B.O.I. N° 62 du 31 MARS 1998
SECTION 3
Computation du délai
A. PRINCIPE
34.Conformément aux articles 2260 et 2261 du Code civil, le délai commence à courir le premier jour qui suit la notification (le jour pendant lequel se produit un événement à partir duquel court un délai de prescription ne comptant pas) et la prescription est acquise lorsque le dernier jour du délai est écoulé.
35.Le délai n'est pas prorogé au lendemain lorsque le dernier jour du délai est un dimanche ou un jour férié.
Ex. : Pour les sommes figurant sur un avis de mise en recouvrement notifié le 12 mai 1997, le délai pendant lequel le receveur peut agir s'étend du 13 mai 1997 à zéro heure, au 13 mai 2001 à minuit et la prescription est acquise au redevable le 14 mai 2001 à zéro heure.
B. EXCEPTION
36.La prescription quadriennale des créances sur les collectivités publiques, prévue par la loi n° 68-1850 du 31 décembre 1968, obéit à des règles particulières en matière de computation du délai.
37.Aux termes de l'article 1er de la loi, sont prescrites au profit de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics dotés d'un comptable public, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.
La computation du délai débute donc le 1er janvier suivant l'année au cours de laquelle les droits ont été acquis.
SECTION 4 :
Champ d'application du délai de prescription
A. AU REGARD DES SOMMES SOUMISES A LA PRESCRIPTION
38.Dès lors qu'il est lié à l'émission d'un avis de mise en recouvrement, le délai de prescription de quatre ans s'applique au recouvrement de toutes sommes portées sur cet avis et uniquement celles-là.
39.S'agissant des pénalités de retard, compte tenu de leur nature, elles ne peuvent pas être liquidées et mises en recouvrement en même temps que les droits auxquels elles se rapportent. Elles ne sont calculées et authentifiées que lorsque les droits correspondants ont été acquittés.
40.L'article R* 275-1 du Livre des procédures fiscales a toutefois prévu que la mention des intérêts de retard applicables sur l'avis de mise en recouvrement qui authentifie les droits en principal équivaut, en ce qui les concerne, à la notification prévue au premier alinéa de l'article L 275.
41.La prescription des pénalités de retard obéit donc aux règles suivantes.
42.Les pénalités de retard doivent être recouvrées avant l'expiration d'un délai de quatre ans à compter de la notification de l'avis de mise en recouvrement qui authentifie les droits.
43.Bien entendu, il y a lieu de considérer que tout acte qui interrompt la prescription du principal produit le même effet en ce qui concerne les accessoires de cette créance et notamment les pénalités de retard.
44.Enfin, et conformément aux dispositions de l'article L 275 du Livre des procédures fiscales, le comptable dispose d'un nouveau délai de quatre ans à compter de la notification de l'avis de mise en recouvrement par lequel les pénalités sont liquidées et authentifiées pour obtenir le recouvrement des sommes qui y figurent.
45. Remarque : Dans le cas où les droits n'ont pas été authentifiés ou ont fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement ne comportant pas la mention prévue par l'article R* 275-1 précité, il convient de considérer que les pénalités doivent être mises en recouvrement avant l'expiration du délai de répétition correspondant à la catégorie d'impôts auxquels elles se rattachent.
S'agissant des règles applicables à la prescription d'assiette des pénalités fiscales, il convient de se reporter à la DB 13 L 1217.
B. AU REGARD DES PERSONNES VISEES PAR LA PRESCRIPTION
46.Il résulte de la combinaison des articles L 275 du Livre des procédures fiscales et 2249 et 2250 du Code civil que la demande en paiement faite sous la forme d'un avis de mise en recouvrement à l'un des redevables solidaires ou au débiteur principal interrompt la prescription contre tous les autres débiteurs solidaires.
47.En cas de solidarité des codébiteurs, l'Administration a donc la possibilité d'agir par la voie de l'avis de mise en recouvrement contre un seul des codébiteurs sans encourir la déchéance de son action contre les autres codébiteurs (cf. Cass. com, 15 mars 1988, Bull. civ. IV n° 109 p. 76 et 21 janvier 1997, ibid. IV n° 21 p. 19).
48.En revanche, dans les autres cas, les avis de mise en recouvrement ne sont interruptifs de prescription qu'à l'égard des personnes au nom desquelles ils sont établis et auxquelles ils sont notifiés
CHAPITRE DEUXIEME :
MODIFICATION DE LA DUREE D'EXERCICE DE L'ACTION EN RECOUVREMENT
49.En principe, l'accomplissement du délai de quatre ans visé à l'article L 275 du Livre des procédures fiscales a pour effet de frapper de prescription le droit à agir de l'Administration. Cependant, ce délai n'est pas fixé une fois pour toutes et des événements sont susceptibles de modifier la durée de la prescription.
50.Ces événements vont entraîner soit l'interruption soit la suspension de la prescription, celles-ci se traduisant chacune par l'arrêt momentané du cours de la prescription mais dans des conditions différentes.
51.L'interruption de la prescription enlève toute valeur au délai déjà écoulé et fait courir un nouveau délai de même nature et de même durée.
52.La suspension de la prescription entraîne quant à elle l'arrêt du cours de la prescription tant que le créancier se trouve dans l'impossibilité d'agir - le délai déjà écoulé est maintenu - et le délai recommence à courir à la date à laquelle la cause de la suspension a disparu.
SECTION 1 :
Interruption de la prescription de l'action en recouvrement
53.La prescription de l'action en recouvrement que l'Administration peut engager pendant quatre années après qu'un avis de mise en recouvrement a été délivré, se distingue notamment de la prescription de l'action en répétition par le fait qu'elle est soumise, en ce qui concerne le mode de son interruption, non aux règles de l'article L 189 du Livre des procédures fiscales, mais à celles du droit commun.
En effet, les actes interruptifs particuliers visés à l'article L 189 du Livre des procédures fiscales précité, tels que la notification de redressements, la déclaration ou la notification de procès-verbaux, ne concernent que la prescription de l'action en répétition.
54.La prescription de l'action en recouvrement, ouverte le plus fréquemment par la notification de l'avis de mise en recouvrement prévue à l'article L 275 du même Livre, ne peut être interrompue que par des actes de poursuites ou une citation en justice dirigée contre le redevable ou encore par la reconnaissance faite par ce dernier du droit de l'Administration à le poursuivre, conformément aux articles 2244 et 2246 à 2250 du Code civil.
SOUS-SECTION 1 :
Evénements susceptibles d'interrompre la prescription
A. ACCOMPLISSEMENT D'ACTES DE POURSUITE
55.C'est par l'accomplissement de tels actes, caractéristiques d'ailleurs de l'action en recouvrement forcé, que les comptables des impôts peuvent, le plus souvent, interrompre la prescription.
56.Le Code civil, dans son article 2244 en énumère deux : le commandement et la saisie.
57.Cette énumération a toujours été considérée comme limitative par les tribunaux, qui ont dès lors refusé de la compléter d'autres actes ou d'étendre la portée de ceux qu'elle vise.
La prescription ne peut donc être interrompue par des démarches ou de simples pourparlers (ROUEN, 12 juillet 1850, DP 51-2-49 ; req. 10 mai 1876, DP 78-5-113). L'envoi d'une lettre, même recommandée, n'interrompt pas non plus la prescription (Com. 13 octobre 1992, Bull. civ. IV n° 237 p. 166).
58.De même, des mesures préalables aux poursuites, telles que lettres de rappel ou avis avant poursuites adressés aux contribuables, ne peuvent interrompre la prescription.
59.Par ailleurs, pour avoir un effet interruptif, l'acte de poursuite doit avoir été notifié dans des conditions régulières.
Ainsi, un procès-verbal dressé sur le fondement de l'article 659 du nouveau code de procédure civile par un huissier de justice qui s'est présenté à la dernière adresse connue du comptable n'interrompt pas la prescription de l'action en recouvrement prévue à l'article L 274 du Livre des procédures fiscales, dès lors que le redevable avait fait connaître sa nouvelle adresse au centre des impôts (CAA PARIS 30 avril 1996, Droit fiscal 1996 n° 1362).
60. Remarque : La date de l'interruption par un acte de poursuites est, sauf exception prévue par la loi, celle de l'acte de saisie et non sa dénonciation au débiteur.
Ainsi, la Cour de cassation a jugé que l'article 2244 du Code civil, sans exiger que l'acte interruptif soit porté à la connaissance du débiteur dans le délai de prescription, entend seulement préciser qu'un tel acte doit s'adresser à celui que l'on veut empêcher de bénéficier de la prescription et non pas à un tiers. L'interruption de la prescription trouve donc son fondement dans l'initiative du créancier et non dans la connaissance qu'en reçoit le débiteur (Cass. civ. 2ème 11 décembre 1985, JCP 1986 II 20677 ; Civ. 1er 10 juillet 1990, Bull. civ. I n° 194 p. 138 et Civ. 2ème 29 novembre 1995 n° 294 p. 173).
61.D'une manière générale, la jurisprudence ne retient comme interruptifs que les actes qui sont réellement au nombre de ceux que le Code civil énumère comme tels.
I. Commandement de payer signifié par huissier
62.Le commandement est par lui-même interruptif de prescription. Il n'est pas nécessaire qu'il soit suivi d'une saisie dans un certain délai et il conserve un effet interruptif alors même que la saisie dont il a été suivi aurait été déclarée nulle.
63.Ne peut, en principe, être qualifié de commandement et valoir comme tel, que l'acte extrajudiciaire qui, à la fois, donne l'ordre de payer et énonce la sanction dont cet ordre est assorti. En revanche, une simple sommation de payer, qui ne porte en elle aucune menace de sanction, n'est pas interruptive de prescription (cf. supra n° 58 ).
64.Mais on admet généralement qu'équivaut à un commandement au regard de l'interruption de la prescription, tout acte qui, sans en avoir la forme, en a les buts et les effets.
Ainsi, la sommation de payer ou de délaisser faite par un créancier hypothécaire au tiers détenteur équivaut à un commandement, car si elle n'en a pas la forme, elle en a le but et les effets à son égard (Req. 27 décembre 1854, D.P. 55.1.52).
65.La date d'interruption est celle de la signification du commandement ou de l'établissement du procès-verbal par l'huissier lorsque le débiteur n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus conformément aux articles 653 et 659 du nouveau code de procédure civile.
II. La mise en demeure
66.L'effet interruptif de prescription de la mise en demeure trouve son fondement dans le fait que cet acte a valeur de commandement lorsqu'il est suivi d'une saisie mobilière dans le nouveau délai qu'elle a pour effet d'ouvrir (art. L 258 et L 261 du Livre des procédures fiscales).
67.Dès lors, la notification d'une mise en demeure, qui est le préalable obligatoire à l'engagement de la totalité des poursuites, n'a aucun effet interruptif immédiat sur la prescription. Elle n'acquiert cet effet que rétroactivement par une saisie.
68.Les règles applicables diffèrent selon que la saisie en cause relève de l'ancienne ou de la nouvelle législation.
→ En présence d'une saisie-exécution - procédure qui était applicable avant le 1er janvier 1993 - la mise en demeure doit intervenir, au plus tard, quatre ans après la notification d'un avis de mise en recouvrement et être suivie dans les quatre ans d'une saisie-exécution pour être interruptive de prescription.
→ En présence d'une saisie-vente - procédure applicable depuis le 1er janvier 1993 - la mise en demeure doit intervenir, comme auparavant, au plus tard quatre ans après l'avis de mise en recouvrement.
Au surplus, conformément aux articles 85 et 297 du décret du 31 juillet 1992, la mise en demeure doit être renouvelée avant l'engagement de la saisie-vente si elle n'est pas suivie dans les deux ans de sa notification, d'un acte de poursuite ou d'un paiement partiel.
Toutefois, cette deuxième mise en demeure n'aura pas pour effet d'ouvrir un nouveau délai de prescription.
Dès lors, en l'absence d'un autre acte de poursuites ou d'un paiement après une première mise en demeure, le délai maximal entre celle-ci et une saisie-vente est de quatre ans.
III. Les procédures de saisie
69.Toutes les procédures de saisie sont interruptives de prescription dès lors qu'elles sont régulières.
70.L'effet interruptif ainsi attribué à la saisie se produit quand bien même il n'y aurait pas eu de commandement préalable si, bien entendu, celui-ci n'était pas nécessaire.
Lorsqu'un tel commandement a été notifié, la saisie interrompt à nouveau la prescription et chacun des actes de cette saisie renouvellera l'interruption et la prolongera jusqu'à l'intervention du dernier.
1. La saisie-vente
71.Chaque acte de la procédure de saisie-vente (procès-verbal de saisie, de vérification des objets saisis et de vente) est interruptif de prescription.
72.Il convient de retenir, comme point de départ du nouveau délai de quatre ans, la date d'établissement de l'acte par l'huissier.
73. Cas particulier :
→ Procès-verbal de carence :
74.Lorsqu'il n'y a aucun bien saisissable l'huissier dresse un procès-verbal de carence conformément à l'article 92 du décret du 31 juillet 1992.
Cet acte est interruptif de prescription dès lors qu'il marque la volonté du Trésor de poursuivre le recouvrement de sa créance (Trib. de MOISSAC 24 avril 1944, Mémorial des percepteurs 1958 p. 165 et CAA de PARIS 23 décembre 1994 - Droit fiscal 1995 n° 1554).
→ Procès-verbal de recherche :
75.Il est établi par l'huissier qui se trouve dans l'impossibilité de dresser un procès-verbal du fait de la disparition du débiteur.
76.Il est interruptif de prescription s'il donne lieu à l'accomplissement des formalités prévues à l'article 659 du nouveau code de procédure civile.
77.En revanche, le simple relevé de recherches infructueuses prévu à l'article 39 de la loi du 9 juillet 1991 n'est pas interruptif de prescription.
→ Procès-verbal de difficultés :
78.Lorsqu'un incident relatif à la saisissabilité des biens survient, le redevable peut présenter ses observations à l'huissier qui doit alors dresser un procès-verbal de difficultés et saisir le juge compétent (juge de l'exécution sur le fondement de l'article 130 du décret du 31 juillet 1992 pour la saisie-vente).
79.La prescription est interrompue par le procès-verbal de difficultés car la saisie a, malgré tout, été effectuée. L'article 126 du décret précité précise d'ailleurs que « les demandes relatives à la propriété ou à la saisissabilité ne font pas obstacle à la saisie, mais suspendent la procédure pour les biens saisis qui en font l'objet ».