Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2233
Références du document :  12C2233

SOUS-SECTION 3 LA VENTE GLOBALE DU FONDS DE COMMERCE

  B. LA VENTE GLOBALE DU FONDS DE COMMERCE EN VERTU DE L'ARTICLE L 268 DU LPF

  I. Généralités

73.Les comptables publics ont la faculté d'opter en faveur d'une autre procédure, dérogatoire au droit commun, qui est prévue à l'article L 268 du Livre des procédures fiscales.

Cet article est ainsi libellé : « Lorsqu'il envisage de faire procéder à la vente d'un fonds de commerce, le comptable public compétent peut, par dérogation à l'article 15 de la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement du fonds de commerce, faire ordonner par le président du tribunal de grande instance que cette vente soit effectuée dans les formes prévues pour les ventes de biens appartenant à des mineurs. Le président exerce, à cet égard, toutes les attributions confiées au tribunal par les articles 1272 et suivants du nouveau code de procédure civile ».

  II. Conditions d'exercice

74.Les conditions préalables à l'application de ce texte sont les mêmes que celles qui sont exigées en cas de vente globale poursuivie sur conversion de saisie-vente.

  III. Engagement de la procédure

1. Demande au président du tribunal de grande instance.

a. Compétence.

75.La demande doit être portée devant le président du tribunal dans le ressort duquel le fonds de commerce est exploité.

b. Moment auquel doit être présentée la demande.

76.L'article L 268 du LPF ne prévoyant aucun délai, la mise en mouvement de l'action dépend seulement de l'appréciation de l'opportunité qui en est faite par le service (Cour de CAEN, 22 octobre 1965, Bull. des cont. dir. et de la TVA, Dupont 1965, p. 527). Le comptable peut donc présenter sa demande dès que la saisie-vente du matériel et du mobilier dépendant du fonds a été effectuée. En effet, l'application de cette procédure suppose encore l'existence d'une saisie-vente préalable (cf. supra n°s 4 et s. ).

Le comptable des impôts peut poursuivre la vente globale d'un fonds de commerce à l'effet d'obtenir le paiement de créances de toute nature, et ce, même si celles-ci sont sans rapport avec l'exploitation du fonds (Cass. com. 27 juin 1966, Mémorial des percepteurs 1966 p. 127).

77.En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le président du tribunal peut être saisi par le comptable alors même que le redevable aurait formé devant le tribunal de commerce, à une date antérieure, une demande tendant à la vente globale en vertu de l'article 15 de la loi du 17 mars 1909 (Cass. civ. Sect. Com. 11 juin 1956, Bull. civ. III, n° 172 p. 144).

Il en est ainsi également lorsque la demande de vente en bloc est introduite devant la juridiction consulaire par des créanciers nantis (Cass. civ. 9 décembre 1966, Bull. civ. II n° 961 p. 671).

c. Dessaisissement du tribunal de commerce.

78.L'action engagée par le comptable, dans les formes de l'article L 268 du Livre des procédures fiscales, entraîne le dessaisissement du tribunal de commerce au profit du président du tribunal civil même si la juridiction commerciale a déjà été saisie par le redevable d'une demande tendant également à la vente de l'ensemble du fonds conformément à l'article 15 de la loi du 17 mars 1909 (Cass. 11 juin 1956 précité et 16 octobre 1957, Bull. civ. II n° 623 p. 402).

Remarque :

79.Lorsque le receveur entreprend d'assigner un débiteur en vente globale, il apparaît préférable de requérir l'adjudication en vertu de l'article L 268 du LPF.

80.En revanche, lorsque l'initiative de la vente relève du débiteur ou d'un créancier, il n'y a pas lieu de rechercher systématiquement le dessaisissement de la juridiction consulaire en poursuivant la vente devant le président du tribunal de grande instance.

81.Cela étant, si l'assignation devant le tribunal de commerce paraît dilatoire ou si elle est portée devant une juridiction consulaire qui a pris pour règle d'impartir au créancier un délai pour aboutir à la vente il y aura lieu de porter l'instance devant le président du tribunal de grande instance. Le dessaisissement de la juridiction consulaire est demandé par la voie de conclusions qui sont produites auprès de ce tribunal et auxquelles est jointe la preuve de la saisine du président.

2. Procédure devant le président du tribunal.

82.La demande formée devant le président du tribunal en vertu de l'article L 268 du LPF implique un débat contradictoire entre les parties (Cass. civ., sect. Com. 23 novembre 1955, Bull. civ. III n° 336 p. 285).

En conséquence, le président du tribunal ne peut être saisi par voie de requête et il y a lieu de procéder par voie d'assignation avec constitution d'avocat.

Mais, il convient de noter, qu'en cas d'urgence, il serait possible d'assigner le redevable à jour fixe, en utilisant la procédure prévue à l'article 788 du nouveau code de procédure civile.

83.A peine de nullité, l'assignation doit contenir les mentions prescrites par les articles 56 et 752 du nouveau code de procédure civile.

Ainsi, outre la désignation du président du tribunal compétent, la mention de l'objet de la demande et l'exposé des moyens, l'acte en cause doit rappeler la saisie pratiquée, et préciser que l'administration demande l'application de la procédure prévue par l'article L 268 du LPF.

Il doit également indiquer au redevable le délai de quinze jours dans lequel il est tenu de constituer avocat, et l'informer que, faute de constitution dans ce délai, une ordonnance pourra néanmoins être prise contre lui.

84.Le président du tribunal est saisi par la remise au secrétariat-greffe d'une copie de l'assignation.

3. Pouvoirs du président du tribunal.

85.Substitué au tribunal de commerce et disposant des mêmes prérogatives que celui-ci, le président est par suite compétent pour connaître de toutes les contestations que cette juridiction aurait été habilitée à trancher s'il s'agissait d'un autre créancier que le Trésor.

Et en particulier, ce magistrat peut statuer sur une difficulté relative à la propriété du fonds dont la vente est envisagée, et dont le redevable soutient qu'il n'en est pas propriétaire (Cass. com. 11 octobre 1967, Bull. civ. III n° 318 p. 303).

86.Par ailleurs, exerçant une juridiction pleine et entière, le président peut connaître des critiques du redevable visant la régularité des poursuites précédant la demande de vente en bloc. En effet, étant attrait par l'administration devant le magistrat, le débiteur est soumis en ce qui concerne ses moyens de défense aux règles de droit commun et ne peut se voir reprocher de ne pas avoir respecté les formalités prescrites en matière d'opposition à poursuites par les articles L 281 et R *281-1 du LPF (Voir Cass. com. 16 février 1967, Bull. civ. III n° 77 p. 73).

87.En revanche, lorsque la contestation ne relève pas de sa compétence, le président du tribunal doit surseoir à statuer jusqu'à ce que les parties aient fait trancher la difficulté par le juge normalement compétent pour en débattre.

88.Cependant, il peut refuser de surseoir à statuer lorsqu'un redevable prétend soulever une contestation sur la créance fiscale mais ne justifie même pas avoir saisi la juridiction compétente au fond (Cour de RENNES 8 février 1967, RJCI 1967 3 ème partie section I 1967-II p. 15).

Il en serait différemment si le redevable avait régulièrement contesté l'exigibilité des impositions et formé une demande de sursis de paiement (Cour de LYON 4 décembre 1963, RJCI 1963 n° 12, p. 131).

4. Décision du président du tribunal.

89.Les attributions de ce magistrat sont déterminées par les articles 1272 et suivants du nouveau code de procédure civile relatifs à la vente des immeubles et fonds de commerce appartenant à des mineurs en tutelle ou à des majeurs en tutelle.

90.Le président rend une ordonnance. Il peut, à son choix, dire que les enchères seront reçues par un notaire qu'il commet ou par un juge à l'audience des criées.

91.Il fixe la mise à prix sur laquelle les enchères seront ouvertes, et peut même, si la valeur et la consistance des biens le justifient, faire procéder à leur estimation totale ou partielle.

Il a seul qualité pour dire qu'à défaut d'enchères atteignant la mise à prix qu'il a fixée, la vente sera continuée avec une mise à prix minorée dont il détermine le montant (art. 1273 du NCPC).

92.En revanche, le président ne peut décider que la vente en bloc portera sur des éléments du fonds inexistants. Ainsi quand aucun droit locatif ne figure parmi ces éléments, le commerçant étant propriétaire des locaux où le fonds est exploité, il n'est pas possible de prévoir que ce débiteur, qui n'est pas titulaire contre lui-même d'un droit de bail, sera tenu d'en consentir un à l'adjudicataire (Cour de LYON 12 mars 1959, Gaz. Pal. 1959.2.15).

93.Par ailleurs, les tribunaux judiciaires ne peuvent accorder aux redevables des délais de grâce pour le paiement de leurs dettes fiscales, sans violer le principe de la séparation des fonctions administrative et judiciaire édicté par l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, puis rappelé par le décret du 16 fructidor an III, qui s'oppose à ce que les magistrats de l'ordre judiciaire interviennent dans les questions relatives à la perception de l'impôt (Cass. civ., 15 mars et 17 octobre 1922, DP 1922-1-176).

Une jurisprudence constante confirme le principe sus-énoncé (Cass. com. 27 novembre 1978, Bull. civ. IV n° 280 p. 232 ; VERSAILLES, 17 septembre 1987, Mémorial des percepteurs 1988, p. 203).

En revanche, la Cour de cassation a jugé que si l'article L 268 du Livre des procédures fiscales n'accorde pas expressément au juge saisi par l'administration d'une demande de vente forcée d'un fonds de commerce, la faculté de fixer un délai pour la réalisation de cette vente, le silence de la loi sur ce point n'a pas pour effet de priver le juge de cette faculté, dont il peut user dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice (Cass. com. 4 novembre 1976, Bull. civ. IV n° 277 p. 233).

  IV. Voies de recours

94.L'ordonnance du président du tribunal prescrivant la vente en bloc n'est susceptible que de l'appel.

Sous réserve de l'appréciation des tribunaux, le délai pour former appel est le délai de droit commun d'un mois à compter de la signification de la décision.

Par ailleurs, il a été jugé que reste applicable la disposition de l'article 15 de la loi du 17 mars 1909 qui décide que le jugement ordonnant la vente n'est pas susceptible d'opposition (Trib VALENCE 16 juillet 1956, JCP 1957.II.9841).

  V. Réalisation de la vente globale autorisée par l'ordonnance du président du tribunal de grande instance

95.Lorsque la vente a lieu à l'audience des criées, la rédaction du cahier des charges, qui détermine les clauses et conditions de la vente, relève de l'avocat requérant, qui le dépose au secrétariat-greffe du tribunal.

Si c'est un notaire qui est commis, l'officier ministériel le rédige sous la forme d'un acte authentique déposé au rang de ses minutes (art. 1275 du NCPC).

96.En l'absence de précisions apportées par l'article L 268 du Livre des procédures fiscales et des articles 1272 et suivants du nouveau code de procédure civile, il apparaît préférable de respecter les formalités prescrites à l'article 17, 1 er alinéa de la loi du 17 mars 1909 concernant les sommations faites au propriétaire du fonds et aux créanciers inscrits antérieurement (cf. supra n°s 52 et s. ).

97.Alors que dans le cadre de la procédure prévue par la loi du 17 mars 1909, aucune surenchère n'est admise (art. 5 et 17 de la loi), la procédure instituée par l'article L 268 permet aux créanciers de faire surenchère du dixième.

A peine de forclusion, elle doit intervenir dans le délai de dix jours qui suit l'adjudication définitive. Elle a lieu dans les formes prévues aux articles 708 et 710 du Code de procédure civile en matière de saisie immobilière (art. 1279 du NCPC).

98.La nouvelle adjudication a lieu soit à la barre du tribunal, si c'était précédemment le cas, soit devant le même notaire que celui qui avait procédé à l'adjudication frappée de surenchère, selon le cahier des charges précédemment dressé.

Lorsqu'une seconde adjudication a eu lieu sur surenchère, aucune surenchère n'est possible (art. 1279 dernier alinéa du NCPC).

Si aucune enchère supérieure au montant de la surenchère n'est effectuée, le surenchisseur sera déclaré adjudicataire pour ce montant.

99.Enfin, la vente forcée réalisée dans les conditions prévues à l'article L 268 n'entraîne pas purge des créances inscrites et impose à l'acquéreur d'accomplir les formalités prévues à l'article 22, 2ème alinéa de la loi du 17 mars 1909.

  C. VENTE SIMULTANEE DU FONDS DE COMMERCE ET DES MURS

100.Il existe des situations où le fonds de commerce ne saurait être dissocié ni mis en adjudication séparément de l'immeuble qui l'abrite.

En effet, en l'absence de droit au bail, l'acquisition du fonds de commerce ne présente d'intérêt que pour l'adjudicataire de l'immeuble.

Le caractère simultané de la vente du fonds et des murs doit donc être recherché. Toutefois, la vente de deux biens ne peut en principe intervenir par une seule et même procédure.

101. S'agissant de l'immeuble : la saisie immobilière s'engage, conformément aux articles 2204 à 2217 du Code civil et 673 à 749 du Code de procédure civile, devant le tribunal de grande instance à l'audience des criées.

S'agissant du meuble (fonds de commerce) : le receveur a le choix entre la procédure de droit commun prévue à l'article 15 de la loi du 17 mars 1909 devant le tribunal de commerce et celle instituée par l'article L 268 du Livre des procédures fiscales devant le président du tribunal de grande instance.

102.C'est pourquoi, pour parvenir à la vente simultanée du fonds et des murs, il convient de demander à la juridiction saisie de la vente globale du fonds que celle-ci soit effectuée à la barre du tribunal de grande instance.

Dans le cadre de la procédure relevant de la loi du 17 mars 1909, bien que le texte prévoit que la vente aux enchères est effectuée par l'intermédiaire d'un officier public (art. 15 cf. supra n° 38 ), la Cour de cassation a jugé qu'un tribunal de grande instance avait pu décider la vente, à sa barre, d'un fonds de commerce (Cass. civ. 19 janvier 1962, Gaz. Pal. 1962.1.252).

Cela étant, dans le cadre de la procédure de vente des biens des mineurs à laquelle renvoie l'article L 268 du Livre des procédures fiscales, le président du tribunal de grande instance a le choix de faire procéder à la vente par un notaire ou à l'audience des criées.

Dans ces conditions, même si le recours à la procédure de la loi du 17 mars 1909 est possible, il apparaît plus pratique, et moins sujet à discussion, de se placer dans le cadre de l'article L 268 en sollicitant du président du tribunal de grande instance qu'il renonce au choix du notaire en prononçant l'adjudication du fonds à la barre du tribunal en même temps que la vente de l'immeuble.

103.Enfin, dans le cadre d'une telle procédure, il a été jugé que le premier juge saisi dans le cadre de l'article L 268 n'a pas à autoriser la vente unique de l'immeuble ni à refuser de vendre le fonds, s'il juge suffisante la saisie immobilière pour satisfaire la créance du receveur, mais seulement à se prononcer sur la demande dont il est effectivement saisi tendant à la vente globale du fonds de commerce et sur son bien-fondé (Cour d'appel de REIMS, 28 février 1996, arrêt n° 200).