Date de début de publication du BOI : 01/07/2002
Identifiant juridique : 13L1612
Références du document :  13L1612
Annotations :  Lié au BOI 13O-1-05

SOUS-SECTION 2 PORTÉE DE L'OBLIGATION DE MOTIVER LES SANCTIONS FISCALES : SOLUTIONS JURISPRUDENTIELLES


SOUS-SECTION 2

Portée de l'obligation de motiver les sanctions fiscales : solutions jurisprudentielles


1Toutes les sanctions fiscales mises en recouvrement après l'entrée en vigueur de la loi du 11 juillet 1979 c'est-à-dire le 11 janvier 1980 doivent être motivées (CAA Paris, 21 mai 1991, n° 845 - 846 et CAA Nancy, 9 juillet 1991, n° 484).

À défaut, la procédure est irrégulière et le juge prononce la décharge des majorations et amendes en leur substituant cependant les intérêts de retard (CE, arrêts des 22 février 1989, n° 70252 et 11 avril 2001, n° 175082 ; CAA Lyon, 28 décembre 1990, n° 1778 ; CAA Nancy, 2 avril 1991, n os 817-818 et 9 juillet 1991, n° 484 ; CAA Paris 21 mai 1991, n os 845-846).

La charge de la preuve de la motivation appartient à l'administration (CE, arrêts des 21 avril 1989, n° 89657 et 1er mars 2001, n° 181665 et CAA Paris, 18 juillet 1991, n° 311).

2L'administration n'est pas tenue de suivre une procédure contradictoire.

Ce principe résulte d'une jurisprudence constante (CE, arrêts du 27 avril 1979, n° 7309, Assemblée, du 16 février 1987, n° 50422 ; CAA Nantes, 8 juin 1990, n° 441 et 3 juillet 1991, n os 879 et 880 ; CAA Paris, 16 octobre 1990, n° 1983 et 12 mars 1991, n° 2129 ; CAA Lyon, 12 juin 1991, n° 1509 ; CAA Nancy, 25 juin 1991, n° 1027 en ce qui concerne l'amende visée à l'article 1740 ter du CGI).

En effet, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de suivre une procédure contradictoire pour l'établissement des pénalités.

3Par ailleurs, la motivation des pénalités doit s'effectuer en droit et en fait.

La lettre de motivation des pénalités doit comporter

- le fondement légal de la sanction ;

- les considérations de fait et, en particulier, l'existence et la nature exacte des infractions commises par le contribuable qui justifient l'application de la sanction, pour chaque année d'imposition non-dépôt de la déclaration, éléments démontrant la mauvaise foi, irrégularités de la comptabilité... (CAA Lyon, 28 novembre 1990, n° 545 ; CAA Paris, 27 mars 1990, n° 879 ; CAA Nantes, 3 juillet 1991, n° 732).

4Aussi, une lettre qui se borne à indiquer qu'il sera fait application, pour des omissions de recettes, des majorations prévues en l'absence de bonne foi est insuffisamment motivée pour retracer les circonstances de droit et de fait justifiant l'application de la sanction (CAA Nancy, 9 avril 1991, n° 798).

5De même, une lettre de motivation qui ne précise pas les années concernées ni les infractions commises est insuffisamment motivée même si elle se réfère à la notification (CAA Bordeaux 18 décembre 1990, n° 1092).

6La motivation ne peut intervenir qu' après constatation de l'infraction qui justifie la sanction.

Aussi, ne constituent pas une motivation des pénalités :

- les mises en demeure d'avoir à déposer des déclarations (CE, arrêts du 21 avril 1989 n° 89657 et du 6 juillet 1990, n° 81002 ; CAA Lyon, 14 mars 1991, n° 906) ;

- la seule constatation dans la notification de redressements du non-dépôt des déclarations sans exposé des motifs conduisant à l'application d'une procédure d'office (CE, arrêt du 21 avril 1989, n° 89657 et CAA Lyon, 14 mars 1991, n° 906).

7La lettre de motivation des pénalités (CE, arrêts du 15 janvier 1992, n° 89169 ; CAA Paris, 27 décembre 1990, n os 790 et 1124 et 30 avril 1991, n° 2664) ou la réponse aux observations du contribuable qui contient cette motivation (CAA Nantes, 28 novembre 1990 n°744) interrompt la prescription .

8   Sanctions fiscales et convention européenne des droits de l'Homme.

L'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme est applicable aux sanctions fiscales, mais il ne concerne que les procédures contentieuses.

Avant l'entrée en vigueur de l'article 112 de la loi de finances pour 1993, qui a complété l'articte L. 80 D du LPF, l'administration n'était pas tenue de suivre une procédure contradictoire pour l'établissement des pénalités.

Ainsi, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 12 1 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le Conseil d'État, saisi de questions portant sur l'applicabilité en matière fiscale, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme et du principe du contradictoire, le Conseil d'État a rendu les avis suivants.

1° Avis n° 164008 du 31 mars 1995 (Section, Journal Officiel du 2 mai 1995, p. 6901).

Par deux arrêts du 20 décembre 1994 (n os 92-847 et 92-848), la CAA de Lyon avait posé la question de savoir :

- si les pénalités pour manoeuvres frauduleuses sont assimilables à des condamnations pénales au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- dans l'affirmative, quelle est la portée des dispositions de l'article 6, paragraphe 2, de ladite convention sur les conditions d'élaboration, de prononcé et de contestation desdites sanctions.

Le Conseil d'État a rendu l'avis suivant :

« Aux termes de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au journal officiel par décret du 3 mai 1974 : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue... équitablement... par un tribunal qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle... 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 3. Tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai,... de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b) de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense... » ;

Il résulte du texte même de cet article que l'ensemble de ses stipulations n'est applicable qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale. Notamment, le paragraphe 2 dudit article qui, énonçant en matière pénale le principe de présomption d'innocence, concerne les règles d'instruction et de preuve applicables devant les juridictions, se borne à préciser les modalités de contestation, devant ces dernières, des accusations en matière pénale.

Il suit de là que l'article 6 précité n'énonce, y compris dans son paragraphe 2, aucune règle ou aucun principe dont le champ d'application s'étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions, et qui gouvernerait l'élaboration ou le prononcé de sanctions, quelle que soit la nature de celles-ci, par les autorités administratives qui en sont chargées par la loi.

Les principes que fixe ledit article 6 sont en revanche applicables à la contestation, devant les juridictions compétentes, des majorations d'impositions prévues à l'article 1729-1 du code général des impôts en cas de manoeuvres frauduleuses qui, dès lors qu'elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice, constituent, même si le législateur a laissé le soin de les établir et de les prononcer à l'autorité administrative, des « accusations en matière pénale » au sens des stipulations de l'article 6 précité ».

2° Avis n° 164911-165321 du 31 mars 1995 (Section).

Le tribunal administratif de Toulouse avait interrogé le Conseil d'État sur les questions de savoir :

- si les pénalités qui s'analysent en une sanction « à coloration pénale » pouvaient être prononcées par l'administration sans que le redevable fût au préalable informé des griefs retenus contre lui et mis à même de présenter des observations pour sa défense ;

- et si l'obligation de motiver la décision mettant à la charge d'un contribuable des sanctions fiscales, inscrite à l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, emporte celle d'engager une nouvelle procédure contradictoire.

Le Conseil d'État a rendu l'avis suivant :

« Ainsi que l'a jugé le Conseil d'État statuant au contentieux, par décision n° 68799 en date du 18 mars 1994, rendue sur la requête de la société Sovemarco-Europe, il résulte de l'ensemble des dispositions du code général des impôts, et notamment de son article 1736, que, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 112 de la loi de finances pour 1993, du 30 décembre 1992 complétant l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, le législateur a entendu exclure l'obligation pour l'administration de suivre une procédure contradictoire pour l'établissement des pénalités fiscales, quelle que soit la nature de celles-ci ».

 

1   Cette disposition est désormais codifiée à l'article L. 113-1 du code de justice administrative.