B.O.I. N° 94 du 7 JUIN 2006
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
7 G-5-06
N° 94 du 7 JUIN 2006
MUTATIONS A TITRE GRATUIT - SUCCESSIONS
(CGI, art. 775 ter et 788-I)
NOR : BUD F 06 10019 J
Bureau B 2
PRESENTATION
L'article 14 de la loi de finances pour 2005 a institué un abattement global de 50 000 € sur l'actif net successoral recueilli soit par les enfants ou les descendants du défunt et le conjoint survivant soit exclusivement par le conjoint survivant. L'article 27 de la loi de finances pour 2006 a précisé les modalités de répartition de cet abattement global entre les bénéficiaires à savoir en fonction des droits légaux dans la succession, c'est à dire sans tenir compte des libéralités reçues, le cas échéant, par un ou plusieurs héritiers (donations antérieures et legs). La présente instruction complète l'instruction 7 G-6-05 du 24 octobre 2005 en précisant les conditions d'application du dispositif de l'abattement global de 50 000 € au regard de certaines situations particulières et notamment en cas d'application cumulée de l'abattement prévu en faveur des personnes handicapées. • |
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Section 1 :
Modalités d'application de l'abattement global de 50 000 € en cas de donation au dernier vivant des époux
A. RAPPEL DU DISPOSITIF CIVIL
1.Le conjoint survivant est un héritier légal ab-instestat et il a, en principe, des droits successoraux soit en usufruit, soit en pleine propriété.
2.Ainsi, aux termes de l'article 757 du code civil, le conjoint survivant recueille en présence de descendants de l'époux prédécédé :
- lorsque tous les enfants sont issus des deux époux, à son choix l'usufruit de la totalité des biens existants ou la pleine propriété du quart des biens ;
- en présence d'un ou plusieurs enfants non issus des deux époux, le quart de la pleine propriété des biens.
3.Par ailleurs, en présence d'ascendants privilégiés (père et mère du défunt) ou de collatéraux privilégiés (frères et soeurs du défunt), le conjoint recueille également des droits en pleine propriété.
4.Ainsi, le conjoint survivant prime les collatéraux privilégiés et recueille la totalité des biens successoraux en leur présence dès lors que le défunt ne laisse ni descendants ni ascendants privilégiés (article 757-2 du code civil).
5.En outre, en présence d'ascendants privilégiés le conjoint survivant recueille :
- la pleine propriété de la moitié des biens lorsque le défunt laisse ses père et mère qui eux reçoivent chacun un quart en pleine propriété ;
- la pleine propriété des trois quarts de la succession lorsque le défunt ne laisse que son père ou sa mère.
6.De plus, l'article 1094-1 du code civil prévoit qu'en présence d'enfants ou de descendants légitimes ou naturels, l'époux peut disposer de ses biens au profit de son conjoint dans les limites suivantes :
- la quotité disponible ordinaire en pleine propriété ( la moitié, le tiers ou le quart de ses biens, selon qu'il a un, deux ou trois enfants et plus.) ;
- le quart de ses biens en pleine propriété et les trois autres quarts en usufruit ;
- la totalité en usufruit.
B. CONSÉQUENCES POUR L'APPLICATION DE L'ABATTEMENT GLOBAL DE 50 000 € NOTAMMENT EN CAS DE DONATION AU DERNIER VIVANT DES ÉPOUX
7.L'article 775 ter du CGI prévoit un abattement global de 50 000 € sur l'actif net successoral recueilli soit par les enfants vivants ou représentés ou les ascendants du défunt et le cas échéant, le conjoint survivant, soit exclusivement par le conjoint survivant pour les successions ouvertes à compter du 1 er janvier 2005.
8.Cet abattement se répartit entre les bénéficiaires précités au prorata de leurs droits dans la succession.
9.La nouvelle rédaction de l'article 788 I du code général des impôts issu de la loi de finances pour 2006 précise expressément que la répartition de l'abattement global entre les bénéficiaires (ainsi que la répartition de la fraction de l'abattement non utilisée par un ou plusieurs d'entre eux) se fait en fonction de leurs droits légaux dans la succession.
10.En premier lieu, il convient de préciser que la circonstance que le conjoint survivant soit bénéficiaire d'une donation au dernier vivant n'est pas de nature à priver celui-ci de l'application de l'abattement global de 50 000 € sur l'actif net successoral qu'il recueille.
11.S'agissant des modalités de répartition de l'abattement global entre l'époux survivant et les autres bénéficiaires, la ventilation doit être effectuée uniquement au regard de la seule vocation successorale légale des bénéficiaires. (cf. A. Rappel du dispositif civil)
12.Ainsi, il est confirmé que, pour la répartition de l'abattement, il n'y a pas lieu de tenir compte des legs consentis au profit des bénéficiaires de l'abattement global, ni davantage des donations entre époux au profit du conjoint survivant.
13.Cependant, en présence d'enfants issus des deux époux, la loi offre au conjoint survivant une option entre le quart de la succession en pleine propriété et la totalité de celle-ci en usufruit.
14.Dans cette situation, pour déterminer la fraction de l'abattement global dont bénéficie chaque bénéficiaire, il y a lieu de prendre en compte le droit légal choisi par le conjoint survivant.
15.En cas de donation au dernier vivant (ou de disposition testamentaire) en faveur du conjoint survivant, l'option pour les droits légaux du conjoint ne sera généralement pas exercée sur un plan civil.
16.Dans cette hypothèse, les successibles devront opter pour la répartition de l'abattement de 50 000 € entre les deux possibilités légales mentionnées au paragraphe 13 . A défaut d'option, la répartition de l'abattement s'effectuera en considérant que l'option a été exercée sur la totalité de l'usufruit (cf. exemple, annexe).
C. ENTRÉE EN VIGUEUR
17.L'article 27 de la loi de finances pour 2006 confirme, à l'instar de ce qui était indiqué dans l'instruction 7 G-6-05 , que la répartition de l'abattement global entre les bénéficiaires s'effectue en fonction de leurs droits légaux dans la succession.
18.Ce dispositif s'applique ainsi depuis le 1 er janvier 2005.
Section 2 :
Précisions diverses
A. LE DROIT VIAGER AU LOGEMENT
19.Lorsque le conjoint survivant est à la fois bénéficiaire d'un droit en propriété dans la succession et de son droit viager au logement, l'abattement global se répartit sur la base des droits du conjoint survivant, constitués par la plus importante des deux valeurs représentant, respectivement, la valeur de ses droits en propriété et la valeur fiscale de son droit viager au logement, ce dernier étant fiscalement estimé à 60 % de la valeur fiscale de l'usufruit. (C.G.I., art. 762 bis)
B. LA PRÉSOMPTION LÉGALE DE L'ARTICLE 751 DU CGI
20.L'instruction 7 G-6-05 précise que l'actif net s'entend de l'ensemble des biens du défunt transmis par décès aux enfants, ascendants ou au conjoint survivant, sous déduction du passif y afférent et des legs. Compte tenu de la rédaction de l'article 751 du CGI qui prévoit que les biens auxquels s'applique la présomption légale de propriété sont « réputés, d'un point de vue fiscal, faire partie de la succession de l'usufruitier », il y a lieu d'intégrer ces biens à l'actif net sur lequel s'applique l'abattement de 50 000 €.
21.Dès lors que les biens taxés aux droits de mutation par décès en application de l'article 751 du C.G.I. bénéficient de l'abattement global de 50 000 €, il y a lieu d'en tirer toutes les conséquences financières pour le redevable. Ainsi, si la liquidation des droits de succession révèle notamment après application de l'abattement global que les droits de mutation par décès sont inférieurs aux droits de donation ou de vente perçus, il y a lieu de procéder à l'imputation. Cela étant, l'imputation est limitée à la fraction de l'impôt de mutation par décès qui est exigible par suite de l'application de la présomption. Si les droits de vente ou de donation perçus sur la nue-propriété lui sont supérieurs, l'imputation ne peut être effectuée qu'à concurrence de cette fraction.
C. LA REPRÉSENTATION D'UN ENFANT UNIQUE
22.La doctrine fiscale actuelle admet, pour l'application de l'abattement personnel prévu à l'article 779-I du CGI que lorsqu'un petit-enfant appelé à la succession de son grand-père par suite du prédécès de son père, enfant unique, celui-ci bénéficie de l'abattement personnel de son père bien qu'il vienne à la succession de son propre chef et non par représentation.
23.Cette doctrine est transposable pour l'application de l'abattement global de 50 000 €.
Section 3 :
Imputation de l'abattement applicable aux personnes handicapées
24.L'ordre d'imputation entre l'abattement global et l'abattement applicable aux personnes handicapées a été modifié par l'article 27 de la loi de finances pour 2006 dans un sens plus favorable au contribuable.
25.En effet, jusqu'à l'entrée en vigueur de ce texte, l'abattement global s'imputait sur la part de chaque héritier après application de l'abattement personnel, l'abattement applicable aux personnes handicapées s'imputant, le cas échéant, après application de l'abattement global.
26.A compter du 1 er janvier 2006, il convient d'appliquer l'abattement global après application de l'abattement personnel mais également, le cas échéant, après application de l'abattement de 50 000 € en faveur des personnes handicapées. Cet ordre d'imputation permet ainsi de répartir entre les autres successibles la fraction de l'abattement de 50 000 € non utilisée par le successible bénéficiant de l'abattement des personnes handicapées.
La Directrice de la Législation Fiscale
Marie-Christine LEPETIT
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Annexe
Modalités d'application de l'abattement global de 50 000 € en cas de donation au dernier vivant des époux ou de disposition testamentaire
Exemple
M Y décède laissant son épouse âgée de 70 ans et deux enfants (A et B) issus de leur union et des biens pour une valeur de 600 000 €.
L'actif successoral au sens de l'article 775 ter est égal à 600 000 €.
Le défunt a voulu avantager son conjoint et éviter le démembrement de sa succession : Il lui a ainsi, par testament, légué la quotité disponible ordinaire, soit le tiers de sa succession en pleine propriété.
Pour la répartition de l'abattement global de 50 000 €, les successibles peuvent opter :
- Soit pour le calcul selon la valeur de l'usufruit, lequel est évalué à 40% de l'actif net. D'où fraction de l'abattement global revenant au conjoint survivant : (50 000 x 40%) = 20 000 €. Et fraction de l'abattement revenant à chacun des enfants (50 000 - 20 000 €) / 2 = 15 000 €.
- Soit pour le calcul selon la valeur du quart en pleine propriété de l'actif net. D'où fraction de l'abattement global revenant au conjoint survivant : (50 000 x 1/4) = 12 500 €. Et fraction de l'abattement revenant à chacun des enfants (50 000 - 12 500 €) / 2 = 18 750 €.
A défaut d'option, la répartition de l'abattement s'effectuera en considérant que l'option a été exercée sur la totalité de l'usufruit.