CHAPITRE 6 RÉGIME FISCAL DES INVESTISSEMENTS FORESTIERS EFFECTUÉS PAR LES ENTREPRISES SOUMISES À L'IMPÔT SUR LE REVENU DANS LA CATÉGORIE DES B.I.C. OU À L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS
CHAPITRE 6
RÉGIME FISCAL DES INVESTISSEMENTS FORESTIERS
EFFECTUÉS PAR LES ENTREPRISES SOUMISES À L'IMPÔT
SUR LE REVENU DANS LA CATÉGORIE DES B.I.C.
OU À L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS
1Le présent chapitre a pour objet de préciser le traitement fiscal des investissements forestiers, réalisés notamment à titre de placement, par des entreprises soumises à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels ou commerciaux ou soumises à l'impôt sur les sociétés.
A. NATURE ET RÈGLES D'ÉVALUATION DES INVESTISSEMENTS FORESTIERS
I. Nature des investissements forestiers
2Le bois sur pied mûr ou en cours de croissance, acquis ou planté, à titre de placement ou dans le cadre d'une exploitation forestière, constitue un stock.
Le sol d'un massif forestier constitue une immobilisation non amortissable, dès lors qu'il n'est pas acquis en vue de la revente.
II. Règles d'évaluation du stock de bois
3En application de l'article 38 nonies de l'annexe III au CGI, les éléments en stock sont évalués pour leur coût de revient.
Le coût de revient est constitué pour les produits intermédiaires, les produits finis, et les productions en cours, par le coût d'achat des matières et fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers.
En ce qui concerne les stocks de bois sur pied, ces règles d'évaluation ont les conséquences suivantes.
1. Nature des opérations générant des coûts de production.
a. Opérations de boisement ou de reboisement.
4Les opérations entraînant des coûts de production en cas de boisement ou de reboisement sont les suivantes :
-préparation des sols : enlèvement des souches, labour, sous-solage, opérations d'ameublissement des sols, traitement chimique et assainissement, épandages d'engrais...
- plantation et replantation : mise en terre des plants et sa préparation, regarnis de plantations, fertilisation, mise en place de protections contre les rongeurs et le gibier.
b. Opérations de régénération assistée.
5La spécificité des massifs exploités en régénération assistée se caractérise par :
- des peuplements irréguliers en âges et éventuellement en essences ;
- une assistance sur l'ensemble du massif qui donne lieu à la sélection de pousses naturelles et à des plantations partielles ;
- la simultanéité de charges de régénération et d'entretien sur la même unité de production ;
- une unité de production correspondant souvent au massif lui-même.
6Dans ce cas, les opérations consistant en la mise en place de générations nouvelles d'arbres sont les suivantes :
- au stade de la préparation des sols : opérations d'ameublissement des sols et de dégagement, de traitement et d'épandage, destinées soit à sélectionner les pousses naturelles, soit à des plantations complémentaires ;
- au stade de la plantation : mêmes opérations que celles mentionnées ci-dessus au n° 4 .
2. Nature des charges de production incorporables.
7Les charges engagées pour la réalisation des opérations de boisement, de reboisement ou de régénération assistée constituent des charges de production incorporables ; il s'agit :
- des frais de personnels ;
- de l'amortissement des matériels et des équipements (lorsqu'ils sont amortissables), c'est-à-dire des immobilisations affectées à la production ;
- des travaux sous-traités ;
- du coût des plants, semis et regarnis ;
- du coût des fertilisants ;
- et de tous autres frais de production engagés pour la réalisation des opérations mentionnées ci-dessus aux n°s 4 à 6 .
3. Autres charges.
8En revanche, les charges engagées dans le cadre d'opérations postérieures à la plantation ou replantation (ou à la sélection des pousses en cas de régénération assistée) sont en principe immédiatement déductibles, dès lors qu'il en est de même sur le plan comptable. Dans l'hypothèse où certaines de ces charges seraient considérées, sur le plan comptable, comme des charges de production incorporables au coût de revient des stocks de bois sur pied, il en serait de même sur le plan fiscal.
Ainsi, ne constituent pas des coûts de production les charges engagées au stade de l'entretien , notamment afférentes aux opérations de dégagement ou d'élagage, aux travaux de fertilisation, d'ameublissement du sol ou d'épandage d'engrais... ; il en est de même des charges fixes (amortissement des immobilisations) et des charges externes autres que celles engagées jusqu'au stade de la plantation.
4. Précisions relatives aux dépenses d'amélioration du fonds boisé.
9S'agissant des dépenses d'amélioration du fonds boisé, les règles d'inscription à l'actif et d'amortissement relèvent du droit commun.
Il convient de distinguer parmi les travaux effectués ceux qui aboutissent à une amélioration durable du fonds boisé de ceux qui constituent de simples charges d'exploitation.
Lorsqu'ils ne se traduisent pas par une amélioration de caractère durable, les travaux en cause constituent des charges de l'exercice immédiatement déductibles sous réserve, bien entendu, de leur incorporation dans les stocks.
À l'inverse, s'ils valorisent de manière durable le fonds boisé, les travaux effectués doivent être immobilisés à l'actif du bilan de l'entreprise.
En pratique, il y a lieu de faire application pour ces dépenses des règles suivantes.
Les travaux visant à améliorer de façon permanente les sols suivent le régime comptable et fiscal des terrains auxquels ils se rapportent. Les dépenses engagées à cette occasion ne peuvent donc pas faire l'objet d'un amortissement 1 . C'est le cas notamment des travaux entrepris pour raser des talus, combler des marécages, ou supprimer des haies.
En revanche, les travaux d'aménagement n'apportant au fonds qu'une amélioration temporaire sont amortissables selon le mode linéaire dans les conditions de droit commun. C'est le cas notamment des dépenses d'équipement telles que les installations de drainage, les clôtures, les constructions de voies de desserte ou de ponts et plus généralement de tous travaux susceptibles de s'apparenter à des constructions.
À cet égard, il est rappelé que la période d'amortissement des biens qui se déprécient par l'effet de l'usage et du temps doit être fixée de telle façon que le prix de revient soit reconstituté à l'expiration de la durée normale d'utilisation.
Cette durée normale d'utilisation est fixée conformément aux dispositions de l'article 39-1.2° du CGI d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte tenu, le cas échéant, de circonstances particulières pouvant l'influencer (notamment utilisation plus ou moins intensive).
5. Cas particuliers.
a. Coût de revient de forêts acquises.
10S'il a été acquis avec le sol, le bois sur pied est évalué pour son prix d'acquisition augmenté des frais accessoires, conformément à l'article 38 nonies de l'annexe III au CGI.
Il appartient à l'entreprise de ventiler le prix d'acquisition du massif entre les deux éléments que constituent le bois sur pied d'une part, et le sol d'autre part, dans le cas où l'acte d'acquisition ne distingue pas leur prix respectif, compte tenu de la valeur réelle de chacun des deux éléments. Toutefois, dans ce cas, il est admis à titre de règle pratique de fixer la valeur du sol par référence à celle des terres les moins productives de la région considérée.
b. Coût de production supplémentaire résultant de la coupe.
11Le bois est très fréquemment vendu sur pied. Cela étant, lorsque le bois est vendu « bord de route » le coût du bois coupé comprend les dépenses de production correspondant à la coupe, notamment :
- marquage, bûcheronnage ;
- enlèvement jusqu'aux aires de chargement.
Les charges en cause sont bien entendu affectées aux stocks de bois coupés.
B. CESSIONS DE BOIS SUR PIED OU COUPE
I. Nature des opérations de cession
12La cession s'entend de toute opération entraînant la sortie de l'actif de l'entreprise des éléments en cause.
Elle peut intervenir dans le cadre de l'exploitation d'un massif forestier, et également en cas de cession du massif lui-même (c'est-à-dire y compris le sol correspondant).
II. Détermination du coût de revient du bois vendu
13Deux situations doivent être distinguées.
1. Le massif est composé de parcelles à peuplements homogènes, qui sont identifiées physiquement, et l'imputation des dépenses incorporables est faite par parcelle.
14Dans ce cas, le coût de revient de chaque parcelle ou fraction de parcelle coupée est fonction du volume récolté par rapport au volume présent sur la parcelle.
2. Le massif est composé de parcelles à peuplements irréguliers (en âges, essences) ou constitue l'unité de production (pas de division en parcelles).,
15Dans ce cas, la détermination du coût de revient du bois vendu est faite en principe à partir des éléments de la comptabilité analytique et compte tenu du niveau de l'unité de production retenue.
Dans l'hypothèse où la comptabilité analytique ne permet pas de déterminer avec exactitude le coût de revient d'une parcelle coupée, les méthodes d'évaluation des coupes exposées ci-après peuvent être retenues.
16 Première méthode d'évaluation. Estimation en fonction du volume d'origine que représente le volume vendu :
Cette méthode est rendue possible par des révisions périodiques des volumes présents en fonction de la croissance des arbres. Les inventaires périodiques résultent soit d'expertises, soit des tables de croissance établies en fonction des données locales.
Cette méthode est la plus rigoureuse s'agissant de bois acquis sur pied.
17 Deuxième méthode d'évaluation. Estimation en répartissant le coût global d'une parcelle entre le volume vendu et le volume présent :
Cette méthode est adaptée pour l'évaluation du bois coupé, qui a été planté par l'entreprise elle-même ; en effet, les règles d'évaluation des stocks (sur pied) ont pour effet de donner une valeur d'actif équivalente à l'ensemble d'une génération de plantations, quel que soit l'âge des arbres lors de la coupe.
18En revanche, la méthode consistant à estimer la valeur d'acquisition du bois vendu en déterminant un coût unitaire d'acquisition par rapport au volume d'origine ne saurait être admise, quelle que soit la situation de l'entreprise.
Cette méthode consiste à retenir comme coût de revient :
Elle n'est pas acceptable car elle ne permet pas de déterminer avec exactitude le coût de revient dès lors qu'elle néglige la croissance des arbres.
Remarque :
19Les méthodes admises sont susceptibles d'être mises en oeuvre lors d'une vente du bois sur pied, ce qui est le cas le plus fréquent.
En cas de vente du bois coupé, le coût de revient ainsi déterminé est éventuellement majoré des charges engagées pour la coupe proprement dite (cf. ci-dessus n° 11 )
III. Cas particulier : coupes d'élagage ou d'éclaircie
20Les coupes d'élagage ne donnent généralement lieu à aucune recette.
Elles ne sont pas supposées porter sur le bois destiné à la coupe en cours de croissance, les tiges d'avenir restant en sol. Elles n'ont donc en principe aucune incidence sur le coût de revient d'une parcelle.
Les coupes d'éclaircie, qui suppriment les tiges sans avenir, portent néanmoins sur le bois en cours de croissance.
Il y a donc lieu de déterminer leur coût de revient dans les mêmes conditions que les coupes portant sur des arbres exploitables ou arrivés à maturité (cf. ci-dessus n°s 13 et s. ).
IV. Régime fiscal de la cession de bois sur pied ou coupé, ou de la concession de l'exploitation d'un massif forestier
1. Prise en compte dans le résultat fiscal de droit commun.
21Dans tous les cas, les produits et les charges afférents à l'exploitation directe (vente de bois) ou indirecte (concession) constituent des éléments de l'exploitation, pris en compte pour la détermination du résultat imposable dans les conditions et au taux de droit commun.
Le régime des plus-values professionnelles prévue aux articles 39 duodecies et suivants du CGI n'est pas susceptible de s'appliquer, le bois vendu sur pied constituant un stock (cf. ci-dessus n° 2 ).
La cession d'un massif forestier entraîne le cas échéant l'application du régime des plus-values professionnelles en ce qui concerne le sol uniquement.
2. Résultat de l'exploitation lorsque l'entreprise est associée d'une société de personnes ou d'un organisme assimilé.
22Les règles exposées dans le présent chapitre sont également applicables pour la détermination du résultat imposable des sociétés ou groupements qui sont soumis au régime des sociétés de personnes, pour la fraction de ce résultat qui revient à leurs associés ou membres passibles de l'impôt sur les sociétés ; en effet, dans ce cas, les résultats en cause sont soumis aux règles applicables dans le cadre de ce dernier impôt (CGI, art. 238 bis K-I et 4 A 2311).
3. Régime applicable en cas de fusions ou d'opérations assimilées.
23En cas de fusions ou d'opérations assimilées placées sous le régime prévu aux articles 210 A à 210 C du CGI, le bois sur pied transféré est soumis au régime prévu pour les éléments de l'actif circulant.
À cet égard, en application de l'article 210 A-3-e du CGI, la société absorbante inscrit le bois sur pied transféré à son bilan pour la valeur qu'il avait, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée. Le résultat de la cession ultérieure, par l'absorbante, de ces éléments est calculé d'après la valeur fiscale ainsi déterminée.
En application du même article, si les conditions d'inscription à l'actif du bilan du bois sur pied transféré exposées ci-dessus ne sont pas satisfaites, la société absorbante doit comprendre, dans ses résultats de l'exercice de fusion, le profit correspondant à la différence entre la nouvelle valeur de cet élément et la valeur qu'il avait, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée. Dans la même situation, si la fusion entraîne une perte sur les actifs en cause, celle-ci doit être prise en compte dans le résultat de la société absorbée.
Le sol correspondant, qui constitue en principe une immobilisation, est soumis au régime applicable aux immobilisations non amortissables, prévu à l'article 210 A-3-c du CGI.
C. APPLICATION DANS LE TEMPS
24Ces dispositions sont d'application immédiate.
Elles concernent l'évaluation des stocks effectuée au titre du premier exercice clos à compter du 13 avril 1993.
1 Conformément aux dispositions de l'article 38 sexies de l'annexe III au CGI, toute dépréciation ne peut éventuellement être constatée que par voie de provision.