B.O.I. N° 21 DU 1er FEVRIER 1995
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
12 C-2-95
N° 21 DU 1er FEVRIER 1995
12 R / 3
COUR DE CASSATION. CHAMBRE COMMERCIALE. ARRETS DES 7 DECEMBRE 1993, 5 JUILLET ET 18 OCTOBRE 1994.
EXERCICE DES POURSUITES INDIVIDUELLES. ACTION CONTRE LES DIRIGEANTS DE SOCIETES COMMERCIALES.
ARTICLE L 267 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES. CONDITIONS D'APPLICATION. DEMONSTRATION DU
CARACTERE INTENTIONNEL DES INOBSERVATIONS (NON). DIRECTIVE EFFECTIVE : ABSENCE DE CONTESTATION.
CHARGE DE LA PREUVE
(L.P.F., art. L 267)
[D.G.I. - Bureau III C 3]
ANALYSE DES ARRETS (textes des décisions joints en annexe)
1. L'application de l'article L 267 du LPF n'implique pas la démonstration du caractère intentionnel des agissements reprochés au dirigeant (arrêt du 7 décembre 1993).
2. Dès lors que le gérant ne conteste pas avoir exercé effectivement ses fonctions de direction, la seule constatation des manquements aux obligations fiscales de la société suffit à caractériser sa responsabilité personnelle.
Il appartient en premier lieu au dirigeant de droit mis en cause de démontrer qu'il n'a pas exercé effectivement son mandat social (arrêts des 7 décembre 1993, 5 juillet et 18 octobre 1994).
OBSERVATIONS :
Lorsqu'il est assigné sur le fondement de l'article L 267 du LPF, un dirigeant de société peut s'exonérer de sa responsabilité personnelle en démontrant qu'il n'a pas exercé effectivement ses pouvoirs. Il s'agit là de la seule circonstance exonératoire prévue par le texte.
Dans les arrêts rapportés ci-dessus, la Cour de cassation précise la portée de cette disposition, en rappelant que, lorsqu'un dirigeant de droit prétend qu'il n'a pas assuré la direction effective de l'entreprise, la charge de la preuve lui incombe en premier lieu.
En effet, c'est uniquement lorsque le dirigeant de droit fait état de circonstances concrètes et sérieuses, desquelles il résulterait qu'il n'a pu assurer son mandat social qu'il appartient à l'Administration d'établir que ce dernier a effectivement exercé ses fonctions (cf. 3ème espèce).
Ces circonstances doivent faire apparaître, soit que l'ensemble des pouvoirs de direction a fait l'objet d'une délégation au profit d'un tiers, soit que l'entreprise se trouve en fait dirigée par une autre personne (cf. BOI *12 C-8-92).
Mais, à défaut de toute discussion sur ce point ou en l'absence de précision ou justification à l'appui de ses affirmations, le dirigeant ne peut reprocher aux juges d'avoir déduit sa responsabilité personnelle de la seule constatation de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales de la société (1ère et 2ème espèces ; cf. BOI 12 C-2-92 et 12 G-3-92).
A cet égard, l'application de l'article L 267, qui n'exige pas que soit établie la mauvaise foi du dirigeant (cf. Cass. com. 19 mai 1992 BOI *12 C-1-93) n'est pas non plus subordonnée à la preuve du caractère intentionnel des manquements imputables à ce dernier (1ère espèce).
ANNOTER : Instructions 12 C-33-81 et *12 C-8-92
12 C-2-92
12 C-3-92
Pour le Sous-Directeur, Le Directeur Départemental Chargé du Bureau,
M. CLENIN
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ANNEXE
1. Cass. com. 7 décembre 1993 (arrêt n° 1953 D)
« Attendu qu'il est reproché à l'arrêt (PARIS 24 octobre 1991) d'avoir déclaré M. X... solidairement responsable des impôts dus par la SARL Chauffage Couverture Plomberie (la société), dont il était le gérant, alors, selon le pourvoi, qu'il n'y a pas lieu à application de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales, dès lors que l'administration ne démontre pas concrètement la responsabilité personnelle du dirigeant de droit de la société, ni le caractère intentionnel des agissements qui lui sont reprochés ; qu'en omettant de répondre au moyen soulevé par l'appelant à cet égard, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions ; qu'en outre, elle a également entaché ledit arrêt d'une violation de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales ;
Mais attendu d'une part, que l'application de ce texte n'implique pas le caractère intentionnel des agissements du dirigeant ;
Attendu, d'autre part, que M. X... , gérant statutaire de la société, se bornait à inviter l'administration à prouver qu'il exerçait effectivement les prérogatives de sa fonction, sans faire état de circonstances de fait particulières ; que dans ces conditions, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des allégations dépourvues de toute précision et offres de justification, a légalement justifié sa décision sans encourir les reproches du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi. »
2. Cass. com. 5 juillet 1994 (arrêt n° 1566 D)
« Attendu que Mme X... reproche aussi à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi (...) qu'en se bornant à relever l'omission ou la tardiveté des déclarations, sans caractériser en quoi elles constituaient des manquements graves imputables au gérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du même texte ;
Attendu que Mme X... n'avait pas discuté en ses écritures qu'elles exerçait effectivement la direction de l'entreprise dont elle était gérante ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel, qui avait retenu le caractère de gravité des manquements aux obligations fiscales de la société, a pu également retenir la responsabilité personnelle du gérant, sans être tenue de procéder à d'autres recherches, qui ne lui avaient pas été demandées ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi. »
3. Cass. com. 18 octobre 1994 (arrêt n° 1818 D)
« Attendu que M. X... , gérant de la société à responsabilité SERBG, reproche à l'arrêt (AMIENS 22 septembre 1992) de l'avoir déclaré solidairement tenu avec la société, en application de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales, du passif de celle-ci, alors, selon le pourvoi (...) que seul le dirigeant d'une personne morale responsable des inobservations graves et répétées des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société peut être déclaré personnellement et solidairement responsable des impositions qui n'ont pu être recouvrées ; qu'en l'espèce actuelle, il résulte de l'arrêt qu'il aurait signé la réponse à une notification de redressements adressée à la société à responsabilité limitée, qu'il a signé des déclarations de taxes sur le chiffre d'affaires des mois de novembre, décembre 1980, février 1981, qu'il aurait été l'interlocuteur du service local des impôts en ce qui concerne les déclarations sur les rémunérations versées aux membres de certaines sociétés ; que ces constatations de l'arrêt établissent l'accomplissement d'un certain nombre d'obligations fiscales mais ne caractérisent pas à la charge de M. X... des inobservations graves et répétées des obligations fiscales qui auraient rendu impossible le recouvrement des impositions des pénalités dues par la société (...) ;
(...) que, s'il incombe à l'administration d'établir que le dirigeant de droit dirige effectivement la société M. X... n'avait pas fait état de circonstances concrètes particulières desquelles il résulterait qu'il ne remplissait pas les tâches correspondant à ses fonctions, ni offert de justifier cette assertion ; que la cour d'appel n'était donc pas tenue de faire une recherche qui ne lui était pas demandée (...) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi. »