Date de début de publication du BOI : 10/09/1996
Identifiant juridique : 7A231
Références du document :  7A23
7A231
Annotations :  Lié au BOI 7A-7-97

CHAPITRE 3 CAS PARTICULIERS

CHAPITRE 3

CAS PARTICULIERS

SECTION 1

Conventions simulées et propriété apparente

1  Les droits d'enregistrement sont acquis au Trésor tels qu'ils résultent des stipulations des actes, sans pouvoir être subordonnés à des faits extérieurs ou à des dispositions étrangères au contrat, et sans égard aux circonstances extérieures qui peuvent les modifier.

Ce principe a été confirmé par une jurisprudence constante, dont notamment :

1. Dans une espèce où un groupement forestier avait acquis un bien immobilier désigné dans l'acte authentique comme une forêt.

Alors que le service, à l'occasion d'un redressement portant sur l'insuffisance du prix déclaré, prenait en compte la valeur de l'immeuble en fonction de l'objet de la mutation constitué par le sol et les arbres plantés, le redevable soutenait que seul le sol avait été vendu. À l'appui de ses prétentions, le groupement indiquait que les produits forestiers avaient été cédés antérieurement à une tierce personne par acte sous seing privé et arguait de l'existence d'une clause de l'acte authentique relative aux traités qui avaient été conclus avec des tiers.

La Haute Juridiction a estimé qu'a légalement justifié sa décision le tribunal qui a retenu :

- que le mot « forêt » implique l'existence d'un terrain planté d'arbres ;

- qu'aucune restriction n'a été faite dans l'acte authentique sur la nature et l'importance de la cession ;

- et que la clause obligeant l'acquéreur à faire son affaire personnelle de l'exécution ou de la résiliation de tous traités qui ont pu être contractés relativement à l'immeuble vendu n'est pas suffisamment explicite pour être appliquée à l'acte sous seing privé invoqué (Cass. com., arrêt du 5 janvier 1988, groupement forestier de Feverelle : Bull. IV n° 2, p. 1).

2. Dans une espèce où une contribuable contestait les droits complémentaires et supplémentaires mis à sa charge pour non-respect de l'engagement visé à l'article 1115 du CGI en faisant valoir qu'elle avait pris par erreur dans l'acte d'acquisition cet engagement ainsi que la qualité de marchand de biens. Elle demandait à ce qu'il soit procédé, sur ce point, à une interprétation de l'acte par référence à la promesse de vente.

La Cour, en précisant que la portée des stipulations des actes doit être appréciée sans avoir à rechercher l'intention des parties, a décidé qu'était justifié le jugement qui a constaté que la contribuable, après avoir, dans l'acte présenté à la formalité, pris la qualité de marchand de biens et sollicité le régime de l'article 1115 précité n'avait pas respecté l'engagement souscrit, (Cass. com., arrêt du 12 janvier 1988, Mme X...  : Bull. IV, n° 21, p. 14).

3. Cf. également : Cass. com., arrêt du 4 mai 1973, SCI, résidence de la Marne : Bull. IV, n° 163, p. 142 : RJ III, p. 75.

2Mais l'administration n'est pas liée par les termes du contrat.

Elle peut tout d'abord, si l'acte est obscur et incomplet et sous le contrôle de l'autorité judiciaire, en fixer le sens, en préciser les effets juridiques et déterminer la portée des dispositions qu'il contient en vue d'établir la perception.

Elle a également le droit de rechercher, au-delà des dispositions apparentes, quel est le véritable contenu de la convention.

En effet, selon la jurisprudence, l'administration est un tiers vis-à-vis des redevables : or si l'acte secret n'est pas opposable aux tiers, ceux-ci sont fondés à établir la simulation et ont le droit de choisir entre l'acte ostensible et la convention secrète (code civil, art 1321).

3Ces principes entraînent les conséquences suivantes :

  A. CONVENTIONS SIMULÉES

4Si les stipulations de l'acte ne correspondent pas aux conventions réellement conclues, l'administration a le droit de restituer à l'acte son véritable objet : c'est ainsi qu'elle peut établir qu'une vente dissimule une donation ou inversement ; qu'un contrat de gérance d'un fonds de commerce déguise la vente de ce dernier, etc. Ce n'est d'ailleurs là qu'une simple faculté pour l'administration, qui peut, si le Trésor y a intérêt, ne considérer que l'acte apparent.

5Le droit de rectification de l'administration, consacré primitivement par l'article 44 de la loi du 13 juillet 1925, a été confirmé par l'article 41-1 de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 modifié (LPF, art. L. 64). Lorsqu'elle estime que la portée véritable d'un contrat ou d'une convention a été dissimulée à l'aide de clauses qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés, l'administration est fondée à leur restituer leur véritable caractère.

Le rétablissement de la véritable portée des actes en cause et les rehaussements d'imposition qui en résultent sont notifiés dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit. Il s'agit de la procédure de redressement contradictoire comportant toutefois certaines spécificités quant aux garanties du contribuable, à sa mise en oeuvre, son déroulement et l'application des pénalités.

Le champ d'application et les spécificités de la procédure de répression des abus de droit font l'objet de commentaires détaillés dans la DB 13 L 153.

6Ce droit de rectification reconnu à l'administration n'interdit pas aux parties de rechercher, entre plusieurs procédés juridiques aboutissant au même résultat, celui qui s'avère fiscalement le moins onéreux, sous réserve que ce procédé soit réellement employé et non simulé.

Foi due à un acte authentique. Inscription de faux.

7La mention d'un acte authentique de vente d'immeuble indiquant que le prix a été payé « comptant, directement et hors la comptabilité du notaire », ne fait pas foi du paiement jusqu'à inscription de faux et supporte la preuve contraire.

En conséquence, c'est à bon droit et sans renverser la charge de la preuve qu'un tribunal a considéré, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, qu'il résultait d'un ensemble de présomptions réunies par l'administration et, notamment, de l'aveu extrajudiciaire du prétendu acquéreur, que le vendeur n'avait pas perçu le prix porté à l'acte (Cass. com., arrêt du 8 décembre 1975, affaire X... Henri ; RJ, III, p. 217).

  B. PROPRIÉTÉ APPARENTE

  I. Principe

8  L'administration est fondée à tenir pour propriétaire véritable d'un bien celui qui apparaît comme tel aux yeux des tiers, en vertu de clauses formelles de titres, de la loi ou de ses agissements.

Il en résulte que toute modification ultérieure de cette situation opère une mutation taxable, même s'il est établi que ce changement ne correspond pas, au regard des parties, à une véritable transmission.

  II. Applications

1. Prête-nom.

9Toute mutation s'opère, à l'égard de l'administration, au profit de l'acquéreur désigné dans l'acte ostensible qui la constate, quelles que soient les conventions secrètes des parties.

Si, ultérieurement, il est constaté, soit par acte civil, soit par jugement, que cet acquéreur n'était que le « prête-nom » d'un tiers demeuré dans l'ombre, cette constatation n'efface nullement en droit fiscal, comme d'ailleurs en droit civil, les effets de la mutation originaire, et de plus elle est considérée comme réalisant au profit de l'acheteur réel une seconde mutation passible d'un nouveau droit.

Doit être considéré comme acquéreur et non comme simple mandataire, le tiers qui s'est personnellement immiscé dans la vente d'un immeuble, agissant comme propriétaire intermédiaire, acquéreur direct du vendeur et vendeur pour son propre compte, et qui a réalisé, à l'occasion de cette opération, un bénéfice dont l'importance est exclusive de la rémunération normale qu'il aurait en qualité de simple intermédiaire.

Au contraire, lorsque l'acquéreur a déclaré dans l'acte d'acquisition acheter pour le compte d'un tiers dont il s'est porté fort (c'est-à-dire dont il a garanti l'acceptation), l'administration admet que la ratification du véritable acquéreur rétroagit à la date du contrat primitif et n'entraîne pas un déplacement de la propriété apparente donnant ouverture à un nouveau droit.

10La ratification pure et simple, par une société commerciale, postérieurement à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés : tant des actes translatifs de propriété ou de jouissance passés en son nom au cours de sa formation que de ceux qui ont été conclus par un mandataire des associés entre la date de la constitution définitive et celle de l'immatriculation de cette société, bien qu'elle entraîne légalement la substitution rétroactive de la personne morale à ceux qui ont contracté pour elle, ne donne ouverture à aucun droit ou taxe de mutation (loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, art. 5, décret n° 67-236 du 23 mars 1967, art. 26, 67 et 74). Il en va de même lorsqu'un groupement d'intérêt économique ratifie purement et simplement, après son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, des actes passés en son nom avant cette date.

2. Partage.

11De même, le bénéfice du droit de partage, dont le taux est inférieur, en règle générale, aux droits de mutation, n'est acquis aux partages que dans la mesure où, étant conformes aux droits des parties, ils n'entraînent pas déplacement de la propriété apparente : si un bien acheté indivisément par plusieurs personnès, sans expression de parts, est, dans un acte ultérieur, partagé entre elles dans des proportions inégales, il s'opère au profit des copartageants lotis au-delà de leur part virile une mutation imposable pour ce qui excède cette part. Les soultes résultant des partages de succession, de communauté ou d'indivision conjugale (en application de l'article 1542 du code civil) sont toutefois exonérées (CGI, art. 748 ; cf. DB 7 F 132).

12En application de ces principes, la première chambre civile de la Cour de cassation a annulé, sur le pourvoi formé par l'administration, un jugement rendu le 17 octobre 1975 par le tribunal de grande instance de Saintes. En l'espèce :

- les époux, en adoptant par leur contrat de mariage le régime de la séparation de biens avec société d'acquêts, avaient stipulé cependant que, si le futur époux venait à acquérir une pharmacie, celle-ci devrait en tout état de cause être considérée comme un bien qui lui serait propre, quelle que fût l'origine des biens ayant servi à l'acquérir ;

- le mari ayant acquis une pharmacie et la séparation de corps ayant été ultérieurement prononcée, il fut convenu entre les époux que le mari renonçait au bénéfice de la stipulation de propres précitée et l'officine fut, dans le partage de la société d'acquêts, attribuée à la femme.

La stipulation de propres avait eu pour effet de rendre le mari propriétaire de l'officine dès son acquisition ; cette officine n'est tombée à aucun moment dans la communauté et s'est trouvée définitivement exclue du partage ; dès lors, la prétendue renonciation du mari ne pouvait s'analyser que comme une mutation et non comme une opération de partage.

Le tribunal - en décidant que seuls les droits d'enregistrement afférents aux opérations de partage pouvaient être perçus sur la valeur de la pharmacie, aux motifs que, par l'effet de la renonciation à la clause particulière du contrat de mariage, celle-ci devait être considérée comme non écrite et que le fonds devait être considéré comme dépendant de la société d'acquêts - a donc violé l'article 1387 du code civil (Cass. civ., Ire, arrêt du 23 juillet 1979, n° 795, M. X... et Mme Y... , épouse X... ).

3. Annulation et résolution.

13La propriété lorsqu'elle a été transmise à l'acquéreur désigné dans un contrat translatif, ne peut, en règle générale, faire retour au précédent propriétaire sans que soit exigible un nouveau droit de mutation.

Le droit de mutation à titre onéreux est donc perçu, comme s'il y avait une véritable rétrocession, pour tout acte qui constate l'annulation ou la résolution amiable d'un contrat translatif.

14Toutefois, le droit de mutation n'est pas exigible, quand la résolution dérive directement de la loi (réduction d'une donation à la quotité disponible, résolution d'une donation pour cause de survenance d'enfant ...) ou, exceptionnellement, lorsque la fraude est impossible, des prévisions du contrat (clauses de dédit, de retour conventionnel, de retrait de réméré).

Le droit de mutation n'est pas dû, non plus, sur « l'annulation, la révocation, la résolution ou la rescision » des contrats translatifs « prononcée pour quelque cause que ce soit par jugement ou arrêt  », à moins qu'il ne s'agisse d'une décision d'expédient rendue sur le consentement des parties (CGI, art. 1961). Ainsi, la révocation judiciaire d'une donation ne donne ouverture à aucun droit de mutation. En revanche, la résolution amiable d'un tel acte, notamment pour inexécution des charges, est passible des droits de mutation à titre onéreux sauf dans le cas où l'existence de l'animus donandi justifierait la perception des droits de mutation à titre gratuit.

4. Transaction.

15La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit (Code civ., art. 2044).

Ce contrat suppose :

- l'existence ou la possibilité d'une contestation sérieuse entre les parties ;

- une réciprocité de concessions ou de sacrifices de la part de chacune des parties.

La Cour de cassation a décidé qu'il y a lieu de considérer comme translative au point de vue de l'impôt, et passible à ce titre du droit proportionnel frappant les mutations à titre onéreux, toute transaction par l'effet de laquelle la propriété ou partie de la propriété en litige est attribuée à celui qui, d'après la loi ou les titres ostensibles, n'était pas le possesseur ou le propriétaire apparent.

16En vertu de ces principes, le droit de vente a été reconnu exigible sur l'acte par lequel le légataire universel saisi abandonne une partie de son legs aux héritiers du sang qui contestaient la validité du testament. De son côté, malgré la transaction, le légataire universel saisi de l'intégralité des biens est tenu d'acquitter le droit de mutation par décès sur la valeur de ces biens.

Mais quand le légataire universel n'a pas la saisine, l'abandon qu'il consent aux héritiers du de cujus ne donne pas ouverture au droit de mutation, car il n'est pas propriétaire apparent des biens à lui légués, dès l'instant où il n'a pas obtenu la délivrance de son legs.

17Le droit de mutation à titre onéreux est encore dû quand après un partage (que la jurisprudence considère comme un titre apparent de propriété), l'un des copartageants abandonne à un autre, pour éviter une contestation, une partie des biens qui lui avaient été attribués.

18À défaut de concessions réciproques (concessions émanant d'une seule partie), il n'y a pas transaction, mais donation.