Date de début de publication du BOI : 03/02/2011
Identifiant juridique : 13L-1-11
Références du document :  13L-1-11

B.O.I. N° 9 DU 3 FEVRIER 2011


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

13 L-1-11

N° 9 DU 3 FEVRIER 2011

INSTRUCTION DU 24 JANVIER 2011

AVIS RENDUS X... LE COMITE DE L'ABUS DE DROIT FISCAL
SEANCES N 0s 5 et 6 DE L'ANNEE 2010

(LPF art. L. 64)

NOR : BCR Z 11 00006 J

Bureau JF-2B



PRESENTATION


Dans le cadre de la procédure de l'abus de droit fiscal prévue à l'article L. 64 du LPF, le litige peut être soumis, à la demande du contribuable ou de l'administration, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal.

Les avis rendus par le comité de l'abus de droit fiscal font l'objet d'un rapport annuel adressé au Ministre par le Président du comité et qui est reproduit sous la forme d'un BOI.

Afin d'assurer une information plus complète et plus rapide, les avis rendus par ce comité sont également publiés.

La position qu'entend adopter l'administration sur chacun des dossiers soumis à l'avis du comité est indiquée à titre informatif.

Il est rappelé que lorsque l'administration ne se conforme pas à l'avis du comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé de la rectification.

Le présent BOI porte sur les avis rendus au cours des cinquième et sixième séances de l'année 2010.


Le Chef du Service juridique de la fiscalité

Jean-Pierre LIEB


Séance n° 5 du 25 novembre 2010


1. Affaire n° 2010-11 concernant Monsieur M .

« M. M. a constitué, le 29 novembre 2004, avec son neveu, une association syndicale libre (ASL) ayant pour objet la réalisation d'une opération de restauration complète d'un immeuble classé monument historique et appartenant à la commune de Sens (Yonne). Les statuts de l'ASL fixant précisément son fonctionnement et désignant M. M. comme président ont été approuvés. La préfecture de la Gironde a délivré le 21 décembre 2004 le récépissé de la déclaration de constitution de l'ASL. Le 7 mai 2005, la création de l'ASL a été publiée au Journal officiel de la République française.

La commune a, par actes notariés du 27 décembre 2004, vendu la totalité des lots de cet immeuble à M. M., à l'exception de deux lots vendus à son neveu et d'un lot dont elle a conservé la propriété.

L'assemblée générale de l'ASL avait approuvé le 15 décembre 2004 un budget prévisionnel de rénovation de l'immeuble de 1 224 510 euros. Ce budget a été arrêté avec le concours d'un architecte des monuments historiques et d'une société, assistant technique, à partir d'un devis détaillé et chiffré en date du 14 décembre 2004 établi par une entreprise renommée, spécialisée dans la restauration de monuments historiques. Le procès verbal de l'assemblée générale précise que l'ASL procédera à un appel de fonds visant à couvrir un minimum de 60 % du montant des travaux budgétisés sans assortir de justifications le taux ainsi retenu.

Après la réalisation de la vente partielle de l'immeuble, devenu une copropriété, M. M. a versé le 28 décembre 2004 à l'ASL une somme de 734 706 euros au titre de sa participation aux appels de fonds pour la restauration de cet immeuble. Son neveu n'a effectué aucun versement. Cette somme représente 60% du coût total du chantier s'élevant à 1 224 510 euros. Les travaux sont engagés par l'entreprise en janvier 2006 pour une durée prévisible du chantier de 55 semaines. L'ASL avait versé le 10 novembre 2005 une somme de 295 946 euros représentant un acompte de 30% des seuls travaux s'élevant à 986 485 euros hors études et honoraires.

Le 25 novembre 2005, M. M. achète les deux lots de son neveu. Le 10 décembre 2005, M. M. et son neveu créent une SCI au capital de 1 000 euros dont ils détiennent respectivement 90 % et 10 % du capital. Le 19 décembre 2005, à la suite d'un nouveau découpage des lots de l'immeuble, M. M. cède à la SCI deux des nouveaux lots.

M. M. a déduit de son revenu global de l'année 2004, en application des dispositions du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts relatives aux déficits fonciers afférents aux monuments historiques, un déficit foncier de 801 769 euros, dont 734 706 euros correspondent au versement effectué le 28 décembre 2004 à l'ASL.

L'administration a, à l'issue d'un contrôle, considéré que l'interposition de l'ASL, dont M. M. maîtrisait seul le processus décisionnel, répondait à un but fiscal réservé à son bénéfice exclusif en rendant possible le versement de la somme de 734 706 euros dès 2004 alors qu'aucune autre motivation ne justifiait la création d'une telle association n'ayant, de surcroît, pas fonctionné conformément à ses statuts.

Elle a notamment estimé qu'en versant dès 2004 la somme de 734 706 euros à l'ASL, M. M. avait exclusivement cherché à réduire de façon significative ses revenus imposables de l'année 2004 au cours de laquelle il avait réalisé un gain exceptionnel de 887 682 euros. L'administration a procédé à un examen du profil de ses revenus annuels et en a déduit l'existence d'une corrélation entre ce gain exceptionnel et la provision pour travaux déduite dès 2004.

L'administration a également estimé que, compte tenu des conditions de fonctionnement de l'ASL, la participation du neveu de M. M. à la création de l'ASL permettait uniquement de satisfaire à la condition du nombre minimal de personnes nécessaire à la constitution d'une telle association. Elle a notamment relevé que ce neveu n'avait pas répondu aux appels de fonds de l'ASL en 2004 et 2005, et qu'il s'était désengagé du projet en cédant ses deux lots à son oncle et en ayant une participation symbolique (10 %) dans la SCI propriétaire de deux nouveaux lots cédés par ce dernier.

L'administration en a conclu que, dès 2004, la constitution de l'ASL ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une opération collective de restauration d'un immeuble mais visait à favoriser les intérêts personnels de M. M. dans un but exclusivement fiscal. Elle a mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit.

Après avoir entendu ensemble le contribuable et ses conseils ainsi que les représentants de l'administration, le Comité a relevé :

- que la création de l'ASL ne présentait pas un caractère fictif et que cette association n'était pas dépourvue de toute substance ;

- que cette création ne répondait pas à un but exclusivement fiscal dans la mesure où elle permettait la réalisation du projet privé de restauration de l'immeuble sans y associer la collectivité territoriale copropriétaire, dont les contraintes de gestion et le processus décisionnel sont tels qu'ils auraient fait obstacle à la bonne fin du projet, à tout le moins dans des délais compatibles avec une mise en location rapide des biens conformément à l'objectif poursuivi ;

- que les sommes avaient été versées en 2004 à partir d'un budget global de travaux conforme (et même inférieur) aux sommes effectivement payées au terme du chantier qui sera mené à terme avec le concours de l'architecte des monuments historiques ;

- que ces sommes ne constituaient en 2004 qu'un apport qui sera effectivement utilisé pour le financement global des travaux, lesquels ont été réalisés dans un délai conforme aux usages, compte tenu des spécificités d'un chantier réalisé sur un immeuble classé monument historique et au surplus, en 2005, des exigences imprévues des services chargés de délivrer l'autorisation au regard des règles de l'urbanisme, exigences qui ont, avant l'engagement des travaux, rendu nécessaire une modification substantielle de la division de l'immeuble ;

- que la commune avait un intérêt financier à céder la propriété de la majeure partie de l'immeuble dès 2004 et qu'elle avait un intérêt évident à ce que, sans qu'elle y soit partie, les travaux puissent être effectivement réalisés dans le délai le plus bref possible, ce qui a permis dès cette date l'engagement par M. M. du projet conduit par l'ASL de restauration de ce monument historique de sorte que, dès 2004, toutes les conditions juridiques étaient réunies pour que la réalisation de ce projet incombe de façon irrévocable à M. M., qui a investi dans un immeuble classé monument historique conformément aux objectifs recherchés par le législateur au travers des dispositions du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts.

En conséquence, le Comité a, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, émis l'avis que l'administration n'était pas fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. »

Nota : L'administration a décidé de ne pas se ranger à l'avis émis par le Comité .

En effet, elle estime :

- en premier lieu, que l'ASL est, au 31/12/2004, fictive dès lors notamment que sa création a été publiée au JO le 7 mai 2005, qu'elle n'a pas fonctionné conformément à ses statuts et que l'un de ses deux membres, pour lequel il est avéré à cette date que les revenus déclarés ne lui permettaient pas d'assumer le coût de l'opération, s'est retiré dès novembre 2005 de l'ASL et n'a pas contribué financièrement aux travaux avant la notification adressée en décembre 2007 à l'autre membre de l'ASL ;

- en deuxième lieu, que la création de l'ASL sur les lots détenus par M. M. et son neveu n'a nullement fait disparaître la copropriété avec la commune (propriétaire du rez-de-chaussée) et que la simplification alléguée à cet égard pour justifier la création de l'ASL par un motif autre que fiscal, est inopérante ;

- en troisième lieu, que ce sous-ensemble « ASL » ainsi artificiellement créé au sein de la copropriété et que M. M. dirige, dans les faits, seul, recherchait un contournement des règles normales qui s'imposent aux syndics de copropriétés en matière de financement des travaux immobiliers, notamment en lui permettant de se faire en 2004 un appel de fonds « à lui-même » dans son intérêt fiscal exclusif, aucun justificatif n'ayant pu être présenté pour justifier de la nécessité d'effectuer un versement de 60 % du coût total de l'opération (travaux + honoraires divers) dès le 28 décembre 2004. La réalisation réelle à compter de 2006 de la restauration du bâtiment classé monument historique, n'est pas de nature à modifier l'analyse portée sur la fictivité de l'ASL et l'intérêt fiscal exclusif des opérations réalisées par son intermédiaire en 2004 .

2. Affaire n° 2010-10 concernant la société A .

« La société A a acquis au cours des exercices clos en 2002, 2003 et 2004 des titres des sociétés C et T pour un prix global de 14 120 040 euros.

La société A, qui a entendu se prévaloir du régime des sociétés mères prévu aux articles 145, 146 et 216 du code général des impôts, a pris l'engagement formel, alors exigé par l'article 54 de l'annexe II à ce code, de conserver les titres acquis pendant une durée minimale de deux ans.

En 2002, la société A a perçu un montant global de dividendes de 12 952 320 euros en provenance de ses deux filiales.

Les 25 juin 2004 et 28 décembre 2004, la société A a reçu des distributions de dividendes provenant de la société T pour un montant de 150 000 euros et de la société C pour un montant de 1 556 512,65 euros.

Ces distributions ont ainsi été placées sous le régime des sociétés mères et ont par suite été retranchées du bénéfice net total de la société A à concurrence de la somme de 1 621 187 euros correspondant à la somme totale perçue sous déduction d'une quote-part de frais et charges de 5%.

Au cours de l'exercice 2004, la société A a cédé les titres des deux filiales pour un prix global de 483 000 euros, réparti à hauteur de 120 000 euros pour les titres de la société T et 363 000 euros pour les titres de la SA C . Ces cessions ont dégagé une moins-value globale de 13 637 040 euros.

Cependant, les distributions antérieures effectuées par les deux sociétés avaient entraîné la dépréciation des titres et donc la constitution d'une provision pour dépréciation par la société A, provision déduite de son résultat fiscal au taux de droit commun pour un montant de 11 592 484,70 euros.

Compte tenu de la reprise totale de cette provision, la perte rattachée à l'exercice 2004 par la société A s'est élevée à 2 044 255 euros.

L'administration a constaté qu'à la date d'acquisition des titres, les sociétés C et T ne détenaient plus aucun actif corporel ou incorporel, n'exerçaient plus aucune activité économique mais disposaient de liquidités importantes. Elle a estimé que sous le couvert d'une acquisition de titres de ces deux sociétés suivie de la distribution importante de dividendes par celles-ci, la société A avait en fait réalisé une opération qui, dans son ensemble dissimulait une réalité économique et financière différente. Elle a relevé, d'une part, que la société A n'ignorait pas que, lors de l'acquisition des titres des sociétés T et C, celles-ci n'avaient plus d'activité économique, de sorte que ces acquisitions ne présentaient aucun intérêt économique et que l'objectif poursuivi par la société avait été uniquement de rechercher l'exonération des dividendes en utilisant à cette fin et de manière abusive le régime des sociétés mères ce qui lui a permis d'éluder la soumission à l'impôt sur les sociétés de la somme de 1 621 187 euros. Elle a constaté d'autre part, que les distributions avaient été suivies de la cession des titres sur l'exercice 2004 dégageant ainsi une moins-value déductible de son résultat et ayant concouru à la formation d'un déficit fiscal reportable au 31 décembre 2004. Elle en a déduit que l'acquisition des titres des deux sociétés C et T, ne correspondait à aucune réalité économique mais visait exclusivement à l'obtention d'un avantage fiscal au travers d'une situation artificiellement créée.

L'administration a donc mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit et a ainsi refusé, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'application du régime des sociétés mères et filiales ce qui s'est traduit par une rectification du résultat de la société A de la somme de 1 621 187 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2004.

Après avoir entendu ensemble les représentants de la société et de l'administration fiscale, le Comité a relevé :

- que la société A avait souscrit l'engagement de garder les titres des sociétés C et T pendant deux ans afin de bénéficier du régime des sociétés mères ;

- que les sociétés C et T, dont les réserves ont été distribuées, étaient vidées de toute substance et n'avaient plus d'activité opérationnelle ;

Par suite, le Comité a déduit de l'ensemble des éléments ainsi portés à sa connaissance, que dans le cadre des opérations successives décrites ci-dessus et formant un tout indissociable, la société A avait souscrit l'engagement formel de conservation des titres pendant une durée de deux ans dans le but exclusif d'atténuer ses charges fiscales grâce à une application littérale des dispositions fiscales relatives au régime des sociétés mères à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur lorsqu'il a adopté ce régime lequel permet, afin d'éviter une double imposition, de ne pas soumettre à l'impôt sur les sociétés dû par la société mère, sous déduction d'une quote-part de frais et charges de 5%, les dividendes qu'elle a reçus de ses filiales, mais suppose une poursuite effective de l'activité des filiales.

En conséquence, le Comité a émis l'avis que l'administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige.

Enfin, le Comité estime que la société A doit être regardée comme ayant eu l'initiative principale des actes constitutifs de l'abus de droit au sens du b) de l'article 1729 du code général des impôts. Il émet donc l'avis que l'administration est fondée à appliquer la majoration de 80 % prévue par ces dispositions. »

Nota : l'administration a pris note de l'avis favorable du Comité .