SOUS-SECTION 3 ACQUISITIONS D'IMMEUBLES RURAUX PAR LES FERMIERS
3. Échange.
39L'échange n'entraîne pas la perte des allégements à la double condition :
- que l'engagement d'exploitation personnelle souscrit pour les biens cédés soit reporté sur les biens ruraux reçus en contre-échange ;
- que ces biens soient d'une valeur au moins égale à celle des biens cédés.
Si les biens reçus en contre-échange ont une valeur inférieure à ceux acquis initialement, la déchéance n'est encourue que pour la différence de valeur.
Aucune remise en cause du régime initial ne peut être effectuée lorsque l'aliénation des biens acquis par échange constitue un cas de force majeure.
Ces règles sont applicables lors des remembrements et des échanges multilatéraux volontaires ou rendus obligatoires par une décision administrative. Par contre, elles ne peuvent s'appliquer aux échanges de jouissance opérés conformément à l'article L 411-39 du code rural.
4. Apport en propriété à un GFA, un GAEC, une EARL ou une SCEA.
40Pour les actes passés depuis le 1er janvier 1991, en cas d'apport :
- à un groupement foncier agricole (GFA) ;
- à un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) ;
- à une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) ;
- à une société civile d'exploitation agricole (SCEA) ;
de biens immobiliers ruraux dont l'acquisition par l'apporteur a bénéficié du tarif réduit prévu à l'article 1594 F quinquies D (ancien art. 705) du CGI, le maintien du régime de faveur est subordonné, notamment, à l'engagement par ce dernier, pour lui, son conjoint ou ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts remises en contrepartie de l'apport jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans à compter du transfert de propriété initial des biens.
1° Nature des apports.
41Le maintien du régime de faveur n'est admis que pour les apports à titre pur et simple.
En revanche, le bénéfice du tarif réduit serait remis en cause en cas d'apport à titre onéreux de biens acquis sous le régime de faveur dès lors que les apports de cette nature constituent des cessions. Si l'apport n'est onéreux que pour partie, seule la fraction du prix d'acquisition afférente aux immeubles ainsi apportés supportera le complément de taxe de publicité foncière ou de droit d'enregistrement, la (les) taxe(s) additionnelle(s), le droit supplémentaire de 1 % 1 et l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du CGI.
Il a toutefois paru possible d'admettre que la prise en charge, par le groupement ou la société, du passif contracté par l'apporteur pour l'acquisition, l'entretien, l'amélioration ou l'exploitation des, biens apportés, ne motiverait pas la remise en cause du régime de faveur prévu à l'article 1594 F quinquies D (ancien art. 705) du CGI.
2° Engagement à souscrire par l'apporteur.
42L'engagement pris par l'apporteur, pour son propre compte et pour celui de son conjoint et de ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts remises en contrepartie de son apport, doit être inclus dans l'acte d'apport.
Les parts ainsi reçues doivent être conservées pendant le délai qui reste à courir jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans calculé à compter de la date du transfert de propriété initial.
La mutation à titre gratuit des parts résultant du décès ou d'une donation n'entraîne pas la déchéance du régime de faveur à la condition que les héritiers, légataires ou donataires conservent ces parts jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans précité.
5. Partage de biens ruraux.
43Le partage de biens ruraux consécutif à l'acquisition de droits indivis réalisée sous le bénéfice des dispositions de l'article 1594 F quinquies D (ancien art. 705) du CGI n'est pas susceptible d'entraîner la déchéance de ce régime de faveur si la valeur des biens attribués au copartageant qui a bénéficié de la taxation réduite est au moins égale à celle des droits indivis qu'il avait acquis.
6. Départ à la retraite de l'exploitant.
44Le départ en retraite de l'exploitant n'est pas susceptible d'entraîner, à lui seul, la déchéance du régime de faveur prévu au profit des acquisitions réalisées par les fermiers en place lorsque les immeubles ruraux en cause sont compris dans les superficies dont un agriculteur est autorisé à poursuivre la mise en valeur dans les conditions prévues à l'article 11 de la loi n° 86-19 du 6 janvier 1986 modifiée 2 (RM n° 890 à M. Alex TURK, Sénateur ; JO Sénat du 29 juillet 1993, p. 1260).
7. Biens exploités par le conjoint de l'acquéreur.
45Une interprétation littérale des dispositions légales conduirait à remettre en cause les allégements fiscaux lorsque le conjoint acquéreur n'exploite pas personnellement l'immeuble qu'il a acquis pendant un délai minimal de cinq ans. Toutefois, il a été admis qu'en raison de la communauté de fait existant entre deux époux qui cohabitent, la déchéance du bénéfice du tarif réduit n'est pas encourue lorsque les biens acquis sont exploités par le conjoint de l'acquéreur. Il en est ainsi quel que soit le régime matrimonial des époux. Mais, bien entendu, une telle solution ne pourrait être maintenue en cas de rupture de la « communauté conjugale » si l'époux acquéreur était séparé de corps et n'exploitait pas personnellement l'immeuble rural qu'il a acquis, la déchéance devrait évidemment être prononcée.
La même solution trouve à s'appliquer dans le cas où l'acquisition a été faite en vue de l'installation d'un descendant majeur de l'acquéreur et que les biens acquis sont exploités par le conjoint du descendant.
8. Aménagement des locaux d'habitation en gîte rural.
46L'aménagement des locaux d'habitation en gîte rural ne peut être regardé, en principe, comme répondant à l'engagement de mettre personnellement en valeur les biens acquis sous le régime de faveur de l'article 1594 F quinquies D (ancien art. 705) du CGI. Il sera toutefois admis que cet engagement n'est pas méconnu si les locations saisonnières conservent un caractère nettement accessoire. Cette condition est réputée satisfaite lorsque les loyers perçus ne dépassent pas 10 % du total des recettes tirées de la propriété.
9. Location du bien à un descendant.
47Il a été admis que le régime de faveur ne soit pas remis en cause lorsque l'acquéreur consent à son fils, dans le cadre d'un bail rural, la jouissance d'un bien acquis au taux réduit de 0,60 %. À cet égard, la condition tenant à l'engagement de continuer l'exploitation personnelle du fonds, jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans à compter de la date de l'acquisition du bien concerné est réputée satisfaite du seul fait de la production d'un bail écrit ayant date certaine (RM n° 11705 à M. HERMENT, Sénateur ; JO Sénat du 13 décembre 1990, p. 2645).
10. Mise à disposition d'une société civile agricole.
48La mise à disposition d'une société civile agricole quelle que soit sa forme- des biens acquis sous le régime de faveur de l'article 1594 F quinquies D (ancien art. 705) du CGI n'entraîne pas la remise en cause de celui-ci lorsqu'elle est effectuée dans les conditions fixées à l'article L 411-2 du code rural, c'est-à-dire, notamment lorsque le propriétaire, auteur de la mise à disposition, participe effectivement à leur exploitation au sein de la société. La mise à disposition doit, en outre, être réalisée conformément aux dispositions de l'article L 411-37 du même code prévues pour les preneurs de baux ruraux et ne pas donner lieu, de ce fait, à l'attribution de parts (rapp. ci-dessous, n° 50 ).
11. Concession à titre onéreux de la jouissance du bien à un GFA, un GAEC, une EARL, une SCEA ou à une société civile agricole.
49L'article 28-VI de la loi de modernisation de l'agriculture (n° 95-95 du 1er février 1995) a complété le I de l'article 1594 F quinquies D (ancien art. 705) du CGI par un alinéa qui dispose que le bénéfice du régime de faveur est maintenu lorsque la jouissance des biens acquis est concédée à titre onéreux, notamment par bail, à un groupement foncier agricole (GFA), à un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), à une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) ou à une société civile d'exploitation agricole (SCEA).
50Le maintien du régime de faveur est, toutefois, subordonné à la condition que l'acquéreur ou ses ayants cause à titre gratuit continuent de mettre personnellement en valeur les biens acquis dans le cadre du groupement ou de la société, jusqu'à l'expiration du délai de cinq années à compter de la date d'acquisition.
Ce dispositif législatif est venu compléter la doctrine qui admettait que la mise à disposition d'une société civile agricole des biens acquis sous le régime de faveur de l'article 1594 F quinquies D (ancien art. 705) du CGI n'entraînait pas la remise en cause de celui-ci, lorsque cette mise à disposition était réalisée dans certaines conditions (cf. ci-dessus n° 48 ).
51Il est admis que le régime de faveur est également maintenu en cas de concession à titre onéreux de la jouissance des biens acquis à un groupement foncier rural (GFR) [code rural, art. L 322-22 à L 322-24] dès lors que les biens dont la jouissance est concédée à titre onéreux sont des immeubles ruraux à usage agricole.
52Les dispositions du VI de l'article 28 de la loi de modernisation de l'agriculture s'appliquent aux concessions à titre onéreux de jouissance de biens acquis sous le régime de l'article 1594 F quinquies D (ancien art. 705) du CGI intervenues à compter de l'entrée en vigueur de la loi, c'est-à-dire à Paris le 4 février 1995 et, partout ailleurs, un jour franc après l'arrivée du JO au chef-lieu d'arrondissement.
IV. Effets de la déchéance
1. Généralités.
53La déchéance n'atteint que la partie du prix d'acquisition afférente aux immeubles affectés par l'événement qui la provoque.
Elle entraîne l'exigibilité immédiate :
- du complément de taxe et de frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvements et de non-valeurs dont l'acquisition de ces immeubles a été dispensée ;
- de la taxe additionnelle communale et, jusqu'au 31 décembre 1998, de la taxe additionnelle régionale 3 ;
- du droit supplémentaire de 1 % 4 (CGI, art. 1840 G quater A ) ;
- de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du CGI décompté du premier jour du mois suivant la date d'expiration du délai légal de présentation de l'acte à la formalité.
54Le complément de taxe est égal, en principe, à la différence entre le droit de mutation au taux de droit commun et le droit initialement perçu au taux de 0,60 %.
Toutefois, jusqu'au 31 décembre 1998, il était admis qu'en cas de déchéance concernant des locaux d'habitation, le régime fiscal prévu à l'ancien article 710 du CGI (cf. ci-avant DB 7 C 1421 ) soit substitué à celui de l'article 705 (actuellement, art. 1594 F quinquies D) si le fermier était en mesure de justifier que les conditions posées pour l'application de l'ancien article 710 avaient été constamment remplies depuis la date d'acquisition des bâtiments concernés et si le sous-acquéreur prenait l'engagement de ne pas affecter les biens en cause à un autre usage que l'habitation pendant la fraction non écoulée du délai de trois ans édicté par l'ancien article 710 du CGI.
55Le droit supplémentaire de 1 % 4 a le caractère d'une pénalité d'assiette (CE, arrêt du 31 mars 1993, Aff. X... ).
Aussi, lorsque des difficultés sérieuses et imprévisibles ont empêché le redevable de bonne foi de respecter son engagement initial, ce droit supplémentaire est susceptible de faire l'objet d'une remise totale ou partielle.
56Dans l'hypothèse où les immeubles ayant été vendus au profit d'un descendant ou du conjoint d'un descendant de l'acquéreur la déchéance est encourue postérieurement du fait du sous-acquéreur, celui-ci est tenu solidairement avec l'acquéreur initial au paiement des compléments et suppléments de taxe.
57Lorsque la déchéance est intervenue postérieurement à l'apport de bien à un GFA, un GAEC, une EARL, une SCEA (cf. ci-dessus n os40 et suiv. ), les compléments de droits et pénalités doivent être supportés par l'apporteur, son conjoint ou ses ayants cause à titre gratuit.
Dès lors, en cas de cession des parts pendant le délai de cinq ans, le conjoint ou les ayants cause à titre gratuit sont personnellement redevables des compléments de droits et pénalités en cas de déchéance du régime de faveur.
Les droits ainsi rappelés et l'intérêt de retard légalement exigibles devront être acquittés à la première réquisition de l'administration. Celle-ci devra être précédée, dans tous les cas, de la mise en oeuvre de la procédure de redressement contradictoire à l'encontre de l'apporteur (ou de son conjoint et de ses ayants cause) qui n'a pas respecté l'engagement de conserver les parts jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans à compter du transfert de propriété initial.
2. Conséquences de la diminution du droit supplémentaire en cas de déchéance du régime de faveur.
58Le paragraphe 27 du I de l'article 39 de la loi de finances pour 1999 a réduit de 6 % à 1 % le droit supplémentaire exigible en cas de déchéance de certains régimes de faveur. Cette réduction concerne notamment les mutations pour lesquelles le droit supplémentaire est exigible en application des dispositions de l'article 1840 G quater A du CGI (acquisitions d'immeubles ruraux par les fermiers en place).
La diminution à 1 % du droit supplémentaire s'applique que la déchéance se situe avant ou après le 1er janvier 1999, selon les modalités qui suivent.
a. Déchéance du régime de faveur intervenue à compter du 1er janvier 1999.
59Lorsque la déchéance du régime de faveur est intervenue à partir du 1er janvier 1999, seul le droit supplémentaire de 1 % est exigible.
1 Taux applicable depuis le 1 er janvier 1999 ; auparavant il était de 6%.
2 Disposition codifiée à l'article L 732-39 (ancien art. L 353-1) du code rural.
3 La taxe additionnelle régionale prévue à l'ancien article 1599 sexies du CGI était perçue pour les actes de mutation d'immeubles ruraux signés jusqu'au 31 décembre 1998.
4 Taux applicable depuis le 1 er janvier 1999 ; auparavant il était de 6%.