SOUS-SECTION 4 DÉLAIS DE REPRISE EN MATIÈRE D'ENREGISTREMENT, DE PUBLICITÉ FONCIÈRE, D'IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE, DE TIMBRE ET DE TAXES ASSIMILÉES
3° Définition jurisprudentielle de l'« enregistrement » pour l'application de l'article L. 180 du LPF.
15 D'après la jurisprudence de la Cour de cassation, l'« enregistrement » consiste, non seulement dans la relation sur un registre, d'opérations juridiques présentées à la formalité, mais encore dans de simples recettes correspondant à une déclaration ou à la remise d'états périodiques, ou même dans le dépôt de doubles d'actes ou d'extraits d'actes et de jugements (Cass. civ., 4 août 1936, et 4 avril 1938).
La Cour a, d'autre part, décidé que le simple dépôt d'une déclaration de succession accompagné du versement d'un acompte qui, inférieur aux droits exigibles, ne permet pas l'accomplissement de la formalité, équivaut à son enregistrement (Cass. civ., 25 février 1942, confirmé par Cass. civ., 11 octobre 1960).
Enfin, généralisant son interprétation extensive du texte légal, la Cour a jugé que les dépôts d'actes, déclarations ou documents sont susceptibles de rendre la prescription abrégée applicable sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant qu'ils ont été effectués pour la perception des droits d'enregistrement ou pour celle d'autres impôts (Cass., req. du 27 mai 1946).
16En revanche, ne peuvent être assimilés à l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration au sens de l'article L. 180 du LPF la simple remise d'une déclaration de revenus ou de bénéfices.
La Cour de cassation a, en effet, jugé qu'une société ne pouvait se prévaloir de la prescription abrégée pour faire échec à un redressement de taxe sur les véhicules de société en invoquant le fait qu'elle avait mentionné tous ses véhicules dans ses déclarations de résultats au titre de l'impôt sur les sociétés dès lors que l'exigibilité de la taxe, perçue par voie de timbre, n'avait pas été révélée à l'administration par l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration au sens de l'article L. 180 du LPF (Cour cass. com., arrêt du 15 décembre 1982).
Elle a pareillement écarté la prescription abrégée dans une affaire où un contribuable qui s'était borné à inclure, dans ses déclarations de revenus, le montant des loyers qu'il avait encaissés, invoquait les dispositions de l'article L. 180 du LPF pour échapper à un rappel de droit de bail (Cour cass., com., arrêt du 10 février 1987).
b. Deuxième condition : exigibilité des droits omis établie par l'acte ou la déclaration sans qu'il soit nécessaire de recourir à des recherches ultérieures.
1° Établissement de l'exigibilité des droits omis.
17Pour que la prescription abrégée soit applicable, il faut que l'acte ou la déclaration établisse d'une manière complète l'exigibilité certaine des droits omis et que l'administration soit mise à même de constater immédiatement au seul vu du document enregistré ou publié, l'existence du fait juridique imposable.
Si un doute subsiste quant à l'exigibilité des droits et s'il est nécessaire, pour en apporter la preuve, de procéder à des recherches quelconques, notamment par rapprochement de divers actes ou déclarations et examen de circonstances extrinsèques, le délai de prescription abrégée ne s'applique pas (Cour cass., com., 20 mai 1967 ; Cass. com., 5 mars 1969 ; Cass., 23 octobre 1979).
18 À cet égard, la Cour de cassation a jugé que la prescription décennale est applicable :
19- au redressement fondé sur l'omission partielle du solde créditeur d'un livret d'épargne dans une déclaration de succession.
Au cas particulier, une déclaration de succession indiquait un solde créditeur de livrets d'épargne dont le montant était inférieur au solde réel.
Le contribuable soutenait que cette irrégularité constituait une insuffisance d'évaluation d'un bien déclaré et, comme telle, relevait de la prescription abrégée.
Rejetant cette analyse, la Cour a jugé qu'il s'agissait d'une omission partielle d'un bien, soumise à la prescription décennale.
De fait, l'administration ne pouvait appréhender le montant exact du solde sans effectuer des recherches ultérieures au sens du 2ème alinéa de l'article L. 180 du LPF (Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, arrêt du 9 mars 1993, Bull. IV, n° 95 ; cf. annexe III).
20- dès lors qu'un bail (conclu en 1975) n'a pas été déclaré avant d'être porté à la connaissance du service (en 1981).
En l'espèce, le litige portait sur la taxe additionnelle au droit de bail, perçue au vu d'une déclaration annuelle.
Le tribunal, dont le jugement a été annulé par la Cour, avait estimé que le service, après avoir eu connaissance du bail en 1981, n'était fondé, en procédant à un redressement en 1985, qu'à effectuer un rappel concernant les seules années 1981 à 1985, dans le cadre de la prescription quadriennale (durée de la prescription abrégée applicable à l'époque des faits).
Validant les redressements opérés au titre des années 1975 à 1980, la Cour a jugé qu'en l'absence de déclaration, seule la prescription décennale prévue par l'article L. 186 du LPF était opposable au service et que la circonstance qu'il ait eu ultérieurement connaissance de l'existence du bail ne saurait lui ôter rétroactivement la possibilité d'exercer son droit de reprise à l'intérieur du délai de dix ans (Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, arrêt du 2 juin 1992, Bull. IV, n° 219 ; cf. annexe II)
21- lorsqu'il n'a été procédé qu'à des versements d'acomptes sur les droits de mutation par décès.
Leur réception donne certes connaissance à l'administration de l'ouverture de la succession mais n'établit pas suffisamment, à elle seule, l'exigibilité des droits dus dès lors qu'elle ne permet pas, sans recherches extérieures, de déterminer l'assiette de l'impôt, son taux et les personnes débitrices (Cass. com., arrêt du 4 avril 1995, n° 761 D ; cf. annexe V).
22- dès lors que la déclaration de succession ne mentionne pas le détail des biens.
Tel est le cas lorsque la déclaration regroupe en catégories les biens figurant dans le patrimoine héréditaire sans en donner le détail, puisque l'administration est alors obligée de procéder à des recherches complémentaires pour connaître les droits exigibles.
Au demeurant, une telle déclaration peut d'autant moins faire courir le délai de prescription abrégée que le 3ème alinéa de l'article 860 du CGI prévoit expressément que la formalité doit être refusée à une déclaration estimative qui n'est pas détaillée (Cass. com., arrêt du 7 janvier 1997, n° 37 D ; cf. annexe X).
23- dès lors que l'administration n'a pas fondé les redressements (notifiés pour non-respect de l'engagement prévu à l'article 1115 du CGI) uniquement sur la présentation à l'enregistrement des actes constatant les reventes litigieuses, mais aussi sur des éléments extérieurs à ces actes qu'elle a dû rechercher afin de démontrer qu'ils étaient constitutifs d'abus de droit, tels la communauté d'intérêts entre les parties et l'absence de paiement du prix.
En l'espèce, la société requérante soutenait que l'administration avait eu, auparavant, connaissance de l'exigibilité des droits dus au titre des cessions litigieuses dès la vérification de comptabilité effectuées en 1986, soit antérieurement au présent redressement notifié en 1991, puisqu'à cette époque, les immeubles objets desdites cessions avaient déjà été revendus.
La Cour de cassation n'a pas retenu cette analyse et a considéré que dès lors que l'administration avait procédé à des recherches extérieures aux actes de revente pour établir les redressements, seule la prescription décennale était applicable.
Au fond, la question soumise à la Cour portait sur la déchéance du bénéfice du régime prévu à l'article 1115 du CGI, sur le fondement de l'article L. 64 du LPF, en raison notamment de l'intérêt exclusivement fiscal des opérations de revente réalisées (Cass. com., arrêt du 10 février 1998, n° 463 P ; cf. annexe XIII). Voir également DB 13 L 1532, n° 7 .
24Le Conseil d'État en a décidé de même dans l'espèce suivante :
Un contribuable avait présenté à la formalité de l'enregistrement les actes constatant des cessions de parcelles loties mais il n'avait ni à ce moment ni ultérieurement souscrit la déclaration spéciale destinée à faire apparaître l'existence des profits passibles du prélèvement de 50 % visé à l'article 244 bis du CGI, ni produit les justifications dont cette déclaration devait être appuyée. Le Conseil d'État a jugé que l'enregistrement des actes de cession n'avait pas, à lui seul, fait suffisamment apparaître l'exigibilité des droits assis sur les profits nets réalisés à l'occasion des cessions et n'avait pas rendu inutile le recours à des recherches ultérieures. Il en a conclu que les conditions pour que le contribuable puisse se prévaloir de la prescription abrégée n'étaient pas remplies et que c'est dès lors la prescription décennale qui était applicable (CE, arrêt du 27 juillet 1979, req. n° 5976).
25Il n'est pas exigé que l'écrit révélateur contienne tous les éléments indispensables à la liquidation des droits.
26La prescription abrégée joue tant à l'égard des droits dus sur le document formalisé qu'à l'égard de ceux dus en dehors de ce document, si ce dernier renferme la preuve de leur exigibilité.
27Enfin, l'article L. 180 du LPF n'enferme pas dans le délai qu'il prévoit les recherches extérieures nécessaires à l'administration pour établir que dissimule sa portée un acte enregistré qui ne révèle pas, à lui seul, l'exigibilité des droits d'enregistrement résultant de son véritable caractère (Cass. com., 31 janvier 1989, affaire X... , Bull. IV, n° 44, p. 26 : arrêt rendu en matière d'abus de droit, en l'occurrence une donation déguisée).
2° Notion de « recherches ultérieures ».
28On ne saurait considérer comme une « recherche ultérieure », au sens de l'article L. 180 du LPF, le simple rapprochement de l'acte révélateur avec le registre de formalité en vue de vérifier que les droits dus n'ont pas déjà été perçus.
Ne constituent pas non plus des « recherches ultérieures », celles qui ont pour but de recueillir les précisions utiles à la liquidation des droits révélés (Cass. civ., 3 décembre 1945).
Il faut donc entendre par « recherches ultérieures » susceptibles de mettre obstacle à la prescription abrégée uniquement celles qui ont trait à l'exigibilité des droits et à la preuve à en apporter (Cass. civ., 14 janvier 1930 et 7 juillet 1941).
4. Conditions et modalités particulières d'application de la prescription abrégée au cas de successions non déclarées et d'omissions de biens dans les déclarations de succession.
29En vertu de l'article L. 181 du LPF, la prescription abrégée ne s'applique, au cas de successions non déclarées ou d'omissions de biens dans les déclarations de succession, que si le document révélateur enregistré ou publié (écrit ou déclaration) mentionne exactement :
- la date et le lieu du décès du défunt ;
- le nom et l'adresse de l'un au moins des ayants droit.
Par ailleurs, la prescription ne court qu'en ce qui concerne les droits dont l'exigibilité est révélée sur les biens, sommes ou valeurs expressément énoncés dans l'écrit ou la déclaration comme dépendant de l'hérédité.
30Il a été jugé que, même s'il était possible à l'administration de reconstituer en partant des éléments épars donnés par les actes dont se prévaut le contribuable, l'actif et le passif d'une succession non déclarée, la prescription abrégée prévue par l'article L. 180 du LPF ne saurait courir, dès lors que cette reconstitution impliquait des rapprochements entre ces divers actes ainsi que l'obligation d'obtenir des renseignements complémentaires.
La créance du Trésor n'a notamment pas été atteinte par la prescription à la suite de l'enregistrement :
- d'un acte de dépôt de testament qui, s'il énonçait les date et lieu du décès et le seul nom sans adresse d'un légataire, se référait d'une manière imprécise et sommaire à des droits de transport dont le de cujus était titulaire ;
- d'ordonnances de référé qui, si elles énonçaient les date et lieu du décès et révélaient que le de cujus était marié sous la communauté légale, se bornaient à mentionner qu'il était gérant d'une société de transport ;
- d'un acte de notoriété exposant la dévolution successorale sans donner aucune indication sur les biens composant la succession ;
- et d'actes de cession par l'administrateur provisoire de la succession, des licences de transport dont le de cujus était titulaire ou d'éléments de son fonds de commerce de transport public de marchandises, dès lors que ces actes, s'ils apportaient des précisions utiles sur la nature, la consistance et la valeur des licences de transport, la clientèle et le matériel qui avaient fait l'objet des cessions et dépendaient de l'hérédité, ne remplissaient cependant pas les conditions exigées par l'article L. 180 du LPF puisqu'ils n'indiquaient ni la date, ni le lieu du décès, ni le nom, ni l'adresse d'un ayant droit (TGI de Paris, 2e chambre, 21 juin 1975).
31L'enregistrement d'un testament ne fait pas courir la prescription abrégée dès lors que ce document ne permet pas, à lui seul, de savoir si les sommes, biens ou valeurs qui y sont mentionnés dépendent de la succession de son auteur au jour de son ouverture (Cass. com., arrêt du 3 janvier 1996, n°12D ; cf. annexe VIII).
Un testament, quoiqu'enregistré, n'établit pas par lui-même la composition du patrimoine héréditaire au jour du décès, dès lors que les sommes, biens ou valeurs qui y sont mentionnés ont pu être aliénés, altérés ou remplacés depuis l'époque de sa rédaction, ce dont l'administration ne peut s'assurer qu'au moyen de recherches ultérieures, de sorte que l'exigibilité des droits n'est pas suffisamment établie par l'écrit en cause, et la prescription abrégée inapplicable de ce fait.
32Une déclaration de succession qui ne mentionne aucun bien immobilier ne révèle pas, à elle seule, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures, l'existence d'un tel bien dans le patrimoine héréditaire. Est dès lors inopérante, pour s'opposer à l'application du délai décennal de prescription du droit de reprise, la circonstance que ce bien ait figuré dans un acte notarié dressé, antérieurement au décès, entre le de cujus et l'héritier (Cass. com., arrêt du 3 octobre 1995, n° 1578 D ; cf. annexe VII).
En cas d'omission d'un bien dans une déclaration de succession, seul le délai de prescription décennale régit le droit de reprise de l'administration à l'égard des droits de mutation par décès exigibles sur un tel bien.
En effet, cette déclaration ne révèle pas, à elle seule et en l'absence de toute recherche ultérieure, que ce bien dépendait de la succession.
Or, la prescription abrégée ne trouve à s'appliquer que si l'exigibilité des droits est révélée par la déclaration de façon immédiate et certaine (rapprocher n os 17 et suiv.).
En l'espèce, l'existence d'un acte notarié relatif au bien litigieux ne pouvait suffire à substituer le court délai de prescription dans la mesure où le rapprochement de la déclaration d'un tel acte équivaut à une recherche ultérieure.
Par ailleurs, antérieur au décès, cet acte notarié ne pouvait, par définition, comporter les mentions exigées par l'article L. 181 du LPF pour faire courir par lui-même le délai de prescription abrégée.
33En revanche, fait courir le délai de prescription abrégée, en ce qui concerne les biens dont il précise la situation, l'acte de partage présenté à la formalité de l'enregistrement qui mentionne exactement la date et le lieu du décès, ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des héritiers et autres ayants droit, bien que la cause de cette qualité n'y soit pas précisée (Cass. com., arrêt du 24 juin 1997, n° 1577 D ; cf. annexe XI).
Ainsi, fait courir le délai de prescription abrégée l'acte de partage qui comporte les mentions exigées à l'article L. 181 du LPF, même s'il ne précise pas la cause de la qualité d'ayant droit de la ou des personnes identifiées dans cet acte.
Dans l'espèce tranchée par la Cour de cassation, certaines personnes mentionnées dans l'acte de partage étaient redevables de droits de mutation par décès, non en vertu des règles de la dévolution légale ou de dispositions testamentaires, mais seulement par l'effet de la présomption édictée à l'article 751 du CGI, laquelle ne pouvait cependant être mise en oeuvre au vu des seules énonciations de l'acte.
De surcroît, la qualité d'héritier de l'une des personnes identifiées dans cet écrit n'y était pas expressément mentionnée.
Mais dès lors que l'article L. 181 du LPF ne subordonne pas l'application de la prescription abrégée à l'indication de la cause de la qualité d'ayant droit, à quelque titre que ce soit, mais seulement à l'indication du nom et de l'adresse de l'un au moins de ces ayants droit, le point de départ du délai de prescription abrégée a pu valablement être fixé au jour de l'enregistrement de cet acte.
Par contre, la Cour a bien relevé que l'acte de partage contenait tous les renseignements permettant d'identifier la succession en cause et de préciser la situation des biens.