Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2213
Références du document :  12C2213

SOUS-SECTION 3 LA SAISIE IMMOBILIÈRE

6. L'audience éventuelle.

121.L'audience éventuelle est celle au cours de laquelle il est statué sur les dires et observations éventuels qui ont été formulés. L'audience n'a donc lieu - comme son nom l'indique - que si des dires ont été effectivement formulés.

L'audience éventuelle est la première audience utile après le trentième jour qui suit la dernière sommation outre les délais de distance prévus pour les ajournements (C. pr. civ., art. 690). Cela étant, il n'existe plus de délai de distance à l'intérieur de la France métropolitaine.

Le délai de trente jours avant l'audience éventuelle permet aux intéressés de réunir tous les éléments de leur argumentation. La date de l'audience éventuelle doit être indiquée sur les sommations qui leur ont été adressées.

Le délai entre cette audience et l'adjudication est de trente jours au moins et soixante jours au plus (art. 690 précité ; Cass. civ., 2ème, 21 novembre 1984, Bull. civ. II n° 170). Il ne concerne que les dires formulés antérieurement à l'audience éventuelle dont la date a été indiquée dans la sommation prévue à l'article 689 du Code de procédure civile et non les demandes introduites en application de l'article 703 dudit code (cf. n°s 135 et suivants et Cass. civ. 3°, 21 mars 19722, JCP 1972, IV, p. 118).

S'il y a des dires, il est statué à l'audience indiquée, sans autre formalité, les parties comparantes ou non (C. pr. civ., art. 690). Il n'y a pas d'instruction et les plaidoiries sont remplacées par de brèves explications orales.

122.Le tribunal statue dans le mois de la première audience et les jugements rendus sont transcrits en minute par le greffier à la suite du cahier des charges. Ces jugements ne sont levés et signifiés que s'ils statuent sur des contestations susceptibles d'appel (C. pr. civ., art. 691).

Si l'adjudication ne peut être maintenue à la date fixée dans la sommation, la date nouvelle en sera fixée par le jugement à trente jours au moins et à une audience qu'il fixera, si l'intérêt de la vente l'exige, à une date plus éloignée que soixante jours (C. pr. civ., art. 690, 7ème al).

Si, au contraire, aucun dire n'a été formulé trois jours avant la date de l'audience éventuelle, cette audience devient non avenue (Cass. civ., 2ème, 22 octobre 1980, Bull. civ. II n° 220).

Lorsque cette phase de la procédure est close, le cahier des charges ne peut faire l'objet d'aucune modification, ni contestation. Il constitue le titre de vente sur la base duquel l'adjudication aura lieu, après exécution des formalités de publicité.

En effet, à l'audience éventuelle, il demeure à l'état de projet (rapp. Cass. civ. 21 juillet 1986, Bull. civ. II n° 116). Par la suite, il constitue une véritable convention ayant force obligatoire entre le saisissant, les créanciers, le saisi et l'adjudicataire (rapp. Cass. civ. 2 juillet 1986, D. 1987.110).

7. La publicité.

123.La publicité a pour but de faire connaître les conditions de la vente et d'attirer les adjudicataires éventuels afin que la vente puisse se faire au prix le plus élevé dans l'intérêt du saisi et des créanciers.

La publicité est régie par les articles 696 à 699 du Code de procédure civile.

La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a prévu de nouvelles modalités de publicité des adjudications pour permettre l'information du plus grand nombre d'enchérisseurs possible.

Cela étant, les précisions sur ces modalités et l'entrée en vigueur de ce nouveau texte dépendent d'un décret d'application à paraître.

a. Les formes de la publicité.

124.Le Code de procédure civile prévoit actuellement un double procédé : l'insertion dans un journal d'annonces légales et l'affichage en forme de placards.

En outre, dans le cas d'un bien soumis au statut du fermage, il est nécessaire de convoquer le bénéficiaire du droit de préemption.

1° Insertion dans un journal d'annonces légales.

125.L'article 696 du Code de procédure civile dispose que trente jours au plus tôt et quinze jours au plus tard avant l'adjudication, l'avocat poursuivant fait insérer dans un des journaux d'annonces légales de l'arrondissement où les biens sont situés, ou, s'il n'y en a pas, de l'arrondissement le plus voisin, un extrait signé de lui et contenant :

- les noms, professions, demeures des parties et de leurs avocats ;

- la désignation des immeubles saisis telle qu'elle est insérée dans le cahier des charges ;

- la mise à prix ;

- l'indication des jour, lieu et heure de l'adjudication et du tribunal devant lequel elle se fera.

Il est justifié de l'insertion par un exemplaire du journal ; cet exemplaire portera la signature de l'imprimeur (C. pr. civ., art. 698).

2° Affichage sous forme de placards.

126.Dans le même délai, l'avocat poursuivant fait afficher en forme de placards l'extrait mentionné dans l'article 696 :

- à la porte principale des bâtiments saisis ;

- à la porte du tribunal devant lequel aura lieu l'adjudication ;

- au lieu officiel de l'affichage dans chacune des communes de la situation des biens.

L'huissier attestera par un procès-verbal rédigé sur un exemplaire du placard que l'opposition a été faite aux lieux déterminés par la loi sans les détailler (C. pr. civ., art. 699).

3° Formalités spéciales destinées à informer les bénéficiaires d'un droit de préemption.

127. Le droit de préemption du preneur rural (Code rural, décret n° 83-212 du 16 mars 1983) dispose, dans son article L 412-11, que dans le cas d'une vente sur adjudication forcée, le preneur bénéficiaire du droit de préemption doit y être convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, vingt jours au moins avant la date d'adjudication.

Cette convocation est adressée par le greffier du tribunal, à l'initiative de l'avocat poursuivant.

Le droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) , créées par la loi d'orientation agricole du 5 août 1960, prévoit que ces organismes doivent être convoqués, à l'initiative de l'avocat poursuivant, également vingt jours au moins avant l'adjudication (art. 5 de la loi du 15 juillet 1975).

Le droit de préemption de l'indivisaire. Créé par la loi du 31 décembre 1976 sur l'indivision, l'article 815-15 du Code civil dispose que l'avocat poursuivant doit informer les indivisaires par notification un mois avant la date de l'adjudication. Chaque indivisaire peut se substituer à l'acquéreur dans un délai d'un mois à compter de l'adjudication, par déclaration au greffe du tribunal (loi n° 78-627 du 10 juin 1978). Cela étant, l'article 815-15 ne s'applique qu'en cas d'adjudication portant sur les droits d'un indivisaire dans les biens indivis, et non sur les biens indivis eux-mêmes (Cass. civ. 14 février 1989, D. 1989, 278 ; civ. 30 juin 1992, Bull. civ. I n° 208 p. 139).

Le droit de préemption du locataire d'habitation. Ce dernier peut se substituer à l'acquéreur dans le délai d'un mois après la vente (cf. CA VERSAILLES, 12 novembre 1988, D 1990 p. 14).

Le droit de préemption urbain : Ce droit peut être institué dans les communes dotées d'un plan d'occupation des sols (C. urb., art. L 211-1). En ce cas, les ventes par adjudication sont précédées d'une déclaration du greffier faisant connaître les conditions et les modalités de la vente (C. urb., art. R 213-15), trente jours avant la date fixée par la vente, par lettre recommandée avec avis de réception.

• Le droit de préemption des zones d'aménagement différé (C. urb. art. L 212-1 et 2) , en cas de vente par adjudication, est mis en oeuvre dans les mêmes conditions que pour le droit de préemption urbain.

La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre l'exclusion a institué un nouveau droit de préemption au profit des communes, en cas de saisie d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble à usage de résidence principale, si la personne remplit les conditions de ressources pour les logements à loyer modéré.

4° Publicité supplémentaire ou restreinte.

128.Les mesures de publicité prévues par la loi peuvent, selon la nature et la valeur des biens saisis, se révéler excessives, donc coûteuses, ou bien insuffisantes pour que la vente se réalise au prix le plus élevé. Ainsi l'article 700 du Code de procédure civile prévoit que dans l'une ou l'autre de ces hypothèses, « le président du tribunal peut, par ordonnance non susceptible de recours rendue sur la requête du poursuivant, restreindre la publicité légale, ou autoriser une publicité supplémentaire ».

Tout intéressé aura la faculté, dans un délai de cinq jours, à peine de forclusion, après l'expiration du délai de huit jours prévu pour l'exécution des sommations, de se joindre par ministère d'un avocat à la requête qui sera présentée pour obtenir ladite ordonnance.

b. Délais.

129.La publicité doit être faite trente jours au plus tôt et quinze jours au plus tard avant l'adjudication (C. pr civ., art. 696). Ce délai de quinze jours permet aux acheteurs éventuels de prendre connaissance des conditions de la vente et de réunir les fonds au cas où ils deviendraient acquéreurs. L'interdiction de faire les formalités de publicité avant les trente jours qui précèdent l'adjudication vise à éviter que les intéressés, du fait d'un trop long délai, n'oublient la date de l'adjudication.

c. Nullité des formalités de publicité.

130.Aux termes de l'article 715 du Code de procédure civile, les formalités de publicité ne sont sanctionnées par la nullité que si l'irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts des parties en cause (sur la nécessité de la preuve d'un grief, cf. civ., 2ème, 23 avril 1986, Gaz. Pal. 1986, 2, somm. 426 ; civ. 12 décembre 1990, Bull. civ. II n° 305). La nullité prononcée faute de désignation suffisante de l'un ou de plusieurs des immeubles compris dans la saisie n'entraîne pas nécessairement la nullité de la poursuite en ce qui concerne les autres immeubles.

La jurisprudence, en plusieurs occasions, s'est prononcée sur la validité des formalités entachées d'irrégularités relative à la désignation des immeubles.

Ainsi, il a été jugé qu'il n'y avait pas nullité :

- lorsqu'une erreur d'insertion, rectifiée dans un autre numéro du journal, l'a été dans les délais prescrits pour l'insertion ;

- lorsque l'extrait énumérant tous les biens saisis reproduit différemment l'ordre dans lequel les immeubles sont indiqués dans le procès-verbal ;

- lorsque les placards contiennent quelques mots ajoutés ou rectifiés à la main.

  III. L'adjudication

131.L'adjudication permet d'attribuer l'immeuble saisi, après sa mise aux enchères publiques, à la personne qui offre le prix le plus élevé. Elle a lieu à la barre du Tribunal de grande instance du lieu de la saisie.

La situation juridique nouvelle qui résulte de l'adjudication emporte des conséquences telles que le législateur a prévu un ensemble de dispositions qui garantissent l'impartialité et la loyauté des enchères.

Ces dispositions portent sur :

- le moment de l'adjudication ;

- les formes de l'adjudication ;

- les effets de l'adjudication.

1. Le moment de l'adjudication.

132.La date de l'adjudication indiquée dans la sommation adressée aux intéressés a lieu trente jours au moins et soixante jours au plus après l'audience éventuelle (C. pr. civ., art. 690).

Toutefois, l'adjudication peut ne pas se dérouler au jour prévu, certaines circonstances obligeant à en différer la date. Il en est ainsi dans trois cas :

- lorsque l'audience éventuelle ne permet pas de statuer sur les dires le jour même et que la décision est mise en délibéré ;

- lorsque l'adjudication n'a pas été requise ;

- en cas de demande de remise de l'adjudication.

a. Tenue d'une audience éventuelle.

133.La date de l'adjudication est fixée dans les sommations adressées aux intéressés, mais lorsque des dires et observations ont été formulés, une audience éventuelle doit permettre au tribunal de statuer. Celui-ci peut statuer très rapidement ; il n'est pas alors nécessaire de différer la date de l'adjudication qui peut avoir lieu au jour indiqué par la sommation, dans le respect des formalités prévues par les articles 690 et 696 du Code de procédure civile.

Mais dans la plupart des cas, les difficultés évoquées par les dires et observations ne sont pas susceptibles d'être résolues sur le champ. Le tribunal met la décision en délibéré et dispose du délai d'un mois -après la première audience- pour statuer (C. pr. civ., art. 690).

Selon la date à laquelle la décision est rendue, le délai imparti pour procéder à la publicité peut se révéler insuffisant entre la date du jugement et celle initialement prévue pour l'adjudication.

Dans le cas, l'article 690 du code précité a prévu que si l'adjudication ne peut être maintenue à la date fixée dans la sommation, une nouvelle date située trente jours au moins et soixante jours au plus après le jugement statuant sur les dires et observations doit être fixée par ce même jugement.

b. Absence de réquisition.

134.L'article 702 du Code de procédure civile dispose qu'il ne peut être procédé à l'adjudication au jour fixé qu'à la requête du poursuivant et, à défaut, à la requête de l'un des créanciers inscrits.

La réquisition de mise en adjudication doit être réitérée par le poursuivant à l'audience. La réquisition d'un créancier inscrit doit être faite par un dire à la suite du cahier des charges.

La formalité de la réquisition est favorable au saisi qui peut, avant l'adjudication, désintéresser les poursuivants ou parvenir à un compromis de règlement avec eux. Dès lors, à défaut de réquisition au jour de l'adjudication, celle-ci n'a pas lieu et la poursuite est suspendue.

La réquisition n'est soumise à aucune condition de forme. En principe, elle est faite oralement à la barre par l'avocat agissant. Il suffit que celui-ci demande expressément au tribunal qu'il soit procédé à la vente.

Remarque. : Il semble, même si l'article 702 précité ne le prévoie pas explicitement, que le saisi soit en mesure de réquérir lui-même l'adjudication si le moment prévu pour la vente lui paraît favorable ou pour tout autre motif, sans qu'il soit nécessaire de justifier sa décision.

c. Sursis à l'adjudication.

135.Lorsque la date d'adjudication a été fixée, la commission de surendettement peut, pour causes graves et dûment justifiées, saisir le juge aux fins de remise de l'adjudication, dans les conditions et selon la procédure prévues par l'article 703 du Code de procédure civile.

Certaines circonstances sont de nature à entraîner le report de l'adjudication à une date ultérieure. Dans tous les cas, le sursis à l'adjudication est accordé par le tribunal.

136.Le prononcé du sursis est tantôt obligatoire, tantôt facultatif selon les circonstances qui le motivent.

1° Sursis obligatoire.

137.Le tribunal doit obligatoirement prononcer le sursis à l'adjudication dans les divers cas prévus par la loi, il en est ainsi :

- si le débiteur saisi décède quelque jours avant l'adjudication. Certes, le commandement est également exécutoire contre l'héritier personnellement, mais les créanciers ne peuvent en poursuivre l'exécution que huit jours après une nouvelle signification du titre à la personne ou au domicile de l'héritier (C. civ., art. 877) ;

- si l'avocat du poursuivant décède. Le poursuivant doit alors constituer un nouvel avocat ;

- si une procédure d'inscription de faux est engagée contre le commandement valant saisie. La mise en accusation entraîne la suspension de l'exécution de l'acte (C. civ., art. 1319). La demande de remise d'adjudication, fondée sur une plainte pour faux déposée contre le titre exécutoire, entre dans les dispositions de l'article 703 du Code de procédure civile lorsque la mise en accusation n'est pas intervenue (Cass. civ., 27 février 1974, semaine juridique 1974, IV, p. 135) ;

- si le débiteur a été déclaré en redressement ou en liquidation judiciaire. En effet, le jugement qui prononce l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire arrête ou interdit toute voie d'exécution de la part des créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles (art. 47 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985).

Toutefois il faut préciser que le Trésor public pour ses créances privilégiées peut, dès lors qu'il a déclaré ses créances et même s'il n'est pas encore admis, exercer son droit de poursuite individuelle, si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens dans le délai de trois mois à compter du jugement de liquidation (loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, article 161, modifié par la loi n° 94-475 du 10 juin 1994, art. 74).

Lorsque la procédure de saisie immobilière a été engagée avant le jugement d'ouverture, le créancier titulaire d'une hypothèque est dispensé, lors de la reprise des poursuites individuelles du renouvellement des actes et formalités effectués avant ce jugement.

- si le saisi fait des offres réelles suivies de la consignation d'une certaine somme et jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la validité de ces offres ;

- si le vendeur non payé fait savoir dans les trois jours qui précèdent l'audience éventuelle qu'il entend exercer l'action en résolution de la vente (Cass. civ. 1er juin 1987, D 1987, IR 151).

Lorsque le tribunal prononce le sursis, et que la vente ne peut, pour une cause quelconque, être réalisée dans le délai de six mois depuis le publication du commandement valant saisie, l'avocat doit requérir un état complémentaire des inscriptions depuis la délivrance du premier état. Cette formalité vise à connaître les créanciers qui se seraient inscrits postérieurement au commandement afin de les sommer d'assister à l'adjudication.

Le jugement prononçant le sursis obligatoire est en principe susceptible de voies de recours (PARIS, 22 décembre 1967, Dalloz 1968, somm. p. 72), sauf si la demande se présente comme un incident de saisie (Cass. civ. 8 mai 1950, Sirey, 1951, I, p. 22).