TITRE PREMIER PRINCIPES GÉNÉRAUX
TITRE PREMIER
PRINCIPES GÉNÉRAUX
CHAPITRE PREMIER
GÉNÉRALITÉS
1Toute dépréciation des éléments de l'actif immobilisé de l'entreprise constitue pour celle-ci une perte de substance. Cette perte doit être enregistrée par la comptabilité et, pour maintenir la valeur initiale des capitaux engagés dans l'entreprise, l'exploitant doit la compenser par un prélèvement sur les bénéfices de l'exploitation. Tel est le principe de l'amortissement.
D'autre part, les sommes prélevées sur les bénéfices en vue de compenser la dépréciation des éléments de l'actif sont normalement utilisées, en bonne gestion, pour assurer le remplacement des installations ou autres biens qui disparaissent de l'actif par usure, vétusté ou accident. À cet égard, tantôt ces sommes sont conservées en réserve sous la forme de valeurs disponibles jusqu'au renouvellement des éléments d'actif usés, détruits ou cédés, tantôt elles sont immédiatement utilisées à des investissements nouveaux qui assurent d'une manière continue -et parfois par avance- le remplacement des éléments vieillis ou usés et le maintien des moyens de production de l'entreprise. Tel est l'aspect économique de l'amortissement dont la fiscalité doit également tenir compte dans une certaine mesure.
2La notion d'amortissement est également utilisée par certains spécialistes de la gestion financière des entreprises dans un sens plus large que celui qui vient d'être indiqué. Dans cette acception du terme, l'amortissement, en période de dépréciation monétaire, ne devrait pas être la simple constatation de la dépréciation, calculée d'après le prix d'acquisition de l'immobilisation, mais devrait permettre de reconstituer une somme suffisante pour payer le nouveau prix en hausse lors du renouvellement des éléments usés ou du remplacement des éléments démodés.
3Le sens donné, dans le domaine fiscal, au terme amortissement conditionne à la fois le champ d'application de l'amortissement et la quotité globale des charges à constater à ce dernier titre. Des développements plus exhaustifs seront donc consacrés sous le présent titre aux caractéristiques générales de l'amortissement et à ses aspects juridiques et comptables. Auparavant toutefois un ensemble de précisions liminaires seront apportées à propos de la terminologie utilisée.
4Cependant le législateur fiscal ne pouvait méconnaître le rôle économique décisif susceptible d'être joué par l'amortissement en tant que principale source de financement des investissements. Une adaptation appropriée du taux de l'amortissement et de son champ d'application peuvent en effet exercer une action à la fois incitatrice quant au volume des équipements à mettre en oeuvre et sélective au regard de la nature de ces équipements.
5C'est ce qui explique le passage progressif d'un mécanisme d'amortissement à annuités constantes à un mécanisme d'amortissement comportant des annuités variables dans le temps et selon la nature des équipements. L'aboutissement de cette évolution a été marquée par l'adoption, à compter du 1er janvier 1960, du système d'amortissement dégressif qui illustre parfaitement les deux finalités fondamentales de l'amortissement dans la législation moderne :
- celle d'obtenir une meilleure appréciation de la dépréciation subie par les biens amortissables au cours des premières années d'utilisation ;
- celle d'exercer une action multiplicatrice et sélective sur la masse des investissements.
L'importance économique de cet aboutissement justifiait donc qu'un rappel des principales étapes de cette évolution soit formulé dans la deuxième partie du chapitre « Généralités ».
La dernière partie est consacrée à l'exposé succinct des conditions auxquelles est subordonnée, sur le plan fiscal, la déduction des amortissements.
SECTION 1
Définition. Caractères de l'amortissement
Aspects juridiques et comptables
A. LES DIFFÉRENTES ACCEPTIONS DU TERME AMORTISSEMENT
Du point de vue fiscal et comptable, l'expression amortissement comporte plusieurs acceptions.
1Le terme d'amortissement industriel (ou amortissement commercial et industriel) désigne généralement la déduction opérée sur les produits d'exploitation, par les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu (bénéfices industriels et commerciaux) ou de l'impôt sur les sociétés, en vue de constater et de compenser la dépréciation que subissent avec le temps certaines immobilisations sujettes à dépérissement.
2L'amortissement désigne également l'opération consistant à étaler sur un nombre réduit d'exercices, certaines dépenses importantes dont le montant est provisoirement inscrit à l'actif du bilan sous un poste d'actif (valeurs immobilisées) ne correspondant en fait à aucune valeur réelle. Tel est le cas de la déduction échelonnée des frais d'établissement.
3Le terme amortissement financier est, d'autre part, utilisé pour désigner, soit le remboursement par annuités de capitaux empruntés -par la voie d'émissions d'obligations plus spécialement- soit la restitution par une société à ses associés de tout ou partie du montant des apports qu'ils avaient consentis, effectuée normalement par un prélèvement exceptionnel sur les réserves.
4Il va de soi que si l'amortissement industriel et l'amortissement des comptes d'actif sans valeur réelle sont susceptibles d'être admis en déduction pour l'assiette des impôts sur les revenus dus par les entreprises industrielles et commerciales, sous les diverses conditions et limites qui seront ultérieurement examinées, l'amortissement financier ne saurait, en principe, figurer parmi les charges déductibles, quelles que soient ses modalités, car il ne se traduit par aucune diminution de l'actif net.
5Toutefois, cette dernière règle comporte une exception en ce qui concerne les amortissements dits de caducité, pratiqués par les sociétés concessionnaires.
6Ces amortissements de caducité, qui peuvent être déduits des produits d'exploitation, ont pour objet de constituer, en franchise d'impôt, les fonds nécessaires pour rembourser le capital-obligations et le capital-actions investis dans les installations devant être remises sans indemnité, en fin de concession, à l'autorité concédante (cf. 4 D 265 ).
B. LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L'AMORTISSEMENT INDUSTRIEL
7L'amortissement correspond à une diminution de valeur (moins-value au sens étymologique du terme) subie par divers éléments d'actif en raison de la vétusté ou de l'usure résultant du temps ou de l'usage.
Cette dépréciation présente trois caractères.
8Le premier est sa certitude, laquelle croît en principe inexorablement avec le temps.
9Le deuxième est son aspect le plus souvent latent. Ceci signifie qu'une immobilisation amortissable, tant qu'elle est en service, est susceptible en quelque sorte de « faire illusion » car la diminution de sa valeur, pour indiscutable qu'elle soit, reste généralement dissimulée sous une apparence extérieure inchangée. C'est seulement lors de la vente, ou lors de la mise hors de service de l'élément que la moins-value véritable sera mise en évidence.
10Le troisième caractère réside dans l'imprécision du montant de la dépréciation subie au cours d'un exercice donné. Théoriquement, pour déterminer ce montant, il faudrait comparer la valeur de réalisation de l'immobilisation à la date de clôture dudit exercice et celle qu'elle comportait à la fin de la période d'imposition précédente. Mais en raison des difficultés que présenterait une estimation exacte de la perte subie, il est d'usage de l'évaluer forfaitairement chaque année à une somme fixée, pour chaque élément d'actif, d'après la durée probable de son utilisation suivant un plan préétabli.
11Dans la « hiérarchie » des moins-values qui affectent les éléments de l'actif -c'est-à-dire des charges qui ne correspondent pas à une dépense actuelle- l'amortissement occupe donc une place intermédiaire entre la perte et la provision, sur le plan du degré de certitude qui affecte l'existence de la moins-value, sa réalisation et son montant.
C. JUSTIFICATIONS JURIDIQUES ET COMPTABLES DE L'AMORTISSEMENT
• Définition de l'amortissement pour dépréciation, ou amortissement technique.
12Si l'on se réfère à l'article 2 de la loi n° 83-583 du 30 avril 1983, relative à la mise en harmonie des obligations comptables des commerçants et de certaines sociétés avec les dispositions de la IVe directive européenne, les amortissements auxquels il doit être procédé même en cas d'absence ou d'insuffisance de bénéfice, dérivent du souci d'assurer la régularité et la sincérité des comptes annuels que les entreprises sont tenues d'établir.
L'article 8 du décret n° 83-1020 du 29 novembre 1983, pris en application de la loi comptable précitée, indique que « la dépréciation d'une immobilisation... est constatée par l'amortissement ».
13Le plan comptable général 1982 1 , élaboré par le conseil national de la comptabilité, approuvé le 27 avril 1982 par arrêté du ministre de l'économie et des finances et du ministre délégué chargé du budget, et dont les dispositions concernent, en application des textes indiqués ci-dessus, les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1984, définit l'amortissement pour dépréciation comme la constatation comptable d'un amoindrissement de la valeur d'un élément d'actif résultant de l'usage, du temps, du changement des techniques et de toute autre cause dont les effets sont jugés irréversibles.
En pratique, l'amortissement consiste généralement dans l'étalement de la valeur des biens amortissables sur leur durée probable de vie, conformément au plan d'amortissement établi par l'entreprise, lequel se présente sous la forme d'un tableau prévisionnel de réduction des valeurs inscrites au bilan sur une période déterminée et par tranches successives.
Toute modification significative des conditions d'utilisation d'un bien amortissable justifie, d'autre part, la révision du plan d'amortissement en cours d'exécution.
• Définition de l'amortissement dérogatoire.
14Selon le plan comptable général 1982 1 , sont considérés comme amortissements dérogatoires les amortissements ou fractions d'amortissement, qui ne correspondent pas à l'objet normal d'un amortissement pour dépréciation et qui, résultant le plus souvent d'avantages accordés par la loi fiscale pour des raisons d'ordre économique, sont comptabilisés en application de textes particuliers.
Il en est ainsi, par exemple :
- de l'amortissement exceptionnel des immeubles destinés à l'épuration des eaux industrielles ou à la lutte contre la pollution de l'air ;
- de l'amortissement exceptionnel des immeubles matériels et outillages affectés à la recherche scientifique ou technique ;
- de l'amortissement exceptionnel des constructions nouvelles à usage industriel ou commercial implantées dans certaines zones de développement économique ;
- de la fraction d'amortissement dégressif que l'entreprise juge, le cas échéant, excédentaire par rapport à l'amortissement économiquement justifié.
L'amortissement dérogatoire, qui ne correspond pas, à la date à laquelle il est pratiqué, à une dépréciation économique de l'immobilisation concernée est inscrit, au passif du bilan de l'entreprise à un compte de provision réglementée.
1 Mis à jour par un arrêté du 9 décembre 1986.