Date de début de publication du BOI : 14/06/1996
Identifiant juridique : 13N4214
Références du document :  13N4214

SOUS-SECTION 4 DATE DU DÉLIT PRESCRIPTION DE L'ACTION


SOUS-SECTION 4

Date du délit
Prescription de l'action



  A. DATE DU DÉLIT


1La date à laquelle l'infraction se réalise ne doit pas être confondue avec celle où sont accomplis les actes l'ayant facilitée ou permise.

Il est en effet de jurisprudence constante qu'en cas de dissimulation, l'infraction est consommée au moment du dépôt de la déclaration mensongère souscrite par le contribuable sans qu'il y ait lieu de faire état de la date à laquelle ont été effectuées les falsifications de pièces comptables ou les manoeuvres tendant à justifier l'exactitude de cette déclaration (Cass. crim., 3 novembre 1976, X... Lucien ; Bull. crim. n° 309, p. 791).

Ainsi, en matière de droits d'enregistrement, et dans le cas d'une vente dissimulant en réalité une donation, le délit est commis lors de la présentation de l'acte à la formalité de l'enregistrement et non à la date d'établissement de l'acte authentique (Cass. crim., 19 mars 1979, X... Henri et Georges ; Bull. crim. n° 110, p. 312).

2S'il s'agit d'une fraude par omission volontaire de déclarations, le délit doit être considéré comme étant commis à la date d'expiration du délai légal fixé pour le dépôt de la déclaration (Cass. crim., 13 décembre 1982, X... André ; Bull. crim. n° 284, p. 763 et Cass. crim., 20 février 1989, de X... Alain).

Ainsi, le délit relatif à la déclaration de taxes sur le chiffre d'affaires du mois de décembre d'une année est-il commis l'année suivante (Cass. crim., 11 avril 1988, X... Hervé).

Lorsque le contribuable relève en matière de TVA du régime réel simplifié, le délai de prescription est déterminé à partir de l'année au cours de laquelle la déclaration annuelle récapitulative aurait dû être souscrite et non de celle au cours de laquelle les déclarations abrégées devaient être déposées (Cass. Crim., 2 juin 1993, X... Hubert).

3En définitive, la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêts des 15 mars et 13 décembre 1982, Bull. crim. n° 284, p. 763) conduit à considérer que le point de départ de la prescription est déterminé par l'alternative suivante :

- ou bien une déclaration a été souscrite et la prescription commence à courir de la date effective du dépôt, mais seulement si celui-ci a été effectué légalement, c'est-à-dire à l'intérieur du délai imparti ;

- ou bien il y a défaut de déclaration dans les délais et le point de départ de la prescription est uniformément la date d'expiration du délai légal prévu à cet effet qu'il s'agisse d'un défaut total de déclaration ou d'une déclaration minorée déposée hors délai.


  B. PRESCRIPTION DE L'ACTION


4Alors que, selon les dispositions de l'article 8 du Code de procédure pénale, les délits de droit commun se prescrivent par trois ans, l'article L. 230 du LPF édicte une prescription spéciale en matière de délits fiscaux, en disposant dans son premier alinéa que « les plaintes peuvent être déposées jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise ».

5Par ailleurs, le dernier alinéa de cet article prévoit que la prescription de l'action publique est suspendue pendant une durée maximum de six mois entre la date de saisine de la Commission des infractions fiscales et la date à laquelle elle rend son avis.

Ainsi, le législateur a voulu neutraliser la période pendant laquelle la Commission procède à l'examen de l'affaire. S'agissant d'une suspension de la prescription -et non d'une interruption-, le délai de prescription recommence à s'écouler dès que cet organisme a rendu son avis, pour un temps égal à celui qui restait à courir à la date de sa saisine 1 .

Bien entendu, s'il advenait que la procédure suivie devant la Commission demande plus de six mois pour être menée à son terme, le délai résiduel de prescription ainsi reporté se trouverait amputé de la durée du dépassement (Cass. crim., 4 juin 1984, X... Jean-Claude ; Bull. crim. n° 202, p. 532). Selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, le délai de suspension est calculé en excluant le jour de saisine de la Commission et en incluant le jour de son avis.

Ainsi, par exemple, dans une affaire transmise à la Commission le 20 décembre, le délai restant à courir pour mettre l'action publique en mouvement avant intervention de la prescription est de onze jours.

Si la Commission rend un avis favorable à l'engagement de la procédure le 10 mars, la plainte pourra être déposée et la prescription, interrompue par un acte de poursuites, jusqu'au 21 mars inclus. Cependant, un jugement du Tribunal de grande instance de Paris (X... épouse Y... , 5 mai

1987 - Gaz - Pal. 30 juin 1987, jurisp. p. 379) a considéré que le délai de suspension doit être décompté en incluant le jour de la saisine de la Commission et celui où elle a rendu son avis, ce qui dans l'exemple susvisé a pour effet de reporter la date de la prescription au 22 mars inclus.

6Même si la plainte de l'administration est la condition préalable et nécessaire de la mise en mouvement de l'action publique, son dépôt n'est pas en lui-même de nature à interrompre la prescription dès lors qu'elle ne constitue pas un acte de poursuite ou d'instruction au sens de l'article 7 du Code de procédure pénale (Cass. crim., 17 mai 1989, X... Michel ; Bull. crim. n° 204, p. 521 et Cass. crim., 4 novembre 1991, X... Francarlo et Société Chantier naval Saint-Jean. Dans le même sens, Cass. Crim., 7 avril 1992, X... Bernard ; Bull. Crim. n° 146, p. 383).

7En effet, le Procureur de la République est seul compétent pour mettre en oeuvre l'action publique et interrompre par là-même la prescription (Cass. crim., 16 février 1987, X... Jean), généralement par un réquisitoire à fin d'informer, ou réquisitoire introductif (Cass. Crim., 1er mars 1993, X... Jean).

À cet égard, la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que cette interruption pouvait être effectuée avant que l'administration se soit constituée partie civile (Cass. crim., 3 novembre 1976, X... ).

8Si toutefois, avant l'ouverture de l'information, le Procureur estimait devoir ordonner une enquête préliminaire, la prescription serait valablement interrompue par les procès-verbaux établis par les officiers de police judiciaire (Cass. crim., 19 octobre 1976, X... Paul ; Bull. Crim. n° 295, p. 760) ou par les instructions données par le Procureur de la République à la police judiciaire aux fins d'enquête sur les faits dénoncés par le Directeur des Services fiscaux (Cass. Crim., 22 janvier 1990, X... David ; Bull. crim. n° 39, p. 105 et Cass. crim., 10 juin 1991, X... Giuseppe).

9Il est à noter qu'à partir du premier acte interruptif, une nouvelle prescription commence à courir selon les règles du droit commun. En conséquence, l'affaire pour laquelle l'action publique a été normalement mise en mouvement dans le délai prévu par l'article L. 230 du Livre des procédures fiscales peut ensuite se trouver atteinte par la prescription si aucun acte d'instruction ou de poursuite n'intervient au cours d'une période continue de trois années.

Toutefois, la jurisprudence a admis que la prescription est suspendue tant qu'un obstacle de droit met la partie civile dans l'impossibilité d'agir. Il en est ainsi, alors même qu'aucun acte d'instruction n'a été accompli pendant plus de trois ans par les divers magistrats instructeurs successivement chargés d'une information, dès lors que l'administration des Impôts, partie civile constituée, ne dispose d'aucun moyen pour obliger les juges d'instruction successifs à accomplir un acte interruptif de la prescription de l'action publique (Cass. crim., 24 février 1986, X... Roger ; Bull. crim. n° 71, p. 174). Pour le surplus, les règles de droit commun relatives à la prescription en matière pénale sont applicables au délit de fraude fiscale.

Il est enfin précisé que la prescription est d'ordre public. Ce moyen peut dès lors être soulevé à tout moment, y compris pour la première fois devant la, Cour de cassation dans la mesure où les magistrats trouvent dans les constatations des juges du fond les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur (Cass. crim., 6 février 1989, X... Serge).


  C. AUTRES CAUSES D'EXTINCTION DE L'ACTION PUBLIQUE


10L'article 6 du Code de procédure pénale retient notamment, outre la prescription, le décès du prévenu et l'amnistie comme causes d'extinction de l'action publique.

11Comme en droit commun, le principe de la personnalité des peines s'oppose à l'engagement de poursuites pénales contre un contribuable décédé ou même à l'encontre de ses héritiers.

Par ailleurs, le décès du prévenu met fin à l'action publique si le procès pénal avait été engagé antérieurement et le juge ne peut que constater qu'il n'y a pas lieu à statuer.

Enfin, si le contribuable décède après qu'une condamnation définitive a été prononcée, cette circonstance arrête l'exécution des peines privatives ou restrictives de liberté ou de droits.

Il en va différemment, en revanche, en ce qui concerne les peines pécuniaires : les amendes, de même que les condamnations aux dépens, deviennent des charges de la succession.

12L'amnistie est l'acte émanant du pouvoir législatif (article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958) qui efface le caractère punissable d'un fait, arrête les poursuites et anéantit les condamnations.

On distingue :

- l'amnistie réelle ou de droit accordée en raison de la nature de l'infraction ou du quantum de la peine ;

- l'amnistie personnelle ou par mesure individuelle accordée en considération de la qualité, du mérite ou de l'âge du délinquant.

13Avant condamnation, l'amnistie éteint l'action publique à l'égard des infractions définies dans la loi. De ce fait, elle interdit l'engagement de poursuites pénales, le fait n'étant plus susceptible de recevoir une qualification pénale. Elle arrête également les poursuites en cours et le juge pénal, s'il est déjà saisi, doit constater l'amnistie.

Elle interdit enfin de renouveler, sous une qualification différente de celle initialement retenue, la poursuite d'une infraction amnistiée.

14Après condamnation, l'amnistie efface la condamnation prononcée et éteint la peine en cours d'exécution, qu'il s'agisse d'une peine principale, accessoire ou complémentaire, sauf pour les peines qualifiées de mesures de sécurité publique et de police par la Cour de cassation.

Conformément aux dispositions des articles 769 al. 2 et 773-1 al. 2 du Code de procédure pénale, les condamnations effacées par une amnistie sont retirées du casier judiciaire et du sommier de police technique tenu par le ministère de l'Intérieur.

Par ailleurs, elles ne font plus obstacle à l'octroi d'un sursis ultérieur, ne comptent plus pour la récidive et ne peuvent plus être l'objet d'une confusion avec une autre peine.

 

1   Cependant, en raison du caractère dérogatoire de la suspension du cours de la prescription, le bénéfice de cette disposition ne devra être invoqué qu'en tant que de besoin, et il sera de bonne administration de déposer plainte dans les meilleurs délais après avis de la Commission des infractions fiscales.