Date de début de publication du BOI : 01/11/1995
Identifiant juridique : 4J1211
Références du document :  4J12
4J121
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CHAPITRE 2 CLASSIFICATION DES REVENUS DISTRIBUÉS

CHAPITRE 2

CLASSIFICATION DES REVENUS DISTRIBUÉS

Les revenus de capitaux mobiliers distribués par les sociétés françaises peuvent être classés en trois grandes catégories.

La première comprend les distributions qui interviennent en cours de société, sans modification du pacte social ou du régime fiscal (section 1).

La deuxième correspond aux distributions présentant un caractère exceptionnel résultant généralement d'une modification des statuts (section 2).

La troisième comprend les distributions consécutives à la dissolution ou à la liquidation de la société (section 3).

SECTION 1

Distributions en cours de société sans modification du pacte social

Les revenus distribués en cours de société sans modification du pacte social peuvent être :

- soit des dividendes au sens étroit du terme, c'est-à-dire des attributions régulières de bénéfices ou de réserves (CGI, art. 109-1-1° ) ;

- soit des répartitions de sommes ou valeurs non prélevées sur les bénéfices (CGI, art. 109-1-2° ).

Ces revenus seront étudiés en trois sous-sections :

- produits des actions et des parts sociales proprement dits (sous-section 1) ;

- répartitions de sommes et valeurs prélevées ou non sur les bénéfices et considérées comme des distributions de revenus par l'article 111 du CGI (sous-section 2) ;

- répartitions de sommes et valeurs prélevées ou non sur les bénéfices et non visées à l'article 111 du CGI (sous-section 3).

SOUS-SECTION 1

Produits des actions et parts sociales proprement dits

  A. DISTRIBUTIONS IMPOSABLES

1L'article 109-1-1° du CGI considère comme des revenus distribués tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital.

Cette disposition atteint tous les bénéfices qui ne sont pas restés investis dans l'entreprise quelle que soit d'ailleurs la forme de la distribution.

2Sont ainsi visés notamment :

- les dividendes, intérêts, arrérages et tous autres produits des actions de toute nature et des parts de fondateur, distribués par les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiées 1 et les sociétés en commandite par actions ;

- les produits des parts des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes ;

- les produits des parts d'intérêt des sociétés en nom collectif lorsque ces sociétés ont opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux ;

- les produits des parts des commanditaires dans les sociétés en commandite simple ;

- les revenus distribués par les sociétés civiles assujetties à l'impôt sur les sociétés en raison de leur forme ou de leur objet ;

- les produits des parts d'intérêt distribués par les sociétés en participation n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, aux associés autres que ceux indéfiniment responsables ou dont les noms et adresses n'ont pas été indiqués à l'Administration ;

- les produits des parts d'intérêt des commandités dans les sociétés en commandite simple et, dans les sociétés en participation, des associés indéfiniment responsables et connus de l'Administration, lorsque ces sociétés ont opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux.

3L'article 109-1-1° du CGI s'applique également, par assimilation, à toutes les répartitions accidentelles, qu'elles soient indirectes ou déguisées, faites à certains des associés ou actionnaires pris en cette qualité et présentant le caractère de revenus mobiliers.

Il est rappelé (cf. 4 J 111 ) que seules les distributions effectuées par les personnes morales passibles de l'IS à titre obligatoire ou sur option ou expressément exonérées dudit impôt sont imposables, au nom des bénéficiaires, au titre des revenus mobiliers (CGI, art. 108 ). Ne constituent donc pas des revenus de capitaux mobiliers :

- les produits des parts d'intérêts des associés des sociétés en nom collectif et des commandités dans les sociétés en commandite simple, sauf option de ces sociétés pour le régime fiscal des sociétés de capitaux ;

- les revenus distribués par les sociétés civiles non passibles de l'impôt sur les sociétés ;

- les produits des parts de sociétés à responsabilité limitée de caractère familial ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes ;

- les distributions des sociétés immobilières de copropriété bénéficiant de la « transparence fiscale », même si ces sociétés sont constituées sous la forme de sociétés de capitaux.

  B. FORME ET NATURE DE LA DISTRIBUTION IMPOSABLE

4Il n'y a pas lieu de s'attacher à la forme de la distribution. Celle-ci peut consister soit en une somme d'argent, soit en un avantage quelconque consenti directement, indirectement ou d'une manière déguisée par la société à l'associé ou au porteur de parts ; en particulier, les avantages en nature sont imposables au même titre que les distributions en espèces.

  I. Distributions en espèces ou inscriptions en compte courant

5Ordinairement la distribution des bénéfices définie à l'article 109-1-1° du CGI a lieu par voie de paiement en espèces de la somme qui représente les dividendes, intérêts et autres produits d'actions ou parts sociales. Mais elle peut aussi procéder de toute opération par laquelle ces bénéfices sont l'objet d'une appropriation directe ou indirecte par l'associé ou l'actionnaire.

6Il en est ainsi notamment de l'inscription de ces sommes au crédit des comptes courants des actionnaires ou associés, même si en fait elles n'ont pas été prélevées par les intéressés.

À cet égard, le Conseil d'État statuant sur le cas d'un gérant de société à responsabilité limitée ayant dissimulé les recettes provenant de ventes sans factures sous de prétendus apports inscrits au crédit du compte courant ouvert à son nom dans les écritures sociales, a jugé que, malgré ce subterfuge, les sommes correspondantes doivent être considérées comme ayant été mises à la disposition du gérant et être imposées en tant que revenus distribués, alors même que l'intéressé se serait abstenu de retirer lesdites sommes pour ne pas obérer la trésorerie de l'entreprise (CE, arrêt du 3 novembre 1976, req. n° 91275).

7Sont également considérées comme des revenus distribués des sommes payées en l'acquit des actionnaires, dont ceux-ci sont débiteurs envers des tiers et notamment les dettes d'impôt. La situation est en effet la même que si la société avait réparti les dividendes votés et que si les actionnaires avaient payé eux-mêmes leurs créanciers au moyen de ces dividendes.

  II. Avantages en nature

8La répartition de produits en nature entre les associés constitue un fait de distribution imposable. Il en est ainsi notamment lorsqu'une société distribue à ses actionnaires des produits de son activité (vin, charbon, etc.).

Constitue aussi une distribution, l'attribution gratuite ou à prix réduit aux associés :

- de titres figurant dans le portefeuille de la société (il ne s'agit pas d'actions de la société en cause distribuées gratuitement à la suite d'une incorporation de réserves) ;

- de droits d'attribution ou de souscription attachés à ces titres ;

- d'immeubles ou de biens d'une nature quelconque (marchandises par exemple) ;

- de la jouissance d'un appartement consentie par une société immobilière passible de l'impôt sur les sociétés et non dotée de la transparence fiscale. Le revenu en nature est égal à la différence entre la valeur locative brute du local occupé et la quote-part du bénéficiaire dans les intérêts des emprunts et dans les charges immobilières communes remboursées à la société propriétaire ; en l'espèce, il ne saurait être fait application de la déduction forfaitaire prévue à l'article 31-1°-e du CGI en matière de revenus fonciers (immeubles urbains).

Les sociétés immobilières de copropriété admises au bénéfice de la transparence fiscale dont le régime est prévu à l'article 1655 ter du CGI échappent à l'impôt sur les sociétés. En conséquence, les associés de ces sociétés sont considérés comme immédiatement propriétaires des logements auxquels ils ont vocation.

  III. Distributions indirectes ou déguisées

9Une distribution indirecte ou déguisée peut résulter notamment des opérations suivantes :

1. Remise de dette consentie par une société à un associé.

10Dans un arrêt du 27 février 1980 (req. n° 15990), le Conseil d'État a jugé que lorsqu'une société renonce sans contrepartie à percevoir un intérêt normal sur le montant des avances qu'elle consent à son principal actionnaire, l'avantage dont ce dernier bénéficie constitue pour lui un revenu de capitaux mobiliers quand bien même l'intéressé aurait lui-même, au cours d'exercices antérieurs, renoncé à réclamer à sa société le versement d'intérets à raison des sommes qu'il aurait mises à sa disposition.

2. Prise en charge par la société de dettes ou charges incombant normalement aux associés.

11Les dépenses ainsi prises en charge par la société sont variées. Il peut s'agir d'impôts, de travaux, d'achats de biens personnels, etc.

Dans l'arrêt cité ci-dessus n° 10 , le Conseil d'État a également considéré que constitue un revenu distribué à l'associé l'avantage résultant pour celui-ci de la prise en charge par la société dont il est membre, et dans laquelle il n'exerce plus aucune fonction, des dépenses relatives à son logement (loyers - frais annexes).

12De même, le Conseil d'État a jugé :

- que constitue un avantage taxable dans la catégorie des revenus mobiliers la prise en charge par une société des honoraires d'architecte afférents à des projets de rénovation d'un hôtel particulier pour une période au cours de laquelle elle n'était ni propriétaire, ni locataire des bâtiments, ces honoraires étant d'ailleurs disproportionnés par rapport tant aux surfaces louées par la suite à la société en vertu d'un bail à construction qu'au coût total des travaux réalisés au profit de la société (CAA Paris, arrêt du 17 avril 1990, n° 868) ;

- qu'est taxable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur la base d'une estimation de son train de vie, effectuée à partir de ses déclarations à la police, le président d'une association dont le but est en réalité lucratif, et qui a reconnu devant la police judiciaire, que l'association assurait ses dépenses de train de vie (CAA Paris, arrêt du 26 mars 1991, n° 1333) ;

- que constituent des revenus distribués :

• les frais correspondant à la location d'appareils de télévision installés au domicile du dirirgeant,

• des frais de voyage du dirigeant non effectués dans l'intérêt de la société,

• les charges locatives et les frais de téléphone correspondant à l'immeuble inscrit à l'actif du bilan de la société, mais utilisés par le dirigeant à des fins exclusivement privées (CE, arrêt du 13 mai 1992, n° 71495),

- qu'une société en nom collectif qui acquiert par acte notarié un immeuble dont le prix est payé par une société anonyme dont elle est actionnaire, bénéficie, de la part de cette société d'une distribution qui est imposable entre les mains de ses associés à proportion de leurs droits. Elle ne peut soutenir qu'elle n'a pas eu la disposition effective de l'immeuble dès lors que, par acte notarié, elle a constaté une hypothèque conventionnelle sur cet immeuble (CE, arrêt du 1er juillet 1992, n° 76209).

3. Détournements commis par un associé.

13Les détournements de biens sociaux commis par un associé nettement identifié doivent être regardés comme des revenus distribués. En conséquence, l'imposition en tant que tels des sommes détournées est justifiée, en vertu de l'article 109-1-2° du CGI, même si les résultats de la société sont demeurés déficitaires (CE, arrêt du 24 avril 1974, req. n° 83048).

Il est précisé que bien que cet arrêt ait été rendu dans un litige relatif à l'ancienne retenue à la source sur le revenu des capitaux mobiliers, le principe qu'il énonce peut trouver son application pour l'impôt sur le revenu éventuellement établi au nom de l'associé auteur des détournements, dans la mesure bien entendu où la culpabilité de ce dernier n'est pas douteuse.

14De même, des recettes détournées par le dirigeant de sociétés qu'il contrôle, sont imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application de l'article 109-1-2° du CGI et non celle des bénéfices non commerciaux (CE, arrêt du 20 février 1991, n° 59865 ; rapp. CAA Paris, arrêt du 8 octobre 1991 n° 2914).

4. Cession ou location aux associés de biens sociaux pour un prix inférieur à leur valeur vénale.

15Les cessions ou locations peuvent porter sur des titres en portefeuille, des créances, des marchandises, des immeubles, etc.

Dans un arrêt du 4 octobre 1972 (req. n° 83422), le Conseil d'État a jugé qu'en consentant à son président-directeur général une promesse unilatérale de vente en vertu de laquelle ce dernier avait la faculté, pendant une période de cinq ans, de se porter acquéreur d'un immeuble figurant à l'actif social pour un prix égal à celui pour lequel la société l'avait acheté un an auparavant, celle-ci doit, même si elle ne pouvait prévoir l'évolution des prix des biens immobiliers pendant la période envisagée, être regardée comme ayant décidé, à la date de la promesse, de faire bénéficier son dirigeant d'un avantage équivalent au montant de la plus-value que pourrait avoir acquis l'immeuble le jour où l'intéressé lèverait son option. Un tel avantage, qui n'entrait pas dans le cadre de la gestion normale de l'entreprise, ayant été effectivement octroyé audit dirigeant, l'Administration était fondée à en réintégrer le montant dans les bénéfices sociaux et à le regarder comme constituant un revenu distribué.

16Statuant sur le cas d'une société anonyme ayant cédé à un de ses actionnaires (qui était son ancien directeur général) un immeuble d'habitation pour un prix sensiblement inférieur à sa valeur vénale réelle déterminée par comparaison avec le prix de vente d'immeubles de même type pendant la même période, dans la même ville, le Conseil d'État a jugé que l'avantage dont a ainsi bénéficié l'acquéreur constituait un revenu imposable entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (CE, arrêt du 16 novembre 1979, req. n° 12151).

17Constitue également un avantage occulte, la possibilité donnée au PDG d'une filiale d'acquérir des titres de la société mère à une valeur inférieure à la valeur vénale. Le fait que la société mère cédante se serait réservée un droit de préemption sur les titres cédés est sans incidence sur l'assiette de l'imposition en l'absence de toute justification, notamment de la valeur de reprise stipulée (CAA Paris, arrêt du 16 octobre 1990 n° 2066).

De même, la société mère qui cède au dirigeant de sa filiale des parts de celle-ci au prix où elle les avait acquis, prix nettement inférieur à leur valeur réelle au jour de la cession, commet un acte anormal de gestion dès lors que l'existence d'une contrepartie à la renonciation à des recettes n'est pas établie. Cet acte anormal de gestion est générateur de revenus distribués pour le dirigeant de la filiale, imposables au titre de l'article 109-1-1° du CGI (CAA Paris, arrêt du 2 mai 1993, n° 91842).

1   Pour l'application du CGI et du LPF la société par actions simplifiée est assimilée à une société anonyme (CGI, art. 1655 quinquies ).