Date de début de publication du BOI : 01/03/1995
Identifiant juridique : 4H1414
Références du document :  4H1414

SOUS-SECTION 4 DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE EN FRANCE ACTIVITÉ EXERCÉE CONJOINTEMENT EN FRANCE ET À L'ÉTRANGER

SOUS-SECTION 4

Détermination du bénéfice imposable en France
Activité exercée conjointement en France et à l'étranger

1Dans les développements précédents ont été précisés les différents critères qui caractérisent l'exercice habituel dune activité permettant ainsi de déterminer si les bénéfices réalisés par les entreprises concernées sont passibles ou non de l'impôt sur les sociétés en France.

2Or, il arrive fréquemment qu'une entreprise possède plusieurs établissements, les uns en France, les autres à l'étranger, concourant ensemble à la réalisation d'une même activité ; de même, des opérations habituelles peuvent être réalisées dans notre pays et se poursuivre dans un pays étranger.

3Le résultat global ainsi retiré de l'ensemble des activités n'est donc parfois que partiellement imposable en France.

4La présente sous-section a donc pour objet :

- de préciser les règles à appliquer pour la détermination du bénéfice imposable lorsque l'activité est exercée conjointement en France et à l'étranger ;

- d'examiner les modalités d'application pratiques qui en découlent ;

-d'indiquer les obligations déclaratives incombant aux entreprises dont l'activité est partiellement exercée à l'étranger.

5Par ailleurs, il est fait observer qu'en vertu de l'article 209 quinquies du CGI, les sociétés françaises agréées à cet effet par le ministre de l'Économie et des Finances peuvent retenir l'ensemble des résultats de leurs exploitations directes ou indirectes, qu'elles soient situées en France ou à l'étranger, pour l'assiette des impôts établis sur la réalisation et la distribution de leurs bénéfices (régimes du bénéfice mondial et du bénéfice consolidé ; cf. H 1415, n°s 1 et suiv. ).

• Cas où un bénéfice ou certains éléments de ce bénéfice sont imposables à la fois en France et à l'étranger.

6Un bénéfice imposable en France ou certains éléments de ce bénéfice (par exemple, intérêts, dividendes, redevances...) sont parfois également imposables dans un autre État ou territoire. Il peut en être notamment ainsi lorsque l'Etat ou le territoire concerné -par hypothèse non lié à la France par une convention fiscale- applique des règles d'imposition différentes de celles en vigueur en France.

7L'impôt supporté à l'étranger sur les bénéfices ou éléments de bénéfices imposables en France est admis dans les charges à déduire pour déterminer la base d'imposition en France. En revanche, cet impôt n'est pas traité comme un crédit imputable sur l'impôt dû en France.

8On note que la solution est différente lorsque des bénéfices ou éléments de bénéfices imposables en France proviennent d'États ou territoires liés à la France par une convention fiscale (cf. H 142 ).

PREMIÈRE PARTIE

 Règles applicables pour la détermination du bénéfice imposable lorsque l'activité est exercée conjointement en France et à l'étranger

  A. PRINCIPES GÉNÉRAUX

9Il résulte des règles de la territorialité précédemment définies que, parmi les bénéfices réalisés par les entreprises dont l'activité s'exerce à la fois en France et à l'étranger, seuls ceux qui sont réputés réalisés dans notre pays y sont imposables.

Par suite, une entreprise française qui exerce habituellement une activité à l'étranger est fondée à retrancher de l'ensemble de ses bénéfices, ceux provenant de cette activité. Il est rappelé qu'il en est ainsi lorsque ladite entreprise exploite un « établissement » à l'étranger, qu'elle y réalise des opérations par l'entremise des représentants n'ayant pas de personnalité professionnelle indépendante ou lorsque ces opérations forment à l'étranger un cycle commercial complet et se détachent des autres opérations de l'entreprise.

10La détermination des bénéfices -ou des pertes- ne soulève généralement pas de difficultés lorsque les opérations françaises sont nettement distinctes et effectuées dans des établissements autonomes dotés d'une comptabilité particulière. Il en est de même lorsque l'entreprise possède une organisation comptable centralisée telle qu'il soit possible d'en extraire les éléments propres à chaque établissement ou à chaque branche d'activité autonome.

11En revanche, lorsqu'il n'existe qu'une seule comptabilité qui enregistre les résultats d'ensemble de l'entreprise, il convient alors de procéder à une ventilation des produits bruts et des frais et charges communs à l'ensemble de l'exploitation afin de déterminer la fraction du bénéfice imposable -ou de la perte déductible- que l'entreprise concernée a réalisée dans notre pays.

12D'une façon générale, la détermination de cette fraction dépend des conditions de fonctionnement de l'entreprise.

Ainsi, dans le cas d'une société qui possède en France une fabrique et des services commerciaux et qui a d'autre part, à l'étranger, un dépôt de marchandises dont la direction est confiée à un agent spécial résidant sur place et chargé soit d'exécuter les ordres reçus du siège, soit de recevoir directement les commandes des clients et d'y pourvoir à l'aide de marchandises en magasin, le bénéfice réalisé sur les affaires traitées avec l'étranger doit être regardé comme provenant à la fois de l'entreprise industrielle française et de l'entreprise commerciale exploitée à l'étranger. Il y a donc lieu de rechercher si et comment ce bénéfice total doit être réparti en un bénéfice de fabrication imposable en France et un bénéfice de vente imposable pour partie en France et pour partie à l'étranger (CE, arrêt du 25 juillet 1929, req. n° 87324, RO 5336, p. 436).

La fraction du bénéfice imposable en France peut être déterminée de diverses façons, selon les cas.

  B. MÉTHODES DE VENTILATION APPLICABLES

13Dans tous les cas où, ni les conditions de fonctionnement de l'entreprise, ni la comptabilité, ne permettent de déterminer avec précision les opérations françaises et étrangères, il convient d'avoir recours à une ventilation forfaitaire. Il y a lieu de noter, toutefois, que le terme « forfaitaire » employé ici doit être entendu au sens d'« évaluation approchée », nécessairement faite à partir de données comptables incontestables.

14Deux méthodes de ventilation sont à distinguer :

a. La méthode de répartition proportionnelle qui consiste à appliquer au montant du bénéfice global de l'entreprise un coefficient résultant du rapport de deux grandeurs préalablement choisies ;

b. La méthode de répartition par comparaison qui permet de reconstituer, à partir de certains éléments déterminés, le bénéfice de l'établissement en cause, que l'on assimile à une entreprise indépendante.

  I. Méthode de répartition proportionnelle

15La méthode de répartition proportionnelle consiste à appliquer aux résultats globaux (ou, le cas échéant, à certains postes comptables) qui n'ont pu être ventilés de façon exacte, un coefficient permettant d'obtenir immédiatement la part française et la part étrangère desdits résultats.

16La fixation de ce coefficient résulte du rapport existant entre deux grandeurs choisies au préalable et exactement connues. Le choix de ces grandeurs est, théoriquement, très vaste ; ainsi la répartition peut être effectuée en fonction des dépenses (achats, salaires, etc.), du capital investi, du bénéfice brut réalisé ou même, dans certains cas, du nombre, du poids, du volume ou de la quantité des articles vendus ou fabriqués en France.

Ainsi, en ce qui concerne le bénéfice brut réalisé, l'utilisation du rapport :


suppose, bien entendu, la possibilité de déterminer le montant de ces bénéfices bruts au moyen d'une comptabilité suffisamment détaillée. En conséquence, cette méthode ne peut être retenue qu'en vue de ventiler certains postes comptables non affectés en comptabilité (tel serait le cas, par exemple, des frais généraux ou des dépenses de personnel de la direction générale de l'entreprise).

17Dans la pratique, toutefois, on se référera le plus souvent au chiffre d'affaires.

Le rapport :


ne nécessite, en effet, aucune justification comptable particulière et il est le seul utilisable dans tous les cas où une comptabilité unique centralise, sans distinction, les affaires françaises et étrangères. En outre, le chiffre d'affaires est une grandeur nécessairement connue du chef d'entreprise et son montant peut être vérifié par le service.

Cette méthode de répartition a été, notamment, retenue à l'égard d'une entreprise étrangère de navigation aérienne ne possédant pas de comptabilité spéciale pour la partie de ses lignes de transport exploitée en France. Au cas particulier, le bénéfice imposable de l'exploitation française a pu être valablement déterminé en appliquant au bénéfice accusé par le bilan de la société le rapport existant entre le chiffre d'affaires réalisé en France et le chiffre d'affaires total de ladite entreprise (CE, arrêt du 25 mars 1941, req. n° 51558, RO, p. 108).

18Toutefois, il convient de noter que de nombreux accords diplomatiques relatifs aux entreprises de navigation maritime ou aérienne dérogent aux règles de droit commun de la territorialité de l'impôt (cf. H 1422, n°s 52 et suiv. ).

19Dans la pratique, cette méthode de répartition proportionnelle trouve à s'appliquer plus spécialement à l'égard des entreprises françaises dont une partie de l'activité, réalisée hors de France, échappe par conséquent à l'impôt sur les sociétés.

C'est ainsi que, dans le cas d'une société possédant des établissements en France et à l'étranger, il a été jugé que les frais engagés dans l'intérêt de l'ensemble de l'entreprise -notamment ceux concernant la gestion du capital et la direction générale de la société- devaient donner lieu à ventilation. La part de ces frais imputable à l'établissement sis en France a pu être valablement fixée, dans les circonstances de l'affaire, d'après la proportion existant entre le chiffre d'affaires de l'établissement français et le chiffre d'affaires global de la société (CE, arrêt du 8 mai 1944, req. n°s 66968 et 68362, RO, p. 96).

De même, une société dont le siège est en France, et qui exerce dans un établissement situé hors de France une activité commerciale ou industrielle distincte ne peut tenir compte, pour la détermination du bénéfice imposable en France à l'impôt sur les sociétés, des charges qui se rapportent à son activité exercée dans l'établissement sis à l'étranger ; à titre de règle pratique, et à défaut de stipulations contraires d'une convention fiscale internationale, cette société peut, pour ventiler la fraction des frais généraux du siège social afférente à cette dernière activité, se référer au rapport existant entre le chiffre d'affaires de cet établissement et son chiffre d'affaires total (CE, arrêt du 16 février 1983, req. n° 28383).

  II. Méthode de répartition par comparaison

20Ce procédé consiste à comparer l'établissement distinct dont il y a lieu de déterminer le bénéfice imposable en France, à des entreprises similaires, fonctionnant dans les mêmes conditions, et participant au même processus économique.

21Le résultat recherché peut être obtenu en appliquant au chiffre d'affaires de l'établissement en cause, le pourcentage moyen de bénéfice net constaté dans les entreprises choisies comme terme de comparaison. Dans ce cas, aucune déduction n'est faite ensuite au titre des frais généraux de l'établissement ou des frais communs exposés par le siège.

22Il est également possible de multiplier le chiffre d'affaires par le coefficient de bénéfice brut constaté dans ces mêmes entreprises et de retrancher du résultat ainsi obtenu les frais généraux de l'établissement concerné et une quote-part des frais communs exposés par le siège.

Mais, dans de nombreux cas et plus spécialement, lorsque l'on se trouve en présence :

- soit d'activités commerciales auxiliaires ou préparatoires réalisées dans un établissement, tel qu'un bureau d'achat ou un bureau de vente ;

- soit de prestations de services diverses effectuées sur notre territoire, par exemple, par un bureau d'études, ou de publicité, qui, dans l'un et l'autre cas, caractérisent l'exercice habituel en France d'une activité imposable, il convient de recourir à la « méthode de la commission ».

23Le bénéfice réputé réalisé en France doit alors correspondre à celui que réaliserait l'établissement, le dépôt ou le bureau en cause s'il effectuait pour le compte de tiers les opérations qu'il exécute pour la société étrangère dont il dépend.

En d'autres termes, ce bénéfice peut être évalué en défalquant les frais exposés en France du montant des commissions ou rémunérations diverses que l'entreprise étrangère aurait dû verser à des tiers (représentants ou prestataires de services) pour effectuer les opérations qu'elle réalise ainsi directement elle-même.

Puisque l'on choisit ici comme terme de comparaison une entreprise indépendante qui se trouve dans une situation comparable à celle de l'établissement dont on peut évaluer les bénéfices, il n'y a pas lieu d'ajouter des frais de siège aux frais effectivement exposés par l'établissement concerné.

Il a été jugé que, dans le cas d'une entreprise possédant en France un bureau d'achat destiné à approvisionner un établissement situé à l'étranger, la part de bénéfices provenant des opérations effectuées dans ce pays est représentée par l'excédent sur les frais, du montant des commissions que l'entreprise aurait eu à verser à des commissionnaires, pour l'exécution des opérations confiées à son bureau d'achat français (CE, arrêt du 18 décembre 1931, req. n° 6245, RO 5742, p. 437).

24Bien entendu, la méthode de répartition par comparaison ne saurait être retenue que dans le cas où la comptabilité ne permet pas l'évaluation exacte des résultats de l'activité déployée en France ou lorsque la méthode de répartition au prorata du chiffre d'affaires ne peut être retenue. Dans la pratique, elle trouvera donc à s'appliquer essentiellement à l'égard des entreprises étrangères exerçant une activité imposable en France.