Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3351
Références du document :  13E3351

SOUS-SECTION 1 PREUVE DES CONTRAVENTIONS

2° Volume des marchandises

15La loi n'impose aucun mode de jaugeage ou de mesurage.

Dès lors, font foi jusqu'à preuve contraire :

- les résultats d'une opération de dépotement (Cass. crim., 5 avril 1879, Mém. Cl 21, p. 52) ;

- ceux, non contestés, d'un jaugeage dans les conditions fixées par l'article 146 de la loi du 28 avril 1816 (Agen, 12 novembre 1896, BCI 24 p. 710 ; Riom, 3 février 1915).

3° Poids des marchandises

16Lorsque les verbalisants ont recours à des instruments de pesage, il s'agit d'un fait matériel qui ne laisse place à aucune appréciation.

En revanche, est dénué de force probante :

- le procès-verbal qui se bome à évaluer le poids (Cass., 29 janvier 1825, Mém. Cl 12, p. 302) ;

- le procès-verbal qui mentionne que le poids des marchandises transportées paralt supérieur à celui indiqué sur le titre de mouvement (Cass. crim., 24 janvier 1946 ; RJCI 10, p. 24 Bull. crim. 25 p. 33).

4° Autres décisions d'espèce

17La Cour suprême a jugé que, lorsqu'un procès-verbal relève des infractions résultant du rapprochement des écritures tenues par l'Administration d'une part, et par les redevables d'autre part, les juges du fond apprécient souverainement les déductions que les agents verbalisateurs ont tirées de l'examen de ces écritures (Cass. crim., 20 juin 1946 ; RJCI 31, p. 69, Bull. crim. 145, p. 214).

De même, en relaxant un prévenu poursuivi du chef de transport d'eau-de-vie de cru sans titre de mouvement, pour les motifs que les énonciations d'un camet tenu par un bouilleur ambulant, sans la participation et le contrôle de ses clients, énonciations sur lesquelles était exclusivement fondée la poursuite, ne présentaient pas un caractère d'authenticité, et que les déclarations à l'audience dudit bouilleur ambulant appelé en témoignage avaient été embarrassées, les juges du fond usent du pouvoir souverain d'appréciation qui leur appartient et leur décision échappe au contrôle de la Cour de cassation (Cass. crim., 7 juin 1956, RJCI 43, p. 362, Bull. crim. 444, p. 810).

Ce dernier arrêt est à rapprocher de celui qui précise que les énonciations de la comptabilité d'un tiers rapportées dans un procès-verbal de l'Administration ne font pas foi jusqu'à preuve contraire mais valent seulement à titre de présomption dont l'appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. crim., 5 janvier 1956, RJCI 3, p. 263, Bull. crim. 19, p. 35).

b. Constatation personnelle des verbalisants

18Pour que les faits matériellement énoncés au procès-verbal fassent foi, jusqu'à preuve contraire, il est nécessaire qu'ils aient été constatés personnellement par le verbalisant.

A cet égard, la Cour de cassation a jugé qu'un procès-verbal de gendarmerie, relatant des faits que les gendarmes rédacteurs n'ont pas personnellement constatés, mais à l'égard desquels ceux-ci ont seulement rapporté les déclarations des plaignants et des témoins, ne fait pas foi jusqu'à preuve contraire.

Il ne saurait, par suite, servir d'unique fondement à une condamnation contre un prévenu qui dénie l'existence de la contravention qui lui est reprochée (Cass. crim., 20 avril 1893, Journal des Cl 1894, p. 388).

De même, le procès-verbal d'un agent qui n'a été témoin de rien et qui ne fait que rapporter de simples renseignements sur des déclarations d'autrui ne fait pas foi jusqu'à preuve contraire.

Ces actes n'en constituent pas moins un rapport ou un document pouvant servir d'élément à la poursuite et dont l'appréciation est laissée à la conscience du juge sauf à la corroborer par d'autres preuves légales (Cass. crim., 13 avril 1861, S. 62-1-332 ; Cass. crim., 11 juillet 1867, S. 68-1-321 : Cass. crim., 20 et 27 janvier 1893, S. 94-1-110 ; Cass. Crim., 4 août 1893, S. 94-1-111).

Ainsi, il a été jugé en matière de contributions indirectes :

- qu'il n'était pas indispensable qu'un procès-verbal fasse mention de la constatation directe et immédiate de la contravention ; qu'il suffisait d'y énoncer d'autres faits ou circonstances de nature à établir la contravention ; que, dans ce cas, les tribunaux avaient pouvoir souverain pour condamner ou pour absoudre (Cass. crim., 13 juillet1888, Bull. crim. 245, p. 384 ; Cass. crim., 28 mars 1889, Bull. crim. 133, p. 203 ; Cass. crim., 12 décembre 1889, Bull. crim. 388, p. 611 ; Cass. crim., 28 juillet 1892, Bull. crim. 217, p. 349 ; Cass. crim., 9 mars 1899, Bull. crim. 43, p. 64 : Cass. crim., 2 mai 1908, Bull. crim. 175, p. 315 ; Cass. crim., 23 mars 1917, Bull. crim. 15, p. 26 ; Cass. crim., 10 décembre 1921, BCI 1922-4, p. 14) ;

- qu'un tel procès-verbal pouvait être complété par tout autre preuve ou présomption, conformément aux règles exposées par l'article 154 du Code d'instruction criminelle (actuellement art. 537 du Code de Procédure pénale) et notamment les dépositions recueillies à l'audience (Cass. crim., 30 juillet 1880, S. 82-1-254 ; Cass. crim., 19 février 1909, Journal Cl ; Cass. crim., 4 juin 1910, BCI 14, p. 59 ; Bull. crim. 290 : Cass. crim., 25 juin 1925, BCI 16, p. 173, Bull. crim. 197, p. 380) ;

- que, notamment, une instruction ouverte par le ministère public profite à l'Administration, et sert, s'il y a lieu, à compléter le procès-verbal (Cass. crim., 9 février 1912, BCI 7, p. 35) ;

- qu'il suffit que les circonstances relatées au procès-verbal, par exemple l'examen par un expert de la comptabilité d'un coprévenu, soient de nature à démontrer l'existence de la fraude (Cass. crim., 19 octobre 1912, BCI 1913-2, p. 6, Bull. crim. 500, p. 922) ;

- qu'il suffit que les faits énoncés au pocès-verbal, comme une déclaration faite par un coprévenu, soient de nature à établir l'existence de la contravention (Cass. crim., 6 février 1919, BCI 8, p. 30, Bull. crim. 29, p. 49).

2. Présomption de vérité,

19La loi attache aux énonciations du procès-verbal faisant foi jusqu'à preuve contraire, une présomption de vérité qui s'impose au juge du fond.

Celui-ci ne peut imposer à l'Administration, en ce qui concerne la constatation matérielle et directe des faits constitutifs de l'infraction fiscale, l'obligation de corroborer par d'autres preuves, celle du procès-verbal (Cass. Crim., 22 décembre 1931, Mém. Cl 13, p. 84 ; Cass. crim., 17 février 1832, S.32.1.318 ; Cass. crim., 24 mai 1945, RJCI 15, p. 28).

Il ne peut pas non plus relaxer le prévenu au motif que la partie poursuivante n'offrirait pas de prouver les faits énoncés au procès-verbal (Cass. crim., 15 mars 1863).

20Le juge du fond perd, en ce qui concerne les énonciations du procès-verbal, son pouvoir d'appréciation : il ne peut ni les rejeter ni les écarter tant que la preuve contraire n'a pas été administrée dans les conditions déterminées par le loi (Cass. crim., 22 juin 1844).

Ainsi, le juge du fond ne peut-il substituer au procès-verbal :

- son opinion personnelle (Cass. crim., 22 août 1817, Mém. Cl 9, p. 162, Bull. crim. 78) ;

- ou la connaissance personnelle qu'il aurait des faits (Cass. crim., 21 mars 1833, S. 33-1-64). Il ne peut pas par ailleurs anéantir les constatations du procès-verbal :

- par de simples conjectures ou hypothèses ou par un raisonnemant arbitraire (Cass. crim., 8 juillet 1808, Mém. Cl 4, p. 667 ; Cass. crim., 23 mai 1828, Mém. Cl 12, p. 41) ;

- parce que les faits constatés lui paraîtraient invraisemblables (Cass. crim., 1 er février 1822, Mém. CI 11, P 117) ;

- ou encore en se basant sur des motifs de suspicion à l'égard des verbalisants (Cass., 18 novembre 1925).

La foi due aux procès-verbaux ne peut être détruite par les déclarations des verbalisants à l'audience (Cass. Crim., 17 août 1844, Mém. Cl 17, p. 123, Bull. crim. 297).

La force probante d'un procès-verbal faisant foi jusqu'à preuve contraire ne peut être infirmée par les seules dénégations ou allégations du prévenu (Cass. crim., 5 mars 1958, RJCI 24, p. 6 ; Cass. crim., 11 juin 1965, RJCI 20, p. 67 ; Cass. crim., 4 mars 1976, RJ n° 1, p. 91, et les arrêts cités ; Cass. crim., 1er octobre 1980, RJ n° 1, p. 79, et les arrêts cités).

Cependant, lorsqu'un procès-verbal constate des faits qui se contredisent, les tribunaux peuvent, sans porter atteinte à la foi due à cet acte, se refuser à reconnaître la contravention qu'il avait pour objet de constater (Cass. Crim., 13 janvier 1817, Mém. CI 11, p. 55).

Enfin, un tribunal peut condamner le prévenu au vu d'une copie du procès-verbal, le dossier ayant été détruit lors d'un bombardement (Cass. crim., 16 mars 1954, RJCI 14, p. 37).

3. Preuve contraire

22En droit commun, la preuve contraire des énonciations des procès-verbaux concernant les contraventions doit être rapportée par écrit ou par témoins (Code de Proc. pén., art. 537 in fine).

En matière de contributions indirectes, l'administration de la preuve contraire est régie d'une façon plus stricte par l'article 24 de la loi du 30 décembre 1903 codifié actuellement sous l'article L. 238 du Livre des procédures fiscales. Toutefois, les dispositions de ce texte ne dérogent pas aux principes de droit commun concernant l'admissibilité des preuves.

a. Énonciations du procès-verbal auxquelles s'applique la preuve contraire

23L'article L. 238 du Livre des procédures fiscales est applicable dans les cas où le contrevenant entend détruire la foi que la loi attache à certaines des énonciations du procès-verbal, c'est-à-dire, d'après une jurisprudence constante, à celles qui concernent des faits matériels dont les agents ont personnellement constaté l'existence (cf. ci-dessus n° 15 et suiv. ).

Par suite, lorsqu'un prévenu conteste les analyses ayant déterminé le degré alcoolique réel des spiritueux qu'il a mis en circulation, ses conclusions à fin d'expertise ne sauraient être considérées comme une demande de preuve contraire au sens de l'article 1865 du CGI 1 [Cass. crim., 17 octobre 1977, RJ n° 1, p. 157].

b. Moyens de preuve.

24La procédure particulière prévue par l'article 24 de la loi du 30 décembre 1903 n'est pas obligatoire, la preuve contraire pouvant être administrée par tous les moyens légaux.

C'est en ce sens que s'est prononcée la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mars 1976 notamment (RJ n° 1, p. 91 : Bull. crim. 82, p. 196). Cette manière de voir, si elle n'était pas nouvelle, n'avait cependant pas toujours prévalu (voir les observations figurant au recueil de jurisprudence de 1976, sous l'arrêt précité).

De son côté, l'article 537, in fine, du Code de Procédure pénale, énumère limitativement les moyens de preuve contraire d'un procès-verbal régulièrement dressé ; ce sont les écrits ou (et) les témoignages.

1° Preuve par écrit

25La preuve littérale peut être rapportée :

- soit au moyen d'actes authentiques visés aux articles 1317 et suivants du Code civil (Cass. crim., 2 février 1939, BCI 9 p. 174 ; Cass. crim., 2 octobre 1940, BCI 1941-1, p. 35) ;

- soit au moyen d'actes sous seing privé visés aux articles 1322 et suivants du Code civil ;

- soit encore au moyen de tous autres documents (livres de commerce, registres et papiers domestiques, lettres, missives, etc.).

Mais pour que cette preuve soit recevable il est nécessaire qu'elle ait été constituée antérieurement à l'infraction.

Ainsi, ne sauraient faire preuve contraire :

. - les certificats ou attestations délivrés a posteriori par des tiers (Cass. crim., 2 février 1939 précité) :

- le constat d'huissier dressé après le procès-verbal (Cass. crim., 7 janvier 1944, RJCI 5, p. 11) ;

- le carnet, conforme au modèle réglementaire, produit après l'engagement des poursuites alors que le prévenu avait présenté aux verbalisants un simple brouillon, dans cette situation le carnet devant être considéré comme dressé après coup (Cass. crim., 3 août 1944, RJCI 44, p. 88).

2° Preuve par témoins

26Conformément à l'article 437 du Code de Procédure pénale les témoins doivent, avant d'être entendus, prêter serment dans les termes de l'article 103 du même code.

En application de ces principes, la Cour suprême a jugé que la preuve contraire ne peut résulter d'un témoignage produit sous serment incomplet ou illégal (Cass. crim., 20 décembre 1864).

c. Administration de la preuve contraire (selon la procédure prévue par l'article 24 de la loi du 30 décembre 1903).

27L'article L. 238 du Livre des procédures fiscales détermine d'une façon précise les conditions dans lesquelles la preuve contraire doit être administrée. Ce texte prévoit que si le prévenu demande à faire cette preuve, le tribunal renvoie la cause à quinzaine au moins.

En outre, dans le délai de trois jours francs à compter de l'audience où le renvoi a été prononcé, le prévenu doit déposer au greffe la liste des témoins qu'il Veut faire entendre avec leur nom, prénoms, profession et domicile.

1° Liberté pour le juge d autoriser ounon le prévenu à faire la preuve contraire

28Même dans le cadre de la procédure prévue par l'article 24 de la loi de 1903 (LPF, art. L. 238), les juges du fond ne sont pas tenus de faire droit aux conclusions des prévenus offrant d'apporter la preuve contraire des faits consignés aux procès-verbaux, ce texte ne contenant aucune dérogation au droit commun concernant l'admissibilité des preuves (Cass. crim., 20 mars 1974, RJ n° 1, p. 42 ; Bull. crim. 119 p. 311 ; Cass. crim., 20 octobre 1977, RJ n° 1, p. 166 ; Bull. crim. 317, p. 805).

2° Obligation pour le prévenu de déposer la liste des témoins

29Si le tribunal autorise le prévenu à rapporter la preuve contraire dans le cadre de la procédure (non obligatoire) prévue par l'article 24 de la loi du 30 décembre 1903, l'intéressé doit déposer au greffe la liste des témoins qu'il ,veut faire entendre.

La loi n'édicte point de déchéance contre celui qui a déposé tardivement la liste des témoins.

L'Administration n'est pas fondée à se prévaloir, devant la Cour de cassation, du dépôt tardif de la liste des témoins au greffe. A cet égard, la Cour suprême a jugé que, lorsque les témoins ont été entendus à la première audience du tribunal sans que les représentants de l'Administration s'y soient opposés et qu'après cette audition, le tribunal a renvoyé l'affaire à trois semaines pour permettre à l'Administration de faire entendre ses témoins, si elle le jugeait à propos, aucune atteinte n'a été portée aux intérêts de la partie poursuivante (Cass. crim., 8 juillet 1938, BCI 1939-1, p. 6 ; Cass. crim., 27 février 1939, BCI 9 p. 186, Bull. crim. 28, p. 53).

Théoriquement, les représentants de l'Administration devant les tribunaux devraient donc s'opposer, dès l'ouverture des débats, à toute audition de témoins qui ne serait pas effectuée dans les conditions prévues par l'article L 238 du Livre des procédures fiscales et notamment à l'audition de témoins dont la liste n'aurait pas été déposée au greffe dans le délai imparti. Mais la Chambre criminelle considérant désormais que la procédure de preuve contraire prévue par le texte fiscal n'est pas obligatoire, l'inobservation de ladite procédure devrait demeurer sans conséquence.

1   Actuellement article L. 238 du Livre des procédures fiscales.