SECTION 2 TEXTES FISCAUX APPLICABLES DANS LE TEMPS ET DANS L'ESPACE
SECTION 2
Textes fiscaux applicables dans le temps et dans l'espace
SOUS-SECTION 1
Texte applicable dans le temps
A. GÉNÉRALITÉS - ENTRÉE EN VIGUEUR ET ABROGATION DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
I. Entrée en vigueur
1En application de l'article premier du code civil, les lois et les décrets deviennent, d'une manière générale, obligatoires, à Paris, un jour franc après leur publication au Journal officiel (soit le surlendemain de cette date), partout ailleurs, dans l'étendue de chaque arrondissement, un jour franc après l'arrivée du Journal officiel au chef lieu d'arrondissement 1 .
2Une loi est immédiatement exécutoire même au cas où elle prévoit des actes réglementaires relatifs à son exécution, dès l'instant qu'il n'est pas spécifié que son application serait subordonnée à la publication desdits actes. Mais cette subordination peut être implicite et fait différer l'entrée en vigueur de la loi quand le texte de celle-ci, ne se suffisant pas à lui-même, a besoin d'être complété.
3Cependant, il arrive fréquemment que la date d'application des dispositions législatives nouvelles soit expressément fixée par la loi elle-même.
4D'autre part (cf. 13 O 1111, n° 6 ), aux termes de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, « la loi de Finances de l'année prévoit et autorise, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et des charges de l'État ». Ce texte de portée générale s'applique à l'ensemble des dispositions qui figurent dans les lois de finances initiales et notamment aux dispositions fiscales qui peuvent y être insérées. Il en résulte que, sauf dispositions contraires, ces textes s'appliquent à compter du 1er janvier de l'année que la loi de finances concerne.
Pour éviter toute difficulté à cet égard, les lois de finances successives prévoient dans leur article premier la mise en application de leurs dispositions.
C'est ainsi que le paragraphe II de l'article premier de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995) précise que :
« Sous réserve de dispositions contraires, la loi de finances s'applique :
1° À l'impôt sur le revenu dû au titre de 1995 et des années suivantes ;
2° À l'impôt dû par les sociétés sur leurs résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 1995 ;
3° À compter du 1er janvier 1996 pour les autres dispositions fiscales ».
II. Abrogation
5En application du principe du parallélisme des formes une disposition législative ou réglementaire ne peut être abrogée que par une disposition de même nature : une loi peut toujours mettre fin à une loi ; un décret peut toujours en abroger un autre.
6L'abrogation est le plus souvent prononcée de façon expresse soit en termes généraux par la disposition finale de la loi nouvelle, soit par une disposition particulière qui vise spécialement tel texte antérieur.
7Elle est tacite quand les dispositions du texte nouveau sont incompatibles avec les dispositions du texte ancien. C'est ainsi que le Conseil d'État a considéré les dispositions de l'article premier de la loi du 27 décembre 1963, incompatibles avec celles figurant antérieurement à l'ancien article 1852-4° du code général des impôts, selon lesquelles le Tribunal administratif pouvait être saisi par une « requête de l'Administration » tendant à ce que des droits ou pénalités soient mis à la charge d'un contribuable. En conséquence de quoi, la procédure prévue par ce dernier article a cessé d'être applicable le 1er avril 1964, date d'entrée en vigueur de la loi du 27 décembre 1963 (CE, arrêt du 14 octobre 1910, n° 77238, RJ, n° IV, p. 133).
8Il est de principe que les lois spéciales priment sur les lois générales, sauf dispositions contraires. Le même principe s'applique aux règlements.
B. MISE EN APPLICATION DES DISPOSITIONS FISCALES
I. Règles générales
9D'une manière générale, la législation applicable quant au fond est celle en vigueur à la date du fait générateur de l'impôt, c'est-à-dire à la date de l'acte ou de l'événement qui a fait naître la dette d'impôt et, s'il s'agit de procédure contentieuse, au jour de la mise en recouvrement du rôle, à celui de la notification de l'avis de mise en recouvrement ou à celui du versement de l'impôt.
10L'exposé ci-après contient, dans un ordre alphabétique, les solutions relatives aux cas les plus fréquemment rencontrés. Sauf dans l'hypothèse où elles visent un impôt déterminé, ces solutions peuvent être considérées comme applicables quelle que soit la nature des impôts, droits ou taxes faisant l'objet du litige.
1. Assiette de l'impôt.
11Ainsi qu'il est dit ci-dessus, la législation applicable est en principe celle en vigueur à la date du fait générateur de l'impôt.
Cette règle s'applique notamment en matière de TVA où le fait générateur est normalement constitué soit par la livraison du produit, soit dans certains cas par l'encaissement du prix.
Il en est de même en matière de droits d'enregistrement. En ce qui concerne les actes dont la loi prévoit qu'ils doivent être enregistrés et les mutations qui doivent être obligatoirement déclarées dans un délai déterminé, le fait générateur consiste dans la rédaction de l'acte ou dans la mutation elle-même. C'est donc à la date de cette rédaction ou de cette mutation qu'il convient de se placer pour déterminer la loi d'impôt applicable.
Pour les autres actes, les droits ne deviennent exigibles que si les parties requièrent la formalité. La législation applicable, notamment en matière de tarif, sera donc celle en vigueur à la date de la présentation à la formalité.
2. Compensation.
12Selon la jurisprudence du Conseil d'État, le texte applicable est celui en vigueur à la date de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification de l'avis de mise en recouvrement (CE, arrêts du 31 mai 1972, n°s 79827 et 80229) ou celui en vigueur à la date de la réclamation (CE, arrêt du 4 novembre 1988, n° 61185).
3. Expertise.
13Le texte applicable est celui en vigueur à la date du jugement qui a ordonné l'expertise (CE, arrêt du 5 janvier 1972, n° 80132).
4. Pénalités.
14 En principe, la loi applicable en matière de pénalités est celle en vigueur au moment où l'infraction est commise.
Pour les impôts sur le revenu et les taxes sur le chiffre d'affaires, il a été jugé que les pénalités et majorations qui sont déterminées en fonction du montant des droits éludés, constituent un accessoire de l'impôt et doivent en conséquence, être calculées par application de la législation en vigueur pour le calcul des droits en principal auxquels ces pénalités s'ajoutent (en matière d'impôt sur le revenu : CE, arrêts du 26 mai 1970, n°s 74849 et 75172 ; en matière d'impôt sur les sociétés : CE, section, arrêt du 5 octobre 1973, n° 82836, RJ n° IV, p. 96), ou par application de la législation en vigueur pendant chaque période d'imposition (en matière de taxes sur le chiffre d'affaires : CE, arrêts des 26 mai 1970, n°s 76193 et 76394, et 18 octobre 1972, n° 77854).
En ce qui concerne l'article 2 de la loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, entrée en vigueur le 11 juillet 1987, il s'applique de plein droit aux infractions relatives à des impositions dont le fait générateur est postérieur à l'entrée en vigueur de la loi.
Toutefois, l'administration a admis, pour la période transitoire et par mesure de tempérament, que les règles nouvelles puissent, dans certains cas, être substituées aux règles anciennes, lorsqu'elles sont plus favorables aux contribuables.
5. Preuve (charge de la).
15En matière de charge de la preuve, le texte applicable est également celui en vigueur lors du fait générateur (CE, arrêt du 5 novembre 1969, n° 65993, RJ, 2e partie, p. 125).
6. Procédure d'imposition.
16L'article 108 de la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 portant loi de finances pour 1993, codifié à l'article L 284 du LPF, prévoit que sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de la mise en recouvrement des impositions.
Ce principe s'applique :
- aux règles de procédure entrées en vigueur à compter du 1er janvier 1993 ;
- aux règles de procédure antérieures. Ces dispositions peuvent donc être invoquées pour le règlement des affaires en cours, à l'exception toutefois de celles ayant donné lieu une décision de justice contraire passée en force de chose jugée avant le 1er janvier 1993.
17Il résulte de ces dispositions que sauf disposition contraire, la régularité de la procédure fiscale s'apprécie en fonction des règles en vigueur lors de l'accomplissement de chaque acte, indépendamment de la date de mise en recouvrement des impositions.
En conséquence, une modification des textes de procédure intervenue entre l'accomplissement d'un acte et la mise en recouvrement ne remet pas en cause la validité de cet acte et la procédure, régulière au regard des anciennes règles, n'a pas à être reprise en vue de sa mise en conformité avec la règle nouvelle.
Le caractère interprétatif de l'article L 284 du LPF s'applique à tous les textes de procédure intervenus antérieurement à la publication de la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 et qui ne précisent pas eux mêmes les conditions de leur entrée en vigueur.
Ainsi, par exemple, l'article 3-I de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, qui prévoyait que les notifications de redressements effectués dans le cadre de la rectification d'office devaient être revêtues du visa d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal, ne s'appliquait pas aux notifications de redressements adressées avant le 1er janvier 1978, date d'entrée en vigueur de cette règle nouvelle, alors même que la mise en recouvrement serait intervenue ultérieurement (infirmation de la jurisprudence ASET, CE, Section, 13 décembre 1991, req. n° 65940-66868). Pour une première application du texte, cf. CE, 12 février 1993, n° 75601, « SARL les Fermiers de l'Aisne ».
De même, les notifications de redressements adressées avant le 1er janvier 1990 et pour lesquelles la mise en recouvrement est intervenue postérieurement, n'avaient pas à mentionner, sans demande expresse du contribuable, les conséquences financières du contrôle, l'article L. 48 modifié par l'article 101-I de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 qui prévoit cette mention n'étant entré en vigueur que le 1er janvier 1990.
Sont concernées par cette disposition les règles de procédure relatives à l'assiette, au contrôle et au recouvrement, qu'elles résultent d'un texte législatif ou réglementaire.
L'article L 284 du LPF s'applique tant aux procédures concernant les droits qu'à celles régissant les pénalités. Ainsi, les lettres de motivation des pénalités exclusives de bonne foi, notifiées avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1986, n'avaient pas à comporter le visa d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal, même si la mise en recouvrement n'est intervenue que postérieurement à la loi (LPF, art. L. 80 E).
7. Réclamation.
a. Exercice du droit de réclamation et du droit de recours.
18En règle générale le droit de réclamation est régi, tout comme les délais qui en sont un élément constitutif, par la législation en vigueur soit au jour de la mise en recouvrement du rôle (CE, arrêt du 27 avril 1953, n° 19347, RO, p. 248), soit au jour de la notification de l'avis de mise en recouvrement, soit au jour du versement de l'impôt si cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement (CE, arrêt du 6 décembre 1972, n° 80093, RJ, n° IV p. 100).
19Quant au droit de former un recours contre une décision administrative ou juridictionnelle, il est définitivement fixé au jour de la notification de la décision administrative (CE, arrêt du 3 avril 1952, n° 5759, RO, p. 51 ; CE, arrêt du 4 juin 1965, n° 64074, société « Les Grands Bazars de la Méditerranée - Monoprix », Leb. p. 346) ou à la date où le jugement intervient (CE, arrêt du 11 mars 1966, n° 65498, RO, p. 104 ; CE, arrêt du 8 décembre 1967, n° 65902, RJ, 2e partie p. 243).
b. Formes qui règlent l'exercice du droit de réclamation.
20En règle générale, elles sont régies par la loi en vigueur à la date à laquelle :
- le contribuable saisit le service des impôts (à l'époque le directeur : CE, arrêt du 26 juin 1931, 2e esp.) ;
- la demande introductive d'instance est enregistrée (CE, arrêt du 11 décembre 1970, n°s 76227 et 76568).
8. Sursis de paiement.
21Le texte applicable est celui dont la rédaction était en vigueur au moment de la mise en recouvrement des impositions contestées (CE, arrêts du 16 décembre 1970, n° 72217 et 23 avril 1971, n° 77799).
9. Transaction.
22Le texte applicable en matière de transaction est celui en vigueur à la date à laquelle est signée la transaction (CE, arrêt du 8 novembre 1972, n° 80514).
II. Cas particuliers
1. Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés.
23En matière d'impôt sur le revenu, la législation applicable est, sauf dispositions contraires de la loi, celle en vigueur à la fin de l'année au titre de laquelle l'impôt est établi. Toutefois, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu 2 mis à la charge des sociétés, en application de l'ancien article 117 du Code général des impôts, dans le cas où elles ne revèlaient pas l'identité des bénéficiaires des revenus qu'elles distribuaient, le Conseil d'État a jugé que cet impôt frappait un revenu distribué à une date déterminée, et que le fait générateur se situait à la date de la distribution lorsqu'elle était connue (CE, arrêt du 20 juillet 1971, n° 74031, RJ, n° II, p. 142).
24En matière d'impôt sur les sociétés, il est fait application de la législation en vigueur au jour de la clôture de la période de réalisation des profits imposables (clôture normale de l'exercice, cession, dissolution, cessation, transformation) [CE, arrêt du 13 janvier 1958, n° 34553, RO, p. 18 ; également CE, arrêt du 6 février 1959, n° 42746, RO, p. 361 et CE, arrêt du 3 avril 1968, n° 71362, RJCD, p. 124].
25En ce qui concerne plus particulièrement le domaine d'application des dispositions nouvelles, il importe d'opérer la distinction suivante :
1° Lorsqu'une disposition nouvelle figure dans une loi de finances, il convient de considérer qu'il a été tenu compte de son incidence dans l'évaluation des recettes budgétaires de l'année à laquelle s'applique la loi considérée.
Il s'ensuit que cette disposition doit trouver sa première application pour l'établissement des impôts et taxes dont le recouvrement doit intervenir au cours de ladite année, et, notamment, en matière d'impôt sur le revenu, pour l'établissement des cotisations dues à raison des bénéfices ou revenus de l'année précédente ou des exercices clos au cours de l'année précédente.
2° Lorsqu'une disposition nouvelle figure dans une loi autre que la loi de finances, une distinction doit être faite.
S'il s'agit d'une disposition relative aux règles générales de la détermination ou de l'évaluation des bases d'imposition, à la procédure d'établissement de l'impôt, au calcul des cotisations ou au régime des pénalités, elle doit trouver son application pour l'imposition de l'ensemble des bénéfices ou revenus réalisés au cours des exercices clos ou, d'une façon plus générale, des périodes d'imposition se terminant après la date d'entrée en vigueur de la loi 3 .
En revanche, s'il s'agit d'une disposition prévoyant l'exonération ou édictant l'imposition -ou un mode spécial d'imposition- des profits résultant de certaines opérations particulières, elle ne peut trouver son application qu'à l'égard des opérations effectuées après la date d'entrée en vigueur de la loi ou du décret.
1 Une procédure de publication accélérée est cependant prévue.
2 Il s'agit actuellement de la pénalité mentionnée à l'article 1763 A du CGI. En ce qui concerne cette pénalité, elle est applicable dès lors que son fait générateur (expiration du délai imparti à la société pour indiquer les bénéficiaires de la distribution) est intervenu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 janvier 1980 (CE, arrêt du 30 mars 1987, n° 74410).
3 Sous réserve, bien entendu, pour ce qui est des mesures intervenant dans l'intérêt des contribuables, des décisions particulières qui peuvent être prises pour les rendre immédiatement applicables aux procédures en cours à la date de l'entrée en vigueur de la loi.