Date de début de publication du BOI : 30/06/1994
Identifiant juridique : 12C2251
Références du document :  12C2251

SOUS-SECTION 1 RESPONSABILITÉ PÉCUNIAIRE DES DIRIGEANTS (LPF ART. L 266 ET L 267)

2. Nature des droits

24Les articles L 266 et L 267 du LPF visent les impositions de toute nature et les pénalités fiscales y afférentes.

Par conséquent, il y a lieu de soumettre au juge toutes les dettes fiscales, à l'exclusion des frais accessoires de garantie et de recouvrement (Cass. com. 9 mars 1993, n° 437 P, RJF 6/93, n° 937).

C'est ainsi que sera proposé l'ensemble d'une créance comprenant, à titre d'exemple, outre la TVA , des droits de mutation à titre onéreux, des prélèvements divers assis sur les salaires, mais aussi des taxes sur les véhicules à moteur ou des taxes d'urbanisme.

L'application du principe sus-énoncé conduira à retenir la TVA sur les factures de complaisance mise à la charge de la personne qui a facturé la taxe (art. 283-4 du CGI - Cass. com. 7 décembre 1993 n° 1954 P Bull. civ. IV n° 463 p. 336).

En revanche, doit être écartée l'amende prévue à l'article 1840 N sexies du code, qui punit les infractions aux dispositions de l'art. 1er de la loi du 22 octobre 1940 relatif au règlement par chèque de certaines transactions. Cette amende recouvrée comme en matière de timbre constitue une sanction administrative ne découlant pas d'une obligation fiscale (CE 4 décembre 1992, n° 118311, RJF 1/93 ; n° 90).

Les articles ne comportant plus que des pénalités (assiette ou recouvrement) par suite du jeu de l'imputation des règlements partiels entrent dans le champ d'application des dispositions étudiées.

Enfin, le libellé n'impose aucune distinction en fonction des procédures d'imposition mises en oeuvre, selon la gravité supposée des unes par rapport aux autres (déclarations sans paiement, taxations d'office ou rappels consécutifs à un contrôle).

3. Créances contestées

25Bien entendu, les services devront s'abstenir d'engager l'action si la société ou son représentant légal a présenté une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement, suivie de la constitution de garanties.

Toutefois, si la contestation ne visait qu'une partie de la créance, l'action pourrait être engagée sur la partie de la créance non contestée.

A défaut de réclamation, les juges civils ne peuvent que se prononcer dans le cadre strict de leurs compétences, au vu des titres exécutoires qui s'imposent à eux.

En cas de contentieux d'assiette et d'instances parallèles, les difficultés de procédure sont à régler dans le cadre du sursis à statuer (cf. sous-section 3, 12 C-2253, n°s 41 à 44).

4. Cas des créances couvertes par un plan de règlement échelonné

26On se reportera à la sous-section 2, 12 C 2252, n " s 32 et 33 pour le lien de causalité.

5. Créance détenue sur une personne morale en redressement ou en liquidation

27La situation obérée des sociétés reliquataires aboutit dans de nombreux cas à l'ouverture d'une procédure de règlement collectif du passif, qui met fin aux possibilités de poursuite individuelle du receveur.

Dans des situations de ce type, le comptable des impôts doit nécessairement justifier devant les juges de l'existence de sa créance en produisant non seulement les avis de mise en recouvrement, mais aussi la déclaration de créances et la notification de la décision d'admission, si elle a été rendue.

En l'absence de contestation obéissant aux règles du LPF, les juges n'ont pas à rechercher si la créance du Trésor a été admise définitivement au passif de la procédure (Cass com. 20 juin 1989, n° 912 D).

Toutefois, les créances qui n'ont pas été déclarées et n'ont pas donné lieu à relevé de forclusion sont éteintes (art. 53, 3ème alinéa de la loi du 25 janvier 1985). La responsabilité des dirigeants ne peut pas être mise en cause au titre de ces droits.

a. Créances non exigibles à la date du jugement

28Un dirigeant ne peut être rendu responsable du défaut de paiement d'impositions qui, bien que se rapportant à la période antérieure au jugement ouvrant une procédure collective, ne sont cependant pas exigibles à la date de ce jugement, lequel interdit précisément au débiteur de régler les créances nées avant son intervention (art. 33 de la loi du 25 janvier 1985).

Toutefois, les rappels et les taxations d'office non encore authentifiés à la date du jugement mais qui ont fait l'objet d'une déclaration à la procédure entrent dans le champ d'application des articles L 266 et L 267.

29Sont exclus du domaine d'application de ces textes :

* les impositions correspondant à la période antérieure au jugement, dont le paiement accompagne normalement la souscription de la déclaration, quand la date de son dépôt tombe à une date postérieure au jugement (ex : taxe d'apprentissage, participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue ; TVA afférente à la déclaration récapitulative annuelle ou à la déclaration du mois précédant la date du jugement) ;

* les créances non échues : en effet, contrairement à la solution applicable sous l'ancienne législation, le jugement qui prononce le redressement judiciaire ne rend pas exigibles les dettes non échues ;

* la régularisation, postérieure au jugement, de la TVA sur immobilisations, déduite avant le jugement (article 210 de l'annexe II au Code général des impôts) ;

* le reversement de taxe que le redevable aurait dû effectuer lorsque, dans le cas d'opérations impayées, ses fournisseurs obtiennent l'imputation ou la restitution de la taxe qu'ils ont réglée (article 272 dudit code).

b. Dette de continuation d'activité

30Un arrêt rendu le 31 mars 1993 par la Cour d'appel de POITIERS a mis à la charge d'un gérant de SARL des dettes fiscales de la société en redressement judiciaire nées au cours de la période d'observation (art. 40 de la loi du 25 janvier 1985).

Une telle mesure n'est possible que si le gérant n'a pas été dépossédé de ses pouvoirs de dirigeant au profit de l'administrateur par le jugement d'ouverture (art. 141 de la loi du 25 janvier 1985).

c. Pénalités

31Par un arrêt du 10 avril 1992, le Conseil d'Etat a considéré que l'article 8-I de la loi n° 81-1179 du 31 décembre 1981, codifié sous l'article 1929 sexies du Code général des impôts et étendant aux majorations et pénalités d'assiette et de recouvrement le privilège du Trésor, qui s'exerce notamment en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, n'avait pas eu pour effet d'abroger le troisième alinéa de l'article 1926 du CGI.

32Cette décision emporte des conséquences en ce qui concerne les actions en responsabilité solidaire engagées contre les dirigeants de société sur le fondement des articles L 266 et L 267 du Livre des procédures fiscales.

En effet, en application des principes régissant la solidarité, lorsque le dirigeant social est tenu, en application de ces textes, au paiement des impositions et pénalités dues par la personne morale, toute diminution de la dette de cette dernière doit également lui profiter

  II. Sociétés, personnes morales et groupements

1. Article L 266 du LPF

33L'article L 266 concerne les SARL ayant un gérant majoritaire, au sens des articles 62 et 211 du CGI.

Un gérant de SARL est majoritaire lorsqu'il possède à lui seul, personnellement ou par personne interposée, plus de la moitié des parts sociales (on se reportera aux développements consacrés à la notion de gérant majoritaire, au n° 42 ).

Cas des E.U.R.L.

La loi n° 85-697 du 11 juillet 1985 a institué une nouvelle société, l'Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée (E.U.R.L.) dont l'associé unique ne supporte les dettes sociales qu'à concurrence du montant de ses apports.

Il s'agit d'une véritable société, dotée de la personnalité morale, dont la nature est conforme en tout point à la SARL. Dans la réponse ministérielle DUGOIN (JO du 1er septembre 1986), l'Administration a rappelé qu'il ne s'agit pas d'une société de personnes

Ce type de vie sociétaire se caractérise par les traits suivants :

- l'associé unique est une personne physique ou une personne morale ;

- une personne physique peut être associée unique de plusieurs E.U.R.L. (art. 5 de la loi du

11 février 1994) ;

- il est interdit à une E.U.R.L. d'avoir pour associé unique une autre E.U.R.L. ;

- l'associé unique peut se désigner comme gérant ou désigner un tiers ;

- le gérant est obligatoirement une personne physique, même si l'associé unique est une personne morale.

Il résulte de ce qui précède que la mise en cause de la responsabilité du gérant de l'E.U.R.L. sur le fondement de l'article L 266 est possible (cf. Répertoire des Sociétés - Dalloz - article E.U.R.L. n° 17).

Les dispositions pénales relatives aux gérants de SARL sont applicables aux gérants d'E.U.R.L. (Cass. com. 14 juin 1993, JCP n° 9 p. 86).

Il est observé que lorsque l'associé unique a désigné un gérant, il convient de poursuivre ce dernier sur le fondement de l'article L 267

2. Groupements visés par l'article L 267

34L'article L 267 vise successivement " une société, une personne morale ou tout autre groupement " . Ces trois notions sont voisines, se recoupent mais ne se confondent pas.

La généralité de la rédaction permet de viser toutes espèces de collectivités.

35Les sociétés les plus fréquemment concernées sont les suivantes SARL, sociétés anonymes, sociétés par actions, sociétés civiles, sociétés coopératives ouvrières de production, etc...

Au contraire, un type de sociétés échappe totalement à l'application du texte : les sociétés de personnes ainsi que les sociétés de fait et en participation

En effet, leurs associés sont déjà tenus indéfiniment au passif

3. Situations particulières

36 Situations d'indivision

Les institutions qui se caractérisent par des formes collectives de propriété, communauté de biens née du mariage, copropriété, transmission de droits indivis, n'entrent pas dans le champ d'application du texte.

L'indivision n'est concernée qu'autant qu'elle a donné lieu à la conclusion d'une convention d'indivision.

Cette institution, décrite aux articles 1873-1 et s. du Code civil, est un système d'indivision organisée qui comporte la possibilité de désigner un gérant.

Celui-ci administre l'indivision et représente les indivisaires.

L'exploitation du patrimoine indivis est susceptible d'engendrer un passif fiscal et il n'est pas exclu que les forces actives de l'indivision soient insuffisantes à en couvrir les charges.

Or les indivisaires, à l'égard des créanciers, n'ont qu'une obligation conjointe et proportionnelle à leur part. Dès lors, en cas de défaillance des autres co-indivisaires, le gérant pourrait être mis en cause à raison de la quote-part dont il ne répond pas lui-même, à l'instar du gérant de société civile immobilière (cf. n° 61 de la présente sous-section).

37 Personnes morales de droit public

La rédaction de l'article L 267 n'exclut pas les collectivités publiques de son champ d'application. Dans ces situations, la mise en oeuvre de l'action sera soumise à l'appréciation du Service central.

38 Groupes de sociétés

S'agissant des diverses formes d'intégration, il est possible de mettre en cause la responsabilité de la société mère ou de la holding sur le fondement de l'article L 267 en recourant à la notion de direction exercée " indirectement " .

39 Groupements d'intérêt économique (G.I.E.)

" Cadre intermédiaire entre la société et l'association " , selon les motifs de l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967 qui l'a institué, le " G.I.E. " est aussi une personne morale (art. 3 de l'ordonnance). Comme tel, il entre donc dans le champ d'application des dispositions étudiées.

Les administrateurs peuvent être choisis aussi bien parmi les membres qu'en dehors d'eux (art. 9 de l'ordonnance) ; par ailleurs, sans accord particulier d'un ou plusieurs créanciers, les membres du groupement sont tenus solidairement des dettes de celui-ci sur leur patrimoine propre (art. 4 de l'ordonnance). En regard de cette règle, le G.I.E. est à rapprocher des sociétés de personnes, comme il l'a d'ailleurs été pour ce qui est des règles de l'assiette.

Par suite, la mise en cause de la responsabilité des administrateurs sur le fondement de l'article L 267 est réservée à ceux d'entre eux qui ne sont pas, en même temps, membres du groupement.

Dans le cas contraire en effet, les intéressés sont déjà tenus solidairement en vertu d'un autre texte, l'article 4 de l'ordonnance du 23 septembre 1967.

Il est précisé que les membres qui se retirent sont encore tenus des dettes jusqu'à la publicité donnée à leur retrait (Cass. com. 9 novembre 1987, D. 1987, IR 238).

40 Associations

Sur le principe, qu'elle soit déclarée au sens de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 ou qu'elle ne le soit pas, une association entre dans les prévisions de l'article L 267 Dans le premier cas, en effet, la circonstance qu'elle soit rendue publique lui confère la personnalité morale ; dans le second, un minimum d'organisation interne lui donne toujours la forme d'un groupement II en sera ainsi notamment, dans le cas où l'association percevra une cotisation de ses membres

La situation n'est pas modifiée par le fait qu'elle a pu être déclarée d'utilité publique.

Les associations formées à l'initiative, ou avec le parrainage d'institutions bénéficiant des prérogatives de la puissance publique entrent dans le champ d'application des dispositions étudiées.

Pour un exemple d'action engagée contre les dirigeants d'une association, cf Cass. com. 9 avril 1991, Bull. civ. IV n° 133 p. 95, (RJF 6/91 n° 874).

  III. Dirigeants susceptibles d'être mis en cause

1. Remarques préliminaires

41- L'article L 266 du LPF (article 54 de l'ordonnance n° 58-1372 du 29 décembre 1958) institue une responsabilité solidaire à l'égard des seuls gérants majoritaires de SARL.

La portée du texte s'étant révélée trop limitée, l'article 74 de la loi de finances pour 1980, codifié à l'article L 267 du LPF, a étendu la responsabilité visée à l'article L 266 à toutes les formes de personnes morales et à tous les dirigeants.

Ces deux séries de dispositions ont donc un champ d'application complémentaire et distinct (Cass. com. 26 mars 1985, Bull. civ. IV n° 111 p. 96 ; 11 février 1992, arrêt n° 267 D).

Il en résulte que l'article L 266 n'a pas été abrogé ni modifié par la loi du 18 janvier 1980 et reste applicable aux seuls gérants majoritaires de SARL, de droit ou de fait.

- A noter que le statut fiscal du gérant d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (E.U.R.L.) est en tous points identique à celui du gérant d'une SARL (Rép. DUGOIN, AN 1er septembre 1986, p. 2915 n° 798). Par conséquent, le gérant associé unique d'une E U R.L encourt la responsabilité fiscale visée par l'article L 266.

- L'article L 267, texte de portée plus générale, trouve à s'appliquer là où cesse l'effet de l'article L 266. Par conséquent, il ne saurait être appliqué à un gérant majoritaire de SARL.

L'objectif recherché est de pouvoir atteindre le véritable dirigeant de l'entreprise, quel que soit son statut au sein de la personne morale.

En visant toutes les personnes exerçant la direction effective de la société, le législateur donne une extension considérable au champ d'application du texte, mais l'interprétation stricte de la jurisprudence a abouti à restreindre ses possibilités d'application.