B.O.I. N° 81 du 7 AOÛT 2008
INTRODUCTION
1.L'article 20 de la loi de finances rectificative pour 2007 (loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007) codifié aux articles 990 D, 990 E, 990 F et 990 G du code général des impôts et dont le texte est joint en annexe III a modifié la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France, qui vise désormais toute entité juridique française ou étrangère, qu'elle dispose ou non de la personnalité morale. Corrélativement, les cas d'exonération ont été élargis. Ses conditions d'application ont été précisées par le décret n° 2008-354 du 15 avril 2008 (cf. annexe IV) et par l'arrêté du 15 avril 2008 publié au JORF n° 0091 du 17 avril 2008 page 6387, texte n° 20 (cf. annexe V).
2.La présente instruction a pour objet de commenter ce nouveau dispositif législatif et réglementaire qui a pris effet au 1 er janvier 2008. Elle regroupe l'ensemble des commentaires de l'administration relatifs à l'application des articles 990 D et suivants du code général des impôts à compter du 1 er janvier 2008. Elle annule et remplace l'ensemble des instructions mentionnées après le paragraphe 155 de la présente instruction.
3.Remarque : sauf mention contraire, les articles cités dans cette instruction sont ceux du code général des impôts et de ses annexes.
CHAPITRE 1 :
CHAMP D'APPLICATION DE LA TAXE
Section 1 :
Entités juridiques redevables
Sous-section 1 :
Généralités
4.La taxe s'applique à toutes les entités juridiques : personnes morales, organismes, fiducies ou toutes autres institutions comparables. Il n'y a pas lieu de distinguer selon la forme de l'entité en cause.
5.Par exception, les sociétés visées à l'article 1655 ter du code général des impôts ne sont pas soumises à la taxe de 3 % en vertu des dispositions expresses de cet article.
Sous-section 2 :
Entités juridiques visées par la taxe de 3%
A. PERSONNES MORALES
6.Il s'agit des sociétés de capitaux, des sociétés de personnes ou " partnerships " , des sociétés civiles, des fondations et de toute entité dotée de la personnalité morale dans l'Etat dans lequel elle est enregistrée.
B. ORGANISMES
7.Ce terme comprend notamment les entités, telles que les " Anstalten " et " Stiftungen " constituées en vertu de la législation du Liechtenstein, ainsi que les groupements. Le groupement s'entend d'une structure juridique, dotée ou non de la personnalité morale, dans laquelle plusieurs personnes morales et physiques s'associent en vue de poursuivre un objectif économique commun ; il s'agit notamment des G.I.E., des G.E.I.E. et des groupements assimilés, des associations en participation ou encore de simples contrats d'associations qui incluent des accords de diverses natures (syndicat, groupe, pool...).
C. FIDUCIES
8.Sont notamment visées les fiducies instituées par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007.
D. INSTITUTIONS COMPARABLES
9.Ce terme vise les institutions comparables aux fiducies et aux organismes tels que des structures ou des arrangements comme les fondations de famille, les trusts ou les fonds d'investissement non dotés de la personnalité morale.
Sous-section 3 :
Précisions relatives aux fiducies, aux trusts et aux fonds d'investissement
10.En application de l'article 990 D du code général des impôts, les entités juridiques dépourvues de personnalité morale peuvent être redevables de la taxe de 3%, si elles détiennent directement ou indirectement des biens ou droits immobiliers en France. Corrélativement, elles peuvent en être exonérées si elles répondent aux conditions requises pour bénéficier de l'un des cas d'exonération prévu à l'article 990 E du code général des impôts.
11.Si de telles entités ne peuvent bénéficier de l'une des exonérations prévues au 1°, 2°, 3° a), 3° b), 3° c) de l'article 990 E du code général des impôts, elles pourront, sous réserve d'en respecter les conditions, demander le bénéfice d'une exonération totale ou partielle de la taxe prévue aux 3° d) et 3° e) de l'article 990 E du code général des impôts. A défaut elles seront redevables de la taxe de 3%. Dans l'une ou l'autre de ces hypothèses, l'exonération ou le paiement total ou partiel de la taxe de 3% sera conditionné par la souscription d'un engagement ou par la souscription d'une déclaration n° 2746 (cf. paragraphes 95 et suivants de la présente instruction).
12.Il est rappelé que le premier alinéa de l'article 990 F du code général des impôts dispose que toutes les entités juridiques interposées entre le ou les débiteurs de la taxe et les immeubles ou droits immobiliers sont solidairement responsables du paiement de cette taxe.
La situation des fiducies, des trusts et des fonds d'investissement, appelle les précisions suivantes :
A. SITUATION DES FIDUCIES AU REGARD DE LA TAXE DE 3%
13.Les fiducies ont été instituées en France par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007. Leur régime fiscal, fixé par les articles 3 et 4 de la loi précitée, conduit à l'adoption d'un régime de neutralité et de transparence fiscale. Il en résulte que le constituant est fiscalement titulaire de droits sur les actifs mis en fiducie.
14.Dès lors, le constituant, personne morale, est redevable de la taxe de 3% à raison des droits qu'il détient sur les actifs immobiliers mis en fiducie. Ce dernier a donc la charge de satisfaire les obligations prévues par les articles 990 D et suivants, notamment dans l'hypothèse ou il voudrait se prévaloir d'une possibilité d'exonération.
A titre pratique, les obligations déclaratives visées aux d) et e) du 3° de l'article 990 E du code général des impôts peuvent être remplies par le fiduciaire habilité par le constituant.
15.L'administration se réserve la faculté de demander au constituant la production du contrat de fiducie.
16.Ces règles s'appliquent aux entités de droit étranger assimilables à une fiducie de droit français, eu égard à leurs caractéristiques juridiques. Par défaut, les développements suivants s'appliquent.
B. SITUATION DES TRUSTS AU REGARD DE LA TAXE DE 3%
17.Le « trust » est une relation juridique créée par une personne (le constituant) à l'effet de placer des biens sous le contrôle d'un trustee, dans l'intérêt d'un bénéficiaire ou dans un but déterminé. Un trust se définit par rapport aux droits et obligations exercés sur les actifs par le trustee, droits et obligations qui figurent dans l'acte constitutif du trust. Sont réputés « membres » du trust les constituant(s), trustee(s) et bénéficiaire(s), y compris les attributaires en capital.
18.En application de l'article 990 D du code général des impôts, le trust est redevable de la taxe de 3% à raison des biens ou droits immobiliers qu'il porte. Il peut donc prétendre, sous réserve de respecter les conditions requises, au bénéfice des exonérations prévues à l'article 990 E du code général des impôts.
19.A titre de règle pratique, les obligations déclaratives peuvent être remplies par le trustee en sa qualité de représentant légal du trust ou, le cas échéant, par tout autre membre habilité par le trustee pour accomplir lesdites obligations.
20.En cas de défaut de déclaration ou de paiement, l'administration peut dans tous les cas réputer que le trustee, en sa qualité de représentant légal du trust, doit satisfaire aux obligations déclaratives et de paiement qui incombent au trust.
21.Dans l'hypothèse où le trust, par l'intermédiaire du trustee ou d'un autre membre habilité, opte pour le bénéfice des exonérations visées aux d) et e) du 3° de l'article 990 E du code général des impôts, il doit indiquer dans la déclaration n° 2746 :
a) le ou les membres du trust qui sont les détenteurs réels de droits sur les biens ou droits immobiliers français portés en trust, selon une appréciation qui est faite au cas par cas pour chaque trust par le trustee ou le membre habilité. En règle générale et sous réserve du contrat de trust, il s'agira du constituant lorsque le trust est révocable, et des bénéficiaires lorsque le trust est irrévocable,
b) et à titre d'information, les autres membres du trust.
Les renseignements relatifs à la répartition des droits dans le trust doivent également figurer sur cette déclaration.
22.Les informations figurant au paragraphe précédent doivent également être fournies dans le cadre d'une demande d'exécution par l'administration de l'engagement pris en application du d) du 3° de l'article 990 E du code général des impôts.
23.Les membres visés au a) du paragraphe 21 ci-dessus, doivent apprécier à leur niveau leur situation fiscale au regard de la taxe de 3%.
24.L'administration se réserve la faculté de demander au trustee ou au membre habilité la production du contrat de trust. Elle peut contester, le cas échéant, la qualité des détenteurs de droits sur les biens ou droits immobiliers français portés en trust, du ou des membres désignés au a) du paragraphe 21.
C. SITUATION DES FONDS D'INVESTISSEMENT AU REGARD DE LA TAXE DE 3%
25.La notion de fonds d'investissement recouvre diverses entités juridiques sans personnalité morale qui entrent désormais dans le champ d'application de la taxe de 3% s'ils détiennent directement ou indirectement des biens ou droits immobiliers situés en France. Les fonds peuvent bénéficier des mêmes possibilités d'exonération que les autres entités juridiques. Ils bénéficient de surcroît d'une exonération spécifique réservée aux fonds de placement immobiliers et à leurs équivalents étrangers (cf. paragraphes 85 et suivants de la présente instruction).
26.Le fonds est seul redevable à la taxe de 3%.
27.Les modalités pratiques d'application de la taxe doivent néanmoins faire l'objet d'un examen au cas par cas pour chaque fonds d'investissement.
28.Ainsi, les membres du fonds peuvent désigner l'un d'eux pour satisfaire les obligations déclaratives et de paiement prévues par les articles 990 D et suivants du code général des impôts pour le compte du fonds d'investissement. Dans la majorité des cas, il peut s'agir de la société de gestion.
29.La déclaration n° 2746 qui est souscrite par le fonds, par l'intermédiaire de la société de gestion ou de tout autre membre désigné à cet effet, afin de s'exonérer totalement ou partiellement de la taxe, doit comporter les informations concernant les bénéficiaires du fonds, à l'exception de ceux qui détiennent moins de 1% des actions, parts ou autres droits dudit fonds (cf. paragraphes 97 et 98 de la présente instruction). Les mêmes informations sont exigées en exécution d'un engagement visé au d) du 3° de l'article 990 E du code général des impôts.
30.En cas de défaut de déclaration ou de paiement, l'administration peut dans tous les cas réputer que la société de gestion, en sa qualité de représentante du fonds d'investissement, doit satisfaire aux obligations déclaratives et de paiement qui incombent au fonds.
31.Les porteurs de parts, autres que des personnes physiques, du fonds d'investissement (bénéficiaires) qui sont titulaires de droits sur les immeubles sis en France par l'intermédiaire du fonds d'investissement sont redevables de la taxe de 3%. Il revient à chacun d'eux de satisfaire à leurs obligations prévues par les articles 990 D et suivants du code général des impôts afin d'éventuellement bénéficier de l'une des exonérations mentionnées à l'article 990 E du code général des impôts.
Section 2 :
Détentions d'immeubles ou de droits réels visées par la taxe
32.Le deuxième alinéa de l'article 990 D précise qu'est réputée posséder des biens ou droits immobiliers en France par entité interposée, et donc entrer dans le champ d'application de la taxe de 3%, toute entité juridique qui détient une participation, quelles qu'en soient la forme et la quotité, dans une autre entité qui est :
- propriétaire d'immeubles situés en France ou de droits réels portant sur de tels immeubles ;
- ou détentrice d'une participation dans une troisième entité, qui est elle-même :
• soit propriétaire d'immeubles ou de droits immobiliers ;
• soit interposée dans la chaîne des participations.
33.Ces dispositions sont applicables quel que soit le nombre d'entités juridiques interposées.
34.Cependant la taxe n'est due que par la ou les entités qui, dans cette chaîne, sont les plus proches des immeubles ou droits immobiliers et qui ne sont pas exonérées en application du d) ou du e) du 3° de l'article 990 E du code général des impôts (cf. paragraphes 95 et suivants de la présente instruction).
L'exemple suivant illustre les solutions qui en découlent.
Exemple : Un immeuble situé en France (A) et affecté à la location appartient à une société civile F qui a son siège en France. Les parts de F sont détenues pour moitié par deux sociétés E1 et E2 qui ont l'une et l'autre leur siège hors de France.
La société F, ayant pris l'engagement de communiquer à l'administration les informations mentionnées au d) du 3° de l'article 990 E du code général des impôts, n'est pas soumise à la taxe de 3 %.
La société E1 a son siège dans un Etat hors Union européenne qui n'est pas lié à la France par une convention d'assistance administrative ou par une convention fiscale comportant une clause de non-discrimination applicable aux personnes morales pouvant bénéficier des dispositions de la convention concernée. Elle est redevable de la taxe de 3 % sur 50 % de la valeur vénale de l'immeuble.
La société E2 a son siège dans un Etat lié à la France par une convention fiscale comportant une telle clause de non-discrimination. Son capital est détenu par moitié par une personne physique (P) et par une société E3 qui a son siège hors Union européenne dans un Etat non lié à la France par une convention de la nature de celles évoquées à l'alinéa précédent.
E2 ayant pris l'engagement prévu au d) du 3° de l'article 990 E du code général des impôts est exonérée.
La fraction de la valeur vénale de l'immeuble (50 % X 50 % = 25 %) qui correspond aux droits de la personne physique (P), associée dans E2, n'est pas soumise à la taxe de 3%. La société E3, en revanche, est redevable de la taxe de 3% sur la fraction de la valeur vénale de l'immeuble qui correspond à ses droits (25%).
35.Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 990 D du code général des impôts excluent du champ d'application de la taxe toute entité qui détient des biens immobiliers ou des droits réels portant sur ces biens, par l'intermédiaire d'une participation dans une entité juridique qui bénéficie d'une exonération visée aux 1°, a et b du 2° et a, b, c du 3° de l'article 990 E du code général des impôts.
Ainsi, dans l'exemple précédent, si les actions de la société E2 font l'objet de négociations significatives et régulières sur un marché réglementé, E3 sera exonérée de la taxe de 3% et ses actionnaires ne pourront pas être assujettis à la taxe de 3% à raison du bien immeuble A.
36.Bien entendu, les entités juridiques qui sont associés, actionnaires ou autres membres d'une entité exonérée sur le fondement des 1°, a et b du 2° et a, b, c du 3° de l'article 990 E du code général des impôts peuvent demeurer redevables de la taxe de 3% pour d'autres biens ou droits immobiliers qu'elles posséderaient en France de manière directe ou indirecte au travers d'entités juridiques qui ne seraient pas exonérées sur le fondement des articles précités.
37.Certaines sociétés émettent sur le marché des actions dites « traçantes » ou « reflets ». Il s'agit d'actions d'une société mère dont la rémunération est indexée sur les résultats d'une filiale ou d'une division.
Dans ce cadre, les associés d'une même société peuvent avoir des actions représentant différents actifs de cette dernière. Ainsi, si un titre est indexé sur les performances de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société émettrice de ce titre, les porteurs de cette catégorie de titres sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application de la taxe de 3%.
En revanche, si un titre d'une société détenant directement ou indirectement des immeubles en France ne donne aucun droit sur ces derniers, les porteurs de ces titres ne peuvent pas être regardés comme redevables de la taxe de 3% en application de l'article 990 D du code général des impôts.
Néanmoins, dans l'hypothèse ou elle souhaite bénéficier de l'exonération visée au d) du 3° de l'article 990 E du code général des impôts, l'entité juridique détenant des biens ou droits immobiliers en France dont certaines parts donnent des droits sur ces derniers et d'autres non, devra souscrire une déclaration n° 2746 portant mention de l'ensemble de ses associés, porteurs ou autres membres, et ce quelle que soit la nature des titres détenus par ces derniers. Cependant comme pour toute entité bénéficiant des d) et e) du 3 de l'article 990 E du code général des impôts, l'entité émettant des actions « traçantes » est dispensée de révéler ses actionnaires, porteurs ou autres membres ne détenant pas plus de 1% de son capital (Cf. paragraphe 97 de la présente instruction).
Les associés, actionnaires ou autres membres de l'entité juridique concernée devront à leur niveau analyser leur situation au regard des obligations fiscales prévues par les articles 990 D et suivants, étant rappelé que, bien entendu, les porteurs de titres n'ouvrant aucun droit sur les actifs immobiliers de l'entité juridique ne peuvent être considérés comme redevables de la taxe à raison de ces titres.
Le même principe est applicable aux actions, parts ou autres droits de nature similaire aux actions « traçantes » ou « reflets » (exemple : OPCVM à compartiments visés à l'article L214-33 du code monétaire financier).