SOUS-SECTION 2 EXONÉRATIONS
SOUS-SECTION 2
Exonérations
1Les exonérations de pensions d'invalidité prévues par les textes actuellement en vigueur ne trouvent pas leur fondement dans des considérations d'ordre juridique. Elles s'expliquent uniquement par la volonté du législateur d'accorder un régime de faveur aux victimes de certains événements. Ces mesures conservent, dès lors, un caractère exceptionnel et ne peuvent faire l'objet d'extensions ou d'assimilations.
2Certaines exonérations communes à toutes les pensions ont déjà fait l'objet de commentaires à propos des pensions de vieillesse ou de retraite. Il s'agit :
- des majorations de pensions pour charges de famille (CGI, art. 81-2° ter ) [cf. 5 F-1222, n°s 2 et suiv. ] ;
- des allocations aux orphelins. Ces allocations suivent, en règle générale, le régime fiscal de la pension principale à laquelle elles se rattachent. C'est ainsi que les prestations servies aux orphelins du travail ou de la guerre sont exonérées d'impôt en vertu des dispositions des articles 81-8° et 81-4° du CGI. En revanche, les allocations servies aux orphelins par d'autres régimes sont passibles de l'impôt, sous réserve des exonérations particulières prévues par l'article 81-14° et 14° bis du code déjà cité et commentées plus haut (cf. 5 F 1222, n°s 6 à 14 ).
3Le régime fiscal des pensions d'invalidité servies aux fonctionnaires civils et aux militaires met en jeu la presque totalité des principes exposés dans la présente sous-section. Pour faciliter la compréhension de ce sujet complexe, un tableau synthétique des principales prestations servies aux intéressés ainsi que de leur sort au regard de l'impôt sur le revenu figure en annexe I à la présente sous-section.
A. PENSIONS SERVIES EN VERTU DES DISPOSITIONS DU CODE DES PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITÉ ET DES VICTIMES DE GUERRE
(CGI, art. 81-4° )
4La loi du 31 mars 1919 fixe le régime des pensions dues à tous ceux qui ont acquis des droits à une pension militaire par suite d'infirmités résultant soit d'événements de guerre, soit de maladies ou d'accidents survenus au service.
La même loi détermine également les allocations susceptibles d'être attribuées aux ayants cause des militaires décédés dans les mêmes circonstances.
Quant aux réparations dues aux victimes civiles de la guerre ou à leurs ayants droit, elles sont réglées par les dispositions de la loi du 24 juin 1919.
Remarque. - Le bénéfice des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre a été étendu, au fil des années, aux combattants et victimes des hostilités intervenues depuis le vote des lois de 1919 (guerre de 1939-1945, membres des Forces françaises de l'intérieur, membres de la Résistance, ressortissants étrangers, prisonniers du Viet-Minh, victimes de la captivité en Algérie, etc.). En cas d'hésitations, le service pourra se reporter soit au code des pensions militaires d'invalidité lui-même, soit aux brevets de pension délivrés aux intéressés. L'ensemble de ces mesures ainsi que les lois subséquentes sont codifiées dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dont l'article L. 1 prévoit que :
« La République française reconnaissante envers les anciens combattants et victimes de la guerre qui ont assuré le salut de la patrie s'incline devant eux et devant leurs familles. Elle proclame et détermine, conformément aux dispositions du présent code, le droit à réparation due :
« 1° Aux militaires des armées de terre, de mer et de l'air, aux membres des Forces françaises de l'intérieur, aux membres de la Résistance, aux déportés et intemés politiques et aux réfractaires affectés d'infirmités résultant de la guerre ;
« 2° Aux veuves, aux orphelins et aux ascendants de ceux qui sont morts pour la France. » »
Compte tenu de leur caractère, le législateur a donc expressément exonéré de l'impôt les pensions ou allocations servies en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Cette exonération, qui figure présentement sous l'article 81-4° du CGI, appelle les commentaires suivants.
I. Militaires et anciens combattants
Précision. - Les dispositions exposées ci-dessous concernent également les membres de la Résistance et des Forces françaises de l'intérieur, les prisonniers du Viet-Minh et les victimes de la captivité en Algérie qui ont droit au bénéfice des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (articles L. 171 et suiv.) pour les blessures reçues, les accidents survenus, les maladies contractées ou aggravées par le fait ou à l'occasion du service dans la Résistance.
1. Prestations servies.
a. Pension proprement dite.
5Ouvrent droit à une pension militaire d'invalidité :
- les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ;
- les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ;
- l'aggravation, par le fait ou à l'occasion du service, d'infirmités étrangères au service.
Les pensions servies aux intéressés peuvent être définitives ou temporaires selon le caractère, incurable ou non, reconnu à l'infirmité.
À chaque degré d'invalidité correspond un « indice de pension » lui-même fonction du grade de l'intéressé. Le montant de la pension est ensuite calculé en fonction de l'indice de pension, dont le point est égal au 1/1000 du traitement brut d'activité correspondant à l'indice 170.
Des majorations pour tierce personne peuvent être accordées, éventuellement, ainsi que des majorations pour enfants. Ces dernières sont allouées aux titulaires de pensions définitives ou temporaires d'un taux inférieur à 85 %, pour chaque enfant jusqu'à 18 ans ou au-delà s'il s'agit d'enfants incurables. Elles sont égales au 1/8 de la pension de simple soldat.
Les titulaires d'une pension d'invalidité d'un taux égal ou supérieur à 85 % ont droit pour leurs enfants au régime des prestations familiales.
b. Allocations et indemnités complémentaires.
6En sus de la pension ci-dessus visée, certaines catégories d'invalides perçoivent des allocations ou indemnités complémentaires, à savoir :
- l'allocation temporaire aux grands invalides titulaires d'une pension d'invalidité égale ou supérieure à 85 % avec, le cas échéant, l'allocation spéciale de la tierce personne et des majorations supplémentaires pour enfants ;
- l'allocation aux grands mutilés de guerre, réservée aux pensionnés titulaires de la carte du combattant, blessés de guerre ou en service commandé et titulaires d'une pension d'invalidité d'au moins 85% ;
- l'indemnité de soins aux tuberculeux : tout pensionné à 100 % pour tuberculose a droit, s'il ne se livre à aucun travail, à une indemnité temporaire pour lui permettre de se soigner, sauf, bien entendu, s'il est hospitalisé aux frais de l'État. Au fur et à mesure du rétablissement de l'intéressé, cette indemnité cède la place à une indemnité de ménagement ou de reclassement.
Le montant de l'indemnité de soins qui est révisé périodiquement est donné en annexe II à la présente sous-section.
Remarque. - Les pensions qui, calculées en fonction de la durée des services accomplis, sont versées aux militaires de carrière en sus d'une pension d'invalidité, sont imposables (CE, arrêt du 13 mai 1985, req. n° 32411). Ces pensions constituent, en fait, des pensions de retraite. Leur imposition est de droit, même si elles sont allouées au titre d'une admission à la retraite, par anticipation, pour une cause d'invalidité.
2. Régime fiscal.
a. Principe.
7L'exonération prévue par l'article 81-4° du CGI concerne aussi bien la pension d'invalidité proprement dite que les allocations et indemnités complémentaires à ladite pension.
Remarque. - Les allocations spéciales temporaires aux grands invalides, aux grands mutilés de guerre et l'indemnité de soins aux tuberculeux font, en règle générale, l'objet de livrets de pension distincts comportant des mentions spéciales qui permettent, le cas échéant, de les identifier facilement.
b. Cas particuliers.
1 ° Indemnité de soins aux tuberculeux.
8 Les militaires non rayés des contrôles et les fonctionnaires en congé, en non-activité ou en disponibilité qui sont pensionnés à 100 % pour tuberculose ont droit, en principe, à l'indemnité de soins jusqu'à complète guérison.
Toutefois, l'allocation, aux intéressés atteints de tuberculose, du traitement ou du demi-traitement (article 36 de l'ordonnance du 4 février 1959 portant statut général des fonctionnaires) est exclusive de l'indemnité de soins prévue à l'article L. 41 du code des pensions militaires d'invalidité (article D. 19 de ce code).
De même, les militaires, les fonctionnaires de l'État, des départements, des communes, des établissements publics, des pays d'outre-mer ainsi que les agents appartenant à d'autres organismes, mais dont le traitement ou le salaire reste à la charge d'une des collectivités ci-dessus énumérées, lorsqu'ils bénéficient de tout ou partie de leur traitement, salaire ou solde, peuvent recevoir, le cas échéant, une indemnité différentielle destinée à porter au taux annuel de l'indemnité de soins le montant total des émoluments qu'ils perçoivent (article D. 8 du code des pensions militaires d'invalidité).
Il s'ensuit que la solde ou le traitement perçu par les intéressés tient lieu de l'indemnité de soins jusqu'à concurrence du montant de cette indemnité.
Cette dernière étant exonérée d'impôt, il en résulte que, pour l'imposition des personnels en cause, il convient de ne retenir que la portion de leur solde ou de leur traitement qui excède ledit montant (cf. annexe II).
2° Fonctionnaires civils anciens combattants et victimes de la guerre.
9Compte tenu des possibilités d'option réservées aux fonctionnaires entre le régime du code des pensions militaires d'invalidité et celui du code des pensions civiles et militaires de retraite, les droits des intéressés et de leurs ayants cause sont traités plus loin (cf. ci-dessous n°s 42 et 43 ).
3° Pensions mixtes.
10La loi du 31 mars 1919 a prévu des pensions dites « pensions mixtes » de deux catégories :
- les unes sont calculées conformément aux dispositions de l'article 59 de ladite loi et réservées aux militaires de carrière et aux réformés d'avant-guerre n'ayant pas accompli un nombre suffisant d'années de service pour avoir droit à une pension d'ancienneté ou à une pension proportionnelle en vertu de la législation antérieure.
Elles se composent d'une pension déterminée d'après le régime institué par ledit article 59, c'est-à-dire en fonction du nombre d'années de service des bénéficiaires (1/30 ou 1/25 du minimum de la pension d'ancienneté de leur grade, pour chaque année de service), majorée uniformément pour tous les grades d'une somme égale à la pension d'invalidité allouée à un soldat atteint de la même infirmité ;
- les autres, calculées conformément à l'article 60-2° de la loi du 31 mars 1919 et attribuées aux militaires remplissant les conditions nécessaires pour avoir droit à une pension d'ancienneté, proportionnelle ou de réforme, d'après la législation précédemment en vigueur, sont constituées par le montant de cette pension, majoré, comme dans le cas précédent, d'une somme égale à la pension d'invalidité allouée à un soldat atteint de la même infirmité.
C'est par voie d'option que les militaires concernés pouvaient obtenir le bénéfice des pensions mixtes visées ci-dessus (articles 59 et 60-2° de la loi du 31 mars 1919).
L'option s'exerçait entre la pension d'invalidité afférente à leur grade et la pension mixte.
Les pensions servies en application de l'article 59 étant intégralement calculées d'après les règles tracées par la loi du 31 mars 1919 sont, pour leur totalité (ancienneté + invalidité), affranchies d'impôt en vertu de l'article 61-1° du décret du 20 juillet 1934 (lois codifiées).
En revanche, les pensions résultant de l'article 60-2° ne sont, selon les dispositions précitées, exonérées que pour la partie allouée au titre de la majoration pour invalidité.
11Les dispositions des articles 59 et 60-2° de la loi du 31 mars 1919 ont été codifiées par le décret n° 51-590 du 23 mai 1951 et reprises respectivement sous les articles L. 48 et L. 49-2° du code des pensions civiles et militaires de retraite en vigueur à l'époque.
12L'article 6 de la loi de finances n° 62-873 du 31 juillet 1962 a mis fin à ce système d'option. Il l'a remplacé par un régime comportant à la fois le bénéfice de la pension d'invalidité afférente au grade du militaire et, le cas échéant, de la pension ou de la solde de réforme susceptible d'être allouée à l'intéressé.
Ces nouvelles dispositions ont été codifiées sous un nouvel article L. 48 dont le premier alinéa concerne l'ensemble des militaires visés précédemment aux anciens articles L. 48 et L. 49 et dont le deuxième alinéa est spécial aux militaires visés à l'ancien article L. 48.
Elles ont été reconduites par la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite et figurent actuellement sous l'article L. 34 de ce code ainsi conçu :
« Les militaires qui ont été atteints en service d'infirmités susceptibles d'ouvrir droit à pension au titre du code des pensions militaires d'invalidité reçoivent la pension dudit code afférente à leur grade à laquelle s'ajoute, le cas échéant, la pension ou la solde de réforme susceptible de leur être allouée en application des dispositions des articles L. 6 et L. 7. ».
Ces modifications n'ont pas consisté en un simple changement de « taux » de pension d'invalidité. Elles ont affecté, en l'organisant sur des bases entièrement différentes de celles qui étaient jusqu'alors prévues, le droit à pension mixte des militaires atteints en service d'infirmités susceptibles d'ouvrir droit à pension.
13Il s'ensuit que, sous ce nouveau régime, la pension d'invalidité perçue par les intéressés doit être exonérée d'impôt en vertu des dispositions générales concernant les sommes attribuées par application de la loi du 31 mars 1919. En revanche, les pensions ou soldes de réforme dues à raison de la durée des services sont passibles de l'impôt dans les conditions de droit commun.
14Il est à noter que, du fait du principe de la non-rétroactivité des lois, la réforme résultant des lois du 31 juillet 1962 et du 26 décembre 1964 n'élimine pas le paiement de pensions prévues par la loi du 31 mars 1919 et les lois postérieures.
En conséquence, les pensions d'ancienneté versées par application de l'article 59 de la loi du 31 mars 1919 demeurent exonérées alors que les pensions servies en application de l'article 60, paragraphe 2 de la même loi continuent à bénéficier de l'exonération uniquement à raison de la partie allouée au titre de la majoration pour invalidité.
15Le Conseil d'État a d'ailleurs jugé que les dispositions de l'article 22 de la loi du 23 décembre 1933 confirmées par la loi du 13 janvier 1941, en vertu desquelles les pensions perçues en exécution de l'article 60-2° de la loi du 31 mars 1919 par les militaires, titulaires d'une pension d'ancienneté, atteints d'infirmités ouvrant droit à une pension d'invalidité sont exonérées d'impôt sur le revenu à l'exclusion de la partie qui correspond à la durée des services, n'ont jamais été modifiées en ce qui concerne l'étendue de l'exonération fiscale. Il s'ensuit que, quelles que soient les dispositions contenues à cet égard dans le CGI, la part des pensions mixtes qui correspond à la durée des services ne saurait bénéficier d'une exonération de l'impôt sur le revenu (CE, arrêt du 5 novembre 1971, req. n° 79899, RJCD, 1971, p. 209).