Date de début de publication du BOI : 09/03/2001
Identifiant juridique : 4A1211
Références du document :  4A1211

SOUS-SECTION 1 CONDITIONS D'APPLICATION DE L'ARTICLE 57

  II. Versement de redevances excessives

19Les sociétés françaises placées sous la dépendance de sociétés étrangères versent à ces dernières d'importantes redevances. Ces redevances stipulées par contrat sont, en principe, destinées à rémunérer certains services rendus par la société mère, qui vont de la concession d'une licence d'exploitation d'un brevet ou d'un procédé ou formule de fabrication à l'assistance directe dans les domaines technique, scientifique, commercial ou administratif.

D'une manière générale, il faut s'interroger sur le point de savoir si de telles dépenses sont légitimes et si elles correspondent bien à la rémunération normale des services effectivement fournis par la société étrangère.

On observera, à cet égard, que les sommes versées à ce titre peuvent atteindre des montants élevés sans pour autant apparaître comme excessives. Il en est ainsi notamment lorsque les bénéfices réalisés par la filiale française apparaissent, malgré l'importance des déductions opérées, comme des bénéfices normaux par comparaison avec ceux réalisés par les entreprises concurrentes françaises indépendantes.

Cette recherche peut s'avérer délicate. Les difficultés rencontrées tiennent souvent au fait que l'Administration fiscale ne peut examiner les comptes de la société étrangère dans lesquels des éléments utiles à son information pourraient être trouvés en raison du caractère spécifique et très technique du problème.

20Pour justifier le paiement de ces redevances, les sociétés intéressées font valoir notamment :

- l'importance des frais de recherches et d'expérimentation qui seraient supportés par l'ensemble du groupe ;

- le coût et la valeur de l'assistance, sous diverses formes, que la société mère fournirait de façon constante et unilatérale à sa filiale. Il est souvent avancé, à cet égard, que lors du lancement d'un produit, une société mère ne se contente pas de mettre à la disposition de sa filiale les procédés de fabrication ainsi que les plans des installations de production, mais confie également à ses techniciens le soin d'assister sa filiale, soit sur place, soit à l'occasion de stages au siège social.

21Bien entendu, de telles affirmations ne peuvent être retenues que si elles sont appuyées de justifications précises.

Par ailleurs, dans les cas très fréquents où la société mère est en même temps fournisseur de sa filiale, il convient de s'assurer que cette dernière ne contribue pas doublement aux dépenses de recherches, d'une part, en versant une redevance calculée en fonction de ses ventes et, d'autre part, en payant les produits achetés à la société étrangère à un prix qui tient déjà compte des frais de recherches du groupe.

Le montant des redevances doit, par ailleurs, être apprécié compte tenu des avantages directs ou indirects que la société française procure à la société étrangère, notamment dans le secteur commercial où souvent la filiale assure entièrement les charges d'exploitation et de fonctionnement du réseau des ventes ainsi que les dépenses de publicité et d'information.

D'une manière générale, la déduction des redevances versées aux sociétés mères étrangères ne saurait être autorisée que dans la mesure où le bénéfice net de la filiale est au moins égal à celui réalisé par une entreprise française exerçant une activité similaire et intégrant les services qui font l'objet des redevances considérées. Il s'agit là de questions de fait qui ne peuvent être réglées qu'après un examen attentif des avantages directs ou indirects que s'accordent les entreprises agrégées.

Le Conseil d'État a jugé sur ce point, dans un arrêt du 3 août 1942 (req. n° 65810, RO, p. 177), que les redevances versées par une société française à une société étrangère, sous la dépendance de laquelle elle se trouve placée, ne peuvent être admises en déduction des bénéfices imposables dans la mesure où elles sont anormalement élevées notamment en comparaison des bénéfices restant à la société.

De même, ont été regardées comme des bénéfices indirectement transférés, au sens de l'article 57 du CGI, les redevances de propriété industrielle versées à une société mère étrangère par sa filiale française dans la mesure où elles excédaient la rémunération des services rendus telle qu'elle avait été normalement prévue dans le contrat conclu entre les deux sociétés (CE, arrêt du 11 juin 1982, n° 16187).

On signale enfin que si les autorisations données par le ministère chargé de l'Industrie ou par tout autre service technique, au sujet du taux de la redevance ou du transfert de son montant à l'étranger, ne peuvent lier l'Administration fiscale, elles doivent, dans tous les cas, retenir l'attention du vérificateur.

  III. Prêts consentis à la société étrangère à des conditions anormales Abandon de créance

1. Prêts consentis à des conditions anormales.

22La société française peut accorder à la société étrangère, avec laquelle existe un lien de dépendance, un avantage non négligeable en lui consentant des prêts importants sans stipulation d'intérêts ou à un taux d'intérêt très bas, les sommes ainsi avancées pouvant être prélevées sur ses fonds propres ou sur des fonds d'emprunt.

Ces opérations sont présumées constituer des transferts de bénéfices à l'étranger (CE, arrêts du 7 juillet 1958, req. n° 35977, RO, p. 188 ; du 14 juin 1963, req. n° 57457, RO, p. 362 ; du 21 décembre 1964, req. n° 54142 et 56200 ; du 23 février 1966, req. n° 64449, RO, p. 73 ; du 26 novembre 1982, req. n° 24360).

D'une manière générale, il y aura lieu de réintégrer dans le bénéfice imposable de la société française un intérêt correspondant à un taux normal qui doit être apprécié dans chaque cas particulier, au vu des circonstances de fait. Ce taux peut être le taux moyen d'intérêt des avances sur titres pratiqué par la Banque de France (CE, arrêt du 21 octobre 1970, req. n° 71071, RJ, n° II, p. 187) ou, le cas échéant, le taux d'intérêt payé par l'entreprise française à raison des sommes qu'elle a elle-même personnellement empruntées (CE, arrêt du 7 novembre 1963, req. n° 57183, RO, p. 428).

23Toutefois, le Conseil d'État a jugé, par un arrêt du 13 janvier 1967 (req. n° 68139), que la dispense d'intérêt n'avait pas le caractère d'un transfert de bénéfices au sens de l'article 57 dans le cas d'une filiale étrangère qui avait déjà bénéficié d'avances pour lesquelles la caution de la société mère avait été exigée et se trouvait placée dans une situation financière difficile. Le Conseil d'État a estimé, en effet, que la société mère française avait cherché par ce moyen à éviter de subir elle-même, du fait de la caution qu'elle avait accordée, des pertes beaucoup plus importantes que le montant des intérêts auxquels elle avait renoncé. Au surplus, le dépôt du bilan de la filiale étrangère aurait pu porter atteinte au crédit de la société mère.

De même, ne constitue pas un transfert indirect de bénéfices, au sens de l'article 57 du CGI et des conventions fiscales internationales applicables, l'abandon à des sociétés soeurs étrangères des bénéfices qu'une société française réalise à l'étranger sur la vente de ses produits, dès lors que cet abandon représente la contrepartie de la prise en charge par les premières des dépenses de prospection et de lancement desdits produits. L'opération doit être regardée comme correspondant, en l'espèce, au paiement d'un service commercial utile aux intérêts de la société française et partant, à un acte de gestion normale (CE, arrêt du 14 mars 1984, n° 34430 et 36880).

2. Abandon de créance.

24La perte résultant d'un abandon de créance n'est susceptible d'être déduite pour la détermination de l'assiette de l'impôt que si cet abandon constitue un acte de gestion commerciale normale. Le point de savoir si une telle condition est remplie est une question de fait appréciée dans chaque cas par l'Administration sous le contrôle du juge de l'impôt. La circonstance que l'entreprise bénéficiaire de l'abandon de créance soit une filiale en difficulté ne suffit pas à établir que la société mère a agi dans l'intérêt de sa propre exploitation (Au cas particulier la filiale a son siège à l'étranger) [RM Longuet, JO, déb. AN du 26 mai 1980, p. 2126].

  IV. Participation forfaitaire aux frais d'exploitation d'une filiale à l'étranger

25Les entreprises industrielles d'une certaine importance créent souvent à l'étranger des filiales communes en vue d'entreprendre, soit des études, soit des fabrications, soit des achats ou ventes intéressant l'ensemble des membres fondateurs.

À cet égard, la répartition des charges de ces filiales entre les associés soulève des problèmes difficiles, dès lors qu'il n'existe pas en cette matière de règles impératives de répartition.

Le Conseil d'État a, par exemple, autorisé la réintégration des sommes versées à titre de participation forfaitaire aux frais d'exploitation d'une filiale étrangère, pour la partie excédant les commissions normalement dues à cette dernière du chef des opérations traitées (CE, arrêt du 18 avril 1966, req. n° 63621).

De même, s'agissant de dépenses engagées dans l'intérêt commun d'entreprises françaises et étrangères, le Conseil d'État a admis le principe d'une évaluation forfaitaire (CE, arrêt du 8 mai 1964, req. n° 66968 et 68362). Toutefois, les dispositions prévoyant la possibilité d'une répartition forfaitaire des frais commun d'un groupe d'entreprises dont certaines sont installées à l'étranger ne sont pas applicables lorsque le paiement de la participation est effectué à une société établie dans un pays à fiscalité privilégiée visé par l'article 238 A (cf. DB 4 C 92 n° 13 ).

La méthode la moins contestable et sanctionnée également par la jurisprudence du Conseil d'État est, à cet égard, celle qui consiste à répartir les frais communs d'après la proportion existant entre le chiffre d'affaires de l'entreprise française et le chiffre d'affaires global de l'ensemble des exploitations du groupe (CE, arrêt du 25 avril 1960, req. n° 45089, RO, p. 60).

On peut également se fonder sur la proportion existant entre le produit brut de l'entreprise française et le bénéfice brut de l'ensemble des associés.

On peut enfin appliquer le rapport existant entre les valeurs d'actif de la société française et celles de l'ensemble du groupe.

Mais ces deux derniers procédés de répartition présentent souvent des inconvénients qui découlent des différences de législations applicables dans les États des sociétés concernées.

Quel que soit le système adopté, il faut toujours veiller à ce que la clé de répartition porte sur des éléments comparables.