SOUS-SECTION 3 LA SAISIE IMMOBILIÈRE
g. Sommation aux créanciers inscrits.
250.L'ordonnance ou le jugement de conversion fixent les modalités de l'adjudication (lieu, jour, heure, etc...) qu'il faut faire connaître aux créanciers.
Si la conversion est antérieure aux sommations prescrites par l'article 689 du Code de procédure civile, les lieu, jour et heure de l'adjudication doivent être signifiés aux créanciers inscrits à domicile élu ou, à défaut, à personne ou à domicile, par les soins de l'avocat poursuivant trente jours au moins avant l'adjudication sans augmentation des délais à raison des distances (C. pr. civ., art. 748-a, al. 1). Cette signification n'a pas lieu d'être faite au saisi qui dirige la procédure.
251.Si parmi les créanciers inscrits se trouvent un vendeur ou un coéchangiste des immeubles mis en vente, les significations doivent porter l'indication que, faute pour lui de former la demande en résolution de la vente ou de l'échéance, ou la poursuite de folle enchère, et de la faire mentionner par un dire annexé au cahier des charges cinq jours au moins avant l'adjudication, ils seront déchus à l'égard de l'adjudicataire du droit d'exercer ces actions (C. pr. civ., art. 748-a, al. 2).
252. Si la conversion intervient après les sommations, il n'y a pas lieu d'effectuer la signification visée à l'article précédent (C. pr. civ., art. 748-b).
De même, le concours, dans la procédure de conversion, des créanciers auxquels une notification doit être faite dispense le poursuivant de cette notification, et entraîne à leur égard les mêmes effets que si elle avait été faite (C. pr. civ., art. 748-b, al. 2).
253.Le troisième alinéa de l'article 748-a du Code de procédure civile prévoit que les significations susvisées tiennent lieu vis-à-vis des créanciers auxquels elles sont faites, des formalités de purge prescrites par les articles 2183 et suivants du Code civil.
Il existe une différence essentielle entre les sommations de l'article 748-a et celles prévues à l'article 689.
Ces dernières ont en effet pour but de lier les créanciers à la procédure de la saisie immobilière, alors que les significations de l'article 748-a ont pour objet de les informer de la vente qui entraînera la purge des privilèges et hypothèques. Ces significations obéissent donc à des règles différentes ; il n'est pas nécessaire qu'elles contiennent sommation de prendre connaissance du cahier des charges et l'inobservation du délai de trente jours qui doit s'écouler entre les significations et l'adjudication n'est pas sanctionnée par la nullité de celle-ci, qui est seulement privée alors de tout effet quant à la purge (sur ce point, CA RENNES, 5 décembre 1955, RTD civ., 1956 p. 606).
h. Délai dans lequel doit intervenir la conversion.
254.Le quatrième alinéa de l'article 748-a du Code de procédure civile rend applicable à la conversion, le dernier paragraphe de l'article 694 du même code.
Il s'ensuit qu'à l'expiration du délai de trois ans, la conversion n'est plus possible.
i. Sursis aux poursuites.
255.Si une demande en résolution ou une poursuite en folle enchère a été formée, il est sursis à la vente sur saisie jusqu'au jugement qui la prononce ou qui la refuse (Code de proc. civ., art. 748-e, qui renvoie à l'article 695).
3. Effets de la conversion.
256.La conversion maintient les effets de la saisie immobilière et laisse les parties dans la situation respective où elles se trouvaient avant la conversion.
Ainsi la partie saisie pourrait encore faite cesser les poursuites en signifiant au saisissant des offres réelles de paiement suivies de consignations.
Le commandement et sa publication conservent leurs effets (C. pr. civ., art. 748, al. 2). L'immeuble reste donc indisponible entre les mains du saisi, les fruits demeurent immobilisés et toute saisie postérieure demeure impossible (Cass. civ. 18 octobre 1978, Bull. civ. II, n° 214).
La conversion en vente volontaire ne fait pas perdre à la vente son caractère de vente forcée par autorité de justice (Cass. civ., 27 avril 1964, D. 1964, p. 412 ; 6 décembre 1972, Bull. civ. 1972, II, p. 258). Dès lors les textes qui régissent les voies de recours en matière de licitation ne sont pas applicables.
Le saisi est tenu de toutes les obligations d'un vendeur, à l'exception de la garantie des vices exclue par l'article 1649 du Code civil en matière de ventes faites par autorité de justice.
Spécialement le saisi qui a demandé et obtenu la conversion de la saisie en vente volontaire est tenu par application de l'article 1638 du même code de garantir l'acquéreur à raison de l'existence sur l'immeuble vendu de servitudes et autres charges non apparentes, lorsqu'elles n'ont pas été déclarées dans l'acte de vente (CA PARIS, 14 juin 1969, D. 1969, p. 601).
4. L'adjudication sur conversion de saisie immobilière.
257.Si la vente amiable, après conversion, peut être faite devant notaire, elle peut aussi être réalisée devant le tribunal. Cette faculté est laissée aux parties.
Dans ce cas, l'opération de conversion, constatée au moment de l'adjudication, aboutira à confier au juge des saisies la vente à l'audience des criées.
L'article 748-e du code précité rend applicable aux ventes sur conversion de saisie immobilière les articles 691, 696 à 701 inclus, 702 lorsque la conversion est postérieure aux sommations, 703 à 717 inclus, et 732 à 741-a.
La publicité est soumise au même régime que pour la saisie immobilière ordinaire si ce n'est qu'elle est précédée de la formule « vente volontaire sur conversion de saisie ».
Le demandeur à la conversion étant responsable de la publicité préalable à la vente, il ne peut être admis à se prévaloir d'éventuelles irrégularités pour contester ultérieurement la validité de l'adjudication (Cass. civ. 4 mai 1987, Bull. civ. II n° 89 p. 54).
L'article 702 prévoit la réquisition de l'adjudication par le poursuivant et, à défaut, par l'un des créanciers inscrits, ce qui suppose dans ce dernier cas, que les sommations de l'article 689 ont été faites.
L'article 703 vise le cas de remise de l'adjudication pour causes graves et dûment justifiées. Il s'ensuit que le juge des référés ne peut accorder un délai de grâce au débiteur et décider que pendant ce délai il sera sursis à la continuation des poursuites, notamment à l'adjudication dont la date avait été fixée (CA PARIS 6 juillet 1974, Gaz. Pal. 1974, II, p. 908).
Les articles 704 à 707 fixent le déroulement des enchères. Si l'adjudication a lieu devant notaire, les enchères peuvent être portées par les acquéreurs eux-mêmes.
Dans le cas où, lors de l'adjudication sur conversion, aucune enchère n'a atteint le montant de la mise à prix, il convient d'appliquer l'article 1277 du nouveau code de procédure civile aux termes duquel, dans cette hypothèse, le juge ou le notaire peut constater l'offre la plus élevée et adjuger le bien à titre provisoire pour le montant de cette offre. Par la suite, il peut déclarer l'adjudication définitive ou ordonner une nouvelle vente sur une mise à prix inférieure qu'il fixe (cf. art. 1273 NCPC).
Le poursuivant ne peut en aucun cas être déclaré adjudicataire (Cass. civ. 28 février 1990, Bull. civ. II n° 51).
L'article 711 traite des incapacités d'enchérir.
Les articles 708 à 710 prévoient la possibilité de surenchérir.
Les articles 712, 713 et 716 sont relatifs au titre d'adjudication et à sa délivrance.
L'article 714 se rapporte aux frais de poursuites.
Les nullités sont celles prévues à l'article 715.
Les effets de l'adjudication sont ceux édictés par l'article 717.
La transcription du jugement ou de l'acte notarié est régie par l'article 691.
Les voies de recours sont celles prévues à l'article 732 et la folle enchère peut être poursuivie dans les conditions prévues aux articles 733 à 741-a.
X. Folle enchère
258.La folle enchère est la procédure qui tend à obtenir la résolution de l'adjudication et la revente de l'immeuble pour inexécution des obligations de l'adjudicataire, lequel est désigné fol enchérisseur.
Il s'agit d'une application de la résolution judiciaire pour inexécution prévue par l'article 1184 du Code civil.
La folle enchère constitue un incident de saisie immobilière (Cass. civ. 7 octobre 1966, D. 1967, p. 63), mais il s'agit d'un incident qui ne surgit pas nécessairement au cours de la procédure de saisie. Elle peut également surgir au cours de la procédure d'ordre, lorsque les créanciers ne parviennent pas à se faire payer la somme qui leur est due, et en cas de conversion en vente volontaire.
La folle enchère a été établie pour protéger le saisi et les créanciers contre les suites d'une acquisition irréfléchie à laquelle s'est laissé entraîner un adjudicataire qui finalement n'a pas les moyens de payer le prix d'adjudication.
Par extension, cette procédure vise à dissuader l'adjudicataire de négliger les obligations qui lui incombent en vertu du cahier des charges et non pas seulement celle de payer le prix.
La folle enchère est régie par les articles 733 et suivants du Code de procédure civile qui distinguent les conditions de la folle enchère, sa procédure et ses effets.
1. Conditions de la folle enchère.
a. Les cas de folle enchère.
259.La folle enchère est possible dans deux cas prévus par les articles 733 et 750 du Code de procédure civile.
1° L'inexécution des clauses de l'adjudication.
260.Faute par l'adjudicataire d'exécuter les clauses de l'adjudication, l'immeuble sera vendu à sa folle enchère (C. pr. civ., art. 733).
L'inexécution totale ou partielle des clauses de l'adjudication est le cas le plus fréquent de folle enchère. Parmi celles-ci figurent le défaut de paiement du prix, le non-paiement dans les vingt jours de l'adjudication des frais de poursuites et l'inexécution dans le même délai des clauses du cahier des charges qui doivent être exécutées avant la délivrance du titre d'adjudication.
2° Le défaut de publication du jugement d'adjudication.
261.L'article 750 du code précité prévoit que faute pour l'adjudicataire de faire publier au bureau des hypothèques le jugement d'adjudication dans les deux mois de sa date, et en cas d'appel, dans les deux mois de l'arrêt confirmatif, l'immeuble est vendu sur folle enchère.
Si la revente sur folle enchère est la sanction normale de l'inexécution des obligations de l'adjudicataire, elle n'est pas exclusive des sanctions du droit commun. C'est ainsi que les créanciers peuvent saisir les biens meubles et immeubles de l'adjudicataire, et en particulier l'immeuble adjugé, sur le prix duquel ils se prévaudront du privilège du vendeur appartenant au saisi, leur débiteur (C. civ., art. 2092 et 2103-1°), ou faire exécuter eux-mêmes sur autorisation de justice et aux frais de l'acheteur, les obligations qu'il n'a pas accomplies et dont l'exécution ne requiert pas son fait personnel (C. civ., art. 1144). L'acheteur peut être condamné à faire l'avance des sommes nécessaires à cette exécution (cf. art. 82 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution et modifiant l'art. 1144 du Code civil).
b. Les personnes qui peuvent poursuivre la folle enchère.
262.Il résulte des termes mêmes de l'article 734 du Code de procédure civile que « toute personne intéressée » peut poursuivre la folle enchère. Ce droit est donc ouvert au poursuivant, aux créanciers inscrits ou subrogés dans les droits d'un créancier inscrit (Cass. civ. 17 octobre 1973, Bull. civ. II n° 257), au saisi (Cass. civ. 5 décembre 1952 précité) et à ses créanciers chirographaires par le jeu de l'article 1166 du Code civil (CA AIX, 6 juillet 1901, DP 1903, II, p. 311). L'avocat du poursuivant peut également user de la folle enchère à raison des frais qui lui sont dus, ainsi que l'avocat de l'adjudicataire pour le paiement de ce qui lui est dû par son client. Il suffit que ces personnes aient un intérêt à poursuivre la folle enchère (Cass. civ. 30 janvier 1970, D. 1970, som. 116, Bull. civ. III n° 84). Pratiquement, seuls les créanciers qui ont obtenu, à la clôture de l'ordre un bordereau de collocation, ont cet intérêt.
c. Personnes visées par la folle enchère.
263.La folle enchère peut être exercée contre l'adjudicataire ou ses ayants cause. Elle peut même viser un tiers acquéreur auquel, dans l'intervalle, l'adjudicataire aurait vendu son immeuble (Cass. civ., 20 janvier 1880, S 81, I, p. 201). Dans ce dernier cas, en pratique la folle enchère est poursuivie à la fois contre le fol enchérisseur et contre le tiers-acquéreur : celui-ci étant mis en cause dans le jugement d'adjudication, l'ordre de délaisser l'immeuble au profit du nouvel adjudicataire contenu dans ce jugement lui sera en effet opposable (Cass. civ., 11 janvier 1904, S, 1907, p. 33).
Si l'acte d'acquisition du tiers a été publié avant que le jugement de la première adjudication l'ait été lui-même, et que deux mois se sont déjà écoulés depuis cette première adjudication sans que la publication du jugement ait été opérée, le saisi vendeur et ses ayants cause ne sont pas déchus du droit d'exercer la folle enchère, alors que s'il s'agissait d'une vente ordinaire, le vendeur serait déchu de son action en résolution (CA BOURGES, 12 janvier 1876, DP 76, II, p. 26).
d. Délai pour exercer la folle enchère.
264.La folle enchère ne peut être poursuivie qu'à l'expiration du délai de vingt jours après le jugement d'adjudication, délai pendant lequel il doit être justifié du paiement des frais de poursuite et de l'accomplissement de celles des conditions du cahier des charges qui doivent être exécutées avant la délivrance du titre d'adjudication.
Le droit de poursuivre la folle enchère se prescrit par trente ans à compter du jour où aurait dû être accomplie l'obligation qui a provoqué la folle enchère.
Toutefois ce délai peut être réduit en cas de saisie de l'immeuble entre les mains de l'adjudicataire. Dans ce cas, en effet, les créanciers qui n'ont pas été payés sur le prix de l'adjudication et qui ont dû en principe être sommés par le créancier poursuivant l'adjudicataire, doivent formuler leur intention d'exercer la folle enchère trois jours au plus tard avant l'audience éventuelle, à peine de déchéance.
2. Procédure de la folle enchère.
265.La procédure de la folle enchère est régie par les articles 734 et 735 du Code de procédure civile qui distinguent selon que la folle enchère est poursuivie avant ou après la délivrance du jugement d'adjudication.
a. Poursuite de la folle enchère avant la délivrance du jugement d'adjudication.
266.« Toute personne intéressée qui poursuivra la folle enchère avant la délivrance du titre d'adjudication, se fera délivrer par le greffier un certificat constatant que l'adjudicataire n'a point justifié de l'exécution des clauses et conditions de l'adjudication » (C. pr. civ., art. 734, al. 1).
La procédure débute donc par la délivrance de ce certificat, qui doit être signifié à l'adjudicataire (C. pr. civ., art. 735) afin que celui-ci fasse éventuellement opposition (C. pr. civ., art. 734, al. 2). En effet, cette signification ouvre un délai de cinq jours pendant lequel l'adjudicataire peut faire opposition.
S'il y a opposition, la partie la plus diligente doit saisir le Président du Tribunal de grande instance qui statue en état de référé, sans recours. Le juge des référés peut décider qu'il sera passé outre à l'opposition ; il peut aussi ordonner des mesures provisoires comme la mise sous séquestre de l'immeuble, ou même accorder à l'adjudicataire un délai de grâce. Mais comme toute ordonnance de référé, elle « ne peut faire préjudice au principal » et l'adjudicataire pourra toujours saisir le tribunal d'une demande en nullité de la folle enchère.
Si le poursuivant a été autorisé par le juge des référés à passer outre à l'opposition, ou s'il n'y a pas eu opposition, cinq jours après la signification du certificat, la revente est poursuivie, sans autre formalité ni jugement, sur l'ancien cahier des charges. Il est procédé à la même publicité que pour la première adjudication.
Toutefois, les insertions et affiches contenant la publicité légale doivent indiquer en outre, les nom et demeure du fol enchérisseur, le montant de l'adjudication, une mise à prix fixée par le poursuivant et le jour de la nouvelle adjudication qui doit avoir lieu quinze jours au moins et trente jours au plus après l'affichage et les insertions (C. pr. civ., art. 735).