B.O.I. N° 86 DU 4 OCTOBRE 2010
Section 2 :
Etendue de la garantie
1. PRISES DE POSITION DE PORTEE GENERALE
49.Les dispositions de portée générale prises par l'administration lui sont opposables, en cas de rehaussement, sous la seule réserve que ces dispositions interprètent les textes fiscaux au sens précédemment défini.
50.Cette garantie commence à courir au profit du contribuable à partir du moment où celui-ci fait application de la prise de position de l'administration dans sa déclaration ou lors de la détermination des bases servant au calcul d'impôts ou de taxes acquittés spontanément.
51.Aucun rehaussement fondé sur une interprétation différente ne peut donc être poursuivi aussi longtemps que l'administration n'a pas, par une nouvelle disposition de portée générale, modifié sa doctrine.
2. PRISES DE POSITION INDIVIDUELLES
52.Dès lors qu'un contribuable aura exposé clairement et avec sincérité la situation qui fait l'objet de sa demande, il ne pourra, tant que ni cette situation, ni la législation, la jurisprudence ou la doctrine administrative n'auront été modifiées, faire l'objet de rehaussement sur le point de droit réglé dans la réponse.
53.En d'autres termes, quelle que soit la nature de l'impôt en cause, une réponse qui serait erronée vaudrait prescription anticipée au profit du contribuable à compter de la date de cette réponse et jusqu'à ce que l'intéressé ait été officiellement avisé que la position donnée antérieurement comportait une erreur.
Il est entendu que la réponse adressée à un contribuable :
- ne lui apporte une garantie que sur le texte fiscal interprété et l'impôt expressément visé par sa demande ; elle est sans incidence sur les autres conséquences fiscales de l'opération pour laquelle la réponse individuelle est apportée, ni sur les autres impôts, droits ou taxes, le cas échéant, visés par le texte invoqué ;
- ne peut produire d'effet que dans le domaine strictement fiscal ; dès lors, dans la mesure où le service pourrait être amené à considérer que sa réponse au contribuable serait susceptible d'être invoquée par celui-ci pour faire valoir des droits dans un domaine autre que fiscal, il conviendrait de formuler expressément dans la réponse toutes les réserves nécessaires sur ce point.
54.En cas de changement dans la situation du contribuable ou de la législation après que la réponse a été adressée, celle-ci perd, ipso facto , toute valeur pour l'avenir sans qu'une notification du service soit nécessaire.
55.En revanche, si la réponse du service est périmée par un changement de doctrine ou par l'évolution de la jurisprudence, elle continue d'être opposable jusqu'à ce que l'administration ait publié sa nouvelle doctrine ou fait connaître les conséquences qu'elle entend tirer d'une décision juridictionnelle rendue contrairement à sa doctrine.
56.Enfin, il résulte des indications données plus haut :
- qu'un contribuable ne pourra en aucun cas se prévaloir de la réponse faite à une question posée d'une façon inexacte ou tendancieuse, puisque le bénéfice des dispositions de l'article L 80 A est expressément réservé aux contribuables de bonne foi ;
- qu'un contribuable ne peut se prévaloir que des réponses aux questions posées par lui-même ou par son représentant dûment mandaté.
TITRE 2 :
GARANTIE APPORTEE PAR UNE PRISE DE POSITION FORMELLE SUR L'APPRECIATION D'UNE SITUATION DE FAIT (ARTICLES L 80 B, L 80 C, L 64 B ET L 18)
Section 1 :
Garantie apportée par une prise de position formelle sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal Procédure de « rescrit général » (L 80 B 1°)
57.Les dispositions du 1° de l'article L 80 B, dénommées « procédure de rescrit général », constituent une extension de la garantie prévue par le 1 er alinéa de l'article L 80 A.
Elles ouvrent au contribuable la possibilité d'opposer à l'administration ses prises de position formelle sur l'appréciation de situations de fait au regard d'un texte fiscal.
Les dispositions instaurées par l'article 5 de la loi de modernisation de l'économie (n° 2008-776 du 4 août 2008) ont renforcé ce dispositif en assortissant d'un délai de trois mois, la réponse de l'administration lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un contribuable de bonne foi. Les paragraphes n° 82 à 94 apportent des précisions sur ces points.
Sous-Section 1 :
Champ d'application
58.Aux termes de l'article L 80 B 1°, il ne peut être procédé à aucun rehaussement d'impositions si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal par un contribuable de bonne foi et s'il est démontré que l'appréciation faite par le contribuable a été antérieurement formellement admise par l'administration.
59.La garantie prévue à l'article L 80 B 1° ne peut être utilement invoquée lorsque l'imposition contestée constitue une imposition primitive.
La jurisprudence a régulièrement rappelé et précisé ce point. Ainsi, par exemple :
- un contribuable n'est pas fondé à se prévaloir à l'appui de sa contestation de la taxe foncière à laquelle il a été assujetti, s'agissant d'une imposition primitive, des dispositions précitées de l'article L 80 B, qui ne visent que le cas de rehaussements d'impositions antérieures (CE, arrêt du 2 octobre 2006, n° 270954) ;
- une position prise en vertu de l'article L 80 B n'emporte par elle-même aucun effet de droit sur l'assujettissement ou non d'un contribuable à une imposition primitive quelle qu'elle soit (CE arrêt du 26 mars 2008 n° 278858, 3 e et 8 e s.-s., Association Pro-Musica).
60.Comme le 1 er alinéa de l'article L 80 A, l'article L 80 B 1° :
- est applicable à tous les impôts, droits et taxes assis et recouvrés en vertu des dispositions du code général des impôts, ainsi qu'aux taxes dont tout ou partie des règles d'assiette et de recouvrement sont précisées par référence à des règles définies par le code précité ;
- ne s'applique pas aux taxes affectées qui ne figurent pas dans le code général des impôts, auparavant dénommées taxes parafiscales (cf. en ce sens n° 10), ni aux taxes dont les règles d'assiette et de recouvrement ne sont pas précisées par référence à des règles définies par le code précité.
Sous-Section 2 :
Conditions d'application de la garantie prévue par l'article L 80 B 1°
1. EXISTENCE D'UNE PRISE DE POSITION FORMELLE DE L'ADMINISTRATION
1-1. Caractéristiques de la prise de position
1-1-1. La prise de position doit être formelle
61.L'existence d'une position formellement admise par l'administration au sens de l'article L 80 B 1° résulte d'une réponse écrite signée par un fonctionnaire qualifié pour engager l'administration fiscale.
62.Il s'agira, en pratique, d'un agent ayant au moins le grade de contrôleur au sein de la DGFiP. En effet, seuls ces agents peuvent fixer les bases d'imposition ou notifier des rehaussements (CGI, ann. III, art. 350 terdecies).
63.La prise de position peut être considérée comme formelle dès lors qu'elle est suffisamment explicite, précise et non équivoque (CE, arrêt du 29 décembre 2004 n° 255831, 3 e et 8 e s.-s., Haensel, CE, arrêt du 4 août 2006 n° 271525, 10 e et 9 e s.-s., Caisse fédérale du crédit mutuel Centre Est Europe, CE, arrêt du 30 mai 2007 n° 274477, 10 e et 9 e s.-s., Boscher).
64.De plus, la prise de position doit avoir été portée officiellement à la connaissance du contribuable.
65.Les courriers électroniques (courriels) de l'administration en réponse aux questions formulées par un contribuable ne peuvent pas, en principe, être invoqués par ce dernier sur le fondement de l'article L 80 B (cf. en ce sens, paragraphes n° 41 et 42).
66.La jurisprudence permet de préciser la notion de prise de position formelle au sens de l'article L 80 B 1°. Le Conseil d'Etat a indiqué que cette dernière ne pouvait être retenue dans les cas suivants :
- cas où l'administration établit l'imposition primitive conformément à la déclaration souscrite par le contribuable et procède ultérieurement à un rehaussement : l'établissement de l'imposition primitive ne saurait être assimilé à une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait (en ce sens : CE, arrêt du 22 janvier 1982, n° 17856) ;
- dans le même esprit, une décision du comptable des impôts de procéder, lors de l'enregistrement d'une convention de quasi-usufruit portant reconnaissance d'un don manuel, à la liquidation du seul droit fixe, n'a pas constitué une prise de position opposable à l'administration privant celle-ci du droit d'exiger et de percevoir les droits de mutation au moment de la déclaration du donataire (Cass. com. 4 décembre 2007 n° 06-19.251 (n° 1308 F-D), Portier) ;
- la circonstance que pour des années prescrites ou lors d'une précédente vérification l'administration n'ait pas relevé des irrégularités ne saurait constituer une appréciation formelle d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (en ce sens : CE, arrêt du 19 décembre 1969, n° 74612 ; CE, arrêt du 9 mai 1973, n° 86128 ; CE, arrêt du 5 décembre 1983, n° 32180 ; CE, arrêt du 24 février 1988, n° 65430 ; CE, arrêt du 26 novembre 2007, n° 276262) ;
- le visa apposé par l'administration fiscale sur le certificat prévu à l'article 242 terdecies I de l'annexe II au code général des impôts pour les acquisitions intracommunautaires de moyens de transport, délivré sur le fondement d'un contrôle de forme des documents présentés, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, sans avoir pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la TVA, n'emporte pas prise de position formelle sur le fondement de l'article L 80 B opposable par un contribuable sur l'appréciation de sa situation de fait au regard de la loi fiscale (CE 29 octobre 2008 n° 292894, SA Nord Distribution Automobile-SE).
1-1-2. La prise de position doit être antérieure
67.La prise de position dont se prévaut le contribuable pour contester l'imposition supplémentaire mise à sa charge doit avoir été exprimée antérieurement à la date d'expiration du délai de déclaration dont il disposait ou, en l'absence d'obligation déclarative, antérieurement à la date de mise en recouvrement de l'imposition primitive à laquelle est assimilée la liquidation spontanée de l'impôt.
68.Il est fait exception à cette règle pour l'ensemble des impôts locaux, y compris la taxe professionnelle et la cotisation foncière des entreprises 9 , à l'exception de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises 10 , pour lesquels la condition d'antériorité doit être appréciée à la date du fait générateur de l'impôt.
1-1-3. La prise de position doit concerner le contribuable lui-même
69.Un contribuable ne peut se prévaloir, pour son cas personnel, de l'appréciation d'une situation de fait concernant d'autres contribuables (CE, arrêt du 15 janvier 1982, n° 22923), sauf s'il a participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation (CE, arrêt du 17 juin 1996, n° 145594 ; CE, arrêt du 17 février 1997 ; n° 165538 ; CE 20 octobre 2004 n° 249978, SA Ets François Meunier).
1-2. Auteur de la prise de position
70.La prise de position peut émaner du service auprès duquel le contribuable est tenu de souscrire ses obligations déclaratives, de la direction dont dépend ce service, comme des services centraux de la direction générale des finances publiques
1-3. Exemples (liste non exhaustive)
1-3-1. Cas où il peut y avoir prise de position formelle
71.L'administration est conduite à apprécier les situations de fait dans les cas suivants :
- au titre du rescrit général : par une réponse particulière individuelle (cf. modalités de mise en œuvre de l'article 5 de la loi de modernisation de l'économie n° 84 et suivants) ;
- dans le cadre du contrôle fiscal , les propositions de rectification ou les réponses aux observations du contribuable peuvent constituer des supports d'une prise de position formelle.
• Ainsi, les rehaussements proposés par le vérificateur, ceux qu'il maintient et ceux qu'il abandonne à la suite de l'acceptation expresse des arguments du contribuable, formalisent des prises de position qui engagent l'administration dans les conditions prévues supra.
• Sous certaines conditions définies au BOI 13 L-3-05 du 30 juillet 2005, l'administration peut par ailleurs prendre formellement position sur des points examinés en cours d'une vérification de comptabilité et qui n'ont pas donné lieu à des rectifications.
- La jurisprudence a précisé que la fixation par taxation d'office d'une imposition mise en recouvrement constitue, quand bien même elle aurait été suivie d'un dégrèvement, une imposition antérieure qui permet à un contribuable d'opposer à l'administration fiscale qui entend la rehausser la position qu'elle avait formellement prise sur l'appréciation de sa situation de fait au regard de la loi fiscale (Cass. Com, arrêt du 7 mars 2000) ;
- lors de la procédure contentieuse . Ainsi, lorsque l'administration indique expressément qu'elle entend retenir les observations d'un contribuable selon lesquelles certaines dépenses contestées avaient été engagées pour la sauvegarde de son revenu imposable et que les sommes avaient effectivement bénéficié à la société, elle prend une position formelle sur une situation de fait du contribuable à la date de leur engagement (CAA Nantes, arrêt du 30 décembre 2005, n° 03-1032 et 05-869).
1-3-2. Absence de prise de position formelle
72.En revanche, lorsque le service agit sur le plan gracieux, la décision prise à ce titre ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait.
Il en est ainsi par exemple d'une décision de dégrèvement gracieux ou d'une proposition de transaction ou d'un abandon non motivé des redressements envisagés à l'encontre d'autres entreprises ayant participé à la même transaction que le contribuable (CE, arrêt du 14 janvier 2008, n° 297221).
73.Une réponse apportée par l'administration fiscale ne peut être considérée comme formelle dès lors qu'elle n'est pas suffisamment précise, explicite, ferme et non équivoque.
Le Conseil d'Etat a, par exemple, précisé qu'une lettre par laquelle un directeur des services fiscaux, en réponse à une demande de l'expert-comptable du contribuable, qualifie de commerciale l'activité informatique exercée par ce dernier, tout en indiquant que la frontière entre commercial et non commercial n'est pas nette, qu'il faut tenir compte des conditions de fait de l'exercice de l'activité et qu'il appartient au contribuable de se déterminer lui-même, ne constitue pas, compte tenu de ses termes, une prise de position formelle au sens de l'article L 80 B sur la nature commerciale ou non de l'activité exercée (CE, arrêt du 29 décembre 2004, n° 255831).
74.Les simples recommandations internes faites au service ne constituent pas une prise de position formelle (rapprocher CE, arrêt du 19 février 1986, n° 58488).
75.Il en est de même concernant les visas de l'administration fiscale quand il s'agit d'un document purement déclaratif (CAA Bordeaux, arrêts du 23 novembre 2006, n° 03-1693 et du 5 juillet 2007, n° 05-2091).