B.O.I. N° 34 DU 16 MARS 2010
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
13 N-1-10
N° 34 DU 16 MARS 2010
INSTRUCTION DU 4 MARS 2010
PENALITES FISCALES
EXTENSION DU DISPOSITIF DE LA " MENTION EXPRESSE " PREVU PAR
LE 2 DU II DE L'ARTICLE 1727 DU CODE GENERAL DES IMPOTS
(C.G.I., art. 1727)
NOR : BCF Z 10 00023 J
Bureau JF-2A
PRESENTATION
En application des dispositions du 2 du II de l'article 1727 du code général des impôts, l'intérêt de retard n'est pas applicable lorsque le contribuable fait connaître par une indication expresse les motifs de droit ou de fait qui le conduisent à ne pas mentionner, en totalité ou en partie, certains éléments d'imposition ou à leur donner une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou à faire état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées. L'article 49 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 portant loi de finances rectificative pour 2008 étend ce dispositif aux contribuables qui ont interrogé l'administration fiscale sur une difficulté d'interprétation d'une loi nouvelle ou sur une difficulté de détermination des incidences fiscales d'une règle comptable, lorsqu'ils n'ont pas obtenu de réponse avant l'expiration du délai de déclaration ou lorsque l'administration n'a pas publié sa position sur le sujet dans ce même délai. La présente instruction précise les conditions d'application de cette mesure. • |
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INTRODUCTION
Afin de ne pas pénaliser les contribuables de bonne foi qui ne disposent pas, à l'expiration du délai de dépôt de leur déclaration, de tous les éléments d'interprétation nécessaires pour remplir leurs obligations déclaratives, le législateur a étendu le dispositif dit de la « mention expresse » prévu au 2 de l'article II de l'article 1727 du code général des impôts (CGI).
Ainsi, l'article 49 de la loi de finances rectificative pour 2008, codifié au 2 bis du II de l'article 1727 du CGI, dispense d'intérêts de retard les contribuables qui ont interrogé l'administration fiscale sur une difficulté d'interprétation d'une loi nouvelle ou sur une difficulté de détermination des incidences fiscales d'une règle comptable lorsque l'administration n'a pas formellement pris position sur la question avant l'expiration du délai de déclaration.
La présente instruction précise les conditions d'application de cette mesure.
A. CHAMP D'APPLICATION
L'extension de la " mention expresse " est susceptible de s'appliquer à toutes les déclarations comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt, quelle que soit l'imposition en cause.
B. CONDITIONS D'APPLICATION
L'exonération des intérêts de retard est subordonnée aux conditions suivantes :
1. Le contribuable doit être de bonne foi
L'exonération des intérêts de retard est réservée aux contribuables de bonne foi.
Ainsi, la demande ne doit pas envisager une solution manifestement contraire au texte en cause ou porter sur un point qui ne présente manifestement aucune difficulté. Tel sera le cas, par exemple, lorsque la disposition fiscale en cause comporte en elle-même la précision demandée.
De même, la demande ne doit pas porter sur un sujet sur lequel l'administration a déjà pris position à l'occasion d'une précédente demande du contribuable.
La bonne foi est présumée. Dès lors, l'administration doit établir l'absence de bonne foi du contribuable pour faire échec à l'application de l'exonération pour mention expresse.
2. Le contribuable doit avoir souscrit sa déclaration dans les délais prescrits
L'exonération des intérêts de retard n'est susceptible de s'appliquer qu'aux rehaussements apportés à une déclaration souscrite dans les délais. Ainsi, les impositions résultant d'un dépôt tardif ou établies par l'administration en l'absence de déclaration ne sont pas susceptibles de bénéficier de l'exonération d'intérêt de retard pour mention expresse.
3. Le contribuable doit s'être heurté à une difficulté touchant au principe ou aux modalités de la déclaration de certains éléments d'imposition
La loi vise à faire en sorte que les contribuables ne soient pas pénalisés par les difficultés qu'ils rencontrent à déterminer la portée d'une disposition sur laquelle ils n'ont pas pu disposer en temps utile des éclaircissements nécessaires de la part de l'administration.
Les difficultés rencontrées peuvent porter :
- soit sur le principe de la déclaration : telle somme est-elle imposable ou est-elle déductible ?
- soit sur les modalités de déclaration : dans quelle rubrique ou sous quel régime d'imposition doit être déclaré tel élément ?
Pour ouvrir droit à l'exonération d'intérêt de retard, la difficulté évoquée ne doit pas avoir donné lieu à des commentaires de l'administration dans une instruction publiée au Bulletin officiel des impôts.
Les difficultés rencontrées doivent porter, soit sur l'interprétation d'une disposition fiscale nouvelle, soit sur la détermination des incidences fiscales d'une règle comptable.
a) difficulté d'interprétation d'une disposition fiscale nouvelle
Par disposition, il faut entendre disposition législative ou réglementaire.
La disposition qui suscite la difficulté d'interprétation doit être fiscale, c'est-à-dire porter sur l'assiette de l'impôt : base, taux, réduction d'impôt, crédit d'impôt, etc …
Sont exclues à ce titre les dispositions de nature non fiscale qui auraient une incidence sur des dispositifs fiscaux mais dont l'interprétation ne relève pas de la compétence de l'administration fiscale (réglementation relative à l'urbanisme par exemple).
La disposition nouvelle s'entend d'une disposition entrée en vigueur au plus tôt le 1 er janvier de l'année précédant la date limite de dépôt de la déclaration en cause. C'est ainsi que pour la déclaration des revenus de 2009 déposée en 2010, le contribuable pourra poser des questions sur les dispositions fiscales entrées en vigueur à compter du 1 er janvier 2009.
Toutefois, afin de ne pas priver de la mesure les professionnels qui clôturent un exercice d'une durée supérieure à douze mois ou dont l'exercice ne coïncide pas avec l'année civile, il sera admis, par mesure de tempérament, qu'ils peuvent prétendre à l'exonération des intérêts de retard si la déclaration est la première à laquelle est susceptible d'être appliquée la disposition en cause, même si cette dernière est entrée en vigueur avant le 1 er janvier de l'année précédant l'échéance déclarative. Ainsi, par exemple, dans le cas d'une mesure nouvelle applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre N et d'une entreprise clôturant son exercice le 30 juin, l'entrepreneur individuel pourra bénéficier de la mesure au titre de la déclaration de résultat de l'exercice clos le 30 juin N+1 souscrite dans les délais en N + 2. Il en ira de même d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés qui clôture son exercice le 30 novembre N + 1 et dépose sa déclaration de résultat en février N + 2 ou qui clôture un exercice de 14 mois le 28 février N+2 et déclare en mai N + 2.
b) difficulté de détermination des incidences fiscales d'une règle comptable
Les contribuables soumis aux règles comptables qui rencontrent des difficultés à déterminer les incidences fiscales de ces règles peuvent soumettre ces difficultés à l'administration.
L'administration fiscale n'étant pas compétente pour interpréter les règles comptables, la question posée ne doit pas porter sur la règle comptable même mais sur ses incidences fiscales. Ainsi, par exemple, la question ne doit pas porter sur le point de savoir comment une opération donnée doit être traitée sur le plan comptable mais sur le point de savoir comment doit être traitée, sur le plan fiscal, une opération appréhendée d'une façon déterminée sur le plan comptable. La question peut relever de la mention expresse quelle que soit l'ancienneté de la règle comptable en cause.
En revanche, lorsqu'il s'agit d'une disposition fiscale adaptant une règle comptable, la difficulté ne sera susceptible de donner lieu à une mention exonératoire d'intérêt de retard que si la question porte sur une loi fiscale récente, telle que définie au a) ci-dessus. Elle devra donc être posée avant l'expiration du délai de dépôt d'une déclaration devant être souscrite avant la fin de l'année suivant celle de l'entrée en vigueur de la mesure.
Ainsi, par exemple, en vertu des nouvelles normes comptables, les pièces de rechange et de sécurité utilisables sur une période de plus de douze mois qui pouvaient auparavant être considérées comme des éléments de stock doivent désormais être immobilisées. Afin de neutraliser l'incidence de cette réglementation comptable sur la taxe professionnelle, l'article 123 de la loi de finances rectificative pour 2006 a prévu que la valeur locative des pièces de rechange et des pièces de sécurité n'est pas prise en compte dans les bases de taxe professionnelle, même lorsque ces pièces sont comptabilisées en immobilisations. Sont, en revanche, maintenues dans les bases de taxe professionnelle les pièces de rechange spécifiques, c'est-à-dire les pièces indispensables pour maintenir le potentiel d'une immobilisation et inutilisables pour un autre emploi. Cette disposition fiscale étant entrée en vigueur en 2007 pour les établissements existants, un contribuable aurait pu, si la disposition commentée par la présente instruction avait déjà été en vigueur en 2008, bénéficier de la mention expresse s'il avait saisi, avant l'expiration des délais de souscription des déclarations à déposer en 2008, l'administration fiscale d'une question portant sur le point de savoir si des pièces de rechange sont spécifiques, au sens de la législation relative à la taxe professionnelle.
De même, une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés dont les exercices coïncident avec l'année civile devra déposer sa déclaration de résultat au titre de l'exercice 2009 en mai 2010. Si une disposition fiscale nouvelle adaptant une règle comptable s'est appliquée aux exercices clos à compter du 31 décembre 2009 et si l'entreprise rencontre une difficulté dans l'interprétation de cette disposition fiscale non commentée dans une instruction fiscale, elle pourra bénéficier du dispositif de la mention expresse sur sa déclaration déposée dans le délai à condition de soumettre cette difficulté à l'administration avant l'expiration de ce même délai.
4. Le contribuable doit avoir interrogé l'administration fiscale avant l'expiration du délai de déclaration .
Les difficultés rencontrées par le contribuable doivent l'avoir conduit à interroger l'administration par écrit avant l'expiration du délai de déclaration. La demande doit être écrite mais peut être effectuée par la voie postale ou au moyen d'un courrier électronique. Elle doit avoir été adressée au service des impôts gestionnaire du dossier du contribuable (centre des impôts, service des impôts des particuliers ou service des impôts des entreprises).
Il suffit que la demande ait été adressée préalablement à la déclaration elle-même. Aucun délai n'est prévu par la loi.
La demande doit être précise et complète : elle doit préciser les éléments de fait nécessaires à sa compréhension, la disposition fiscale ou la règle comptable en cause ainsi que le point précis sur laquelle porte la difficulté d'interprétation motivant la demande.
Exemple : Soit une entreprise, soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, qui souhaite déduire les déficits réalisés à l'étranger par ses filiales ou succursales détenues directement à au moins 95 % établies dans un Etat de l'Union européenne (ou dans un Etat ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative) et soumises à un impôt équivalent à un impôt sur les sociétés.
Cette entreprise pourra interroger l'administration fiscale sur le dispositif fiscal prévu à l'article 209 C nouveau du CGI (issu de l'article 22 de la loi de finances pour 2009) avant le dépôt de sa déclaration de résultat au titre de l'exercice 2009, soit avant mai 2010, dès lors que sa question concerne effectivement une disposition fiscale nouvelle s'appliquant aux exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2009.
L'article 209 C nouveau du CGI ne précisant pas la notion d' « impôt équivalent », l'entreprise pourra notamment interroger l'administration s'agissant de savoir s'il convient d'apprécier cette notion au regard de la nature de l'impôt étranger ou au regard de son assiette et des modalités de détermination de cet impôt, à défaut d'instruction précisant ce point.
5. Le contribuable doit joindre à sa déclaration une copie de sa demande restée sans réponse .
Afin de prévenir toute difficulté qui pourrait notamment résulter de la perte de la copie, il est recommandé au contribuable de porter de façon visible sur la déclaration la mention suivante : " mention expresse, voir lettre jointe en copie " .
En cas de télédéclaration, le contribuable est dispensé d'adresser au service des impôts une copie de sa demande mais doit faire état de sa volonté de bénéficier du dispositif de la mention expresse, en précisant dans la déclaration effectuée par voie électronique la date de la demande effectuée préalablement et son objet.
S'agissant des déclarations des revenus des particuliers, cette mention est insérée dans la rubrique libre réservée aux commentaires du contribuable destinés à l'administration située en fin de déclaration.
S'agissant des déclarations de résultat transmises au moyen de TDFC, les professionnels ajoutent au dépôt un formulaire “annexe libre” dont la case “mention expresse” sera cochée et comportant la date et l'objet de la demande. “
S'agissant des déclarations de TVA télétransmises, les professionnels cochent la case “mention expresse” et portent leurs indications dans la zone intitulée “cadre réservé à la correspondance”.
6. La difficulté évoquée par le contribuable ne doit pas avoir fait l'objet d'une prise de position formelle de la part de l'administration avant l'expiration du délai de déclaration .
L'exonération d'intérêt de retard ne jouera pas si l'administration prend position sur la question posée avant l'expiration du délai de déclaration, soit dans une réponse adressée au contribuable, soit dans une instruction publiée au Bulletin officiel des impôts. Dans ce dernier cas, l'administration ne sera considérée comme ayant pris formellement pris position sur le point soulevé par le contribuable que si l'instruction évoque précisément ce point. En d'autres termes, le seul fait qu'une instruction fiscale ait été publiée sur la disposition en cause ne privera pas le contribuable de l'exonération d'intérêt de retard si l'instruction n'apporte pas de précision sur la difficulté soulevée par le contribuable dans sa demande.
C. CONSEQUENCES DE L' EXONERATION
La mention expresse ne fait pas obstacle à ce que la déclaration souscrite par le contribuable fasse l'objet de rehaussements. En revanche, les impositions supplémentaires résultant de ces rehaussements ne sont pas assorties de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI lorsque les conditions mentionnées au B ci-desssus sont remplies.
Toutefois, si le contribuable n'acquitte pas les droits supplémentaires mis à sa charge dans les délais impartis, il est redevable soit de l'intérêt de retard pour la période postérieure à la mise en recouvrement soit de la majoration de 10 % prévue par l'article 1730 du CGI, selon que l'impôt en cause est recouvré par un comptable des impôts ou par un comptable du Trésor.
Bien entendu, le contribuable ne sera dispensé de l'intérêt de retard qu'à hauteur des rehaussements concernés par la mention expresse. Les éventuels autres rehaussements seront pour leur part assortis de l'intérêt de retard dans les condtions de droit commun.
Par ailleurs, si l'administration établit que le contribuable n'était pas de bonne foi, non seulement l'intérêt de retard pourra lui être appliqué mais également l'une des majorations prévues à l'article 1729 du CGI.