SOUS-SECTION 1 TAXES FONCIÈRES
SOUS-SECTION 1
Taxes foncières
A. DEMANDES DE DÉGRÈVEMENT DE LA TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES EN CAS DE VACANCE DE MAISON OU D'INEXPLOITATION D'IMMEUBLE À USAGE INDUSTRIEL OU COMMERCIAL
1Aux termes de l'article 1389-I du CGI, les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties en cas :
- de vacance d'une maison normalement destinée à la location à usage d'habitation ;
- d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel.
Le dégrèvement est subordonné à la triple condition que la vacance ou l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu'elle ait une durée minimale de trois mois, et qu'elle concerne la totalité de l'immeuble ou une partie susceptible d'exploitation ou de location séparée.
Dans ce cas, le dégrèvement est accordé à partir du premier jour du mois suivant celui du début de la vacance ou de l'inexploitation, jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel la vacance ou l'inexploitation a pris fin.
I. Immeubles concernés - Définitions de la vacance et de l'inexploitation
2Comme l'a rappelé le Conseil d'État, la première disposition de l'article 1389-I du code précité, relative à la vacance d'une maison normalement destinée à la location, ne vise que les immeubles à usage d'habitation. D'autre part, le dégrèvement prévu en cas d'inexploitation d'immeuble à usage industriel ou commercial est expressément subordonné, par la seconde disposition dudit article, à la condition que l'immeuble soit habituellement utilisé par le contribuable lui-même (CE, arrêt du 19 décembre 1975, X... , n° 96860, RJ, n° III, p. 226).
Ainsi, le Conseil d'État a jugé que le bien-fondé d'une demande en dégrèvement de la taxe foncière cotisée à raison d'un immeuble à usage commercial ou industriel devait être apprécié à la lumière de la notion d'inexploitation de l'ensemble industriel dans lequel il s'intègre, le fait que cet immeuble serve partiellement à l'entreposage d'archives et de vieux matériel, et au logement d'un gardien, n'était pas de nature à le faire regarder comme faisant l'objet d'une exploitation partielle (CE, arrêt du 13 novembre 1974, société La propriété générale, n° 94416).
1. Vacance de maison destinée à la location.
3Les dégrèvements de la taxe foncière sur les propriétés bâties peuvent être accordés à raison des immeubles destinés à être loués à usage d'habitation qui, effectivement offerts à la location, connaissent une interruption de l'occupation dont ils étaient l'objet.
Ne peuvent dès lors être considérées comme vacantes :
- une maison occupée par un gardien, encore bien que ce dernier serait logé gratuitement (CE, arrêt du 22 décembre 1958, dame X... , RO, p. 282) ;
- une maison occupée par des locataires dont la validité du titre d'occupation fait l'objet d'une contestation (CE, arrêts du 27 novembre 1957, dame Veuve X... , RO, p. 465 ; 10 juin 1963, n° 59113 ; 20 juin 1973, sieur X... , n° 87429) ;
- une maison occupée par d'anciens locataires dont l'expulsion a été ordonnée par décision de justice et qui se sont maintenus dans les lieux (CE, arrêts du 9 janvier 1963, sieur X... , RO, p. 258 ; 24 janvier 1968, n° 69695).
À cet égard, il est précisé que ne sauraient avoir d'influence sur la décision :
- le fait que les loyers, versés en totalité au propriétaire, soient sur sa demande consignés entre les mains d'un officier ministériel (CE, arrêt du 27 novembre 1957, dame Veuve X... , déjà cité) ;
- l'absence totale ou partielle de versement des loyers dus (CE, arrêts du 9 janvier 1963, sieur X... , déjà cité ; 24 janvier 1968, n° 69695, déjà cité).
D'une façon générale, on ne doit considérer comme vacante qu'une maison ou partie de maison ne renfermant aucun mobilier ou ne contenant qu'un mobilier notoirement insuffisant pour en permettre l'occupation.
Mais une maison louée ne peut en aucun cas être considérée comme vacante, même si le locataire ne l'occupe pas et la conserve dégarnie de meubles.
D'autre part, pour ouvrir droit au dégrèvement, la vacance doit s'appliquer à une maison offerte en location (CE, arrêt du 13 mai 1957, X... , RO, p. 336 ; 15 juin 1959, Y... , RO, p. 440).
Ne peut être considéré comme tel un immeuble dont le propriétaire décide la démolition (CE, arrêt du 15 juin 1959, X... , déjà cité), ou qu'il a acquis dans ce but (CE, arrêt du 12 mai 1971, Société d'économie mixte d'équipement et d'aménagement du XVéme, RJ, n° III, p. 128).
En application du même principe, un immeuble donné en jouissance à titre gratuit n'ouvre pas droit au dégrèvement (CE, arrêt du 22 décembre 1958, dame X... , RO, p. 282).
2. Inexploitation d'un immeuble à usage commercial ou industriel.
a. Principe.
4Sont susceptibles de bénéficier du dégrèvement de la taxe foncière prévu en la matière les immeubles de toute nature 1 où s'effectuent des opérations relevant des impôts auxquels sont soumis les bénéfices industriels et commerciaux, qui, utilisés par le propriétaire lui-même, subissent une interruption de leur exploitation.
* Inexploitation effective.
Pour apprécier l'inexploitation effective d'un immeuble, il convient de prendre en considération l'objet même de l'exploitation qui est la raison d'être de l'ensemble industriel dans lequel le bâtiment s'intègre, à l'exclusion des éventuelles utilisations accessoires ou secondaires de chaque bâtiment considéré isolément.
Le Conseil d'État a jugé qu'un bâtiment utilisé comme dépôt de matériel et d'archives depuis que l'exploitation de l'ensemble industriel dont il faisait partie intégrante avait été suspendue indépendamment de la volonté du contribuable, ne pouvait être considéré comme exploité au sens de l'article précité (CE, arrêt du 13 novembre 1974, société La propriété générale, déjà cité).
Conformément au principe posé par l'article 1389-I du CGI, il convient d'accorder le dégrèvement sollicité, notamment, à raison des usines en chômage, dès l'instant que leur inexploitation est effective, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si elles peuvent ou non être louées.
Enfin, lorsqu'un établissement industriel n'est pas normalement destiné à être utilisé de façon habituelle - cas d'une usine de secours, par exemple - il ne peut être regardé comme inexploité bien qu'il soit resté en fait inutilisé.
* Utilisation par le contribuable lui-même .
Il résulte du texte même de l'article 1389-I du CGI que l'inexploitation doit être appréciée uniquement par rapport au propriétaire.
Ne satisfait pas à cette condition, un immeuble :
- que le propriétaire n'a jamais utilisé lui-même (CE, arrêt du 19 décembre 1975, X... , déjà cité ; CE, arrêt du 23 avril 1980, X... ) ;
-quand celui-ci a clairement manifesté son intention de ne pas en assumer lui-même l'exploitation soit en le proposant à la location (CE, arrêt du 10 mai 1967, sieur Jean X... , RJCD, p. 132) alors même que le locataire laisserait l'usine inexploitée (CE, arrêt du 9 juillet 1975, sieur X... , n° 87720), soit en le mettant en vente (CE, arrêts du 29 octobre 1965, Société chanvrière de la Loire, RO, p. 423 et 9 janvier 1967, dames X... et Y... , req. n° 62393).
De même, lorsqu'un local industriel ou commercial est fermé par suite de la faillite du locataire, le propriétaire ne peut revendiquer le dégrèvement encore bien qu'il ait subi une perte de revenu.
b. Exclusions.
5Sont exclues du bénéfice des dispositions susvisées les maisons ou villas affectées en totalité ou en partie à la location en meublé ; toutefois, cette exclusion ne concerne pas les immeubles à usage d'hôtel meublé.
II. Conditions d'octroi du dégrèvement
6Le deuxième alinéa de l'article 1389-I du code précité subordonne l'octroi du dégrèvement à trois conditions :
- la vacance ou l'inexploitation doit être indépendante de la volonté du contribuable ;
- elle doit avoir eu une durée minimale de trois mois consécutifs ;
- elle doit affecter la totalité de l'immeuble ou une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée.
1. Indépendance de la volonté du contribuable.
7La vacance ou l'inexploitaiton devant être indépendante de la volonté du contribuable, le dégrèvement ne doit être prononcé pour les immeubles définis au n° 2 , que s'il s'agit :
- de maisons, entretenues de manière à en permettre l'usage conformément à leur destination, et n'ayant pas trouvé preneur dans des conditions normales malgré les démarches effectuées par leur propriétaire afin de pourvoir à leur location ;
- ou d'immeubles à usage industriel ou commercial, dès lors que le propriétaire établit de manière précise qu'une circonstance indépendante de sa volonté a fait obstacle de manière inéluctable à la poursuite de l'exploitation (crise économique, manque de matières premières, grèves, etc.).
a. Maisons.
* Défaut d'entretien.
8D'une manière générale, le propriétaire d'une maison vacante n'est en droit de prétendre au bénéfice du dégrèvement que dans la mesure où l'état de délabrement des locaux qui a rendu impossible leur location ne peut lui être imputé dans son origine ou sa persistance (CE, arrêts du 12 janvier 1959, héritiers X... , RO, p. 338 ; 27 novembre 1964, dame X... , RO, p. 195 ; 10 mai 1967, sieur Jean X... , déjà cité).
Toutefois, le mauvais état d'entretien de l'immeuble ne saurait à lui seul motiver le rejet d'une demande en dégrèvement de l'impôt foncier y afférent, dès lors que le propriétaire ne se refuse pas à faire effectuer les travaux, mais attend, pour les faire entreprendre, la conclusion d'un bail ou l'intervention d'un expert destiné à procéder à l'évaluation desdits travaux (CE, sieur X... , arrêt du 19 décembre 1966, RO, p. 306).
En revanche, un immeuble vacant en raison de travaux d'agrandissement, de reconstruction ou de modifications intérieures, destinés à lui conférer une plus-value, ne saurait ouvrir droit au dégrèvement.
À cet égard, le Conseil d'État a jugé que la vacance d'une maison qui est due à d'importants travaux d'agrandissement et de reconstruction, ayant d'ailleurs conféré une plus-value à l'immeuble, ne peut être regardée comme indépendante de la volonté du propriétaire et n'ouvre donc pas droit au dégrèvement de taxe foncière (CE, arrêt du 20 avril 1983, n° 36139).
* Absence de démarches.
De la même manière, la vacance d'une maison dont l'origine et la prolongation seraient dues au défaut de recherches de nouveaux locataires n'est pas susceptible d'ouvrir droit au dégrèvement (CE, arrêts du 26 février 1964, demoiselle X... , n° 59164 ; 5 mai 1971, dame veuve X... , RJ, n° III, p. 117).
* Conditions normales.
Lorsque la vacance provient des exigences injustifiées du propriétaire quant aux conditions imposées aux éventuels preneurs, le rejet de la demande du contribuable doit être prononcé (CE, sieur X... , arrêts du 5 mai 1958, RO, p. 127 ; 26 avril 1963, sieur X... , n° 58438).
* Cas particulier.
En principe, une maison normalement destinée à la location n'est susceptible d'être considérée comme vacante que lorsqu'est intervenue une interruption de l'occupation dont elle était l'objet (cf. n° 3 ).
Toutefois, lorsqu'un immeuble ne peut être reloué en raison de la présence d'occupants - communément appelés « squatters » - qui s'y sont introduits et maintenus sans titre, la notion de vacance peut être étendue à l'interruption de location, mais seulement à la condition formelle que cette occupation sans titre soit absolument indépendante de la volonté du contribuable ou de sa diligence à faire cesser cet état de fait.
Pour que cette condition soit remplie, il faut donc en premier lieu que l'occupation sans titre ait été rendue possible par un événement extérieur échappant à la volonté du propriétaire tel que, par exemple, une interdiction administrative d'occupation de l'immeuble (CE, arrêt du 9 janvier 1963, sieur X... , déjà cité).
Elle ne doit pas, à l'inverse, avoir été favorisée par le fait que le propriétaire aura délaissé son immeuble.
Il faut en deuxième lieu que le propriétaire ait fait toutes diligences pour faire cesser cet état de fait, soit en proposant aux occupants de voir leur situation régularisée par la signature d'un bail leur donnant un titre d'occupation moyennant le versement d'un loyer, soit en cherchant à en obtenir l'expulsion par des voies légales.
Il faut enfin que le requérant établisse qu'une telle occupation l'a mis dans l'impossibilité absolue de louer son local (CE, arrêt du 22 décembre 1958, dame X... , déjà cité).
b. Immeubles à usage industriel ou commercial.
9Afin de bénéficier des dispositions de l'article 1389-I du code, le contribuable doit être en mesure d'établir de manière suffisamment précise qu'une circonstance indépendante de sa volonté, donc étrangère à l'entreprise, a fait obstacle de manière inéluctable à la poursuite de l'exploitation.
À défaut d'un commencement de preuve, ou de précisions suffisantes permettant d'apprécier la réalité des faits invoqués, le dégrèvement ne peut être accordé (CE, arrêt du 23 avril 1958, SARL La Tuilerie mécanique, RO, p. 121).
En cette matière, les obstacles indépendants de la volonté du propriétaire qui interdisent la poursuite de l'exploitation peuvent être de trois ordres :
* Obstacles d'ordre matériel .
Lorsqu'un propriétaire connaît des difficultés matérielles de reconstruction des bâtiments qu'il a acquis dans un état de délabrement et de vétusté ne permettant pas la remise en marche de l'entreprise, il est en droit de demander le dégrèvement de la contribution - actuellement taxe foncière - dont il est redevable (CE, arrêt du 9 avril 1956, SARL Allard et fils, RO, p. 73).
De même, la pollution d'une rivière dont la pureté des eaux était indispensable au fonctionnement d'une entreprise est de nature à ouvrir droit au bénéfice du dégrèvement, dans la mesure où l'entreprise n'en est pas elle-même responsable (CE, arrêt du 13 novembre 1974, La propriété générale, déjà cité).
Mais il n'y a pas lieu de tenir compte des inexploitations qui dépendent de l'état habituel des eaux ou qui tiennent aux conditions ordinaires de l'exploitation, ces éléments ayant été pris en compte lors de la fixation du revenu cadastral servant de base à l'impôt.
1 On doit entendre par immeuble de toute nature, les bâtiments, chantiers, lieux de dépôt et autres emplacements analogues et, d'une manière générale, tous les éléments imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties, même s'ils ne présentent pas le caractère d'immeuble en droit civil.