixées par les diverses législations nationales en la matière, étant toutefois entendu que ces conditions ne sauraient être moins favorables que celles concernant les recours similaires de nature interne ni rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire.

46.Il convient ensuite de rappeler que, au point 48 de l'arrêt Haahr Petroleum, précité, la Cour a constaté que la fixation de délais de recours raisonnables à peine de forclusion, qui constitue l'application du principe fondamental de sécurité juridique, satisfait aux deux conditions susvisées et ne saurait notamment être considérée comme rendant en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par le droit communautaire, même si, par définition, l'écoulement de ces délais entraîne le rejet, total ou partiel, de l'action intentée.

47.L'arrêt du 25 juillet 1991, X... (C-208/90, Rec. p. I-4269), n'est pas de nature à infirmer cette conclusion.

48.En effet, au point 17 de cet arrêt, la Cour a expressément rappelé le principe selon lequel la fixation d'un délai de recours raisonnable à peine de forclusion satisfait aux conditions posées par la jurisprudence précitée. Ce n'est qu'en raison du caractère particulier des directives et eu égard aux circonstances propres de l'affaire qu'elle a jugé, au point 23, que, jusqu'au moment de leur transposition correcte en droit national, l'État membre défaillant ne peut pas exciper de la tardiveté d'une action judiciaire introduite à son encontre par un particulier en vue de la protection des droits que lui reconnaissent les dispositions d'une directive, de sorte qu'un délai de recours de droit national ne peut commencer à courir qu'à partir de ce moment.

49.Les demandes de remboursement visées par les questions de la juridiction nationale n'étant pas fondées sur l'effet direct d'une disposition d'une directive incorrectement transposée en droit national, mais sur celui d'une disposition du traité ou d'un accord de libre-échange tel l'accord CEE/Suède, il convient de répondre aux sixième et septième questions que le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que le délai de prescription national applicable à une demande de remboursement de taxes perçues en violation de l'article 95 du traité ou d'une disposition analogue à l'article 18 de l'accord CEE/Suède commence à courir à une date antérieure à celle à laquelle ces taxes ont été supprimées.

Sur les dépens

 . . . . . . . . . 

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par l'Østre Landsret, par deux ordonnances du 24 mais 1995, dit pour droit :

1) L'article 95 du traité CEE s'oppose à l'imposition par un État membre d'un supplément à l'importation de 40 % dont est majorée, en cas d'importation de marchandises par bateau en provenance d'un autre État membre, la taxe générale sur les marchandises perçue sur les marchandises chargées, déchargées, ou mises en mer ou à terre d'une autre manière dans les ports du premier État membre ou dans le chenal aménagé pour l'accès à ces ports.

2) Un tel supplément à l'importation est également contraire au droit communautaire en tant qu'il est applicable à des marchandises importées d'un pays tiers avec lequel la Communauté a conclu un accord comportant des dispositions analogues à l'article 18 de l'accord conclu entre la Communauté économique européenne et le royaume de Suède, signé à Bruxelles le 22 juillet 1972, conclu et approuvé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 2838/72 du Conseil, du 19 décembre 1972.

3) Le droit communautaire ne s'oppose pas à l'imposition, par un État membre, dudit supplément à l'importation à des marchandises importées directement d'un pays tiers avec lequel la Communauté n'a pas conclu d'accord.

4) Dans l'hypothèse où une taxe contraire au droit communautaire a été fixée ou homologuée par un État membre, celui-ci est tenu, en principe, de rembourser les taxes perçues en violation du droit communautaire. Au cas où le produit de la taxe a été affecté à des entités administratives autonomes sous contrôle communal, le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que l'action tendant au remboursement de ces taxes soit dirigée contre cette dernière entité, sous réserve que les modalités de cette action ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ni ne rendent en pratique impossible ou excessivement difficile le remboursement des taxes indûment payées.

5) Le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que le délai de prescription national applicable à une demande de remboursement de taxes perçues en violation de l'article 95 du traité ou d'une disposition analogue à l'article 18 de l'accord conclu entre la Communauté économique européenne et le royaume de Suède commence à courir à une date antérieure à celle à laquelle ces taxes ont été supprimées.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 juillet 1997.

CJCE, 2 décembre 1997 (plénière)

Affaire C-188/95, FANTASK A/S e.a.

LA COUR

[...] rend le présent arrêt,

1.Par ordonnance du 8 juin 1995, parvenue à la Cour le 15 juin suivant, l'Østre Landsret a posé, en application de l'article 177 du traité CE, huit questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), telle que modifiée, en dernier lieu, par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23, ci-après la « directive »).

11.C'est dans ces conditions que l'Østre Landsret a sursis à statuer et posé à la Cour les huit questions préjudicielles suivantes :

7) Le droit communautaire s'oppose-t-il à un état de droit prévalant sur le plan national, suivant lequel les autorités d'un État membre, en tant que partie dans des affaires ayant pour objet des demandes de remboursement de droits perçus contrairement à la directive 69/335/CEE, font valoir -avec succès- que les délais de prescription nationaux commencent à courir avec la mise en oeuvre irrégulière de la directive 69/335/CEE ?

Sur la septième question

42.Par sa septième question, la juridiction nationale demande, en substance, si le droit communautaire interdit à un État membre d'opposer aux actions en remboursement de droits perçus en violation de la directive un délai de prescription national tant que cet Etat membre n'a pas transposé correctement cette directive.

43.Il ressort de l'ordonnance de renvoi que, selon la législation danoise, le droit au remboursement de toute une série de créances se prescrit au bout de cinq ans et que ce délai court en principe à partir de la date d'exigibilité de la créance. A l'expiration du délai, cette créance est normalement frappée de déchéance, à moins que le débiteur ait entre-temps reconnu sa dette ou que le créancier ait introduit une action en justice.

44.Or, lorsque certaines des requérantes au principal ont présenté leurs demandes de remboursement, le délai en cause était expiré, pour une partie au moins de leurs réclamations.

45.Les sociétés requérantes et la Commission se fondent sur l'arrêt du 25 juillet 1991, X... (C-208/90, Rec. p. 1-4269), pour considérer qu'un État membre ne saurait se prévaloir d'un délai national de prescription tant que la directive, en méconnaissance de laquelle des taxes ont été indûment perçues, n'a pas été correctement transposée dans son droit national. Selon elles, jusqu'à cette date, les justiciables ne sont pas en mesure de connaître la plénitude des droits qu'ils tirent de la directive en question. Il en résulterait qu'un délai national de prescription ne commence à courir que lorsque la transposition correcte de la directive est intervenue.

46.Les gouvernements danois, français et du Royaume-Uni considèrent, pour leur part, qu'un État membre est en droit de se prévaloir d'un délai national de prescription comme le délai en cause dès lors que celui-ci respecte les deux conditions d'équivalence et d'effectivité posées par la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêts San Giorgio et Peterbroeck, précités). Selon ces gouvernements, l'arrêt X... , précité, doit être replacé dans le cadre des circonstances tout à fait particulières de cette affaire, ce que la Cour aurait d'ailleurs confirmé dans sa jurisprudence ultérieure.

47.Ainsi que la Cour l'a rappelé au point 39 du présent arrêt, il appartient, conformément à une jurisprudence constante, en l'absence de réglementation communautaire en la matière, à l'ordre juridique interne de chaque Etat membre de régler les modalités procédurables de l'action en répétition de l'indu, pour autant que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ni ne rendent pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire.

48.La Cour a ainsi reconnu la compatibilité avec le droit communautaire de la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l'intérêt de la sécurité juridique qui protège à la fois le contribuable et l'administration concernés. En effet, de tels délais ne sauraient être considérés comme étant de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire, même si, par définition, l'écoulement de ces délais entraîne le rejet, total ou partiel, de l'action intentée (voir, en particulier, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe, 33/76, Rec. p. 1989, point 5 ; Comet, 45/76, Rec. p. 2043, points 17 et 18, et du 10 juillet 1997, X... , C-261/95, point 28).

49.A cet égard, le délai de prescription de cinq ans du droit danois doit être qualifié de raisonnable (arrêt du 17 juillet 1997, Haahr Petroleum, C-90/94, point 49). En outre, il apparaît que ce délai s'applique indifféremment aux recours fondés sur le droit communautaire et à ceux fondés sur le droit interne.

50.Il est vrai que, dans l'arrêt X... , précité, point 23, la Cour a jugé que, jusqu'au moment de la transposition correcte d'une directive, l'Etat membre défaillant ne peut exciper de la tardiveté d'une action judiciaire introduite à son encontre par un particulier en vue de la protection des droits que lui reconnaissent les dispositions d'une directive et qu'un délai de recours de droit national ne peut commencer à courir qu'à partir de ce moment.

51.Toutefois, comme l'a confirmé l'arrêt du 6 décembre 1994, X... (C-410/92, Rec. p. 1-5483, point 26), il découle de l'arrêt du 27 octobre 1993, X... (C-338/91, Rec. p. 1-5475), que la solution dégagée dans l'arrêt X... était justifiée par les circonstances propres à cette affaire, dans lesquelles la forclusion aboutissait à priver totalement la requérante au principal de la possibilité de faire valoir son droit à l'égalité de traitement en vertu d'une directive communautaire (voir, également, arrêts Haahr Petroleum, précité, point 52, et du 17 juillet 1997, Texaco et Olieselskabet Danmark, C-114/95 et C-115/95, point 48).

52.Il y a lieu dès lors de répondre à la septième question que, en son état actuel, le droit communautaire n'interdit pas à un État membre, qui n'a pas transposé correctement la directive, d'opposer aux actions en remboursement de droits perçus en violation de cette directive un délai de prescription national qui court à compter de la date d'exigibilité des droits en cause, dès lors qu'un tel délai n'est pas moins favorable pour les recours fondés sur le droit communautaire que pour les recours fondés sur le droit interne et qu'il ne rend pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire.

Par ces motifs,

LA COUR