Date de début de publication du BOI : 30/04/1996
Identifiant juridique : 13O1412
Références du document :  13O1412

SOUS-SECTION 2 CONDITIONS D'EXERCICE DE LA COMPENSATION ET DE LA SUBSTITUTION DE BASE LÉGALE

SOUS-SECTION 2

Conditions d'exercice de la compensation et de la substitution de base légale

1La compensation, de même que la substitution de base légale, peuvent être opposées à tout moment de la procédure contentieuse, c'est-à-dire que l'Administration peut s'en prévaloir lors de l'instruction de la réclamation au Service des impôts (la décision notifiée au contribuable doit alors en faire mention), mais également lors de l'instruction d'une instance devant le Tribunal administratif ou le Tribunal de grande instance, et (même pour la première fois) en appel (CE, arrêt du 11 février 1976, n° 97335).

2Toutefois, le droit de compensation ou de substitution de base légale ne relevant pas de l'ordre public, le juge ne peut l'opposer d'office (CE, arrêts des 13 février 1974, n°s 80476, 80478 et 80479, RJ, n° IV, p. 25 et 21 mars 1975, n° 85496). Il appartient donc au service de ne pas omettre de produire subsidiairement des conclusions visant à obtenir :

- la compensation chaque fois qu'il apparaît qu'un éventuel dégrèvement prononcé par le juge pourrait être annulé ou réduit par les droits résultant d'une insuffisance ou omission ;

- la substitution de base légale chaque fois que le bien-fondé d'une imposition litigieuse pourra être justifié par une disposition législative différente de celle invoquée initialement.

3Par ailleurs, et sous réserve bien entendu des indications qui suivent, l'Administration est en droit, pour opposer la compensation, de faire état de toute omission ou insuffisance d'imposition, quelles qu'en soient la cause ou la nature. Mais, il n'y a pas lieu, à cet égard, d'examiner si les délais de répétition normalement prévus pour l'exercice du droit de reprise par les articles L 169 et suiv. du LPF sont, ou non, venus à expiration.

En effet, le droit de compensation n'a pas pour objet ou pour effet la mise en recouvrement d'impositions supplémentaires mais permet seulement à l'Administration de rejeter, au cours d'une procédure contentieuse, ou d'obtenir le rejet par le juge de l'impôt, des demandes en décharge ou en réduction des impositions déjà établies (CE, arrêt du 16 avril 1969, n° 74885, Sociétés Raffineries de corps gras, l'Aiglon SA, RJCD, 1ère partie, p. 57).

4L'Administration peut également invoquer au soutien du bien-fondé de l'imposition, une base légale différente de celle primitivement retenue.

Toutefois, pour pouvoir opérer une substitution de base légale, il faut que toutes les règles de procédure qu'exige le nouveau fondement légal aient été respectées et que, notamment, les notifications de redressement nécessaires aient été effectuées (cf. n° 8 ).

5Dans tous les cas où il utilise les possibilités de la compensation ou de la substitution de base légale, il appartient au service d'apporter les justifications de nature à établir l'existence et la quotité des omissions ou insuffisances ou le bien-fondé des nouvelles dispositions légales invoquées ; à cet égard, en effet, la charge de la preuve incombe à l'Administration.

6On observera enfin que, s'il peut être exercé après expiration du délai de répétition et en l'absence de toute procédure de redressement, le droit de compensation proprement dit ne saurait autoriser l'Administration à faire échec à d'autres règles tracées par la loi ou habituellement suivies.

C'est ainsi que la compensation d'un excédent d'imposition constaté ne peut être effectuée avec une omission ou insuffisance pour laquelle le contribuable serait en mesure de se prévaloir, conformément à l'article L 80 A du LPF, d'une interprétation qui aurait été formellement admise précédemment par l'Administration.

Il convient également de s'abstenir de compenser les dégrèvements reconnus justifiés avec des omissions ou insuffisances d'imposition relevées au cours de l'instruction d'une réclamation, lorsque ces omissions ou insuffisances résultent d'un changement de doctrine ou de jurisprudence intervenu depuis le moment où il a été procédé à l'établissement de l'impôt contesté.

  A. CONDITIONS D'EXERCICE DE LA COMPENSATION ET DE LA SUBSTITUTION DE BASE LÉGALE AU REGARD DE LA PROCÉDURE DE REDRESSEMENT

  I. Exercice de la compensation

7Le droit de compensation étant dérogatoire à la procédure de redressement, la demande de compensation (fondée sur les règles générales de la procédure contentieuse ou sur les dispositions des articles L 203 et L 204 du LPF) n'implique pas que, pour la nouvelle imposition, une procédure de redressement doive être préalablement engagée (CE, arrêt du 22 février 1963, n°s 54117 et 54120, RO, p. 294).

De même, une demande de compensation présentée par l'Administration devant le juge de l'impôt doit, si elle est reconnue fondée, être accueillie, ce qui suppose que cette demande fasse l'objet d'une instruction contradictoire selon la procédure juridictionnelle de droit commun mais n'implique pas qu'une procédure administrative comportant notamment une notification de redressement doive être préalablement engagée (CE, arrêt du 4 novembre 1988, n° 61185).

Ainsi, si une demande de réduction d'impôt sur les sociétés est reconnue fondée mais qu'en contrepartie le service constate une omission en matière de taxe sur les salaires, il n'est pas nécessaire, pour opposer la compensation, que le redressement relatif à cette taxe soit notifié à la société, car celle-ci en aura connaissance au cours de la procédure juridictionnelle dans le cadre de l'instruction contradictoire de sa demande.

  II. Substitution de base légale

8La substitution de base légale permet à l'Administration d'invoquer à tout moment de la procédure les moyens qui sont propres à justifier le fondement légal d'une imposition initialement établie sur un autre fondement juridique. Elle ne peut être invoquée que si, à l'instar de la situation permettant l'établissement d'une imposition primitive, la procédure correspondant au nouveau fondement légal a été respectée. La substitution ne doit pas, en effet, priver le contribuable des garanties légales attachées aux procédures de redressement correspondant à chaque catégorie de revenus ou d'impositions.

Dès lors, si la procédure primitivement mise en oeuvre ne correspond pas au nouveau fondement légal qu'elle envisage de retenir, l'Administration ne peut opérer directement la substitution dans le cadre de la procédure contentieuse (dans la décision de rejet ou devant le juge). Elle doit procéder au dégrèvement de l'imposition initialement établie et engager la procédure appropriée au nouveau fondement légal qu'elle entend retenir, à condition, bien entendu, que la prescription ne s'y oppose pas.

Si la notification de redressement a été faite pour l'établissement de l'imposition sur l'ancien fondement légal, l'Administration est dispensée de procéder à une nouvelle notification 1 (cf. n° 11 ).

De même, la notification de redressement n'est pas exigée lorsque la base d'imposition correspondant au nouveau fondement légal dont se prévaut l'Administration était susceptible d'être évaluée d'office.

C'est ainsi que le Conseil d'État a jugé (CE, arrêts des 7 novembre 1975 et 24 mars 1976, cités sous-section 1, 1411, n° 5) que des sommes dont un contribuable contestait l'imposition en qualité de « revenus distribués » pouvaient être valablement considérées comme imposables en qualité de « bénéfices non commerciaux » et que la substitution de base légale proposée par l'Administration n'était pas préjudiciable au contribuable au regard des règles relatives à la procédure d'imposition dès lors qu'en l'absence de déclaration des bénéfices non commerciaux litigieux ceux-ci pouvaient être arrêtés d'office par application de l'ancien article 104 du CGI (actuel article L 73-2° du LPF).

Ces problèmes de distinction entre compensation et substitution de base légale se posent le plus souvent dans le cadre de l'impôt sur le revenu et, notamment, lorsqu'au cours d'une procédure contentieuse l'Administration modifie la qualification juridique d'un revenu, entraînant ainsi son changement de catégorie (cf. exemples ci-dessus de revenus qualifiés de revenus mobiliers à l'origine et de bénéfices non commerciaux par la suite).

Toutefois, l'écart entre les deux situations se trouve pratiquement comblé, dans la généralité des cas, par le fait que le contribuable n'ayant pas, par hypothèse, produit la déclaration spéciale de ses bénéfices dans la nouvelle catégorie, les verra à ce titre évalués d'office par l'Administration revendiquant ce pouvoir devant le juge.

9Mais dans le cas où la nouvelle rubrique choisie comporterait une procédure spécifique (exemple : revenus qualifiés de bénéfices non commerciaux, à l'origine, et de bénéfices commerciaux devant être taxés selon le régime du forfait, par la suite), il y aurait lieu de reprendre immédiatement cette procédure si le délai de répétition n'est pas expiré.

Il en irait de même dans toutes les situations où le service se trouverait dans l'obligation d'effectuer une nouvelle procédure d'imposition.

10La jurisprudence du Conseil d'État est en ce sens.

. Arrêt du 18 mars 1981, n°s 6404 et 7359

Lorsque l'Administration demande au juge de l'impôt de retenir comme base d'imposition celle résultant de l'application du barème prévu par l'article 168 du CGI, à la place de celle initialement retenue, constituée au cas particulier par des bénéfices commerciaux évalués d'office, elle ne vise pas à réparer une insuffisance ou une omission relative à l'assiette ou au calcul de l'imposition.

Par suite, cette demande s'analyse en réalité non comme une demande de compensation mais en une demande de substitution de base légale. Mais une telle substitution ne peut être opérée que si les règles de procédure normalement applicables au nouveau fondement légal ont été respectées.

L'application des dispositions de l'article 168 du CGI exigeant la mise en oeuvre de la procédure de redressement contradictoire et cette procédure n'ayant pas été suivie au cas particulier, où les impositions contestées avaient été établies par voie d'évaluation d'office, les conclusions de l'Administration sont donc rejetées.

. Arrêt du 23 mars 1984, n° 36345

Lorsque, statuant sur la réclamation d'un contribuable qui a été taxé d'office d'après des revenus d'origine indéterminée, l'Administration entend changer la qualification de ces revenus et les regarder comme des revenus de capitaux mobiliers, elle doit procéder au dégrèvement de l'imposition contestée et engager la procédure contradictoire qu'implique ce nouveau fondement légal.

. Arrêt du 4 juillet 1984, n° 34988

Si elle n'a pas préalablement suivi la procédure d'établissement du forfait alors que le contribuable relevait de ce régime, l'Administration ne peut demander, par voie de substitution de base légale, le rétablissement en bénéfices industriels et commerciaux d'une somme primitivement imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

. Arrêt du 21 avril 1986, n° 55541

Dès lors qu'elle n'a pas suivi les dispositions de la procédure contradictoire, l'Administration ne peut demander, par voie de substitution de base légale, que soient imposées, dans la catégorie des traitements et salaires, des sommes qui ont primitivement fait l'objet d'une évaluation d'office dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Arrêt du 24 juillet 1987, n° 54280

Lorsque l'Administration a imposé à tort un exploitant agricole selon le régime du bénéfice réel par voie d'évaluation d'office, alors qu'il relevait du régime du forfait :

- elle peut demander une substitution de base légale en ce qui concerne les bénéfices agricoles forfaitaires afférents à la partie des terres exploitées en cultures spécialisées, puisque ces bénéfices sont déterminés mathématiquement par application du tarif aux superficies affectées à ce type de cultures ;

- mais elle ne peut, en revanche, y procéder en ce qui concerne les bénéfices afférents aux terres exploitées en polyculture, à défaut d'avoir régulièrement suivi, pour cette partie de l'exploitation, la procédure de classement par catégorie prescrite par l'article L 4 du LPF.

. Arrêt du 7 octobre 1987, n°s 53090 et 71611

L'Administration ne peut demander une substitution de base légale que si elle produit les éléments nécessaires au contribuable pour discuter, sous le contrôle du juge, le bien-fondé de l'imposition en cause.

Cette condition n'est pas remplie dans le cas d'une substitution de revenus de capitaux mobiliers à des bénéfices non commerciaux, lorsque l'Administration ne produit (même pas de manière succincte) les éléments de calcul propres à la détermination du bénéfice social, à sa répartition et à sa distribution.

Arrêt du 16 décembre 1987, n° 39389

Pour pouvoir invoquer devant le juge que des versements en espèces effectués sur les comptes bancaires du contribuable constituent des revenus imposables par voie de taxation d'office en application de l'article L 69 du LPF, l'Administration doit être en mesure d'établir qu'elle a invité l'intéressé à fournir des justifications selon la procédure prévue à l'article L 16 du même Livre 2 .

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11En pratique, cette jurisprudence a pour effet de limiter les possibilités de substitution de base légale :

- aux cas où la nature des procédures correspondant à l'ancien fondement légal et au nouveau est identique. C'est ainsi qu'en l'absence de toute déclaration de revenu catégoriel il serait possible de substituer une imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux à une imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux évalués d'office. La procédure utilisée par le service aurait été, en effet, la même dans les deux cas.

Il est précisé, à cet égard, que les conditions de mise en oeuvre de la procédure s'apprécient à la date à laquelle celle-ci a été appliquée. Ainsi, par exemple, la condition de l'envoi préalable d'une mise en demeure avant l'engagement d'une procédure d'évaluation d'office (article L 68 du LPF) ne fait pas obstacle à une substitution de base légale postérieure à l'entrée en vigueur de ce texte lorsque la procédure d'évaluation d'office a été effectivement diligentée avant le 1er janvier 1987, alors que la mise en demeure n'était pas légalement obligatoire,

-à ceux où la procédure contradictoire a été primitivement mise en oeuvre, alors que l'Administration entend invoquer un cas d'évaluation ou de taxation d'office. La procédure contradictoire étant celle qui offre les garanties les plus étendues au contribuable, elle doit être considérée comme de nature à couvrir une imposition d'office.

En revanche, la substitution d'un fondement légal, qui supposerait l'application de la procédure contradictoire à celui qui a primitivement permis d'établir une imposition d'office, n'est pas possible après expiration du délai de prescription. De même, il n'est pas possible, après expiration du délai de prescription, de substituer une imposition qui aurait dû être établie selon une procédure forfaitaire à celle qui a primitivement été notifiée selon une autre procédure (arrêt du 4 juillet 1984, n° 34988).

Il y a donc lieu d'établir avec précision tous les éléments de fait et de droit qui permettent à l'Administration d'invoquer la substitution de fondement juridique de l'imposition. Les nouveaux motifs du redressement effectué doivent, en effet, être portés à la connaissance du contribuable dans la décision sur la réclamation ou dans les mémoires produits devant le juge, afin que, comme dans la procédure de notification de redressements, l'intéressé puisse utilement présenter des observations en défense devant le juge.

Hormis les deux hypothèses exposées ci-dessus, la substitution de base légale n'est pas possible. Il convient donc en cas d'incompatibilité des procédures, et notamment lorsqu'une procédure d'imposition d'office a été utilisée alors qu'elle n'est pas applicable à la nature des droits à substituer, de reprendre la procédure d'imposition adéquate chaque fois que la prescription n'est pas acquise au contribuable.

Pour ce faire, le service dispose du délai de reprise ouvert par la notification initiale, dès lors que l'effet interruptif de prescription attaché à cette notification est, selon une jurisprudence constante, indépendant des motifs qu'elle contient. Après notification du dégrèvement de l'imposition, l'Administration doit alors reprendre les motifs des redressements en indiquant au contribuable que la procédure d'imposition d'office a été abandonnée, puis les confirmer en laissant éventuellement à l'intéressé la faculté de demander la saisine de la commission départementale.

Il convient d'admettre qu'il en est de même lorsqu'une imposition a été primitivement établie selon la procédure contradictoire ou la procédure d'office, alors qu'en réalité la procédure spécifique de fixation d'un forfait ou d'une évaluation administrative devait être suivie.

Il est précisé, par ailleurs, qu'en matière d'ESFP, les dispositions de l'article L 50 du LPF, qui interdisent à l'Administration de procéder à de nouveaux redressements après notification des résultats de cette vérification (cf. CE, arrêt du 28 septembre 1983, n° 36524) ne font pas obstacle à ce qu'elle reprenne la procédure afin de fixer les bases d'imposition dans des conditions régulières (cf. CE, arrêt du 14 décembre 1984, n° 37199).

1   Par exemple si on a notifié, en matière d'impôt sur le revenu, un redressement visant des bénéfices non commerciaux et que l'on soutienne par la suite qu'il s'agit en fait de salaires, catégorie de revenus pour laquelle une procédure spéciale n'est pas exigée.

2   À rapprocher de l'arrêt du Conseil d'État du 23 mars 1988, n° 71491.