B.O.I. N° 7 DU 14 JANVIER 2010
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
4 H-1-10
N° 7 DU 14 JANVIER 2010
INSTRUCTION DU 29 DECEMBRE 2009
IMPOT SUR LES SOCIETES. DISPOSITIONS PARTICULIERES. REGIME FISCAL DES GROUPES DE SOCIETES. TRANSFERT DE DEFICITS EN CAS DE PROCEDURE COLLECTIVE.
(C.G.I., art. 223 E et 223 L)
NOR : ECE L 09 10068 J
Bureau B 1
PRESENTATION
L'article 28 de la loi de finances rectificative pour 2008 (n° 2008-1443 du 30 décembre 2008) introduit l'obligation de transférer une fraction du déficit reportable ou de la moins-value d'ensemble du groupe aux sociétés membres qui sortent du groupe à la suite d'une procédure collective. Le dispositif permet également aux filiales sortantes de constituer ou de rejoindre immédiatement un nouveau groupe en qualité de société mère ou de filiale intégrée. Ce dispositif s'applique aux opérations réalisées au cours des exercices clos à compter du 1 er janvier 2008. • |
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1.Aux termes du premier alinéa de l'article 223 E du code général des impôts, les déficits et les moins-values nettes à long terme, retenus pour la détermination du résultat d'ensemble ou de la plus-value ou de la moins-value nette à long terme d'ensemble, ne peuvent être déduits des résultats de la société qui les a subis pendant la période d'intégration et demeurent acquis à la société mère en cas de cessation du groupe ou de sortie du groupe de la société qui les a subis.
2.L'article 28 de la loi de finances rectificative pour 2008 (n° 2008-1443 du 30 décembre 2008) aménage cette règle en cas de procédure collective : dans cette hypothèse, les déficits et moins-values nettes reportables subis par les filiales sortantes leur sont réalloués.
3.Les filiales sortantes sont en outre autorisées, dès l'exercice de sortie, à constituer un nouveau groupe en qualité de société mère ou à rejoindre un groupe constitué en tant que filiale.
4.La présente instruction commente ces nouvelles dispositions. Sauf mention contraire, les articles cités sont ceux du code général des impôts ou de ses annexes.
Section 1 :
Conditions d'application
Sous-section 1 :
Ouverture d'une procédure collective
5.Le dispositif de réallocation des déficits prévu au deuxième alinéa de l'article 223 E ne peut s'appliquer qu'en cas de procédure collective, qu'il s'agisse :
- d'une procédure de sauvegarde, prévue au titre II du livre VI du code de commerce : cette procédure est ouverte sur demande de l'entreprise qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'elle n'est pas en mesure de surmonter ;
- d'une procédure de redressement judiciaire, prévue au titre III du livre VI du code de commerce : cette procédure est ouverte à toute entreprise qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements ;
- d'une procédure de liquidation judiciaire, prévue au titre IV du livre VI du code de commerce : cette procédure est ouverte à toute entreprise en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
Sous-section 2 :
Transfert de la propriété des titres
6.Le dispositif de réallocation des déficits prévu au deuxième alinéa de l'article 223 E ne peut s'appliquer qu'aux sociétés qui sortent du groupe à la suite du transfert de propriété de leurs titres en raison de l'ouverture de la procédure collective, étant précisé que pour la procédure de sauvegarde, seuls sont concernés les transferts de titres dont l'aliénation a été ordonnée dans le cadre du plan de sauvegarde. Le transfert de propriété peut résulter de la cession des titres mais également de toute autre opération en entraînant le changement de propriété, telle que l'apport ou l'échange de titres. En revanche, la filiale qui sortirait du groupe à la suite d'une augmentation de capital souscrite par un tiers entraînant la diminution de la participation de la société mère en deçà du seuil de 95 %, ne pourrait bénéficier de ces nouvelles dispositions, dès lors que les titres détenus par la société mère n'ont pas changé de propriétaire.
7.Les sociétés dont les titres sont transférés doivent en outre être des filiales qui, avant ce transfert, étaient détenues à 95 % par la société mère du groupe, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'autres sociétés du groupe. Il en résulte que les entités dénuées de capital incluses dans un groupe en application du deuxième alinéa de l'article 223 A ne peuvent bénéficier de ces nouvelles dispositions.
8.Il est précisé que lorsque les titres d'une filiale ont fait l'objet d'un transfert éligible aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 223 E, les titres des filiales et sous-filiales de cette société sont eux-mêmes considérés comme transférés.
9.Le transfert de titres doit entraîner la sortie du groupe de la filiale concernée. Il doit donc avoir pour conséquence l'abaissement du taux de détention de la société mère, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une autre société du groupe, à moins de 95 % à la clôture de l'exercice considéré. Ainsi, pour une filiale détenue à 100 %, la cession de titres doit représenter plus de 5 % du capital pour entraîner la sortie du groupe de la filiale dont les titres sont cédés. En revanche, il n'est pas nécessaire que l'intégralité des titres détenus par la société mère, directement ou indirectement, soient cédés.
10.Le transfert des titres doit intervenir après l'ouverture de la procédure collective, dans un délai de dix-huit mois en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, sans limite de délai en cas de liquidation judiciaire. A l'inverse, dans le cas où, préalablement à l'ouverture de la procédure collective, des créanciers obtiendraient du juge la cession forcée de titres de filiales détenues par la société défaillante et qu'il en résulterait, en l'absence d'autres éléments d'actif susceptibles de concourir au rétablissement de l'activité, l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de cette société, les nouvelles dispositions de l'article 223 E ne pourraient trouver à s'appliquer dès lors que le transfert des titres précède l'ouverture de la procédure collective.
Section 2 :
Modalités de réallocation des reports déficitaires
11.Lorsque les conditions rappelées ci-avant sont respectées, chaque filiale sortante retrouve le droit d'imputer une fraction du déficit d'ensemble ou de la moins-value nette à long terme d'ensemble du groupe sur son bénéfice et ses plus-values nettes à long terme ultérieurs selon les règles de droit commun. Cette réallocation de déficits s'applique de plein droit, sans agrément préalable, et est obligatoire.
Sous-section 1 :
Détermination du montant susceptible d'être réattribué aux filiales sortantes
12.Conformément au deuxième alinéa de l'article 223 E, la base à retenir pour le calcul de la quote-part susceptible d'être réattribuée aux filiales sortantes correspond au déficit d'ensemble ou à la moins-value nette d'ensemble encore reportable par le groupe à la clôture de l'exercice précédant celui au cours duquel intervient le transfert de propriété des titres des filiales. Il n'est donc pas tenu compte des éventuels retraitements que doit opérer la société mère au motif que sa filiale est sortie du groupe, ceux-ci devant être effectués au titre des résultats de l'exercice de sortie.
13.Cette base de calcul est cependant diminuée de la fraction du déficit d'ensemble susceptible d'être imputée dans les conditions prévues à l'article 223 G, c'est-à-dire celle dont la société mère pourrait demander le report en arrière. Cette correction doit être effectuée quand bien même l'option pour le report en arrière ne serait pas exercée ou ne serait exercée que partiellement par la société mère. Cette exclusion est toutefois sans portée en cas de liquidation judiciaire de la société mère du groupe, dès lors que l'option pour le report en arrière lui est alors interdite en application du II de l'article 220 quinquies. En revanche, si la procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l'encontre d'une filiale sortante, la société mère conserve la possibilité de demander le bénéfice du report en arrière et la correction doit être effectuée. En cas de rectification ultérieure des résultats du groupe conduisant à modifier le montant de déficit susceptible de report en arrière (à la suite d'une vérification de comptabilité par exemple), la fraction du déficit d'ensemble susceptible d'être reportée en arrière, et utilisée pour déterminer le montant du déficit transférable, doit être rectifiée à due concurrence.
14.La fraction des déficits et des moins-values nettes à long terme d'ensemble susceptible d'être transférée à la filiale sortante est en principe égale aux déficits et moins-values nettes à long terme qu'elle a subis. Cela étant, compte tenu de l'agrégation, au niveau du résultat d'ensemble du groupe, de l'ensemble des déficits et bénéfices et de l'ensemble des plus-values et moins-values à long terme des différents membres du groupe, il convient de déterminer quelle fraction des déficits et moins-values nettes à long terme subis par la filiale sortante n'a pas déjà été utilisée à la compensation d'autres bénéfices et plus-values nettes à long terme. Le mode de détermination est précisé au 3 de l'article 46 quater-0 ZJ bis de l'annexe III.
15.Lorsque le résultat d'ensemble du groupe, avant prise en compte des déficits d'ensemble reportables, est déficitaire, les résultats des sociétés bénéficiaires sont réputés avoir été compensés par les résultats des sociétés déficitaires, chaque société déficitaire contribuant à cette compensation à proportion des déficits qu'elle a subis.
16.Lorsque le résultat d'ensemble du groupe, avant prise en compte des déficits d'ensemble reportables, est bénéficiaire, celui-ci est compensé avec les déficits d'ensemble du groupe reportables. Cette compensation n'entraîne aucune modification dans la proportion de déficits à laquelle peut prétendre une société en sortant du groupe. Elle entraîne seulement une diminution du montant de déficits d'ensemble reportables auquel est appliquée cette proportion.
17.Enfin, lorsque le résultat d'ensemble du groupe, après prise en compte des déficits d'ensemble reportables, reste bénéficiaire, les sociétés sortantes ne peuvent naturellement récupérer aucun déficit en vue de leur imputation ultérieure sur leurs propres bénéfices.
18.Ce mode de détermination implique d'effectuer les calculs adéquats en remontant jusqu'au premier exercice où la société sortante était entrée dans le groupe ou jusqu'au premier exercice où le résultat d'ensemble du groupe, après prise en compte des déficits d'ensemble reportables, a été bénéficiaire. Les déficits retenus pour le calcul de ce rapport sont ceux existants après application des rectifications relatives au régime de groupe, c'est-à-dire ceux issus du tableau fiscal 2058 ER.
19.Lorsque la société mère du groupe dont la filiale sort n'est pas en mesure de mener à son terme et de manière documentée ce calcul itératif, il sera admis de l'interrompre à l'année choisie d'un commun accord entre elle-même et la filiale cédée en réputant, selon le cas :
- que, pour l'application du 1° du 3 de l'article 46 quater-0 ZJ bis de l'annexe III, le montant du déficit subi que la société sortante aurait pu imputer sur son bénéfice ultérieur en cas de sortie du groupe, au cours de l'exercice précédent aurait été nul ;
- que, pour l'application du 2° du 3 de l'article 46 quater-0 ZJ bis de l'annexe III, la proportion des déficits d'ensemble reportables que la société sortante aurait obtenue en sortant du groupe au cours de l'exercice précédent aurait été nulle.
20.Enfin le montant ainsi déterminé est réduit dans le rapport entre la fraction du déficit d'ensemble susceptible de faire l'objet d'un report en arrière et le montant global du déficit d'ensemble encore reportable à la clôture de l'exercice du groupe précédant celui au cours duquel intervient la sortie de la société.
21.Le calcul est effectué selon les mêmes modalités pour les moins-values à long terme. Un calcul distinct doit être effectué pour chaque catégorie de moins-values à long terme relevant d'un taux différent.
Sous-section 2 :
Ajustement du report déficitaire restant acquis au groupe
22.Lorsqu'une quote-part de déficit ou de moins-value nette à long terme d'ensemble du groupe est attribuée dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 223 E, le déficit ou la moins-value nette à long terme d'ensemble qui demeure imputable par la société mère du groupe après la sortie des filiales concernées sont réduits à due concurrence, afin d'éviter tout risque de double utilisation.
Sous-section 3 :
Utilisation ultérieure des déficits transférés
23.Les déficits et moins-values nettes à long terme ainsi réalloués à la filiale sortante peuvent être utilisés dans les conditions de droit commun, selon les modalités prévues au troisième alinéa du I de l'article 209 pour les déficits et selon les modalités prévues à l'article 39 quindecies pour les moins-values à long terme. Dans l'hypothèse où cette filiale intégrerait un nouveau groupe fiscal, ces reports déficitaires suivraient le régime des déficits et moins-values à long terme antérieurs à l'intégration, non imputables sur les résultats d'ensemble du groupe.
Sous-section 4 :
Exemple de synthèse
La société M est la société mère d'un groupe fiscal comprenant les filiales F1, F2 et F3. Au cours de l'exercice 2008, la société M est placée en liquidation judiciaire et les titres de F1, F2 et F3 font l'objet d'une cession dans le cadre de cette procédure collective. Au 31 décembre 2007, le groupe disposait d'un déficit reportable de -19 M€. Du fait de la liquidation de la société mère, aucun report en arrière de ces déficits n'est possible. Les titres des filiales F1, F2 et F3 ayant fait l'objet d'un transfert de propriété dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, le déficit d'ensemble reportable à la clôture de l'exercice précédant celui de la cession est éligible au dispositif prévu au deuxième alinéa de l'article 223 E et doit être pour partie transféré à ces trois filiales. Au cours de la période d'intégration, le groupe a réalisé les résultats suivants, en millions d'euros :
En 2004, le montant des déficits de l'exercice (9) est supérieur au montant des bénéfices de l'exercice (4). En conséquence, les déficits d'ensemble reportables au titre de 2004 s'élèvent à 5 (=9-4) et en cas de sortie au cours de l'exercice 2005, chaque société pourra récupérer un montant de déficits égal au montant qu'elle aurait pu imputer sur son bénéfice en sortant du groupe au cours de l'exercice précédent (0, car le groupe n'existait pas en 2003) majoré de son déficit de l'exercice 2004 multiplié par le rapport entre le déficit d'ensemble de l'exercice (5) et la somme des déficits pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble du même exercice (9). Soit, pour M : 0+6x(5/9) = 3,33 ; pour F1 : 0+0x(5/9) = 0 ; pour F2 : 0+3x(5/9) = 1,67 ; pour F3 : 0+0x(5/9) = 0.
En 2005, le montant des déficits de l'exercice (14) est supérieur au montant des bénéfices de l'exercice (4). En conséquence, les déficits d'ensemble reportables à la clôture 2005 s'élèvent à 15 (=5+10) et en cas de sortie au cours de l'exercice 2006, chaque société pourra récupérer un montant de déficits égal au montant qu'elle aurait pu imputer sur son bénéfice si elle était sortie du groupe au cours de l'exercice 2005 (cf. alinéa ci-dessus) majoré de son déficit de l'exercice 2005 multiplié par le rapport entre le déficit d'ensemble de l'exercice (10) et la somme des déficits pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble (14). Soit, pour M : 3,33+6x(10/14) = 7,62 ; pour F1 : 0+0x(10/14) = 0 ; pour F2 : 1,67+4x(10/14) = 4,52 ; pour F3, 0+4x(10/14) = 2,86. Par rapport au déficit d'ensemble reportable, M pourrait ainsi en conserver 51 % (7,62/15) ; F1, 0 % ; F2, 30 % (4,52/15) ; F3, 19 % (2,86/15).
En 2006, le montant des déficits de l'exercice (7) est inférieur au montant des bénéfices de l'exercice (9). En conséquence, les déficits d'ensemble reportables s'élèvent, après imputation sur le bénéfice 2006, à 13 (=15-2) et en cas de sortie au cours de l'exercice 2007, chaque société pourra en récupérer une proportion égale à celle qu'elle aurait obtenue en sortant du groupe au cours de l'exercice précédent (cf. alinéa ci-dessus). Soit pour M : 13x51 % = 6,6 ; pour F1 : 13x0 % = 0 ; pour F2 : 13x30 % = 3,92 ; pour F3 : 13x19 % = 2,48.
Enfin, en 2007, le montant des déficits de l'exercice (6) est supérieur au montant des bénéfices de l'exercice (0). En conséquence, les déficits d'ensemble reportables s'élèvent à 19 (=13+6) et en cas de sortie au cours de l'exercice 2008, chaque société pourra récupérer un montant de déficits égal au montant qu'elle aurait pu imputer sur son bénéfice en sortant du groupe au cours de l'exercice précédent (cf. alinéa ci-dessus) majoré de son déficit de l'exercice 2007 multiplié par le rapport entre le déficit d'ensemble de l'exercice (6) et la somme des déficits pris en compte par la détermination du résultat d'ensemble (6). Soit, pour M : 6,6+3x(6/6) = 9,6 ; pour F1 : 0+1x(6/6) = 1 ; pour F2 : 3,92+1x(6/6) = 4,92 ; pour F3 : 2,48+1x(6/6) = 3,48.
Les sociétés F1, F2 et F3 quitteront ainsi le groupe en se voyant réallouer des déficits pour des montants respectifs de 1 M€, 4,92 M€ et 3,48 M€. Les 9,6 M€ qui reviennent à la société M sont définitivement perdus dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.