Date de début de publication du BOI : 10/08/1998
Identifiant juridique : 13O7111
Références du document :  13O7
13O71
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13O7111

TITRE 7 PROCÉDURES PARTICULIÈRES


TITRE 7

PROCÉDURES PARTICULIÈRES



CHAPITRE PREMIER

LE RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR


1L'administré dispose d'un certain nombre d'actions lui permettant de contester le bien-fondé des décisions administratives.

2Ainsi, on distingue traditionnellement quatre branches du contentieux administratif  : le contentieux de pleine juridiction ou plein-contentieux, le contentieux de la répression, le contentieux de l'interprétation et le contentieux de l'annulation.

3 Dans le recours de plein contentieux, le juge a tous les pouvoirs d'une juridiction : il peut annuler ou réformer un acte ou condamner une personne administrative à des dommages-intérêts. Les arguments invoqués à l'appui d'un tel recours sont la violation de la loi ou d'une règle de droit, mais aussi la violation d'un titre ayant conféré au requérant des droits subjectifs, par exemple d'un contrat.

4En matière fiscale, font partie du contentieux de pleine juridiction les demandes en décharge ou en réduction d'imposition (cf. 13 O 1 à 6) et les demandes d'indemnités ou de dommages-intérêts (cf. ci-après 13 O 72 ).

5 Le contentieux de la répression concerne certaines infractions commises sur le domaine public et la réparation des dommages qui en résultent.

6 Le recours en interprétation peut être porté devant le juge administratif à la suite d'un renvoi du juge judiciaire lorsqu'une question préjudicielle doit être tranchée ; le recours en interprétation peut également être formé par un justiciable désireux de voir fixer le sens d'une disposition ou d'une décision juridictionnelle obscure.

7 Le contentieux de l'annulation comprend le recours en cassation devant le Conseil d'État et le recours pour excès de pouvoir.

Le recours en cassation est un recours en annulation d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, pour incompétence, vice de forme, violation de la règle de droit ou erreur sur la matérialité des faits (cf. 13 O 5111 ). La Haute Assemblée peut rejeter le pourvoi ou casser la décision (cf. 13 O 566 ).

8 Le recours pour excès de pouvoir est le recours de droit commun par lequel toute personne justifiant d'un intérêt peut demander l'annulation par le juge administratif d'une décision exécutoire illégale émanant soit d'une autorité administrative, soit d'un organisme privé agissant dans le cadre d'une mission de service public.

En matière fiscale, le domaine de cette action est limité par la procédure particulière de contestation de l'impôt prévue aux articles R* 190-1 et suivants du LPF.

De ce fait, la compétence du juge de l'excès de pouvoir est réservée à la connaissance des seuls litiges dont le règlement échappe au juge de l'impôt.

9C'est ainsi que les services de la Direction générale des Impôts sont saisis, soit par le Conseil d'État, soit par les cours administratives d'appel, soit par les tribunaux administratifs, de requêtes qui ressortissent non pas au contentieux fiscal ou « plein-contentieux » mais au contentieux de l'excès de pouvoir ou « contentieux de l'annulation ».

10Seuls certains actes administratifs sont susceptibles d'un recours pour excès de pouvoir (cf. section 1). Par ailleurs, le Conseil d'État a dégagé un certain nombre d'ouvertures permettant de prononcer l'illégalité des actes administratifs par la voie du recours pour excès de pouvoir (cf. section 2). Pour être recevable, un recours pour excès de pouvoir doit également remplir certaines conditions tenant aux règles de compétence et aux conditions pour requérir (cf. section 3).

Le juge administratif, enfin, prononce le rejet du recours ou bien annule, en tout ou en partie, la décision contestée (cf. section 4).


SECTION 1

Actes susceptibles de recours pour excès de pouvoir


Le recours pour excès de pouvoir n'est pas recevable contre tout acte : seuls sont recevables les recours contre les décrets et les décisions des autorités administratives françaises.

Par suite, ne sont pas recevables les recours contre les actes :

- d'une autorité législative ou juridictionnelle ;

- dits « de gouvernement » ;

- d'une personne qui n'est pas une autorité publique ;

- assimilés à ceux des particuliers et à tout contrat.

Parmi les actes administratifs, il convient de procéder à une distinction entre ceux comportant des décisions de caractère réglementaire et ceux correspondant à des décisions individuelles.


SOUS-SECTION 1

Les décisions de caractère réglementaire


1Peuvent être notamment attaqués pour excès de pouvoir :


  A. LES DÉCRETS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET DU PREMIER MINISTRE


2En ce domaine, on peut citer notamment les décrets portant institution d'une taxe parafiscale (CE, arrêt du 25 avril 1979, req. n°s 93356 et 94935, RJF 6/79, n° 348).


  B. LES ARRÊTÉS MINISTÉRIELS


3A été considéré comme recevable par le juge de l'excès de pouvoir mais rejeté pour des motifs de fond le recours dirigé contre un arrêté ministériel fixant les modalités de l'information des clients des membres des professions libérales adhérents des associations agréées (CE, arrêt du 2 juin 1982, req. n° 17793, Leb., p. 194).


  C. LES ACTES DES ORGANES DÉLIBÉRANTS DES COLLECTIVITÉS LOCALES


4Il en est ainsi de la délibération d'un conseil municipal instituant dans la commune la taxe sur l'électricité (CE, arrêt du 24 novembre 1986, req. n° 64459, RJF 1/87, n° 61).


  D. LES CIRCULAIRES, INSTRUCTIONS, NOTES ADMINISTRATIVES LORSQU'ELLES ONT EFFECTIVEMENT UN CARACTÈRE RÉGLEMENTAIRE


5La doctrine administrative, en règle générale, échappe à la censure du juge de l'excès de pouvoir. Cette doctrine prend les formes les plus variées. Elle est notamment exprimée dans les réponses du ministre aux questions écrites posées par les parlementaires, ainsi que dans les circulaires, les instructions, les notes de service et même parfois les lettres du ministre ou du directeur général des Impôts.

Tous ces actes ont en commun d'être dépourvus des conséquences juridiques qu'implique la notion de grief. Ils servent essentiellement à l'administration, dans l'exercice de son pouvoir hiérarchique, à préciser aux services territoriaux l'interprétation qu'il convient de donner à des dispositions de la législation et de la réglementation fiscales.

De ce fait, ils ne peuvent, en principe, être déférés à la censure du juge de l'excès de pouvoir.

6Cependant, il arrive que certaines instructions ou circulaires ajoutent à la loi et, par suite, présentent un caractère réglementaire.

Un recours est alors recevable et l'acte attaqué ne peut qu'être regardé comme illégal dans la mesure où le ministre ne dispose normalement d'aucun pouvoir réglementaire en matière fiscale.

7Selon la jurisprudence, une circulaire ou une instruction est dépourvue de caractère réglementaire

- lorsqu'elle se borne à expliciter la loi sans y ajouter ;

- lorsqu'elle n'énonce que des recommandations et laisse une liberté d'appréciation aux agents des services fiscaux ;

- lorsqu'elle comporte une interprétation non contraire à la loi.

8Il convient donc d'opérer une distinction entre les décisions ne faisant pas grief, contre lesquelles un recours est irrecevable, et celles faisant grief, en raison notamment de leur caractère indûment réglementaire, qui peuvent utilement faire l'objet d'une demande d'annulation.


  I. Décisions ne faisant pas grief


9Ni la lettre par laquelle le ministre indique à un organisme syndical l'interprétation que comporte, à son avis, une disposition législative ou réglementaire, ni la note par laquelle il porte cette interprétation à la connaissance de l'administration intéressée ne présentent le caractère de décisions susceptibles d'être déférées au Conseil d'État par la voie du recours pour excès de pouvoir (CE, arrêt du 15 juillet 1954, req. n° 20319, RO, p. 125, 23 décembre 1938, X... , RO, p. 592 et 31 mai 1961, req. n° 51700, RO, p. 363).

Plus généralement, est insusceptible de recours la correspondance par laquelle une autorité administrative répond à une demande de renseignements, exprime une opinion ou donne une interprétation (CE, arrêt du 28 novembre 1964, req. n° 44067, Leb., p. 603).

Un contribuable n'est pas non plus recevable à attaquer par la voie du recours pour excès de pouvoir une circulaire par laquelle un ministre s'est borné à faire connaître aux intéressés une solution qui découle de l'application directe de la loi fiscale, cette circulaire étant par suite dépourvue de valeur réglementaire (CE, arrêt du 29 avril 1970, n° 70862, Dup. 1970, n° 13203).

De même, ont été notamment considérées comme ne faisant pas grief :

- une instruction aux termes de laquelle les coopératives agricoles et les sociétés d'intérêt collectif agricoles qui mettent à la disposition des agriculteurs des bacs de réfrigération pour le stockage du lait, doivent comprendre dans leurs bases de taxe professionnelle la valeur de ces bacs (CE, arrêt du 28 octobre 1987, req. n° 68630, RJF 12/87, n° 1240) ;

- une instruction qui précise que le taux normal de TVA est applicable aux services télématiques (CE, arrêt du 23 novembre 1987, req. n°s 74364, 74365, 74366, 74368 et 74928, RJF 1/88, n° 43) ;

- une instruction qui indique que les taxes sur les produits des exploitations forestières ne frappent pas les opérations de tranchage ou de déroulage du bois (CE, arrêt du 8 juillet 1988, req. n° 75606, RJF 10/88, n° 1159).


  II. Décisions faisant grief


10Une instruction limitant le champ d'application du taux réduit de la TVA fixé par l'article 279 du CGI doit être annulée dès lors que le ministre ne s'est pas borné à expliciter les dispositions législatives en cause mais y a ajouté des dispositions nouvelles, de caractère réglementaire, qu'aucun texte ne l'autorisait à prendre (CE, arrêt du 27 juillet1984, req. n°s 40749 et 41826, RJF 10/84, n° 1254).

De même, ajoute indûment à la loi une instruction qui dispose que les amortissements réputés différés ne sont pas reportables en cas d'exercice de l'option ouverte par l'article 239 bis AA du CGI (CE, arrêt du 19 juin 1991, req. n° 83512, RJF 8-9/91, n° 1064).

Présente un caractère réglementaire et encourt l'annulation une instruction qui, contrairement aux dispositions de l'article 261 du CGI, prévoit que seront exonérées de la TVA les prestations effectuées par les psychanalystes, non médecins, titulaires de certains diplômes de psychologie (CE, arrêt du 4 mai 1990, req. n°s 55124 et 55137, RJF 6/90, n° 674).

L'administration a ajouté aux dispositions du CGI des dispositions de caractère réglementaire, qu'aucun texte ne l'autorisait à prendre, en modifiant, par voie d'instruction, le régime de TVA applicable aux organismes de droit privé exerçant une activité de formation professionnelle continue (CE, arrêt du 8 août 1990, req. n° 68387, RJF 8-9/90, n° 1101).

Est annulée une instruction qui, allant au-delà d'une simple interprétation, assujettit les entreprises entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article 86 de la loi de finances pour 1985, à une déclaration rectificative de résultats et prescrit l'application, en l'absence de cette déclaration, des sanctions prévues en cas de mauvaise foi (CE, arrêt du 6 mai 1987, req. n° 72838, RJF 7/87, n° 816).