CHAPITRE 4 LE DÉLIT D'ESCROQUERIE EN MATIÈRE DE TVA
CHAPITRE 4
LE DÉLIT D'ESCROQUERIE EN MATIÈRE DE TVA
1Le système des paiements fractionnés de la taxe à la production -institué en 1948 et reconduit en 1954 sous le régime de la TVA- a introduit la notion de crédit d'impôt en matière de taxes sur le chiffre d'affaires. Parallèlement, le législateur avait été conduit à prévoir le remboursement du crédit de taxe afférent aux affaires exonérées faites à l'exportation ; ce remboursement pouvait d'ailleurs être remplacé, selon une pratique administrative, par un transfert au profit d'un tiers assujetti ayant de plus larges possibilités d'imputation.
2Or, il s'est avéré que, dans certains cas, le crédit d'impôt remboursé ou transféré était fictif parce qu'il ne correspondait pas à des opérations commerciales réelles. Ce nouveau genre de fraude échappait à toute sanction pénale dès l'instant où, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959, l'article 1835 (actuellement 1741) du CGI ne pouvait trouver à s'appliquer : en effet, l'assujetti au paiement de la TVA ne s'était pas soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt ; bien au contraire, renversant les rôles, il avait fait payer l'impôt par l'État.
3Il s'ensuivait que, sur le plan de la répression pénale, seules les dispositions de l'article 405 du Code pénal permettaient de suppléer à l'insuffisance du texte fiscal.
En revanche, depuis l'entrée en vigueur de la loi précitée du 28 décembre 1959, les remboursements injustifiés de TVA tombent sous le coup des sanctions pénales édictées par l'article 1741 du CGI sans préjudice, le cas échéant, de l'application de l'article 313-1 du nouveau Code pénal (ancien article 405 du Code pénal).
4Cela étant, le délit d'escroquerie peut être réalisé en matière fiscale dans des domaines autres que celui de la TVA : ainsi en était-il par exemple de l'aide fiscale à l'investissement.
SECTION 1
Le délit d'escroquerie en droit pénal
L'article 313-1 du nouveau Code pénal qui remplace l'article 405 précité dispose : « L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.
L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 2 500 000 F d'amende ».
Éléments du délit
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1L'escroquerie se caractérise par le fait de tromper une personne physique ou morale, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses afin d'obtenir à son préjudice ou à celui d'un tiers, la remise d'un bien, la fourniture d'un service ou l'accomplissement d'un acte particulier.
A. NOTION DE VICTIME
2Constatant que l'article 405 prévoit et réprime les escroqueries commises au préjudice d'autrui, la Cour de cassation a estimé que cette formule très générale s'applique aussi bien aux escroqueries commises au préjudice des particuliers qu'à celles commises au préjudice de l'État ( Cass. crim,. arrêt du 6 février 1969. Bull. crim. 1969, n° 65, p. 151 , JCP 1969, II, n° 16116 et note H. Guérin).
Cette jurisprudence est transposable sous l'empire de l'article 313-1 du nouveau Code pénal.
B. NOTION DE MANOEUVRES FRAUDULEUSES
3Tout comme l'article 405 CP, l'article 313-1 du NCP fait référence à la notion de manoeuvres frauduleuses qui constitue le principal élément constitutif du délit d'escroquerie.
Dès lors, la jurisprudence intervenue sous l'empire du texte ancien conserve toute sa valeur.
Les manoeuvres frauduleuses constituent l'un des éléments essentiels du délit d'escroquerie (Cass. crim., 20 juin 1983, X... David ; Bull. crim. n° 189, p. 474), à la différence du délit de fraude fiscale pour lequel l'article 1741 du CGI n'exige que l'intention de fraude.
Toutefois, bien que cette expression figure à l'article 313-1 du Code pénal et à l'article 1729 du CGI qui prévoit la majoration de droits de 80 %, ni le droit pénal ni le droit fiscal n'en donnent une définition.
Aussi peut-on dire tout au plus qu'en l'état de la jurisprudence, les manoeuvres frauduleuses supposent une machination, une ruse ou une combinaison d'actes extérieurs destinés à créer une apparence trompeuse d'où l'exclusion du simple mensonge, même réalisé par écrit.
À l'allégation mensongère doit se joindre, pour constituer la manoeuvre frauduleuse, un fait extérieur, un acte matériel destiné à lui donner force et crédit.
De sorte qu'en définitive la manoeuvre frauduleuse sera constituée par tout stratagème destiné à tromper les tiers.
4Il en sera notamment ainsi :
a. De l'abus d'une qualité vraie qui, donnant une apparence de sincérité à des allégations mensongères, suscite la confiance de la victime ;
b. De la production de documents écrits, vrais ou faux, venant au soutien du mensonge pour le confirmer, remarque étant faite que la qualification de faux (art. 441-1 NCP) pourra également être retenue et poursuivie distinctement dès lors que l'on se trouvera en présence de deux infractions distinctes en concours réel ;
c. D'une mise en scène donnant l'apparence de la sincérité aux allégations mensongères ;
d. De l'intervention d'un tiers, vrai ou imaginaire, de bonne ou de mauvaise foi, étant observé que le tiers de mauvaise foi devient complice au sens de l'article 60 du Code pénal.
Les manoeuvres frauduleuses doivent être déterminantes de la remise d'un bien, de la fourniture d'un service ou du consentement à un acte opérant obligations ou décharge de sorte que l'on doit pouvoir établir une relation de cause à effet entre les premières et les secondes et, par suite, l'antériorité des manoeuvres par rapport à la remise, la fourniture du service ou le consentement.
5Si l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, dès lors qu'il a permis la remise d'une chose appartenant à autrui, suffit à constituer le délit d'escroquerie, il n'en est pas de même de l'emploi des manoeuvres frauduleuses. Celles-ci doivent avoir, en outre, pour objet, notamment, de « persuader l'existence de fausses entreprises », c'est-à-dire d'entreprises qui n'existent pas ou qui, partiellement vraies, présentent dans d'autres parties des circonstances entièrement fausses. Tel est le cas d'une société de façade dont l'existence juridique ne peut être contestée mais qui se prévaut faussement de la qualité d'exportateur.
L'objet des manoeuvres peut aussi être de « persuader l'existence d'un crédit imaginaire », c'est-à-dire de faire croire à la victime, afin de capter sa confiance, que l'on dispose d'une fortune et d'une solvabilité que l'on n'a pas.
Par extension, c'est également vouloir faire croire à l'administration fiscale que l'on dispose d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ou d'un droit à remboursement qui n'a pas d'existence légale.