CHAPITRE 3 TERRITORIALITE
CHAPITRE 3
TERRITORIALITE
1Les règles qui régissent le champ d'application territorial de l'impôt sur le revenu résultent pour l'essentiel de la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1977. Le régime défini par la loi est de droit interne. Il s'applique sous réserve des conventions internationales.
Les dispositions générales relatives à la territorialité de l'impôt sur le revenu sont exposées dans la série 5 FP, division B (B 11 et B 7).
2Le présent chapitre est consacré à l'étude de celles de ces dispositions qui intéressent plus spécialement les titulaires de traitements, salaires, pensions ou rentes viagères.
Les sections 1 et 2 traitent des dispositions respectivement applicables en droit interne et en droit conventionnel.
SECTION 1
Droit interne
SOUS-SECTION 1
Dispositions communes
Dans cette sous-section sont exposés les principes applicables à tous les redevables et notamment aux titulaires de traitements, salaires, pensions ou rentes viagères qui ne relèvent pas d'une convention fiscale.
A. PERSONNES IMPOSABLES
1Les personnes imposables en France sont définies par référence aux notions de domicile, d'une part, et de source de revenu, d'autre part.
La distinction entre contribuables domiciliés en France et contribuables domiciliés hors de France a une grande importance car seuls les premiers sont, en règle générale, tenus à une obligation fiscale illimitée alors que les seconds ne sont imposables que sur leurs revenus de source française (ou, éventuellement, d'après une base forfaitaire, s'ils disposent d'une résidence dans notre pays).
I. Contribuables domiciliés en France (départements européens et d'outre-mer de la République française)
1. Définition du domicile fiscal.
2Selon l'article 4 B-1 du CGI, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France, qu'elles soient de nationalité française ou étrangère :
* les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;
* celles qui exercent en France une activité professionnelle. salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ;
* celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.
3Depuis l'entrée en vigueur de l'article 2-VIII-1 de la loi de finances pour 1983, les époux sont placés sur un pied de stricte égalité. Ils sont soumis à imposition commune en France, quelle que soit leur nationalité, lorsque l'un ou l'autre :
- a en France son foyer ou le lieu de son séjour principal ;
- ou exerce en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'il ne justifie que cette activité y est exercée à titre accessoire ;
- ou possède en France le centre de ses intérêts économiques.
Si l'un des époux ne répond pas à ces critères, l'obligation fiscale du ménage ne porte que sur :
- l'ensemble des revenus de l'époux domicilié en France ;
-les revenus de source française de l'autre époux (sous réserve des conventions internationales).
De même, si l'un des enfants ou l'une des personnes invalides à charge ne répond pas aux mêmes critères, seuls ses revenus de source française sont compris dans l'imposition commune.
Néanmoins, bien que leurs revenus de source étrangère soient exclus de la base d'imposition, ces personnes doivent être prises en compte pour la détermination du quotient familial applicable.
a. Salariés et retraités ayant en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal.
1 ° Définition du foyer.
4D'une manière générale, le foyer s'entend du lieu où les intéressés habitent normalement, c'est-à-dire du lieu de la résidence habituelle, à condition que cette résidence en France ait un caractère permanent.
Cette résidence demeure le foyer du contribuable même s'il est amené, en raison des nécessités de sa profession, à séjourner ailleurs temporairement ou pendant la plus grande partie de l'année, dès lors que, normalement, sa famille continue d'y habiter et que tous ses membres s'y retrouvent. Ainsi, les salariés détachés provisoirement à l'étranger par leur entreprise sont normalement considérés comme fiscalement domiciliés en France s'ils ont laissé leur famille dans notre pays.
2° Définition du lieu de séjour principal.
5La condition de séjour principal est réputée remplie lorsque les contribuables sont personnellement et effectivement présents à titre principal, en France, quels que puissent être par ailleurs le lieu et les conditions de séjour de leur famille. Peu importe également que les intéressés vivent à l'hôtel ou dans un logement mis gratuitement à leur disposition.
En règle générale, doivent être considérés comme ayant en France le lieu de leur séjour principal, les contribuables qui y séjournent pendant plus de six mois au cours d'une année donnée (cf. 5 B 1121, n°s 6 et suiv.).
Cependant, la durée de séjour de plus de six mois au cours d'une même année ne constitue pas un critère absolu. En effet, le Conseil d'État s'est abstenu de se référer à ce critère lorsque les circonstances de fait donnaient à penser que le contribuable avait bien en France le lieu de son séjour principal et notamment dans le cas où, au cours des années considérées, l'intéressé avait résidé en France pendant une durée nettement supérieure à celle des séjours effectués dans différents pays étrangers (CE, arrêts du 19 novembre 1969, req. n° 75295 et du 16 juillet 1976, req. n° 94488).
Remarque. - Il n'y a pas lieu de s'attacher à la règle des six mois pour l'imposition des revenus de l'année au cours de laquelle le contribuable acquiert un domicile en France ou, au contraire, transfère son domicile à l'étranger : l'imposition est alors établie en application des règles fixées à cet égard par les articles 166 et 167 du CGI.
b. Salariés et titulaires d'une retraite exerçant une activité professionnelle en France.
6Doivent être également considérées comme ayant leur domicile en France les personnes qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire.
Pour les salariés, le domicile est donc fonction du lieu où ils exercent effectivement et régulièrement leur activité professionnelle.
Lorsque le contribuable exerce simultanément plusieurs professions ou la même profession dans plusieurs pays, l'intéressé est considéré comme domicilié en France s'il y exerce son activité principale. L'activité principale s'entend de celle à laquelle le contribuable consacre le plus de temps effectif, même si elle ne dégage pas l'essentiel de ses revenus. Dans l'hypothèse où un tel critère ne peut être appliqué, il convient de considérer que l'activité principale est celle qui procure à l'intéressé la plus grande part de ses « revenus mondiaux ».
c. Salariés et retraités ayant le centre de leurs intérêts économiques en France.
7Il s'agit du lieu où le contribuable a effectué ses principaux investissements, où il possède le siège de ses affaires, d'où il administre ses biens. Ce peut être également le lieu où le contribuable a le centre de ses activités professionnelles ou d'où il tire la majeure partie de ses revenus (cf. 5 B 1121, n°s 17 à 20).
2. Situation des agents de l'Etat exerçant leurs fonctions à l'étranger.
8Les agents de l'État en fonction à l'étranger devraient être considérés comme des contribuables domiciliés hors de France lorsqu'ils n'ont pas de domicile dans notre pays au sens qui vient d'être défini.
L'article 4 B-2 du CGI déroge en partie à cette règle. Il dispose, en effet, que les agents de l'État qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus sont considérés comme fiscalement domiciliés en France.
a. Personnes concernées.
9Il s'agit des agents de l'État (personnels civils et militaires, fonctionnaires statutaires et employés de nationalité française ou étrangère placés sous contrat de travail avec l'État français) exerçant leur activité à l'étranger en cette qualité. Les agents de l'État exerçant leurs fonctions ou chargés de mission dans les TOM, sans convention avec la France, ne sont pas concernés par les dispositions de l'article 4 B-2 du CGI (cf. 5 B 1122, n° 22).
Ces dispositions ne s'appliquent pas aux agents des collectivités locales et à ceux des établissements publics (seuls les personnels dont la rémunération est imputée sur le budget d'un établissement public ont la qualité d'agent de l'établissement public), qu'ils soient à caractère administratif ou non.
b. Régime applicable.
10Les intéressés sont considérés comme fiscalement domiciliés en France et, par suite, imposés dans les mêmes conditions que les fonctionnaires en service en France, lorsqu'ils ne sont pas soumis dans le pays où ils exercent leurs fonctions à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus.
Les agents de l'État en service à l'étranger qui ne peuvent apporter la preuve qu'ils ont été effectivement soumis à l'étranger à un impôt personnel sur l'ensemble des éléments de leur rémunération qui seraient taxables selon la législation française sont considérés, du fait de la loi, comme domiciliés en France. Ils relèvent donc du régime d'imposition prévu à l'égard des contribuables domiciliés en France.
Pour apprécier si la condition d'imposition de l'ensemble des revenus dans le pays étranger est ou non remplie, il y a lieu de faire abstraction des revenus de source française autres que la rémunération proprement dite (revenus fonciers ou revenus de valeurs mobilières, par exemple).
II. Contribuables domiciliés hors de France (tous les États étrangers et les territoires de la République française autres que les départements européens et d'outre-mer)
En l'absence de convention fiscale dont elles peuvent se prévaloir, les personnes domiciliées hors de France sont imposables en France si elles ont des revenus de source française ou si elles disposent dans notre pays d'une habitation. Appliqué aux titulaires de traitements, salaires, pensions et rentes viagères, ce principe appelle les explications suivantes.
1. Contribuables disposant de revenus de source française.
11Les contribuables domiciliés hors de France qui disposent de revenus de source française sont imposables en France à raison de ces revenus, quelle que soit leur nationalité.
L'article 164 B du CGI permet notamment de ranger parmi les revenus de source française et donc d'imposer en France, même si leurs titulaires ne sont pas domiciliés dans notre pays :
- les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France à titre accessoire ;
- les sommes, y compris les salaires, payés à compter du 1er janvier 1990, correspondant à des prestations artistiques ou sportives fournies ou utilisées en France ;
- les pensions et rentes viagères dont le débiteur est domicilié ou établi en France.
a. Revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France à titre accessoire.
12Il s'agit des revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non salariées, exercées en France et plus particulièrement :
- des traitements, salaires, indemnités, émoluments à la seule condition que l'activité rétribuée s'exerce en France ;
- des rémunérations de dirigeants de sociétés françaises.
Pour déterminer le lieu d'activité, il convient de retenir l'ensemble des circonstances de fait (cf. 5 B 7111, n° 7).
b. Sommes, y compris les salaires, payés à compter du 1er janvier 1990, correspondant à des prestations artistiques ou sportives fournies ou utilisées en France.
13Il s'agit notamment des salaires versés en rémunération de prestations artistiques ou sportives fournies ou utilisées en France. Les personnes, rémunérations et prestations concernées ainsi que les modalités d'imposition sont exposées dans la présente série, division B 7111 n°s 12 et suiv., à laquelle il convient de se reporter.
c. Pensions et rentes viagères versées par un débiteur domicilié ou établi en France.
14L'article 164 B-II du CGI permet de considérer les pensions et rentes viagères comme des revenus de source française lorsque le débiteur a son domicile en France ou, s'il s'agit d'une personne morale, est établi en France. Cette règle est applicable quel que soit le pays où ont été rendus les services que la pension rémunère.
Remarque. - La législation antérieure selon laquelle le débiteur devait s'entendre, pour les pensions publiques, du comptable assignataire, a été abrogée. En conséquence, sous réserve des dispositions des conventions conclues avec Mayotte, la Nouvelle Calédonie et Saint Pierre et Miquelon, les pensions publiques payables dans un territoire ou une collectivité territoriale d'outre-mer sur la caisse d'un comptable supérieur du territoire intéressé sont imposables en France au même titre que les pensions privées versées aux contribuables domiciliés dans les territoires d'outre-mer par un débiteur établi en France (CE, arrêt du 27 avril 1981, req. n° 16559).
2. Situation des contribuables qui disposent d'une habitation en France.
15Les contribuables domiciliés hors de France (y compris ceux domiciliés dans les territoires d'outre-mer qui n'ont pas conclu une convention fiscale avec la métropole) même s'ils ne perçoivent pas de revenus de source française peuvent être soumis à l'impôt en France s'ils y disposent d'une habitation, à quelque titre que ce soit (situation de droit ou de fait), directement ou sous le couvert d'un tiers (CGI, art. 164 C ; cf. 5 B 7112, 7121 et 7122).
a. Existence d'une habitation.
16Est considéré comme habitation tout local (maison entière ou portion de maison ou appartement) destiné à être habité. Le fait que le mobilier ait été réuni dans certaines pièces n'enlève pas au local son caractère d'habitation dès lors que ce mobilier est suffisant pour rendre l'appartement normalement habitable et qu'il peut être rapidement remis en place (CE, arrêt du 16 juin 1947, req. n° 74854, RO, p. 246).
De même, constitue une habitation tout logement qui est en état d'être habité.
Par suite, un contribuable domicilié à l'étranger qui est propriétaire en France d'un appartement habitable est imposable sur une base forfaitaire fonction de la valeur locative de cette résidence, alors même que l'appartement aurait été vidé de ses meubles en vue d'y effectuer des réparations (CE, arrêt du 10 juillet 1981, req. n° 21406, RJ n° III, p. 114).
En revanche, un local servant uniquement de garde-meubles pour un contribuable qui a quitté la France ne saurait être considéré comme une habitation. Une maison faisant l'objet de travaux destinés à la rendre habitable ne devient une habitation qu'à compter de la fin de ces travaux (CE, arrêt du 25 octobre 1968, req. n° 73396. RJCD, 1re partie, p. 301).
Enfin, un appartement non garni de meubles, en attente de location ou de vente et n'ayant pas donné lieu à la conclusion des contrats usuels d'abonnement à l'eau, à l'électricité ou au gaz ne peut être considéré comme une habitation (CE, arrêt du 13 juin 1980, n° 10716).