Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2213
Références du document :  12C2213

SOUS-SECTION 3 LA SAISIE IMMOBILIÈRE

2° Sursis facultatif.

138.Alors que tous les cas susvisés entraînent un sursis obligatoire, le législateur a entendu encadrer strictement les possibilités de sursis facultatif, afin de limiter les risques de retarder la procédure de saisie immobilière lorsqu'elle a déjà atteint le stade de l'adjudication.

139.L'article 703 du Code de procédure civile prévoit que l'adjudication peut être remise sur la demande du poursuivant ou de l'un des créanciers inscrits, ou de la partie saisie, mais seulement pour causes graves et dûment justifiées qui devront être énoncées dans le jugement prononçant la remise. L'incident à peine de déchéance doit être introduit au moins cinq jours avant le jour fixé pour l'adjudication. Le tribunal devra statuer avant la vente (Cass. civ. 12 juin 1991, Gaz. Pal. 1992, 1, Pan. 160).

Le sursis est qualifié de facultatif car il appartient au tribunal de statuer souverainement avec une entière liberté d'appréciation.

La Cour de cassation a confirmé depuis longtemps que les dispositions de l'article 703 se suffisent à elles-mêmes et excluent tout autre mode de sursis dès lors que la date d'adjudication a été fixée.

Ces dispositions spéciales doivent donc être entendues comme dérogeant au droit commun exprimé dans l'article 1244 du Code civil et interdisent que le juge des référés, saisi en vertu de ce texte, accorde au saisi un délai de grâce (Cass. civ. 4 février 1965, Bull. civ. II n° 119 ; 20 novembre 1975, ibid. II n° 308 p. 247 ; 4 janvier 1979, D 1979, IR 200 ; 25 novembre 1987, Gaz. Pal. 1988, 1, somm. p. 155 ; 16 mai 1990, D 1990, somm. p. 347 ; 12 juin 1991, D 1991, IR 191).

Le délai de grâce prévu à l'article 1244 du Code civil ne peut en définitive être obtenu qu'antérieurement à la fixation de la date de l'audience éventuelle (TGI EVRY, 4 octobre 1988, Gaz. Pal. 1989, 1, p. 101).

Ces raisons graves et dûment justifiées peuvent provenir soit d'événements extérieurs, constituant des cas de force majeure comme une grève générale des transports, une catastrophe naturelle, ...etc, soit de circonstances internes à la procédure elle-même, comme une erreur commise dans la publicité, un pourvoi en cassation contre une décision qui a rejeté un moyen de nullité de la saisie etc. (cf. TGI CRETEIL, 12 août 1982, JCP 1983, éd. G., II, 20110 ; TGI ARGENTAN, 23 avril 1990, D 1991, 2, 463).

Le fait que le débiteur saisi fasse l'objet d'une procédure de surendettement prévue par les articles L 331-1 et s. du Code de la consommation peut aussi constituer « une cause grave et dûment justifiée » susceptible d'entraîner un sursis facultatif du jugement d'adjudication sur saisie immobilière. Et c'est le tribunal de grande instance connaissant de la saisie qui est également compétent pour se prononcer sur cet éventuel sursis et non pas le juge d'instance chargé de la procédure de surendettement (Cass. civ. 18 février 1992, DS 1993, somm. p. 278 ; CA BORDEAUX, 8 décembre 1994, DS 1995, IR 40).

La loi n° 98-46 du 23 janvier 1998 renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière a d'ailleurs prévu la faculté pour la commission de surendettement de saisir directement le juge aux fins de remise de l'adjudication, dans les conditions et selon la procédure prévue par l'article 703 du Code de procédure civile (ancien). Cette demande doit être déposée ou adressée au greffe du tribunal de grande instance, 5 jours au moins avant l'audience. Il a été jugé que la saisine du tribunal est soumise au ministère d'avocat (TGI PARIS, 7 mai 1998, JCP, éd. G, n° 48, II 10192).

Lorsque le sursis est prononcé, les causes qui le motivent doivent être énoncées dans le jugement, ainsi que le nouveau jour de l'adjudication qui ne peut être éloigné de plus de 4 mois (l'ancien délai de 60 jours a été porté à 4 mois par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions ; Cass. civ., 2ème, 12 décembre 1979, DS 1981, IR 149 ; civ., 2ème, 8 décembre 1982, DS 1983, IR 132). Ce délai n'est pas prescrit à peine de déchéance (Cass. civ., 2ème, 26 janvier 1994, JCP 1994, IV, 851). Le délai maximun n'est imposé qu'au tribunal et non au créancier poursuivant (Cass. civ., 2°, 2 décembre 1976, DS du 16 mars 1977, 11e cahier, p. 127).

140.L'adjudication remise est annoncée quinze jours au moins à l'avance par des moyens de publicité précédemment employés, à moins que le jugement de remise n'en décide autrement. Après le jugement de remise, il ne peut être accordé de nouveaux délais, si ce n'est pour cause de force majeure. Lorsque la vente n'aura pu, pour une cause quelconque, être réalisée dans le délai de six mois après la publication de commandement, il sera levé un état complémentaire des inscriptions survenues depuis la délivrance du premier état et les créanciers nouveaux seront sommés d'assister, si bon leur semble, à l'adjudication.

Le jugement, qu'il prononce ou non la remise de l'adjudication, n'est susceptible d'aucun recours (Cass. civ., 2e, 16 avril 1970, D 1970, somm. p. 136 ; 26 février 1976, Bull. civ. II n° 72). Cette règle s'applique à toutes les voies de recours : l'opposition, l'appel (Cass. com. 27 juin 1951, JCP 1951, éd. A, IV n° 1698), la tierce-opposition (Cass. civ., 2e, 25 juin 1980, JCP 1980, éd. G, IV, 343) et même le pourvoi en cassation (Cass. civ., 2e, 15 novembre 1972, JCP 1973, éd. G, IV, 6273 ; civ., 2e, 9 juillet 1980, Bull. civ. II n° 119 ; civ., 2e, 6 mars 1991, DS 1991, IR 97 ; civ., 2e, 5 avril 1993, DS 1993, somm. 282).

Il est cependant fait exception à cette règle lorsque la remise accordée a pour effet, contrairement, à l'alinéa 2 de l'article 703 du Code de procédure civile de renvoyer l'adjudication à plus de soixante jours (Cass. civ., 27 octobre 1975, Bull. civ. 1975, II, p. 22 ; civ. 2 mai 1984, Bull. civ. II n° 73 ; 6 mai 1987, ibid. II n° 95, 6 octobre 1993, n° 949 D - excès de pouvoir).

2. Formes de l'adjudication.

141.L'adjudication se fait aux enchères publiques à l'audience des saisies immobilières du tribunal de grande instance du lieu de situation de l'immeuble (art. R 312-6 du Code de l'organisation judiciaire).

Elle comporte trois phases successives :

- les enchères ;

- le jugement d'adjudication ;

- les formalités postérieures au jugement d'adjudication.

a. Les enchères.

142.Les enchères sont des offres de prix successives, de plus en plus élevées, qui sont faites par les personnes qui désirent acquérir l'immeuble. Celle qui a fait l'offre la plus élevée est déclarée adjudicataire.

1° Personnes aptes à enchérir.

143.En principe, toute personne peut enchérir et devenir adjudicataire.

En effet, l'adjudication est une vente et l'article 1123 du Code civil dispose que toute personne peut contracter si elle n'est pas déclarée incapable par la loi.

La loi assure la protection des enchérisseurs par deux dispositions supplémentaires :

- toute clause du cahier des charges qui exclue certaines personnes des enchères est frappée de nullité ;

- toute entrave à la liberté des enchères par voies des faits, violences bu menaces, soit avant, soit pendant les enchères est punie d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois et d'une amende de 1500 F à 150 000 F (nouveau C. pénal, art. 316-6) et (Crim. 12 mai 1975, D 1975, somm. 78 ; PARIS, 2e ch. com., 21 janvier 1982, JCP 1982, éd. N, II, 135).

Encourt cette peine l'acheteur éventuel qui cesse de porter des enchères contre la promesse d'une somme d'argent (Cass. crim. 6 mai 1970, DS 1970, p. 445).

Toutefois les incapacités de droit commun et certaines incapacités propres à la saisie immobilière limitent le principe de la liberté des enchères.

144.- Incapacités de droit commun

Les mineurs non émancipés, les majeurs protégés au sens de l'article 488 du Code civil et les interdits judiciaires sont incapables de contracter et ne peuvent enchérir.

En revanche, peuvent enchérir, le tuteur d'un incapable ou l'incapable lui-même avec l'assistance de son curateur ou de son conseil judiciaire.

145.- Incapacités propres à la saisie immobilière

L'article 1596 du Code civil dispose que les personnes suivantes ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par elle-mêmes, ni par personnès interposées :

- les tuteurs pour les biens de ceux dont ils ont la tutelle ;

- les mandataires pour les biens qu'ils sont chargés de vendre ;

- les administrateurs pour les biens de communes ou des établissements publics confiés à leurs soins ;

- les officiers publics pour les biens nationaux dont les ventes se font par leur ministère.

Par ailleurs, l'article 711 du Code de procédure civile a prévu des incapacités supplémentaires.

Elles concernent :

- les membres du tribunal devant lequel se poursuit la vente ;

- le saisi et les personnes notoirement insolvables ; l'insolvabilité notoire est une question de fait laissée à l'appréciation souveraine du tribunal (Cass. civ. 4 janvier 1990, D 1990, IR p. 28). Il s'agit en fait des personnes qui ne possèdent ni meubles, ni immeubles ou celles que l'adjudication entraînerait dans des difficultés insurmontables (Cass. civ., 2e, 8 octobre 1986, Bull. civ. II n° 138 p. 94). La charge de la preuve de la notoriété de l'insolvabilité incombe à celui qui s'en prévaut (Cass. civ. 5 avril 1993, Bull. civ. II n° 138) ;

- l'avocat du poursuivant qui ne pourrait à la fois défendre ses intérêts d'enchérisseur et les intérêts de son client.

La Cour de cassation a jugé que, même dans le cas où il agit personnellement en tant que créancier poursuivant du saisi, l'avocat ne peut enchérir (Cass. civ., 27 mai 1941, Sirey 1941, I, p. 209 ; Cass. civ., 2e, 26 novembre 1986, Bull. civ. II n° 173 p. 117),

- Sanctions

146.Le non-respect des règles portant l'incapacité d'enchérir entraîne la nullité de l'enchère. Cette nullité est cependant relative :

- elle se prescrit par cinq ans (Cass. civ. 29 novembre 1988, Bull. civ. I n° 341) dans les conditions de droit commun prévues à l'article 1304 du Code civil ;

- elle ne peut être invoquée que par ceux que la loi a entendu protéger, c'est-à-dire l'incapable au nom duquel le tuteur s'est rendu adjudicataire (PARIS, 15 juillet 1886, DP 1887, II, p. 109), le saisi, le poursuivant ou les créanciers inscrits.

L'adjudicataire surenchéri est toutefois recevable à demander la nullité de la surenchère faite en violation des dispositions de l'article 711 du Code de procédure civile, à charge pour lui de prouver l'insolvabilité notoire du surenchéri (Douai, 12 mars 1957, D. 1957, somm. p. 128).

L'avocat qui enchérit pour une personne frappée de l'incapacité engage sa responsabilité civile et peut se voir réclamer des dommages-intérêts envers toutes les parties (C. pr. civ., art. 711, in fine ; TGI VERSAILLES, 16 janvier 1992, D 1992, IR, 111).

2° Ministère obligatoire de l'avocat.

147.Les enchères ne peuvent être portées que par le ministère d'un avocat.

L'avocat du saisissant et celui du saisi sont présents à l'adjudication sans que leur absence entraîne la nullité de l'adjudication (C. pr. civ., art. 704).

Le ministère obligatoire d'un avocat se justifie par un double souci :

- assurer le déroulement de l'adjudication dans la dignité qui doit prévaloir lors de la vente ;

- faire de l'avocat le garant de la solvabilité de ceux qu'il représente.

Ainsi, un avocat ayant porté une enchère pour une personne notoirement insolvable a été condamné à payer au créancier hypothécaire des dommages-intérêts représentant la différence entre les prix d'adjudication originaire et le prix d'adjudication sur folle enchère (Cass. req. 20 novembre 1929, Gaz Pal. 1929, II, p. 959).

Toute enchère qui n'a pas été portée par un avocat est non seulement nulle mais inexistante ; en conséquence, elle ne couvre pas l'enchère précédente qui doit produire effet, et rend celui qui l'a portée adjudicataire de l'immeuble saisi (Cass. req. 30 décembre 1902, D. 1903, I, p. 137).

3° Durée des enchères.

148.La durée des enchères n'est pas laissée à l'appréciation du juge et est réglementée strictement par les articles 705 et 706 du Code de procédure civile :

« Aussitôt que les enchères sont ouvertes, il est allumé successivement des bougies préparées de manière que chacune ait une durée d'environ une minute » (art. 705, al. 1 er C. pr. civ.).

« L'adjudication ne peut être faite qu'après l'extinction des trois bougies allumées successivement. S'il ne survient pas d'enchères pendant la durée de ces bougies, le poursuivant est déclaré adjudicataire pour la mise à prix. Si, pendant la durée d'une bougie, il survient des enchères l'adjudication ne peut être faite qu'après l'extinction de deux nouvelles bougies sans enchères survenues pendant leur durée » (art. 706 C. pr. civ.).

4° Effet des enchères.

149.Trois situations peuvent résulter des enchères :

- aucun enchérisseur ne se présente ; le créancier poursuivant devient adjudicataire de l'immeuble pour la mise à prix mentionnée au cahier des charges (C. pr. civ., art. 706, al. 2 ; Cass. civ., 22 octobre 1981, Bull. civ. II n° 193) ;

- une seule enchère a été portée ; l'enchérisseur devient adjudicataire et l'obligation du poursuivant de devenir adjudicataire s'éteint de ce fait ;

- plusieurs enchères ont été portées avant l'extinction des bougies. Dans ce cas, chaque enchère nouvelle efface la précédente.

L'article 705, 2e alinéa, du Code de procédure civile précise même que « l'enchérisseur cesse d'être obligé si son enchère est couverte par un autre, lors même que cette dernière serait déclarée nulle ».

En revanche, l'enchérisseur reste obligé alors même que son enchère aurait été couverte par une autre qui se révélerait inexistante. Il en est ainsi de toute enchère qui n'a pas été portée par le ministère d'un avocat (Cass. req. 30 décembre 1902, DP 1903, I, p. 137).

Le recours à la notion d'enchère inexistante s'explique par des raisons pratiques : l'enchère précédente demeurant valable, il n'y a pas lieu de procéder à une nouvelle adjudication.

150.La nullité de la dernière enchère pouvant être requise pendant cinq ans, il n'est pas possible de laisser l'enchérisseur dans l'expectative aussi longtemps.

L'article 705, alinéa 2 permet à l'enchérisseur couvert par une autre enchère d'être dégagé de la procédure d'adjudication et d'envisager une autre acquisition en toute sécurité.

Lorsque la nullité de la dernière enchère est prononcée, une nouvelle adjudication doit avoir lieu pour procéder à la vente du bien saisi.

Mais les parties peuvent déroger à la règle posée par l'alinéa 2 de l'article 705 - qui n'est pas d'ordre public- en convenant qu'un enchérisseur demeurera obligé jusqu'à l'expiration d'un certain délai imparti à l'adjudicataire pour s'acquitter (trib. civ., BAUME-LES-DAMES, 27 juin 1953, Dalloz 1954, p. 304).

b. Le jugement d'adjudication.

151.Le jugement d'adjudication a pour effet de déclarer adjudicataire dans les conditions fixées par le cahier des charges, le dernier enchérisseur ou le créancier poursuivant s'il n'y a pas eu d'enchère.

Il reproduit les conditions dudit cahier des charges qui constitue désormais le titre de propriété et opère le transfert de propriété de la tête du saisi sur celle de l'adjudicataire.

Il enjoint au débiteur saisi de mettre l'immeuble vendu à la disposition de l'adjudicataire.

En principe, le jugement d'adjudication est une décision gracieuse et non contentieuse même s'il doit être rendu par un tribunal régulièrement composé (Cass. civ. 20 octobre 1993 ; JCP 1993, éd. G, IV, 2685).

Il en découle plusieurs conséquences pratiques :

- il n'a pas à être motivé ;

- il n'a pas autorité de la chose jugée et ne peut en conséquence faire l'objet d'une voie de recours. Seule l'action en nullité est ouverte (Cass. civ. 2e, 19 janvier 1977, D. 1977, IR, p. 175 ; Cass. civ. 21 janvier 1981, Gaz. Pal. 1981, 1, pan. 184 ; 13 décembre 1993, D 1994, somm. p. 350) ;

- il n'emporte pas hypothèque judiciaire ; celle-ci, en effet, ne résulte que d'un jugement de condamnation.

Cependant, le jugement d'adjudication peut perdre sa nature juridique gracieuse et devenir une décision contentieuse. Il est est ainsi lorsque le tribunal a statué, dans le jugement, sur un incident intervenu entre l'audience éventuelle et l'adjudication. Le jugement tranche alors un litige entre les parties. Dans ce cas, il a autorité de la chose jugée et peut donc faire l'objet de voies de recours.

152.Aux termes mêmes de l'article 712 du Code de procédure civile, le jugement d'adjudication est porté en minute à la suite du cahier des charges.

Le titre d'adjudication est délivré par le greffier, il consiste dans l'expédition du cahier des charges tel qu'il a été maintenu ou modifié, et du jugement d'adjudication, non compris les dires de simple formalité, jugement ou pièces de procédures.

Si l'adjudication comprend plusieurs lots, l'expédition entière sera délivrée à celui des adjudicataires qui sera désigné par le cahier des charges, sinon à l'adjudicataire pour la somme la plus forte ; il ne sera délivré aux autres adjudicataires que des extraits.