SECTION 5 PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL
SECTION 5
Procédure devant le tribunal
SOUS-SECTION 1
Preuve des contraventions
A. GÉNÉRALITÉS
I. Droit commun
1La preuve est régie devant les tribunaux répressifs par le principe général qui caractérise la législation criminelle nationale : le juge doit prendre son intime conviction comme base de sa décision.
Toutefois, les éléments de cette conviction dovent être puisés dans un débat public, oral et contradictoire et les diverses preuves doivent être administrées selon les formes prescrites par la loi,
2Sous cette réserve, tous les modes de preuve sont admis (Code de proc. pén., art. 427 précité).
Au surplus, en matière de contraventions de droit commun, un procès-verbal régulièrement dressé fait foi jusqu'à preuve du contraire (et même, parfois, jusqu'à inscription de faux).
Ainsi, la loi attache au procès-verbal une présomption de vérité qui retire en ces circonstances au juge toute faculté d'appréciation tant que la preuve contraire n'a pas été régulièrement administrée ou qu'une procédure de faux n'a pas été engagée.
En droit commun, le procès-verbal n'est jamais indispensable puisqu'aux termes de l'article 537 du Code de Procédure pénale : « les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut des rapports et procès-verbaux, ou à leur appui ».
II. Contributions indirectes
1. Modes de preuve
3 Le procès-verbal est le titre initial nécessaire des poursuites. En effet, l'Administration ne peut, sous réserve de certaines exceptions (cf. ci-après n°s 8 et suiv. ), poursuivre devant le tribunal que les infractions constatées par ses agents et consignées dans un procès-verbal à fins fiscales.
Toutefois, les preuves admises en droit commun (aveux, témoignages, expertises, etc.) s'appliquent aux infractions constatées en matière de contributions indirectes. Elles peuvent aider à compléter le procès-verbal et à convaincre le juge.
La Cour suprême a notamment jugé :
- que si les procès-verbaux contiennent en général la relation des faits mêmes qui constituent la contravention, aucune disposition légale ne s'oppose à ce que des procès-verbaux établis à l'occasion d'une contravention commise antérieurement constatent d'autres faits matériels qui prouvent l'existence de cette contravention.
Il appartient, d'ailleurs, au juge du fait de compléter, s'il y a lieu, cette preuve par les documents régulièrement produits et discutés à l'audience et par les autres preuves ou présomptions, conformément à l'article 154 du Code d'instruction criminelle (actuellement art. 537 du CPP).[Cass. crim., 30 juillet 1880, Bull. crim. 153, p. 268 ; S. 82-1-1284] ;
- que la preuve des infractions fiscales peut résulter non seulement des constatations matérielles faites par les agents des Impôts, mais encore de tous les éléments régulièrement produits aux débats : Cass. crim., 15 novembre 1956, RJCI 59, p. 398, Bull. crim. 749, p. 1330 ; Cass. crim., 17 janvier 1962, RJCI 5, p. 19.
2. Appréciation par les tribunaux
a. Juges du fond
4Les preuves offertes aux juges du fond sont versées aux débats et soumises à la libre discussion des parties.
Ils apprécient souverainement les éléments de preuve soumis au débat contradictoire pour fonder leur intime conviction (Code de Proc. pén., art. 353).
Dans le cadre de ce pouvoir d'appréciation, les juges du fond peuvent, notamment :
- refuser l'offre de preuve contraire formulée par les prévenus (Cass. crim., 15 mars 1972, RJ n° 1, p. 15 ; Cass. crim., 20 mars 1974, RJ n° 1, p. 42 ; Cass. crim., 20 octobre 1977, RJ n° 1, p. 166) ;
- décider de l'opportunité de recourir ou non à une expertise (Cass. crim., 4 mars 1976, RJ n° 1, p. 91 ; Cass. crim., 29 avril 1976, RJ n° 1, p. 1 12, et les arrêts cités ; Cass. crim., 17 octobre 1977, RJ n° 1, p. 157).
Une jurisprudence importante et constante consacre le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. Cass. crim., 17 octobre 1974, RJ n° 1, p. 121, et les arrêts cités ; Cass. crim., 2 décembre 1975, RJ n° 1, p. 163 ; Cass. crim., 4 mars 1976, précité ; Cass. crim., 29 avril 1976, précité ; Cass. crim., 12 mai 1976, RJ n° 1, p. 123 ; Cass. crim., 28 juin 1976, RJ n° 1, p. 169 ; Cass. crim., 1er octobre 1979, RJ n° 1, p. 135, et les arrêts cités.
b. Cour de cassation
5L'appréciation des éléments de preuve soumis aux débats sur laquelle se fonde la conviction des juges du fond échappe au contrôle de la Cour de cassation.
La jurisprudence de la Cour suprême, a, sur ce point, toujours été constante (cf. Cass. crim., 2 décembre 1975, RJ n° 1, p. 163, et les arrêts cités, p. 165, renvoi ; Cass. crim., 31 octobre 1981, pourvoi n° 80/92.872 ; BODGI 2 L-6-82).
Bien entendu, le contrôle de la Cour de cassation ne s'applique pas qu'autant que la décision des juges du fond est exempte d'insuffisance ou de contradiction (Cass. crim., 9 mai 1961, RJCI 20, p. 65 ; Cass. crim., 7 juin 1961, RJCI 25, p. 81).
Il appartient, notamment, à une cour d'appel d'ordonner les mesures complémentaires d'instruction qu'elle estime utiles à la manifestation de la vérité. Faute de l'avoir fait, elle ne peut, en rejetant arbitrairement la force probante attachée aux procès-verbaux, se fonder sur la seule incertitude qui lui semble exister en faveur de la prévenue pour la relaxer des fins de la poursuite (Cass. crim., 4 janvier 1977, RJ n° 1, p. 25).
B. PROCES-VERBAL
I. Nécessité d'un procès-verbal
1. Principe.
6Les contraventions en matière de contributions indirectes doivent être obligatoirement constatées dans des procès-verbaux de saisie qui servent de base aux poursuites (Cass. crim., 28 avril 1853, Mém. Cl 18, p. 197 ; Cass. Crim., 2 mars 1917, BCI 7, p. 32 ; Cass. crim., 7 août 1930, BCI 20, p. 176).
Cette règle a été déduite, par la jurisprudence, des diverses dispositions de la loi du 19 brumaire, an VI (art. 19)et du décret du 1er germinal, an XIII (art. 20 et suiv.), et notamment de l'article 34 de ce décret qui décide que, lorsque le procès-verbal est annulé, seule la confiscation des objets saisis peut être prononcée (Livre des procédures fiscales, art. L. 243)
2. Exceptions.
7La règle précitée comporte trois exceptions. Néanmoins, dans ces situations, il est recommandé d'établir un procès-verbal chaque fois que cela est possible, afin d'éviter des incidents de procédure et la nullité des poursuites.
Cas d'infraction fiscale annexe à un délit de droit commun
8Toutes les fois que le tribunal est saisi par le ministère public d'un fait qui constitue à la fois un délit de droit commun et une contravention fiscale, l'action publique étant exercée par le Parquet, l'Administration est admise à intervenir à l'instance comme une partie civile, et par voie de simples conclusions (vins artificiels, absinthes, vins impropres à la consommation). Elle profite alors, en ce qui concerne l'infraction fiscale des preuves apportées par le ministère public pour le délit de droit commun, sans être tenue de produire un procès-verbal à fins fiscales dressé par ses agents (jurisprudence constante ; cf. notamment : Cass. crim., 5 juin 1880, Mém. Cl 21, p. 176, Bull. crim. 113, p. 200 ; Cass. crim., 17 février 1912, BCI 6, p. 26, Bull. crim. 97, p. 164 ; Cass. crim., 25 janvier 1929, BCI 18, p. 171 ; Cass. crim., 9 février 1929, BCI 18, p. 177, Bull. crim. 48, p. 101 ; Cass. crim., 29 novembre 1929, BCI 30, n° 2, p. 10, Bull. crim. 266, p. 535 ; Cass. crim., 10 juin 1932, BCI 15, p. 247 ; Cass. crim., 16 mars 1933, BCI 14, p. 236, Bull. crim. 55, p. 104 ; Cass. crim., 12 juillet 1946, RJCI 34, p. 76, Bull. crim. 163, p. 242).
Plus récemment, la Cour suprême a précisé que si, en règle générale, un procès-verbal dressé par les agents de l'Administration est le titre initial nécessaire des poursuites exercées par celle-ci du chef d'une infraction fiscale, il cesse d'en être ainsi lorsque la juridiction correctionnelle a été saisie par le ministère public de la connaissance d'un fait comportant à la fois une sanction pénale, qui ne peut être requise que par lui, et des pénalités fiscales.
L'Administration, en agissant par voie d'intervention sur cette poursuite, profite des preuves administrées par le ministère public pour établir l'existence du délit et se trouve dispensée de produire un procès-verbal constatant la contravention fiscale et la saisie de la marchandise en vue de sa confiscation (Cass. crim., 3 octobre 1974, Bull. crim. 275, p. 704, RJ n° 1, p. 109).
Bien entendu, il faut en revenir à la règle (nécessité d'un procès-verbal) chaque fois que la contravention fiscale repose sur un fait différent de celui poursuivi par le ministère public. Au surplus : E. 3312, n° 118.
II. Force probante du procès-verbal
9 En droit commun, les procès-verbaux constituent, selon le cas :
- soit des documents de la cause susceptibles d'être débattus par le prévenu et à l'égard desquels les juges conservent une entière liberté d'appréciation :
- soit des actes faisant foi jusqu'à preuve contraire, par exemple, en matière de contravention de droit commun, il ressort des dispositions de l'article 537 du Code de procédure pénale que le procès-verbal qui constate l'infraction fait présumer l'existence de l'infraction et oblige le prévenu à rapporter la preuve contraire qui ne peut être faite que par écrit ou par témoins :
- soit, plus rarement, des actes faisant foi jusqu'à inscription de faux.
Le procès-verbal faisant foi jusqu'à inscription de faux a une autorité absolue puisque ces constatations ont la force d'une preuve légale qui exclut toute preuve contraire de sorte que le juge est lié par le procès-verbal (Cass. Crim., 16 janvier 1869, Bull. crim. 16 : Cass. crim., 10 novembre 1877, Bull. crim. 231, p, 450) 1
Mais, conformément aux dispositions de l'article 433 du Code de Procédure pénale, les matières donnant lieu à des procès-verbaux faisant foi jusqu'à inscription de faux sont réglées par des lois spéciales. Parmi ces textes, au demeurant peu nombreux, on citera l'article 336 du Code des Douanes et l'article 469 du Code rural (délits de pêche).
10En matière de contributions indirectes, l'article L. 238 du Livre des procédures fiscales, issu de l'article 24 de la loi du 30 décembre 1903 dispose que les procès-verbaux des agents des Impôts font foi jusqu'à preuve contraire.
Cette force probante ne s'attache aux procès-verbaux rapportés par les agents des Impôts que dans la mesure où ces actes relèvent des infractions en matière de contributions indirectes. Un acte qui relèverait simultanément une contravention fiscale et un délit de droit commun, ferait foi du premier délit jusqu'à preuve contraire et n'aurait pour le second fait que la valeur d'un simple renseignement (Cass. crim., 6 novembre 1823, Mém. CI 11, p. 134, annulant partiellement les dispositions d'un arrêt de la Cour royale d'Amiens du 23 août 1823 et confirmant la doctrine de l'Administration).
Cas particulier : procès-verbaux dressés par les agents du Centre national de la cinématographie.
Aux termes de l'article 15 du décret du 28 décembre 1946, et de l'article 1er de l'arrêté du 19 mars 1947, pris pour l'application de la loi du 25 octobre 1946, portant création du Centre national de la cinématographie, les agents de cet organisme, commissionnés par le directeur général 2 sont tenus au secret professionnel, prêtent serment devant le tribunal « de grande instance statuant au civil », sont assimilés aux fonctionnaires publics pour l'application des articles 171 à 179, 209 à 221 du Code pénal, et dressent procès-verbal des infractions qu'ils relèvent.
Il s'ensuit que les procès-verbaux rapportés par ces agents font foi, jusqu'à preuve contraire, des constatations matérielles qu'ils contiennent (Cass. crim., 15 novembre 1956, RJCI 59 p. 398).
2. Faits dont les procès-verbaux font foi
12 La foi due aux procès-verbaux jusqu'à preuve contraire ne s'attache qu'aux faits matériels relatifs aux infractions qu'ils constatent.
Ce principe résulte d'une jurisprudence constante (Cass. crim., 12 juin 1806, Mém. CI 10, p. 126 ; Cass. crim., 20 juin 1946, RJCI31 p. 690, Bull. crim. 145, p. 214).
Nota. - Déclarations et aveux du contrevenant ; déclarations des tiers sur la force probante attachée à ces déclarations et aveux (cf. ci-dessous n° 54 et suiv. ).
a. Notions de faits matériels constatés.
13Les faits matériels sont ceux que l'agent rédacteur du procès-verbal a constaté dans l'exercice de ses fonctions, soit par l'usage des sens, soit par les moyens propres à en spécifier l'exactitude.
L'appréciation personnelle des faits constatés matériellement ne participe pas à la force probante attachée aux seules constatations matérielles.
Il importe donc de distinguer :
- d'une part, les faits matériels, en particulier les opérations scientifiques, personnellement constatés par les rédacteurs du procès-verbal et décrits avec précision ;
- d'autre part, les déductions ou appréciations personnelles effectuées par ces mêmes agents qui ne font pas foi jusqu'à preuve contraire et constituent de simples renseignements soumis à l'appréciation souveraine des juges du fond.
La question de savoir où s'arrête le fait matériel et où commence l'appréciation personnelle pose des problèmes de frontière délicats, que la Cour de cassation a été amenée à examiner et pour lesquels la jurisprudence est rappelée ci-après.
1° Nature des marchandises
14Les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire des énonciations relatives à la nature des marchandises (Cass. crim., 17 décembre 1925, BCI 1926, 3, p. 30) et notamment lorsqu'il a été constaté :
- que le liquide transporté était du cassis (Cass. crim., 29 octobre 1896, BCI 1897-2, p. 26 ; Bull. crim. 303 p. 466).
En revanche, aucune force probante ne peut être attachée à la mention d'un procès-verbal selon laquelle les agents ont simplement « cru » d'après l'odeur qu'un fût contenait de l'alcool (Cass. crim., 21 novembre 1851).
1 Arrêt rendu en matière de contributions indirectes avant que l'article 24 de la loi du 30 novembre 1903, abrogeant l'article 23 du décret du 1er germinal, an XIII, ait décidé que les procès-verbaux des agents des Cl ne feraient plus foi que jusqu'à preuve contraire.
2 Le centre national de la cinématographie est régi par les articles 1 à 13 du Code de l'industrie cinématographie (annexé au décret du 27 janvier 1956 pris en application du décret du 20 mai 1955 ratifié par la loi n° 58-346 du 3 avril 1958). Il constitue un établissement public doté de l'autonomie financière, dirigé et administré par un directeur général.