Date de début de publication du BOI : 10/08/1998
Identifiant juridique : 13O4532
Références du document :  13O4532

SOUS-SECTION 2 MOTIFS DU JUGEMENT


SOUS-SECTION 2

Motifs du jugement


Conformément aux dispositions combinées des articles 455, 1er alinéa, et 458, 1er alinéa, du Nouveau Code de Procédure civile, les jugements rendus par le tribunal de grande instance doivent être motivés à peine de nullité.


  A. LES MOTIFS


1On entend par motifs d'un jugement ce qui détermine chacune des dispositions dont il se compose ou encore les raisons données par le juge à l'appui de sa décision.

Les motifs doivent être particuliers à chaque affaire et suffisamment précis et développés pour permettre leur contrôle, dans le cadre d'un éventuel recours.


  B. JUGEMENTS SUFFISAMMENT MOTIVÉS


2La motivation des jugements est nécessaire à leur régularité ; cependant des motifs sommaires ou implicites constituent une réponse suffisante aux conclusions des parties.

Les motifs ne doivent pas être contradictoires.

Enfin, le tribunal de grande instance peut fonder sa décision sur des éléments et documents extérieurs à la procédure fiscale.


  I. Motivation nécessaire


3Le jugement doit être motivé. Le défaut ou la contradiction de motifs constitue un cas de nullité. Ainsi, encourt la cassation 1 , le jugement qui rejette la réclamation d'un droit en sus formulée par l'Administration, sans justifier ce rejet par un motif exprès ou implicite (Cass. civ., 14 juin 1946, BOED 1948, I, 4810).

La nécessité de la motivation des jugements est toutefois limitée aux prétentions régulièrement exprimées par les parties dans leurs mémoires.

Les juges du fond ne sont, en effet, tenus de statuer que sur les moyens qui figurent dans le dispositif des conclusions. Ils n'ont pas à répondre à de simples arguments invoqués par les parties (Cass. com., 7 décembre 1970, X... , RJ, n° IV, p. 169).

Ils n'ont pas à examiner les conclusions formulées dans un premier mémoire si celles-ci ont été abandonnées par la suite (Cass. com., 7 juillet 1954, X... , , 6706).

Ils ne peuvent, non plus, se voir reprocher de ne pas avoir apprécié l'une quelconque des prétentions exprimées dans un document qui, dépourvu de titre, de dispositif, de date, de signature, de mention de signification -et dont, au surplus, certaines énonciations font ressortir que sa rédaction est postérieure à la clôture des débats- ne saurait être considéré comme le mémoire prévu par la loi fiscale (Cass. civ., 3 décembre 1951, BOED , 6256).

Enfin, un tribunal n'a pas à donner de motifs particuliers pour déclarer non établie l'existence d'un mandat tacite lorsqu'aucun élément de preuve ne lui est fourni (Cass. com., 30 mars 1971, X... et Société Entreprise Julian et Fils SARL, RJ, n° IV, p. 58)..


  II. Motivation suffisante


4Est suffisamment motivé le jugement qui énonce expressément les dispositions sur lesquelles est fondée sa décision ainsi que les raisons qui l'ont conduit à en faire application à l'espèce (Cass. civ., sect. com., 20 mai 1963, RJCI, p. 59).

Le jugement motivé, même sommairement ou implicitement, satisfait aux dispositions légales. Ainsi, est régulier le jugement qui se borne à constater que le redevable n'a fourni aucune justification à l'appui de sa contestation (Cass. civ., 15 juillet 1952, BOED I, 6303).

De même, lorsqu'il homologue les conclusions d'un rapport d'expertise, en faisant siennes les données qui y sont exposées, un tribunal écarte par là même les critiques formulées dans les mémoires à l'encontre de ce rapport et, par conséquent, justifie légalement sa décision (Cass. com., 7 juillet 1954, BOED I, 6706 ; Cass. civ., 19 janvier 1960, BOED I, 8181 et 20 juin 1960, BOED I, 8202).

Lorsqu'il répond aux conclusions des parties, le tribunal n'est d'ailleurs pas obligé d'entrer dans le détail de leur argumentation :

Ainsi, justifie légalement sa décision un tribunal qui, pour répondre à la demande d'évaluation d'un redevable, ordonne une expertise des biens dont la valeur est en litige, sans suivre ce redevable dans le détail d'une argumentation consistant notamment à contester la validité d'une notification de redressement. De plus, il ne saurait être reproché aux juges de s'être référés aux « usages de la profession » en ce qui concerne l'estimation d'un fonds de commerce, sans aucunement préciser les éléments de fait permettant d'admettre l'existence de tels usages, dès lors que le tribunal, ayant analysé en détail les nombreux éléments d'appréciation dont avaient tenu compte également les experts dans l'évaluation des biens dont il s'agit, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain, retenu qu'il disposait d'éléments d'appréciation suffisants pour fixer la valeur du fonds susvisé (Cass. com., arrêt n° 23 du 10 janvier 1984, affaire SARL « Julien OBAR »).

Également n'est pas fondé le grief fait à un jugement de n'avoir pas répondu au moyen tiré de la valeur subjective du fonds de commerce exploité par une société, dès lors qu'après avoir fait état de toute une série d'éléments pertinents, le tribunal a écarté les données d'une expertise officieuse, estimant que « l'expert a fortement sous-évalué la valeur réelle du fonds social » ; le tribunal a ainsi, en les rejetant, répondu aux prétentions des redevables, sans être obligé d'entrer dans le détail de leur argumentation (Cass. civ., 6 décembre 1961, BOED I, 8556).

De même, en retenant que si l'administration de l'Enregistrement a tardé à faire valoir les droits résultant de la nature réelle de la convention, ce retard entraîne pour elle, par suite de la prescription, la perte des droits afférents aux années antérieures à 1951, le tribunal a répondu aux conclusions du redevable faisant grief au juge d'avoir validé le titre de perception (avis de mise en recouvrement) sans avoir recherché au préalable, en les discutant en ses motifs, si et pourquoi étaient ou non fondés les moyens invoqués relatifs à la prescription (Cass. com., 26 janvier 1965, BOED I, 9469).

Enfin, est justifiée la solution d'un jugement qui en se référant à l'ensemble des éléments de la cause invoqués par l'Administration et par lui énumérés, a décidé qu'il en résultait des présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir que l'acte litigieux contenait une simulation et que la prétendue vente était en réalité une donation (Cass. crim., 6 novembre 1978, affaire Rémi X... ).


  III. Motifs contradictoires ou dubitatifs


5La contradiction dans les motifs équivaut à un défaut de motifs et, par conséquent, emporte la nullité du jugement.

À cet égard, la jurisprudence ne considère pas comme basé sur des motifs contradictoires le jugement qui :

- d'une part, déclare que les attestations des entrepreneurs ayant effectué des travaux dans la pharmacie du défunt seraient de nature à justifier les allégations du légataire universel -selon lesquelles celui-ci aurait consenti des avances au de cujus- mais observe toutefois que ces attestations n'apportent pas la preuve que le légataire universel a payé les entrepreneurs de ses propres deniers et qu'elles ne précisent pas la somme payée (Cass. com., 15 octobre 1968, X... , RJ, 2e partie, p. 209) ;

- relève que n'a donné lieu à aucune perception, du fait qu'il est demeuré occulte, un acte ayant opéré un transfert de propriété d'immeubles, puisque ultérieurement l'acheteur, dont la qualité de propriétaire restait ignorée, s'est présenté dans des actes authentiques de vente de ces mêmes immeubles comme le mandataire des vendeurs (Cass. civ., 3 février 1960, 1er esp., BOED I, 8206).

Par ailleurs, il a été jugé que ne sont ni hypothétiques ni dubitatifs les motifs d'un jugement énonçant que l'existence des dettes contractées par le défunt « se trouve être sérieusement contestée » et qu'il est de plus permis d'émettre « un doute sur le fait que le paiement » des dettes ait été réellement effectué par le légataire universel ; ces expressions signifient, en effet, que l'intéressé n'a pas rapporté la preuve de l'existence des dettes et du paiement allégué (Cass. com., arrêt du 15 octobre 1968 précité).


  IV. Motivation par référence à des éléments de preuve extérieurs à la procédure fiscale


6Pour motiver son jugement, le tribunal peut à bon droit se référer à des éléments de preuve fournis à l'occasion d'autres procédures.

Jugé ainsi que justifie sa décision, le tribunal qui pour retenir l'existence d'une dissimulation de prix dans un acte de cession de droits immobiliers, se fonde sur les documents régulièrement versés aux débats et notamment sur des déclarations faites par les parties dans une autre procédure, devant un officier de police judiciaire (enquête pénale), ainsi que sur les énonciations d'un jugement antérieur, rendu dans une instance engagée par un tiers contre les mêmes parties (Cass. com., 19 décembre 1973, Consorts X... , RJ, n° IV, p. 134).

 

1   Arrêt antérieur à la mise en place du double degré de juridiction en matière de droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière, timbre et assimilés, applicable aux jugements rendus à compter du 1er mars 1998.