Date de début de publication du BOI : 01/03/1995
Identifiant juridique : 4H1415
Références du document :  4H1415
Annotations :  Lié au BOI 4H-4-95

SOUS-SECTION 5 DÉROGATIONS AU PRINCIPE DE LA TERRITORIALITÉ RÉSULTANT DE DISPOSITIONS LÉGALES PARTICULIÈRES


SOUS-SECTION 5  

Dérogations au principe de la territorialité résultant de dispositions légales particulières



  A. RÉGIMES D'IMPOSITION DU BÉNÉFICE CONSOLIDÉ ET DU BÉNÉFICE MONDIAL


1Par dérogation au principe de la territorialité de l'impôt, et conformément aux dispositions de l'article 209 quinquies du CGI, les entreprises françaises, agréées à cet effet par le ministre de l'Économie et des Finances et passibles de l'impôt sur les sociétés peuvent être admises à déterminer leurs résultats imposables en France, en retenant l'ensemble des résultats de leurs exploitations directes ou indirectes, situées en France ou à l'étranger.

Les modalités d'application de ces dispositions ont été modifiées à compter du 1er janvier 1992 par le décret n° 91-1265 du 16 décembre 1991 codifié aux articles 113 à 134 A de l'Annexe II au CGI et complété par un arrêté du 6 février 1992 (JO du 13 février 1992).


  I. Régime du bénéfice consolidé


2Lorsqu'elles ont été agréées à cet effet par le ministre de l'Économie et des Finances, les sociétés et autres personnes morales françaises passibles de l'impôt sur les sociétés sont, pour l'assiette des impôts établis sur la réalisation et la distribution de leurs bénéfices, autorisées à consolider leurs résultats tels qu'ils sont définis au I de l'article 209 du CGI, avec les résultats de leurs exploitations directes situées hors de la France métropolitaine et des départements d'outre-mer et ceux de leurs exploitations indirectes situées en France et hors de France.

3Les exploitations directes s'entendent des succursales, bureaux, comptoirs, usines et installations permanentes de toute nature n'ayant pas une personnalité juridique distincte et dans lesquels la société ou la personne morale agréée exerce tout ou partie de son activité.

4Les exploitations indirectes sont les parts d'intérêts possédées par la société ou la personne morale agréée dans des sociétés en participation, des sociétés de personnes et des personnes morales assimilées, ainsi que les participations que la société ou la personne morale agréée détient dans des sociétés de capitaux placées sous son contrôle, à l'exception de celles qui sont possédées par la société agréée dans des sociétés qui sont membres d'un groupe qu'elle a constitué ou que l'une de ses exploitations indirectes a constitué, en application des dispositions des articles 223 A à 223 U du CGI.

5Sont considérées comme placées sous le contrôle d'une société ou d'une personne morale agréée les sociétés de capitaux françaises ou étrangères dans lesquelles la société ou personne morale agréée détient 50 % au moins des droits de vote, directement ou indirectement.

Cependant, par dérogation à cette règle, un pourcentage inférieur à 50 % peut être retenu lorsque la détention d'une participation égale ou supérieure à 50 % est interdite par la législation interne de l'État dans lequel la société contrôlée est implantée, lorsqu'elle résulte d'accords intervenus entre la France et cet État ou lorsqu'elle est imposée par la nature même de l'activité du groupe des sociétés contrôlées.

Les dispositions relatives au régime du bénéfice consolidé sont codifiées aux articles 113 à 134 de l'Annexe II au CGI.


  II. Régime du bénéfice mondial


6Selon ce régime, les sociétés mentionnées à l'article 209 quinquies du CGI sont, pour l'assiette des impôts établis sur la réalisation et la distribution de leurs bénéfices, autorisées à faire la somme de leurs résultats, tels qu'ils sont définis à l'article 209-I du code précité, et des résultats de leurs exploitations directes situées hors de la France métropolitaine et des départements d'outre-mer (CGI, Annexe II, article 134 A).


  B. ENTREPRISES PLACÉES SOUS LA DÉPENDANCE OU POSSÉDANT LE CONTRÔLE D'ENTREPRISES ÉTRANGÈRES


7Les dispositions de l'article 57 du CGI autorisent l'administration à redresser les résultats déclarés par les entreprises françaises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France. Sont ainsi ajoutés aux résultats accusés par les comptabilités, pour l'établissement de l'impôt français, les bénéfices indirectement transférés à ces entreprises étrangères, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen.

Ce même régime s'applique également lorsqu'une entreprise française effectue des opérations avec une entreprise étrangère, si l'une et l'autre sont sous la dépendance commune d'une tierce entreprise, d'un groupe ou d'un consortium.

8À compter du 1er janvier 1982, la condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque les transferts de bénéfices sont effectués au profit d'entreprises établies dans un État étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du 2e alinéa de l'article 238 A du CGI.

9Cet article dispose que les personnes domiciliées ou établies hors de France sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'État ou le territoire considéré, si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France.

10À titre de règle pratique, l'État ou le territoire étranger est réputé à régime fiscal privilégié lorsque les bénéfices réalisés par la société qui y est établie sont soumis à un prélèvement fiscal inférieur d'au moins un tiers à celui qui aurait été supporté en France à raison des mêmes opérations (cf. DB 4 C 6113).

Pour l'exposé complet du régime institué par l'article 57 du CGI, il convient de se reporter DB 4 A 121.


  C. PAIEMENTS À DES PERSONNES DOMICILIÉES À L'ÉTRANGER ET SOUMISES À UN RÉGIME FISCAL PRIVILÉGIÉ


11En application du 1er alinéa de l'article 238 A du CGI, certaines sommes payées ou dues par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales domiciliées ou établies dans un État étranger ou un territoire situé hors de France, et qui y sont soumises à un régime fiscal privilégié (cf. ci-dessus n°s 8 à 10 ) ne sont admises comme charges déductibles du résultat fiscal que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

12Les charges énumérées par le texte législatif sont les suivantes :

- les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, depôts et cautionnements ;

- les redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets d'invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ;

- les rémunérations de services (salaires, loyers de biens meubles et immeubles, rémunérations diverses, etc.).

13Le 3e alinéa de l'article 238 A du CGI a étendu, à compter du 1er janvier 1982, les dispositions du 1er alinéa aux versements effectués sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un État ou territoire à régime fiscal privilégié.

14À l'inverse du 1er alinéa, qui ne distingue pas selon que les charges ont été payées ou qu'elles sont dues, le 3e alinéa n'est applicable que lorsque la charge déduite pour l'établissement de l'impôt a fait l'objet d'un paiement.

Ces dispositions sont commentées au titre 6 de la division C (DB 4 C 6).


  D. PROVISIONS POUR IMPLANTATION D'ENTREPRISES À L'ÉTRANGER


15Des dispositions particulières, codifiées aux articles 39 octies A à 39 octies D du CGI, s'appliquent aux entreprises françaises soumises à l'impôt sur les sociétés qui réalisent des investissements à l'étranger ou qui participent à de tels investissements.

En effet, afin de favoriser les implantations françaises à l'étranger et de développer les exportations, l'article 6 de la loi n° 72-1147 du 23 décembre 1972, modifié par l'article 81 de la loi n° 80-30 du 18 janvier 1980, a institué un régime de déduction provisoire, sous forme de provision, des pertes subies à l'étranger ou des sommes investies en capital.

16Modifié successivement par les articles 10 et 11 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986, par l'article 27 de la loi n° 87-1061 du 30 décembre 1987 et par l'article 86 de la loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991, le régime de cette provision varie selon la nature et la date des investissements réalisés.

17Les implantations pouvant donner lieu à provision peuvent être de nature commerciale, industrielle ou de services.

Différents régimes ont été successivement mis en place. Les conditions et les modalités d'applications de ces dispositifs sont analysés au titre II de la présente division ( H 219 ).


  E. SOMMES PERÇUES PAR UNE PERSONNE PHYSIQUE OU MORALE ÉTRANGÈRE EN RÉMUNÉRATION DES SERVICES RENDUS PAR UNE PERSONNE PHYSIQUE OU MORALE DOMICILIÉE OU ÉTABLIE EN FRANCE


18Les sommes destinées à rémunérer les prestations de certaines personnes domiciliées ou établies en France (professionnels du sport et du spectacle, par exemple), peuvent ne pas être versées directement à leurs véritables bénéficiaires mais à une société étrangère chargée, en apparence, de fournir les services de ces personnes et de leur reverser une fraction de la rémunération.

Cette pratique a pour conséquence de soustraire à l'application de l'impôt français la différence entre les rémunérations respectivement versées à la société interposée et au prestataire de services.

19Afin de remédier à cet abus l'article 155 A du CGI édicte que les sommes perçues par une personne physique ou morale domiciliée ou établie hors de France, en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes physiques ou morales domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières :

-soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ;

- soit lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services ;

- soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France, où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du CGI.

20Ces dispositions sont également applicables aux personnes physiques ou morales domiciliées hors de France pour les services rendus en France.

La personne qui perçoit la rémunération des services est solidairement responsable, à hauteur de cette rémunération, des impositions dues par la personne qui les rend.

21Les sommes perçues par la personne physique ou morale étrangère interposée sont imposées en France au nom du prestataire de services dans la catégorie de revenus correspondant à la nature de l'activité exercée.

Les dispositions de l'article 155 A du CGI sont commentées DB 5 B 64.


  F. BÉNÉFICES RÉALISÉS PAR L'INTERMÉDIAIRE DE SOCIÉTÉS BÉNÉFICIANT À L'ÉTRANGER D'UN RÉGIME FISCAL PRIVILÉGIÉ


22L'article 209 B du CGI institué par l'article 70 de la loi de finances pour 1980 prévoit que lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un État ou territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A du même code, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés à raison des résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient.

Ces bénéfices font l'objet d'une imposition distincte des autres résultats de l'entreprise française. Ils ne peuvent donc être compensés avec les résultats des autres activités de cette entreprise.

23L'entreprise française peut néanmoins s'affranchir de cette taxation si elle établit que les opérations de la société étrangère n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un pays où ils sont soumis à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment lorsque la société étrangère a principalement une activité industrielle ou commerciale effective et qu'elle réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local.

Ce dispositif a été commenté dans une instruction du 15 février 1983 (BODGI 4 H-2-83).

24Il a fait l'objet d'un premier aménagement qui a limité le champ des exceptions automatiques à l'imposition instituée par l'article 209 B en supprimant la clause d'exonération qui bénéficiait aux entreprises françaises dont la filiale étrangère répondait à la condition d'activité effective et, en outre, réalisait ses opérations de façon prépondérante avec des entreprises avec lesquelles il n'existait pas de lien de dépendance (loi de finances rectificative pour 1990, art. 20 ; BOI 4 H-9-92 ).

25L'article 107 de la loi de finances pour 1993 a poursuivi l'aménagement de ce dispositif.

Le champ d'application du dispositif est étendu sur trois points.

Il concerne désormais les personnes morales françaises qui détiennent, directement ou indirectement, une participation au moins égale à 10 % ou dont le prix de revient est au moins égal à 150 millions de francs dans une société établie hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du CGI ; cette disposition tend à harmoniser les seuils d'application du dispositif prévu à l'article 209 B et du régime des sociétés mères.

Il est également élargi aux profits réalisés hors de France par l'intermédiaire soit d'un établissement sans personnalité juridique ou d'un cycle complet d'activité (entreprise). Jusqu'à présent, seuls les bénéfices localisés dans des sociétés ou des personnes morales assimilées à des sociétés étaient suceptibles d'être concernés par l'application de l'article 209 B.

L'appréciation du pourcentage de détention que possède la personne morale française s'effectue en prenant en compte, outre les actions ou parts, les droits financiers et les droits de vote résultant du fractionnement des droits attachés aux titres représentatifs de la participation détenue directement ou indirectement par la personne morale française ; les droits sociaux de même nature détenus dans le cadre d'une communauté d'intérêts, sont également pris en compte pour apprécier ce pourcentage, étant précisé que cette dernière fait l'objet d'une définition limitative.

Certaines dispositions existantes sont par ailleurs précisées ou confirmées.

26Les modalités permettant d'éliminer les doubles impositions pouvant résulter de l'imposition au nom d'une entreprise française de bénéfices réalisés par une société établie dans un pays à régime fiscal privilégié, sont fixées, en particulier, par les articles 102 T, 102 W, 102 X et 102 Y de l'annexe II au CGI telles que modifiées par un décret en Conseil d'État n° 94-282 du 5 avril 1994.

L'exposé complet du régime institué par l'article 209 B du CGI est décrit ci-après 4 H 65.

Une instruction administrative commentant les nouvelles dispositions législatives et réglementaires sera publiée prochainement.