Date de début de publication du BOI : 14/06/1996
Identifiant juridique : 13N4216
Références du document :  13N4216

SOUS-SECTION 6 PREUVE DU DÉLIT


SOUS-SECTION 6

Preuve du délit


1Devant la juridiction pénale, la charge de la preuve incombe dans tous les cas à l'accusation, c'est-à-dire au Ministère public auquel se joint, le cas échéant, l'administration partie civile. C'est à eux qu'il appartient d'établir la matérialité du délit ainsi que la responsabilité personnelle de l'inculpé, qui bénéficie toujours de la présomption d'innocence.

À cet égard, et pour ce qui concerne les délits fiscaux, l'article 2-I de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 codifié sous l'article L. 227 du LPF est venu rappeler qu'en cas de poursuites pénales tendant à l'application des articles 1741 et 1743 du CGI, le ministère public et l'administration doivent rapporter la preuve du caractère intentionnel soit de la soustraction, soit de la tentative de se soustraire à l'établissement ou au paiement des impôts visés par ces articles.

En revanche, la charge de la preuve incombe en revanche au prévenu lorsqu'il invoque une exception de nullité, soit de la citation, soit de la procédure antérieure (art. 385 du Code de procédure pénale), en vue de faire échec aux poursuites (Cass. crim., 11 avril 1983, X... Philippe-Joseph et Y... Geneviève).

2Quant à l'objet de la preuve, il faut, mais il suffit à l'accusation de démontrer que l'inculpé s'est soustrait frauduleusement au paiement de l'impôt pour une somme qui, en cas de dissimulation, doit excéder la tolérance légale.

L'infraction peut être établie par tout moyen, mais à cet égard les preuves par écrit sont essentielles. Les éléments de preuve sont généralement constitués par les documents découverts au moment des perquisitions ou des saisies, par les constatations consignées dans les procès-verbaux ou rapports des agents, ainsi que par les rapports des experts commis par le juge d'instruction.

L'acceptation écrite des rehaussements par un contribuable avant l'ouverture de toute information judiciaire ne peut, à elle seule, être considérée comme une reconnaissance du délit ; elle constitue cependant une présomption sérieuse sur laquelle les juges peuvent se fonder pour conforter leur conviction (Cass. crim., 27 octobre 1980, X... Albert).

De toute manière, la valeur et la portée des moyens de preuve sont appréciées souverainement par le juge qui se prononce selon son intime conviction conformément aux dispositions de l'article 427 du Code de procédure pénale.

3Cela étant, il est bien établi que les principes posés par le CGI en ce qui concerne la charge et l'objet de la preuve devant la juridiction compétente pour connaître des litiges relatifs à l'exigibilité ou à la quotité de l'impôt ne s'appliquent pas devant la juridiction pénale.

La spécificité de la preuve pénale, déjà évoquée à propos de l'indépendance des procédures administrative et judiciaire, a été en effet abondamment illustrée par la jurisprudence de la Cour de cassation qui énonce régulièrement que l'existence des délits visés à l'article 1741 du CGI ne peut se déduire des seules évaluations que l'Administration a été amenée à faire selon ses procédures propres, mais doit résulter des constatations puisées par les magistrats dans les éléments soumis aux débats judiciaires contradictoires.

Aussi, n'ont pas été estimées suffisamment établies au regard des exigences de la preuve pénale, les dissimulations définies par les seules reconstitutions effectuées par le vérificateur pour asseoir des impositions par voie de taxation d'office (Cass. crim., 8 février 1988).

4À l'inverse, a paru justifiée la décision des juges d'appel qui ont établi l'existence de dissimulations en se fondant, non pas sur les seules évaluations de l'Administration, mais sur les constatations qu'ils ont puisées dans les éléments de preuve résultant de la procédure pénale (Cass. crim., 27 février 1978 ; Bull. crim. n° 74, p. 183).

De même, la Cour de cassation a énoncé que le juge pénal pouvait établir l'existence des éléments constitutifs du délit :

- en se référant aux décisions des juges administratifs après avoir précisé qu'il en retenait les constatations pour les faire siennes et avoir ainsi marqué qu'il ne leur attribuait pas l'autorité de la chose jugée (Cass. crim., 20 juin 1977 RJ, IV, p. 183) ;

- en puisant les éléments de son intime conviction dans les constatations relevées par les vérificateurs dès lors que par une appréciation souveraine, exempte d'insuffisance et de contradiction, il en a reconnu l'exactitude (Cass. crim., 25 septembre 1987 ; Bull. crim. n° 316, p. 849) ;

- en recherchant les éléments de sa conviction dans une autre procédure pénale, dès lors que ces éléments ont été soumis à la discussion contradictoire des parties (Cass, crim., 21 février 1973, RJ, IV, p. 239 ; 19 décembre 1973, RJ, IV, p. 256 et 22 février 1988, CHINET Bernard ; Bull. crim. n° 84) ;

- en portant sa propre appréciation sur les constatations de fait effectuées par les experts (Cass. crim., 28 janvier 1980, X... Alexandre) quel que soit par ailleurs le caractère surabondant d'une partie de la mission confiée aux experts judiciaires (Cass. crim., 7 novembre 1983 ; Bull. crim. n° 287, p. 729) ;

- en se fondant, non sur les résultats de la seule procédure administrative tendant à la fixation de l'assiette et de l'étendue de l'imposition, mais sur les déclarations du contribuable devant les premiers juges et en appel (Cass. crim., 9 mai 1988, X... Dominique) ;

- en appréciant le montant des dissimulations, non pas sur les seules évaluations de l'administration, mais sur les éléments de la comptabilité occulte tenue par le prévenu (Cass. crim., 3 octobre 1989, X... Philippe).