Date de début de publication du BOI : 19/02/2007
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 29 du 19 FEVRIER 2007


  III. Dissimulation juridique ou abus de droit 10


90.En application des dispositions des articles L. 64 et L. 64 A du LPF et 1729 du CGI, lorsque la portée véritable d'un contrat ou d'une convention a été dissimulée, il est dû une majoration de 80 % des droits mis à la charge du contribuable. Cette majoration est à la charge de toutes les parties à l'acte ou à la convention, qui sont tenues solidairement à son paiement (CGI, art. 1754, V).

La majoration est applicable, quelle que soit la nature des impôts en cause, dans tous les cas où les cotisations réclamées aux contribuables ou établies à leur nom résultent d'une rectification motivée par une dissimulation juridique ou un abus de droit.

À cet égard, il n'y a pas lieu de distinguer selon que les cotisations en cause ont été, ou non, établies ou réclamées, après avis du comité dont la consultation facultative est prévue par l'article L. 64 susvisé, ou même contrairement à l'avis de ce comité.

Cas particulier : Lorsqu'une donation déguisée sous l'apparence d'une vente fait simultanément (c'est-à-dire par des propositions de rectifications notifiées à la même date) l'objet d'un rehaussement pour insuffisance de prix, il sera procédé selon les modalités suivantes.

Il découle des articles 666 et 761 du CGI que les droits de donation sont assis, non sur le prix exprimé, mais sur la valeur réelle du bien.

En conséquence, l'assiette de la majoration de 80 % prévue à l'article 1729 du CGI est constituée par les droits de donation liquidés sur la valeur vénale réelle du bien et non sur le prix exprimé dans l'acte.

Cela étant, il est désormais admis, lorsque le rehaussement de la valeur réelle a précédé la mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit, que l'assiette de la majoration de 80 % soit limitée aux droits de donation liquidés sur le prix mentionné dans l'acte.

Par ailleurs, l'intérêt de retard et la majoration de 80 % exigibles du chef de la dissimulation doivent être calculés après déduction non seulement du montant des droits de mutation à titre onéreux perçus sur l'acte de vente mais aussi du montant des droits de même nature et des pénalités effectivement payés au titre des insuffisances de prix relevées antérieurement.


  IV. Dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat


  1. Notion de dissimulation de prix

a) Définition

91.La dissimulation de prix est une fraude qui consiste soit à minorer volontairement dans les contrats présentés à la formalité les prix (prix principal ou charges) ou les soultes exprimées par rapport aux sommes réellement convenues, soit à passer sous silence, dans les énonciations de l'acte, une stipulation qui constitue par sa nature un des éléments du prix. Elle s'applique tant aux meubles (dont les fonds de commerce) qu'aux immeubles.

Cette intention de fraude distingue la dissimulation de l'insuffisance de prix. Il y a seulement insuffisance quand le prix énoncé dans l'acte est inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis tout en étant celui qui résulte des conventions des parties (cf. LPF, art. L.17).

De cette distinction, il y a lieu de tirer les conséquences suivantes :

- les deux types de rectifications sont juridiquement indépendants l'un de l'autre, quoique non exclusifs ; en particulier, le service n'a pas, en vue de démontrer une dissimulation de prix, à établir préalablement une insuffisance ;

- les règles spécifiques à chacune de ces procédures (telles que méthode d'évaluation par comparaison et expertise, en matière d'insuffisance) ne sont pas applicables à l'autre (en l'occurrence, au rehaussement pour dissimulation).

Ainsi il a été jugé :

- que les règles relatives à l'établissement d'une insuffisance du prix déclaré ne sont pas applicables pour prouver la dissimulation d'une partie du prix payé (Cass. com., arrêt du 1er juin 1993, n° 1007 P) ;

- qu'en matière de dissimulation de prix, les moyens invoqués par le redevable, tirés :

• de l'absence de recours à la méthode d'évaluation par comparaison,

• et du refus de faire droit à sa demande d'expertise fondée sur l'article R* 202-3 du LPF, sont inopérants dès lors que ces règles ne trouvent à s'appliquer qu'en cas de rehaussement pour insuffisance de prix (Cour de cassation, Com. 6 avril 1993).

b) Application

92.Cette définition doctrinale est complétée et illustrée par les jugements et arrêts rendus par les cours et tribunaux statuant sur l'existence d'une dissimulation.

Ainsi, il a été jugé que constitue une dissimulation de prix, la prise en charge par le cessionnaire :

- d'une commission d'intermédiaire payée en l'acquit du vendeur par les acquéreurs d'un immeuble, ladite commission n'ayant pas été mentionnée dans l'acte de vente (Tribunal civil de Bazas, jugement du 17 mai 1921, n° RE 7314) ;

- d'une indemnité de résiliation d'un bail, l'indemnité, considérée comme une charge de la vente, ne figurant pas dans l'acte de vente (CA de Rennes, arrêt du 14 février 1951, n° Ind. 7479 ; Tribunal civil de Cherbourg, jugement du18 novembre 1885, n° JE 22561).

De même, la dissimulation de prix ou partie du prix a notamment été reconnue par les tribunaux dans le cas suivants :

- cession de parts de société civile immobilière pour un prix porté dans les actes notariés inférieur à celui inscrit au compte courant du cessionnaire dans la comptabilité de la société (TGI de Toulouse, 24 avril 1968, n° Ind. 11540) ;

- cessions successives de divers éléments d'un fonds de commerce, dont certaines font l'objet d'un acte séparé tenu secret, lorsque ces cessions constituent en fait et dans l'intention des parties une seule et même opération ayant pour objet la vente de tous les éléments corporels et incorporels dudit fonds (Cass. req., arrêt du 19 avril 1937, n° Ind. 3802).

Enfin, il a été jugé que la prescription du droit de reprise est la prescription décennale prévue à l'article L. 186 du L.P.F. lorsque le juge relève que rien dans l'acte de vente ne permettait de révéler la dissimulation de prix, de sorte que les agents de l'administration ont été obligés de procéder à des rapprochements avec des documents ultérieurs pour déterminer cette dissimulation, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération la date à laquelle ces documents ultérieurs étaient parvenus à la connaissance de l'administration ; par ailleurs, c'est hors toute dénaturation et sans inverser la charge de la preuve que le juge retient l'existence de la dissimulation de prix alléguée, lorsqu'il apprécie les éléments de preuve dont il dispose pour avoir été mis dans le débat (Cass., com., arrêt du 7 mars 1995, n° 495 D).

L'intention frauduleuse doit être établie, sinon il y a seulement mutation secrète de certains éléments du fonds et non dissimulation de prix.

  2. Preuve de la dissimulation de prix

93.Il appartient à l'administration d'établir l'existence de la dissimulation par tous les modes de preuve compatibles avec la procédure écrite (LPF, art. R* 195-1).

Lorsque des poursuites pénales sont engagées, l'infraction peut être établie par tout moyen, la valeur et la portée des moyens de preuve étant appréciées souverainement par le juge.

Ainsi, il a été jugé que, pour faire la preuve d'une dissimulation de prix, l'administration a le droit d'invoquer des faits et des actes auxquels le redevable poursuivi est demeuré étranger, dès lors que le tribunal y trouve des indices suffisamment nombreux et sérieux pour faire naître des présomptions déterminantes de la dissimulation (Cass. civ., 23 décembre 1953 ; BOED 6759).

De même, la jurisprudence précise :

- que l'existence d'une dissimulation de prix peut être démontrée à partir de déclarations faites par le redevable dans une autre procédure devant un officier de police judiciaire. Ainsi, dès lors qu'un tribunal a constaté que les propos tenus par le redevable devant un officier de police judiciaire se rapportaient sans équivoque et de manière formelle à une dissimulation de prix et que cette déclaration, provoquée dans le cadre d'un interrogatoire de police, a été librement consentie, le jugement rendu par ce tribunal n'encourt aucune critique au regard de l'article 1354 du Code civil (Cour de cassation, 15 février 1994, n° 444 D) ;

- que l'existence d'une dissimulation de prix peut résulter du constat par le juge que le vendeur avait admis avoir reçu une somme incluant le supplément de prix, même si l'acte secret n'a pas d'existence matérielle (Cass. civ., arrêt du 5 mars 1997, n° 403 P) ;

- que la saisie de documents indiquant avec précision les sommes effectivement déclarées à l'acte, ainsi que les modalités de paiement des soultes représentant la différence entre le prix payé et le prix déclaré, documents comportant des indications nombreuses, précises et concordantes sur la nature, les modalités et l'étendue de la dissimulation et corroborés par les déclarations concordantes des parties à l'acte devant des officiers de police judiciaire devaient être accueillis comme preuve de la dissimulation (Bourg-en-Bresse, 13 janvier 1969, Ind. 12086) ;

- que l'aveu de la dissimulation de prix, formel et non équivoque, fait par l'une des parties à un acte de vente à un officier de police judiciaire qui l'a consigné dans un procès-verbal d'audition est suffisant pour établir la dissimulation dès lors que cet aveu extra-judiciaire n'a pas été révoqué pour erreur de fait (Cusset, 31 janvier 1962, Ind. 10715).