B.O.I. N° 102 du 14 JUIN 2005
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
7 S-5-05
N° 102 du 14 JUIN 2005
IMPOT DE SOLIDARITE SUR LA FORTUNE
COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE
ARRET DU 13 NOVEMBRE 2003 (N° 1543 F-D )
ASSIETTE - BIEN OU DROIT GREVE D'UN USUFRUIT
(C.G.I., art. 885 G a)
NOR : BUD L 05 00109 J
Bureau J 2
PRESENTATION
Par dérogation au premier alinéa de l'article 885 G du code général des impôts, le paragraphe a de ce même article prévoit notamment que les biens dont la propriété est démembrée conformément aux dispositions de l'article 1094-1 du code civil ne peuvent pas faire l'objet d'une imposition répartie entre usufruitier et nu-propriétaire. Ces dispositions s'appliquent à compter de l'impôt de solidarité sur la fortune 1990 sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant la date à laquelle le démembrement est intervenu. • |
||||
1.Selon les dispositions de l'article 885 G du code général des impôts (CGI), en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, les biens et droits grevés d'un usufruit doivent être compris dans le patrimoine de l'usufruitier pour leur valeur en pleine propriété.
2.Il n'est dérogé à ce principe de non répartition de l'imposition entre l'usufruitier et le nu-propriétaire que dans un nombre réduit d'hypothèses limitativement énumérées aux paragraphes a, b et c de l'article 885 G du code précité et à condition que l'usufruit constitué ne soit ni vendu ni cédé à titre gratuit par son titulaire 1 .
Ainsi, en application du paragraphe a de l'article 885 G du CGI, l'imposition est répartie entre l'usufruitier et le nu-propriétaire suivant les proportions fixées par l'article 669 du même code lorsque la constitution de l'usufruit résulte de :
- l'article 767 ancien du code civil relatif à l'usufruit du conjoint survivant non divorcé et non séparé de corps qui ne bénéficie d'aucun legs ou donation. A cet égard, l'imposition répartie s'applique uniquement aux usufruits résultant de décès intervenus avant la 1 er juillet 2002 ;
- l'article 1094 du code civil relatif à la nue-propriété attribuée au conjoint survivant après réduction de la part réservataire des ascendants à l'usufruit de ladite part ;
- l'article 1098 du code civil relatif à l'usufruit forcé du conjoint survivant en présence d'enfants d'un premier lit.
3.L'article 10-II de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 codifié sous l'article 885 G a, deuxième phrase, du CGI est venu préciser que les biens dont la propriété est démembrée en application d'autres dispositions, et notamment de l'article 1094-1 du code civil 2 , ne peuvent pas faire l'objet d'une imposition répartie entre les patrimoines de l'usufruitier et du nu-propriétaire suivant les proportions fixées par l'article 669 du CGI mais doivent être compris dans le patrimoine de l'usufruitier en pleine propriété.
4.Par un arrêt du 13 novembre 2003, la Cour de cassation a jugé que ces dispositions sont applicables à l'usufruit dont a bénéficié le contribuable en vertu des dispositions de l'ancien article 1094, alinéa 2, du code civil dès lors que ces dernières ont, pour l'essentiel, été reprises par l'article 1094-1 du même code résultant de la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972.
Dès lors, l'article 885 G a, deuxième phrase, du CGI relatif aux démembrements résultant de l'article 1094-1 du code civil, entré en vigueur le 29 décembre 1989, est applicable à compter de l'impôt de solidarité sur la fortune exigible au titre de l'année 1990 et ce, quelque soit la date à laquelle le démembrement est intervenu.
5.A cet égard par un arrêt du 18 avril 1989 la Cour de cassation avait jugé que la principe de taxation de l'usufruitier sur la valeur en pleine propriété devait être écarté lorsque le démembrement résultait de l'application de l'article 1094-1 du code civil dès lors qu'en visant l'article 1094 du même code, l'article 885 G a du CGI se référait nécessairement aux usufruits résultant de l'application des articles 1094-1 à 1094-3 du code civil (cf. BOI 7 R-2-89).
Cette jurisprudence, réaffirmée par un arrêt du 7 avril 1992 (Bull. civ. n° 150, p 105), est donc inopérante pour l'impôt de solidarité sur la fortune exigible à compter de l'année 1990.
D.B. liée : 7 S 3212 n° 41 .
BOI liés : 7 R-2-89 ;
Le Chef de Service
Jean-Pierre LIEB
•
cour de cassation, arrêt du 13 novembre 2003
« Attendu selon l'arrêt attaqué [...], que Mme X... , instituée légataire universelle de son époux M. X... , a bénéficié de l'usufruit sur la quasi-totalité des biens immeubles composant la succession et de l'usufruit d'actions de la société « P » ; que Mme X... a déclaré les biens, au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, pour les années 1989 à 1997, à concurrence d'un dixième de leur valeur ; que l'administration fiscale a opéré des redressements en considérant que les biens en cause devaient être compris dans l'assiette de l'impôt pour leur valeur en pleine propriété dans la mesure où les exceptions prévues à l'article 885 G du code général des impôts ne pouvaient s'appliquer en l'espèce ; que les impôts estimés dus ayant été mis en recouvrement, Mme X... a formé des réclamations contentieuses qui ont fait l'objet de décisions de rejet ; qu'elle a assigné le directeur des services fiscaux devant le tribunal de grande instance afin que ces décisions qui ont, sauf en ce qui concerne l'impôt réclamé au titre de l'année 1989, rejeté ses demandes, que la cour d'appel a ordonné la jonction des instances ;
Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires à elle imputées au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 1990 à 1997, avec annulation des décisions de rejet par l'administration des impôts des réclamations préalables contre ces impositions, alors, selon le moyen ;
1° que les dispositions des articles 767, 1094 et 1094-1 à 1094-3, 1098 du code civil étant indissociables, l'article 10-II de la loi n°89-935 du 29 décembre 1989 - codifié à l'article 885 G a du code général des impôts doit être écarté en ce qu'il exclut, pour les biens dont la propriété est démembrée en application de l'article 1094-1 du code civil, que l'usufruitier déclare au titre de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune les biens grevés d'usufruit dans les proportions fixées par l'article 762 du code général des impôts et non pour leur valeur en pleine propriété ; que la cour d'appel ne pouvait donc statuer comme elle l'a fait (violation des articles 767, 1094, 1094-1 à 1094-3, 1098 du code civil, 885 G, a du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 10-II de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989) ;
2° que de toutes les façons, Mme X... ayant bénéficié de l'usufruit testamentaire de son conjoint décédé par l'effet d'un testament du 25 mai 1971, cette libéralité était soumise aux dispositions de l'article 1094 ancien du code civil en sorte que l'usufruitière était fondée à solliciter l'application de l'article 885 G, a, première phrase du code général des impôts disposant que l'usufruitier déclare les biens grevés d'un usufruit résultant de l'application de l'article 1094 du code civil dans les proportions fixées par l'article 762 du code général des impôts et non pour leur valeur en pleine propriété (violation de l'article 1094 ancien du code civil, de l'article 1094-1 du code civil et de l'article 885 G, a du code général des impôts) ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 885 G, a du code général des impôts que, pour déterminer l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, si les biens grevés d'un usufruit sont compris respectivement dans les patrimoines de l'usufruitier et du nu-propriétaire suivant les proportions fixées par l'article 762 du même code, lorsque la constitution de l'usufruit résulte de l'application des articles 767, 1094 ou 1098 du code civil, les biens dont la propriété est démembrée en application de l'article 1094-1 du code civil ne peuvent faire l'objet de cette imposition répartie, que c'est dès lors à bon droit qu'après avoir relevé que cette disposition issue de l'article 10-II de la loi n°89-935 du 29 décembre 1989 était applicable à l'usufruit dont avait bénéficié Mme X... en 1971, en vertu des dispositions de l'ancien article 1094, alinéa 2, du code civil, dont les dispositions ont, pour l'essentiel, été reprises par l'article 1094-1 du même code, tel qu'il résulte de la loi n°72-3 du 3 janvier 1972, la cour d'appel a décidé que les demandes formées par Mme X... pour obtenir le dégrèvement des impôts estimés dus pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi de 1989, précitée, devaient être rejetées ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi »
1 En cas de cession, l'xception à la règle de l'imposition sur la pleine propriété cesse de s'appliquer et c'est le nouveau titulaire de l'usufruit qui, éventuellement, est assujetti à l'impôt de solidarité sur la fortune sans qu'il soit tenu compte du démembrement.
2 Article 1094-1 du code civil : « Pour le cas où l'époux laisserait des enfants ou descendants, soit légitimes, issus ou non du mariage, soit naturels, il pourra disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement. »