TITRE 2 FAIT GÉNÉRATEUR ET EXIGIBILITÉ GÉNÉRALITÉS. DÉFINITIONS
TITRE 2
FAIT GÉNÉRATEUR ET EXIGIBILITÉ GÉNÉRALITÉS. DÉFINITIONS
1L'article 10 de la sixième directive du Conseil des communautés européennes distingue le fait générateur de la TVA de son exigibilité. Cette distinction est reprise par l'article 269 du CGI issu de l'article 38 de la loi n° 78-1240 du 29 décembre 1978 qui adapte la législation fiscale en matière de TVA à la directive en cause. Cette distinction est maintenue par le texte de l'article 269 du CGI dans sa rédaction issue de l'article 21 de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 (loi dont les articles 1 à 53, 104, 105 et 109 ont pour objet de transcrire en droit français la directive n° 91/680/CEE du 16 décembre 1991 qui a modifié la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires et a fixé de nouvelles règles permettant la suppression de tout contrôle et de toute formalité à finalité fiscale lors du franchissement des frontières intra-communautaires).
L'article 269-1-a du CGI, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1993, prévoit que « le fait générateur de la taxe se produit au moment où la livraison, l'achat au sens du 10° de l'article 257, l'acquisition intra-communautaire du bien ou la prestation de services est effectué ».
2Le fait générateur de la taxe se définit comme « le fait par lequel sont réalisées les conditions légales nécessaires pour l'exigibilité de la taxe ».
3Quant à l'exigibilité, elle est définie comme le « droit que le Trésor public peut faire valoir, à partir d'un moment donné, auprès du redevable pour obtenir le paiement de la taxe ».
4En principe, le fait générateur de la taxe et son exigibilité interviennent au même moment : cependant, ce principe comporte un certain nombre de dérogations qui ont été reprises dans la législation française.
5La notion d'exigibilité de la taxe présente un intérêt essentiel pour l'application de l'impôt alors que le fait générateur n'est utilisé, en pratique, que pour déterminer, en cas de changement de législation, le régime applicable.
En fait, c'est l'exigibilité et non le fait générateur qui détermine la période (mois, trimestre, etc.) au titre de laquelle le montant des opérations imposables doit faire l'objet d'une déclaration. De même c'est le moment où la taxe applicable aux biens ou services acquis, livrés à soi-même ou importés, devient exigible qui détermine la date à laquelle le droit à déduction prend naissance chez l'utilisateur de ces biens ou services.
6Le fait générateur et l'exigibilité de la TVA, définis par l'article 269 du CGI, dépendent essentiellement de la nature des opérations réalisées.
À cet égard, il convient de distinguer plusieurs catégories d'opérations qui font l'objet des chapitres suivants :
- chapitre 1 : livraisons de biens ;
- chapitre 2 : achats de biens soumis à la TVA en application de l'article 257-10° du CGI ;
- chapitre 3 : prestations de services et travaux immobiliers ;
- chapitre 4 : acquisitions intra-communautaires de biens ;
- chapitre 5 : livraisons à soi-même de logements locatifs à caractère social ;
- chapitre 6 : règles particulières ;
- chapitre 7 : modification de l'exigibilité à la suite d'une option ou d'une autorisation.
CHAPITRE PREMIER
LIVRAISONS DE BIENS
1En vertu du paragraphe 1-a de l'article 269 du CGI le fait générateur de la TVA intervient, en ce qui concerne les livraisons de biens, lorsque la livraison est effectuée.
Par ailleurs, selon le paragraphe 2-a de l'article 269 du CGI, la taxe est exigible pour ces mêmes opérations lors de la réalisation du fait générateur.
Il en résulte que, pour les opérations de l'espèce, le fait générateur et l'exigibilité de la TVA sont constitués par le même événement. Le fait générateur se produit lorsqu'intervient le transfert du pouvoir de disposer du bien comme un propriétaire 1 .
2Ce principe s'applique également à la délivrance d'un bien meuble corporel effectuée en exécution d'un contrat de vente à tempérament ou d'un contrat de location-vente.
En revanche, il ne s'applique pas aux livraisons de biens donnant lieu à l'établissement de décomptes ou à des encaissements successifs, pour lesquels la taxe devient exigible lors de l'expiration des périodes auxquelles se rapportent ces décomptes et ces encaissements.
Dans le présent chapitre sont successivement examinées :
- d'une part, les règles générales qui déterminent le fait générateur et l'exigibilité de la TVA pour les livraisons de biens meubles corporels (section 1) ;
- d'autre part, les règles particulières applicables à certaines de ces opérations (section 2).
SECTION 1
Livraisons de biens meubles corporels
(Règles générales)
1Le terme de livraison recouvre toutes les opérations portant sur des biens meubles corporels 2 et qui donnent lieu à un transfert de propriété. Il s'agit donc des ventes, des échanges (qui s'analysent fiscalement en des doubles ventes) des prêts à la consommation, etc.
Pour plus de précisions sur ces diverses opérations il convient de se reporter à la DB 3 A 1141, n°s 1 à 23 .
A. PRINCIPES
I. Généralité des livraisons de biens
2En vertu de l'article 269- 2-a du CGI, la TVA est exigible par le Trésor lors de la réalisation du fait générateur. En ce qui concerne les livraisons de biens, le fait générateur intervient lorsque la livraison de biens est effectuée.
Il convient donc, pour déterminer le fait générateur, de se reporter à la définition des livraisons de biens.
L'article 256-II du CGI (dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992) prévoit qu'est considéré comme livraison de bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire.
Le fait générateur se produit donc lorsqu'intervient le transfert du pouvoir de disposer du bien comme un propriétaire.
Remarque : La nouvelle rédaction de l'article 256-II du CGI (issue de l'article 1er de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992) permet un alignement sur celle de l'article 5-1 de la sixième directive TVA, mais n'entraîne pas sur le fond de changement par rapport à la rédaction précédente de l'article 256-II qui disposait que « la livraison d'un bien meuble s'entend du transfert de propriété d'un bien meuble corporel ». En effet, le transfert de toutes les prérogatives d'un propriétaire (droit d'user, de jouir et de disposer de la chose) constitue, en droit français, le transfert de propriété.
Dès lors qu'est intervenu le transfert du pouvoir de disposer d'un bien comme un propriétaire ou en d'autres termes dès lors qu'un bien meuble corporel est entré en la puissance et possession de l'acheteur, la TVA est devenue exigible quelles que soient les modalités de paiement de l'opération.
D'une façon générale, il convient de faire application des règles du droit privé.
Le transfert du pouvoir de disposer d'un bien comme un propriétaire intervient généralement lors de l'échange des consentements même si le bien n'a pas été délivré ou si le prix n'a pas été payé (art. 1583 du code civil).
3Toutefois, ce principe comporte des exceptions : notamment :
1° Il ne s'applique qu'aux choses certaines.
Ainsi à l'exception des ventes où la marchandise est déterminée par sa localisation (ventes en bloc visées à l'article 1586 du code civil), le transfert de propriété des biens vendus au poids, au compte ou à la mesure n'intervient qu'au moment où ceux-ci sont pesés, comptés ou mesurés (art. 1585 du code civil).
Par ailleurs, le transfert de propriété de biens meubles futurs est retardé à l'achèvement du bien.
Exemple :
- vente d'une récolte non encore venue à maturité : la vente n'est parfaite qu'au moment de la récolte ;
- vente d'un bien non encore fabriqué : la vente est subordonnée à l'achèvement du bien et en pratique à son individualisation par acheminement vers l'acheteur.
2° Il n'est pas d'ordre public.
Les parties peuvent retarder la formation du contrat et donc du transfert de propriété en prévoyant une condition suspensive.
Dans ce cas, le transfert de propriété ne s'opère qu'au moment de la réalisation de la condition. Ce type de clause doit être distingué de la condition résolutoire où le transfert de propriété intervient dès la conclusion du contrat, celui-ci pouvant être rétroactivement résilié si la condition se réalise.
Les conséquences fiscales sont les suivantes :
- dans le cas d'une vente sous condition suspensive, le fait générateur n'intervient qu'au moment de la réalisation de la condition ;
- dans le cas d'une vente sous condition résolutoire, le fait générateur intervient dès l'échange des consentements.
Les contrats de location-vente ou de vente assortis d'une clause de réserve de propriété aboutissent à retarder le transfert de propriété lui-même. Le législateur a prévu des règles de fait générateur particulières pour les biens livrés dans le cadre de tels contrats (cf. ci-dessous n°s 10 et suiv. ).
II. Transfert de propriété d'un bien meuble corporel effectué en vertu d'une réquisition de l'autorité publique
4Pour ces opérations, le fait générateur intervient lors du transfert de propriété.
III. Travail à façon
5La délivrance d'un travail à façon était définie par l'article 256-II-3°-b du CGI (issu de l'article 1er de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992) comme « la remise à son client par l'entrepreneur de l'ouvrage d'un bien meuble qu'il a fabriqué ou assemblé au moyen de matières ou d'objets que le client lui a confiés à cette fin, que l'entrepreneur ait fourni ou non une partie des matériaux utilisés ».
En application des dispositions de l'article précité, la délivrance d'un travail à façon était expressément considérée comme une livraison de bien.
Il est souligné que c'est la délivrance du travail à façon lui-même qui était considérée comme une livraison de bien et non pas la délivrance du bien façonné.
Le fait générateur intervenait lorsque la délivrance du travail à façon était effectuée soit en pratique lorsque le bien façonné était lui-même délivré au client.
L'application au travail à façon des règles d'exigibilité de droit commun prévues pour les livraisons de biens aurait conduit à rendre la TVA exigible pour les façonniers dès la délivrance du bien façonné au client alors qu'ils ne l'acquittaient, selon les règles applicables avant le 1er janvier 1993, qu'à l'encaissement du prix de leur prestation.
Afin d'éviter cette conséquence, les dispositions de l'article 269-2-c du CGI (issu de l'article 21-II de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992) prévoyaient d'appliquer à la livraison d'un travail à façon les règles d'exigibilité des prestations de services : la TVA était donc exigible pour le façonnier, comme avant le 1er janvier 1993, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération de son opération de façon ou sur autorisation du Directeur des services fiscaux, d'après les débits.
6L'article 19-II-A de la loi de finances rectifiçative pour 1995 (loi n° 95-1347 du 30 décembre 1995) a abrogé, à compter du 1er janvier 1996, l'article 256-II-3°-b du CGI. Depuis cette date, le travail à façon est redevenu une prestation de services
IV. Transferts
7L'article 256-III du CGI (issu de l'article 1er de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992) crée la notion de transfert intra-communautaire de bien. Cet article assimile à une livraison de biens, le transfert par un assujetti d'un bien de son entreprise à destination d'un autre État membre de la Communauté.
Le transfert est défini comme l'expédition ou le transport (sauf dans certaines circonstances) par un assujetti ou pour son compte d'un bien meuble corporel pour les besoins de son entreprise à destination d'un autre État membre.
Le transfert présente donc les caractéristiques suivantes :
- il est effectué par un assujetti à la TVA en France ;
- il concerne des biens de son entreprise ;
- il est réalisé pour les besoins de cette entreprise ;
- le transport ou l'expédition est réalisé par l'assujetti ou pour son compte ;
- le bien est envoyé dans un autre État membre de la Communauté, à destination essentiellement d'une succursale ou d'un établissement de l'assujetti.
Il s'agit principalement des mouvements de stocks ou de biens d'investissement.
Le fait générateur des transferts intervient donc lors du départ de l'expédition ou du transport du bien.
B. APPLICATION DES PRINCIPES
I. Livraisons de navires
8Les navires peuvent être soumis à la formalité de la francisation dès l'achèvement de la coque et avant qu'il soit procédé aux aménagements intérieurs et au gréement. Or, pour l'accomplissement de cette formalité, la personne à laquelle le navire est destiné doit fournir une déclaration de propriété ainsi que la facture du constructeur établie pour le montant des travaux exécutés.
Dans ces conditions, la transmission du droit de propriété de la coque d'un navire inhérente à sa francisation doit être considérée comme une livraison de bien partielle, donc comme un fait générateur de la taxe entraînant son exigibilité ; en conséquence, le régime d'imposition applicable à cette livraison de bien partielle est celui en vigueur au moment où elle intervient, et la taxe est exigible le jour de cette transmission.
1 Il est précisé que le transfert de toutes les prérogatives d'un propriétaire (droit d'user, de jouir et de disposer de la chose) constitue en droit français, le transfert de propriété.
2 Il est rappelé que la loi assimile à des biens meubles corporels, l'électricité, le gaz, la chaleur, le froid et les biens similaires (CGI, art. 256-II-2°).