SOUS-SECTION 2 FORME ET CONTENU
2. Qualification des faits
24Le juge doit établir nettement le rapport de cause à effet entre les faits constatés et les éléments constitutifs de l'infraction.
La chambre criminelle est très stricte à cet égard et annule les décisions des juges du fond qui, par leurs imprécisions ne lui permettent pas d'exercer son contrôle sur la qualification juridique des faits.
Elle a notamment jugé :
- que l'indication des textes légaux n'est pas indispensable et une erreur dans cette indication n'entraîne pas la nullité de la décision, dans la mesure où la peine prononcée n'est pas supérieure à celle prévue par la loi ( TGJ, jugements et arrêts, II, motifs n° 7 ; Cass, crim., 4 février 1825, Mém, 12, p. 304, Bull. crim. 18 : Cass. crim., 12 mars 1852, Mém. 18, p. 182, Bull. crim. 18 ; Cass. crim., 12 décembre 1919, BCI 1920, n° 3 ; Cass. crim., 22 novembre 1930, BCI 1931, n° 1 ; Cass. crim., 7 novembre 1931, BCI 1931, n° 24 ; Cass. crim., 18 octobre 1946, RJCI 36, p. 81) ;
- que dès l'instant où les juges du fond ont rappelé les infractions relevées contre le prévenu dans les procès-verbaux établis contre lui par les agents : registre d'abattoir irrégulièrement tenu, découpage, enlèvement et mise en dépôt irréguliers de viande, détention frauduleuse de viande, défaut de paiement de la taxe de circulation, et qu'ils ont visé les textes dont il a été fait application, ce prévenu n'a pu avoir aucun doute sur les faits retenus à sa charge (Cass. crim., 12 octobre 1971, RJ 1, p. 36).
III. Jugements de relaxe
25Toutes les décisions, - de condamnation comme de relaxe - doivent être motivées, en comportant notamment l'exposé précis des faits, sans qu'il y ait contradiction de motifs.
Un tribunal ne peut relaxer un contrevenant pour le seul motif que le fait relevé à son encontre ne constitue pas une contravention (Cass. crim., 28 août 1846, Mém. 17372).
Il ne le peut pas non plus en se fondant sur un motif qui ne suffirait pas à lui seul à justifier la relaxe (Cass. crim., 21 janvier 1 928, BCI 6).
Les lacunes de l'information ne sauraient constituer un motif de relaxe, que ce soit pour l'appréciation de la culpabilité du prévenu ou pour la détermination du quantum de la fraude et, par conséquent, du montant des pénalités.
La chambre criminelle a déjà eu l'occasion de décider que, faute d'avoir recours au complément d'information dont elle reconnaissait implicitement qu'il n'eut pas été sans intérêt pour la manifestation de la vérité, une cour d'appel ne pouvait légalement faire état, pour relaxer un prévenu, du doute qui lui paraissait exister en sa faveur. (Cass. crim., 30 octobre 1962, Bull. crim. 300, p. 623 ; Cass. part., 23 novembre 1971, Bull. crim. 318, p. 805 ; Cass. part., 19 mars 1975, Bull. crim. 84, p. 236 ; Rapp. Cass. crim., 10 décembre 1959, deux arrêts, RJCI 99, p. 294, Bull. crim. 544, p. 1049).
D'une manière générale, il appartient aux juges du fond d'ordonner les mesures d'instruction qu'ils estiment utiles pour éclairer leur religion (Cass. part., 2 juin 1943, RJCI 37, p. 39).
Doit être cassé pour insuffisance de motifs l'arrêt qui, pour relaxer le prévenu, fait état de l'incertitude résultant des mesures d'instruction entreprises tout en admettant implicitement la possibilité d'une mesure complémentaire d'information utile à la manifestation de la vérité, qu'il lui appartient en pareil cas d'ordonner (Cass. crim. avec renvoi, 19 juin 1979, Bull. crim. 215, p. 590).
IV. Justification des décisions
1. Règles
26Tout jugement ou arrêt doit énoncer les motifs propres à justifier sa décision. Ces motifs doivent être précis et non équivoques.
L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
La contradiction entre les motifs et le dispositif ne justifie pas la décision.
2. Jurisprudence
27- Encourt la cassation pour manque de base légale, l'arrêt qui, sur les poursuites exercées à l'encontre de deux limonadiers-restaurateurs du chef. d'entraves à l'action des agents, condamne l'un, mais relaxe l'autre pour le motif que ce dernier ne s'occupe que du restaurant, alors que ce même arrêt attribue aux deux prévenus la qualité d'associés et les déclare solidairement responsables pour d'autres infractions fiscales dont la juridiction correctionnelle était saisie dans la même procédure.
En ne faisant pas connaître si le prévenu relaxé est titulaire de la licence au même titre que son associé, l'arrêt attaqué met au surplus la Cour de cassation dans l'impossibilité de vérifier si l'intéressé exerçait une profession réglementée le rendant responsable de l'infraction (TGJ, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 186 ; Cass. crim., 17 novembre 1949, RJCI 31, p. 81).
- Encourt la cassation pour insuffisance de motifs, l'arrêt de relaxe qui procédant par infirmation se borne à déclarer sans énoncer les faits, qu'un doute subsiste sur la culpabilité du prévenu, cette formule ne faisant pas connaître si les juges ont entendu écarter le fait comme n'étant pas suffisamment établi ou refuser à ce fait le caractère d'un délit, de telle sorte que la Cour de cassation est dans l'impossibilité d'exercer le contrôle qui lui appartient (TGJ, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 152 ; Cass. crim., 19 octobre 1944, GP, 7-9 février 1945, S. 1945, I, 69).
- Encourt la cassation, pour contradiction de motifs l'arrêt qui se base pour relaxer une personne poursuivie pour transport sans titre de mouvement et réception irrégulière de blé, sur les allégations non vérifiées du prévenu d'après lesquelles il a glané le blé trouvé en sa possession, alors que le jugement, dont la Cour s'est approprié les motifs, énonce qu'il résulte de l'enquête et des débats que la provenance du blé en question n'a pu être établie (TGJ, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 154 ; Cass. crim.. 11 mai 1945, BCI 11).
- Encourt la cassation, comme ne s'expliquant pas sur les conclusions écrites de l'Administration, l'arrêt qui, tout en visant ces conclusions se borne à confirmer le jugement entrepris pour le motif que « l'Administration » a demandé cette confirmation par conclusions d'audience, sans constater expressément qu'elle a renoncé à la partie de ses conclusions écrites, tendant à la réformation du même jugement en ce qu'il a relaxé le prévenu sur l'un des chefs d'infraction (TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 180 (XI) ; Cass. crim., 29 décembre 1948, RJCI 35, p. 77 (XI) renvoyant ; TGI, Jugements et arrêts, I, Forme et procédure 74).
- Pour confirmer la décision par laquelle un prévenu a été relaxé de divers chefs d'infraction à la réglementation viticole, une cour d'appel ne saurait, après avoir admis l'existence de plantations irrégulières, affirmer que les divergences qui subsistent quant à leur importanoe et l'imprécision du cadastre mettent en cause l'existence matérielle des infractions.
En l'absence de bases certaines et sûres permettant d'évaluer la superficie de ces plantations, il lui appartient d'ordonner les mesures complémentaires d'instruction utiles à la manifestation de la vérité (Cass. crim., 6 janvier 1976, RJ I, p. 3).
- Encourt la cassation l'arrêt qui condamne un prévenu au motif qu'il a été identifié comme étant le fournisseur d'alcools de fraude, alors que le procès-verbal indique que le fournisseur des boissons saisies est resté inconnu, que l'information ne contient aucune précision supplémentaire et qu'ainsi il apparaît que les juges ont formé leur conviction à l'aide d'éléments étrangers à la procédure et non soumis au débat oral (TGJ, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 281 ; Cass. crim., 6 mai 1959, RJCI 1959, 50, p, 163).
- Encourt la cassation, l'arrêt qui, pour confirmer sur la culpabilité les motifs du jugement déféré, déclare que le prévenu, ayant servi des boissons alcoolisées en dehors des repas, est poursuivi pour ouverture sans déclaration d'un débit de deuxième catégorie et énonce, d'autre part, qu'il avait, plus de quinze jours avant de commencer son exploitation, effectué en mairie une déclaration de mutation dans la personne du propriétaire pour un débit de troisième catégorie (Cass. crim., 22 mai 1968, RJCI 1ère partie, p. 62).
- Tout jugement ou arrêt doit énoncer les motifs propres à justifier sa décision et l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
Sont, spécialement, entachés d'insuffisance les motifs, partiellement contradictoires, qui, par les termes généraux et imprécis qu'ils emploient et par leur référence, soit à une décision étrangère à l'espèce, soit à des conclusions dont ils ne précisent pas le contenu, ne mettent pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle.
Tel est le cas d'un arrêt qui, pour condamner les prévenus, se borne à énoncer, soit par adoption des motifs du jugement, soit dans ses motifs propres, qu'il résulte des pièces produites et des débats la preuve que les conclusions de l'Administration sont fondées, que les présentes poursuites sont distinctes de celles engagées pour fraude 1 à l'encontre de l'un de ces prévenus, et que si la Cour a écarté certaines des inculpations retenues dans ces dernières poursuites ainsi qu'il appert de l'arrêt rendu, le même jour par la même chambre, les infractions fiscales visées dans les conclusions dont elle est actuellement saisie n'en demeurent pas moins établies (Cass. crim., 9 décembre 1970, RJ, I, p. 83).
La seule référence au jugement entrepris 2 ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur la légalité des condamnations prononcées, les premiers juges ayant eux-mêmes omis de préciser la quantité d'alcool libre employée frauduleusement, et, au surplus, l'arrêt attaqué ayant laissé sans réponse les conclusions des demandeurs (Cass. crim., 9 décembre 1970, RJ 1, p. 88).
- Tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision et la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à l'absence des motifs.
Il en est ainsi lorsque, avant de confirmer - en toutes ses dispositions - un jugement qui avait déclaré un débitant coupable de défaut de représentation du récépissé, puis solidairement avec l'exploitant de non-déclaration préalable de mise en service d'un appareil automatique et de défaut de paiement de la taxe et lui avait appliqué cumulativement les pénalités prévues à l'article 1791 du CGI pour chacune de ces infractions, une cour d'appel énonce « que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que X devait être retenu comme détenteur, du chef de défaut de représentation du récépissé attestant le paiement de cette taxe ».
Il existe, en effet, entre ces motifs et le dispositif de cette décision, une contradiction qui ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle quant aux chefs d'infractions pour lesquels X a été condamné.
La cassation est donc encourue (Cass. crim., 15 mars 1973, RJ 1, p. 24).
- ne justifie pas sa décision, la Cour d'appel qui, pour débouter l'Administration des poursuites qu'elle exerçait contre les prévenus du chef de détention en vue de la vente de dilutions alcooliques, se borne à énoncer que la différence de 238 hectolitres constatée entre la quantité de dilutions alcooliques trouvée au cours d'une première intervention dans les chais du contrevenant et celle qui y a été découverte quelques semaines plus tard, pourrait s'expliquer par la double circonstance que certaines cuves ont pu ne pas être visitées par les agents lors de leur première intervention et que 13 hectolitres sont passés accidentellement d'une cuve dans une autre.
En effet, d'une part, l'existence du délit de détention en vue de la vente de dilutions alcooliques ne dépend pas de l'époque depuis laquelle ces liquides se trouvaient dans les chais de la société contrevenante, et, d'autre part, le fait que 13 hectolitres seraient venus s'ajouter aux dilutions alcooliques initiales ne peut expliquer l'accroissement global constaté (Cass, crim. : 30 avril 1974, RJ n° 1, p. 76. Sur le deuxième point voir : Cass. crim., 12 mai 1966, RJCI 15, p. 45, relatif à cette même affaire).
V. Réponse à chaque chef de réquisition et de conclusion
1. Règles
28Le juge doit obligatoirement répondre à tous les chefs de conclusions régulièrement prises par les parties en application de l'article 459 alinéa 3 du Code de Procédure pénale qui légalise une jurisprudence constante de la Cour de cassation trouvant son fondement dans le caractère contradictoire des débats en matière pénale (Cass. Crim., 17 novembre 1959, Bull. crim. 490).
Le juge doit tout d'abord s'expliquer sur les termes de la citation ou de l'ordonnance de renvoi, et répondre ensuite aux conclusions des parties visées par le président et le greffier, aux réquisitions orales du ministère public consignées par le greffier dans les notes d'audience, dont il a été donné acte par le tribunal (ou la Cour).
Toutefois, les juges sont seulement tenus de donner des explications sur les chefs de conclusion constituant des moyens de défense péremptoire, c'est-à-dire décisifs, s'ils étaient retenus.
En revanche, ils ne sont pas tenus de répondre par des motifs spéciaux sur des faits invoqués par le prévenu qui n'infirment pas les constatations délictueuses du procès-verbal et ne constituent pas des moyens décisifs de défense.
De même, il n'existe pas d'obligation pour les juges de se prononcer sur des articulations qui constituent un simple argument, et non pas un moyen (Cass. crim., 14 novembre 1962, RJCI 31. Cass. crim., 26 juillet 1978, Bull. crim., 246, p. 647).
De plus, il rentre dans les pouvoirs des juges du fond d'apprécier l'opportunité et la nécessité de recourir aux moyens de preuve proposés par les parties.
2. Jurisprudence
a. Réponse par des motifs distincts a chaque chef de conclusions
29Jurisprudence constante : TGI. Jugements et arrêts, II, Motifs n° 99 ; Cass. crim., 30 avril 1932, BCI 11 ; TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 123 ; Cass. crim., 29 juin 1938, BCI 21 ; TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 172 ; Cass. crim., 15 janvier 1948, RJCI 3, p. 8.
Il a été notamment jugé :
- que les juges sont tenus de statuer sur tous les chefs des poursuites et sur tous les chefs des conclusions dont ils ont été saisis (TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 212 ; Cass. crim., 19 mai 1953 ; Cass. crim., 17 février 1960, RJCI 23, p. 65) ;
- que ne donne pas une base légale à sa décision l'arrêt qui, saisi de conclusions du prévenu poursuivi pour détention de vin impropre à la consommation, tendant à établir qu'à raison de sa tardivité l'analyse du vin litigieux ne lui était pas opposable, ne s'explique pas sur ce chef de conclusions, pouvant constituer un moyen péremptoire de défense, et dont les premiers juges avaient fait un motif de leur décision de relaxe (TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 244 ; Cass. crim., 19 mars 1956, RJCI 25, p. 311. Dans le même sens : TGJ, Jugements et arrêts, II, Motifs ; Cass. Crim., 3 décembre 1958, RJCI 1958, n° 112, p.97) ;
- qu'encourt la cassation, l'arrêt qui omet de répondre aux conclusions du prévenu tendant à contester la valeur d'un procès-verbal pour interrompre la prescription triennale à l'égard des faits poursuivis (Cass. crim., 18 décembre 1956, RJCI 63, p. 409) ;
- que lorsque l'Administration a pris des conclusions d'appel tendant à la réformation du jugement qui, tout en constatant que la taxe sur les spectacles éludée par le prévenu est due pour toute la période visée au procès-verbal, déclare cependant ne retenir qu'une partie de cette période, l'arrêt rendu sur cet appel ne peut sans encourir la cassation pour défaut de réponse aux conclusions de la partie civile et contradiction de motifs confirmer le jugement entrepris par simple adoption des motifs des premiers juges (TGJ, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 199 ; Cass. Crim., 25 octobre 1951, RJCI 18, p. 41) ;
- qu'encourt la cassation l'arrêt qui, après avoir énoncé que les prévenus doivent être condamnés conjointement et solidairement avec la société dont ils étaient les gérants, à moins qu'ils n'établissent qu'au moment des faits incriminés ils étaient devenus complètement étrangers à la gestion de la société, les déclare pénalement responsables des infractions poursuivies, sans répondre à leurs conclusions prises régulièrement devant la Cour et d'après lesquelles ils avaient cessé leurs fonctions à l'époque des faits, leur mandat ayant pris fin antérieurement et la gestion de la société étant, depuis lors assumée par un autre gérant (TGI, Jugements et arrêts, II, Motifs n° 204 ; Cass. crim., 27 mars 1952, RJCI 6, p. 18).
1 En vertu des articles 1741 et suivants du CGI.
2 L'arrêt attaqué précisait qu'il reprenait " en son entier l'exposé des faits du jugement entrepris " .